le 30/06/2020

Fiche sur l’adaptation des procédures collectives durant la crise sanitaire

A – Ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020

 

L’ordonnance du 27 mars 2020 adapte les dispositions du Code de commerce relatives aux procédures de traitement des entreprises en difficulté en cette période de crise sanitaire.

 

La modification des règles relatives à l’ouverture de la procédure

 

Une entreprise peut demander l’ouverture d’une procédure de conciliation ou une procédure collective par une remise au greffe, étant précisé que seul le débiteur peut demander l’ouverture d’une telle procédure.

Par ailleurs, l’ordonnance précise que l’état de cessation des paiements est apprécié en considération de la situation du débiteur à la date du 12 mars 2020, et ce jusqu’au 23 août 2020 (modifié par l’ordonnance du 20 mai 2020). Ainsi, les entreprises peuvent bénéficier des mesures ou procédures préventives telles que la procédure de conciliation ou la procédure de sauvegarde, même si elles ont été en état de cessation des paiements après le 12 mars. Enfin, l’un des intérêts majeurs de cette mesure est d’éviter au débiteur s’exposer à des sanctions personnelles pour avoir déclaré tardivement l’état de cessation des paiements.

 

Les mesures relatives aux procédures et aux plans de maintien de l’activité

 

L’ordonnance prévoit que la durée de la conciliation est prolongée de plein droit de trois mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. Cette mesure a pour objectif de pallier le risque d’inertie des négociations avec les créanciers pendant la période couverte par la loi d’urgence. Cependant, cette prolongation de plein droit n’est pas applicable au mandat ad hoc.

Notons aussi que le président du Tribunal a la possibilité de prolonger les délais imposés à l’administrateur judiciaire, au mandataire judiciaire ou au liquidateur d’une durée équivalente à la durée de la période de l’état d’urgence sanitaire plus trois mois. La requête peut être formée jusqu’à l’expiration d’un délai de trois mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.

S’agissant de la période d’observation, l’ordonnance prévoit que la durée de la période d’observation est prolongée jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois après la date de fin de l’état d’urgence sanitaire et pour une durée équivalente à celle de la période de l’état d’urgence sanitaire plus un mois.

Enfin, la durée des plans de sauvegarde et de redressement peut être prolongée par le Tribunal jusqu’à l’expiration d’un délai de 3 mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. En effet, ceux-ci peuvent être prolongées pour une durée de 3 mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire sur requête du commissaire à l’exécution du plan ou d’une durée maximale d’un an sur requête du ministère public. Par ailleurs, la durée des plans de sauvegarde et de redressement peut être prolongée par le tribunal après l’expiration du délai de 3 mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, sur requête du ministère public ou du commissaire à l’exécution du plan d’une durée maximale d’un an. Ainsi, les plans pourront donc dépasser la durée de principe de 10 ans prévue par l’article L. 626-12 du Code de commerce.

 

B – Ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020

 

Cette ordonnance consolide les dispositions de l’ordonnance du 27 mars et adapte les dispositions du livre IV du Code de commerce afin de les rendre plus efficaces pour traiter les difficultés des entreprises face à la crise.

 

La procédure d’alerte

 

L’ordonnance du 20 mai 2020 renforce l’information du président du Tribunal dans le cadre de la procédure d’alerte. Lorsqu’il apparait au commissaire au compte que l’urgence commande l’adoption de mesures immédiates et que le dirigeant s’y refuse, il peut en informer le président du tribunal compétent dès la première information faite au dirigeant.

Ainsi, le président du Tribunal sera informé par tout moyen et sans délai des constats et démarches du commissaire aux comptes qui lui adressera la copie de tous les documents utiles à cette information ainsi que l’exposé des raisons qui l’ont conduit à constater l’insuffisance des décisions prises.

Enfin, le commissaire aux comptes peut également, et à tout moment, demander à être entendu par le président du tribunal et sera alors délié du secret professionnel envers ce dernier.

