Après une procédure budgétaire placée sous le sceau de l’instabilité politique, l’Assemblée nationale et le Sénat sont parvenus le 23 janvier dernier à un accord en commission mixte paritaire sur la loi de finances 2025.
La loi ainsi votée a été déférée au Conseil constitutionnel à la suite de deux recours déposés les 6 et 7 février dernier, respectivement par plus de soixante députés du Rassemblement national et de la France insoumise.
Les Sages se sont ainsi prononcés ce jeudi 13 février 2025 sur les griefs des députés.
Au total, neuf cavaliers budgétaires ont été censurés en ce qu’ils ne pouvaient figurer dans la loi de finances, un article a été censuré car introduit en commission mixte paritaire sans qu’il n’ait été en relation avec des dispositions restant à discussion, et dix dispositions ont été jugées conformes à la Constitution.
Plus précisément, les Sages étaient saisis sur des griefs relatifs à la procédure d’adoption de la loi et sur des dispositions de fond, dont certaines intéressent au premier chef les collectivités territoriales.
Sur la procédure d’adoption du projet de loi de finances (PLF), les députés soulevaient notamment le non-respect du délai fixé à l’article 48 de la loi organique du 1er août 2001 qui impose au Gouvernement de présenter avant le 15 juillet 2024 le rapport indiquant, entre autres, les plafonds de crédits envisagés pour l’année à venir, l’état de prévision de l’objectif d’évolution de la dépense des administrations publiques et des montant prévus des concours aux collectivités territoriales.
Le Conseil constitutionnel a rejeté ce grief en s’attachant à rappeler que « compte tenu des circonstances exceptionnelles ayant conduit à la formation tardive du Gouvernement, de la date de dépôt effective du projet de loi de finances et de ses conditions d’examen », il n’en a pas résulté « d’atteinte substantielle aux exigences de clarté et de sincérité du débat » (considérant 7).
Parmi les mesures déférées au contrôle des Sages et intéressant les collectivités territoriales figuraient le gel de la fraction de Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) transférée aux collectivités et la création d’un mécanisme de lissage conjoncturel des recettes fiscales.
En premier lieu, l’article 109 du PLF gèle la fraction de TVA transférée aux collectivités territoriales à la suite des nombreux mouvements intervenus en matière de fiscalité locale ces dix dernières années.
Selon les travaux préparatoires de la loi, le gel réduirait les recettes des collectivités de 1,2 milliards d’euros, ce qui représente un total de 0,35 % de leurs « ressources propres » entendu au sens de l’article L. O 1114-4 du Code général des collectivités territoriales. Le Conseil constitutionnel a considéré que cette réduction de leurs ressources n’est pas d’une ampleur telle qu’elle entraverait le principe de libre-administration (considérants 73 à 82).
Cette position n’est pas surprenante compte-tenu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Celui-ci ne censure que rarement des dispositions qui, même si elles contraignent les finances des collectivités territoriales, n’ont pas pour effet d’entraver leur libre-administration (pour exemple décision n° 90-277 DC du 25 juillet 1990).
En second lieu, la création du « DILICO », un dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales permettant la création d’un fonds d’un milliard d’euros abondé par la contribution de près de 2000 collectivités territoriales. Si 90 % des contributions seront redistribuées aux collectivités, les 10 % restants abonderont les différents fonds de péréquation des collectivités.
Le Conseil constitutionnel a jugé le dispositif conforme à la Constitution dans la mesure où il s’inscrit dans la contribution des collectivités à la réduction des déficits publics, où la contribution est répartie entre les collectivités selon leur population, leurs ressources et leurs charges, sans qu’elle n’excède 2% des recettes réelles de fonctionnement de leur budget principal, et dès lors que les fonds seront reversés en grande partie aux collectivités territoriales (considérants 100 à 107).
C’est donc sur une décision de non-conformité partielle, qui permet tout de même au Président de la République de promulguer la loi expurgée des dispositions censurées, que s’achève le marathon budgétaire de la loi de finances.