Cette disposition est applicable jusqu’au 31 décembre 2020 inclus.

 

La procédure de conciliation

 

Lorsqu’un créancier appelé à la conciliation n’accepte pas la demande du conciliateur de suspendre l’exigibilité de sa créance pendant la durée de la procédure, le débiteur peut demander au président du Tribunal :

  • d’interrompre ou d’interdire toute action en justice de la part du créancier tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ou à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent ;
  • d’arrêter ou d’interdire toute procédure d’exécution de la part de ce créancier tant sur les meubles que sur les immeubles ;
  • de reporter ou d’échelonner le paiement des sommes dues.

Les mesures ordonnées par le président du tribunal ne produisent leur effet que jusqu’au terme de la mission confiée au conciliateur.

Enfin, notons que le débiteur peut aussi demander au juge qui a ouvert la procédure de conciliation de reporter ou échelonner la créance dans la limite de deux années, en application de l’article 1343-5 du Code civil avant toute mise en demeure ou poursuite à l’égard d’un créancier qui n’a pas accepté la demande faite par le conciliateur de suspendre l’exigibilité de la créance.

Cette disposition est applicable jusqu’au 31 décembre 2020 inclus.

 

La procédure de sauvegarde accélérée

 

Cette procédure est applicable même si le débiteur est en cessation de paiement depuis plus de 45 jours avant la date de la demande d’ouverture de la période de conciliation. Les conditions d’ouverture de la procédure de sauvegarde accélérée sont donc élargies.

A défaut de plan arrêté dans un délai de 3 mois après le jugement d’ouverture, le tribunal peut :

  • Ouvrir une procédure de redressement judiciaire, si les conditions de l’article L. 631-1 du Code commerce sont réunies ;
  • Prononcer la liquidation judiciaire, si les conditions de l’article L. 640-1 du Code de commerce sont réunies.

 

Le plan de sauvegarde

 

Sur requête du ministère public ou du commissaire à l’exécution du plan, le tribunal peut prolonger la durée du plan arrêté pour une durée maximale de deux ans. Lorsque le plan fait l’objet d’une prolongation, le président du tribunal peut adapter les délais des paiements initialement fixés par le tribunal à la durée du plan qu’il prolonge ou a prolongée. La durée maximale du plan arrêté par le tribunal conformément est portée à douze ans. Lorsque le débiteur est une personne exerçant une activité agricole, la durée maximale est de dix-sept ans.

Lorsque la demande de modification substantielle du plan porte sur les modalités d’apurement du passif, le défaut de réponse des créanciers intéressés   vaut acceptation des modifications proposées, sauf s’il s’agit de remises de dettes ou de conversions en titres donnant ou pouvant donner accès au capital.

Les personnes qui consentent un nouvel apport de trésorerie au débiteur pendant la période d’observation et celles qui s’engagent, pour l’exécution du plan de sauvegarde ou de redressement bénéficient du privilège de sauvegarde ou de redressement dans la limite de cet apport. Le jugement qui arrête ou modifie le plan mentionne chaque privilège ainsi constitué et précise les montants garantis. Il est notifié par le greffier à ces créanciers.

Les créanciers bénéficiant du privilège de sauvegarde ou de redressement sont payés par privilège avant toutes les autres créances et ne peuvent faire l’objet de remises ou de délais qui n’auraient pas été acceptés par les créanciers.

Cette disposition est applicable jusqu’au 31 décembre 2020 inclus.

 

La procédure de liquidation judiciaire

 

La procédure de liquidation judiciaire simplifiée est ouverte à l’égard de toute personne physique dont le patrimoine ne comprend pas de biens immobiliers.

Par ailleurs, notons que la procédure de rétablissement professionnel sans liquidation est ouverte à tout débiteur personne physique, qui n’a fait l’objet d’aucune procédure collective en cours, qui n’a employé aucun salarié au cours des 6 derniers mois et dont l’actif déclaré est inférieur à 15.000 euros.

 

Par My-Kim Yang-Paya et Elie Lelouche