le 16/09/2021

Expropriation : le Conseil d’Etat vient trancher une question importante sur les conditions pour exciper l’illégalité d’une DUP

CE, 4 août 2021, n° 429800

Le Conseil d’Etat a rendu un arrêt très attendu par les spécialistes de droit de l’expropriation, tranchant le point de savoir si, à l’appui d’un recours en annulation contre un arrêté de cessibilité, un requérant pouvait soulever certains moyens de légalité externe tiré de l’exception d’illégalité de l’arrêté prononçant la déclaration d’utilité publique d’un projet d’aménagement ou de construction.

Pour revenir sur la genèse de la problématique, par un arrêt d’Assemblée rendu le 18 mai 2018, le Conseil d’Etat avait jugé qu’à l’appui d’un recours contre un acte administratif s’appuyant sur un acte règlementaire antérieur formant avec lui une opération complexe, « si […] la légalité des règles fixées par l’acte réglementaire, la compétence de son auteur et l’existence d’un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n’en va pas de même des conditions d’édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l’acte réglementaire lui-même et introduit avant l’expiration du délai de recours contentieux » (CE, 18 mai 2018, Fédération des finances et affaires économiques de la CFDT, n° 414583).

Cette jurisprudence récente du Conseil d’Etat est venue désormais empêcher la contestation perpétuelle de vices de procédure ou de forme dont seraient entachés des actes règlementaires par le recours à la technique de l’exception d’illégalité.

Toute la question était alors de savoir si cette jurisprudence était applicable au cas dans lequel des vices de forme ou de procédure entachant un arrêté de DUP pouvaient être soulevés, par voie d’exception, à l’appui d’un recours contre l’arrêté de cessibilité.

La Cour administrative d’appel de Nancy avait tranché cette question en indiquant que la jurisprudence du Conseil d’Etat « Fédération des finances et affaires économiques de la CFDT » s’appliquait, ce qui impliquait que des moyens de légalité externe contre la DUP ne pouvaient être soulevés à l’appui d’un recours contre l’arrêté de cessibilité (CAA Nancy, 27 décembre 2019, n° 18NC03397). D’autres juridictions sont allées dans le même sens (voir notamment : TA Châlons-en-Champagne, 5 juillet 2018, n° 1700746).

A l’inverse, d’autres juridictions du fond ont pu considérer que les moyens de légalité externe contre la DUP peuvent être soulevés dans le cadre d’un recours contre l’arrêté de cessibilité (TA Poitiers, 14 mars 2019, n° 1702490).

C’est donc cette dernière position que retient le Conseil d’Etat, en formation de chambres réunies. Précisons que la Haute juridiction administrative était saisie dans ce contentieux en premier et dernier ressort.

Si l’arrêt ne contient pas de considérant de principe sur le sujet de l’exception d’illégalité, le Conseil d’Etat accepte toutefois de trancher les moyens de légalité externe soulevés par voie d’exception contre l’arrêté de DUP, en l’occurrence les moyens tirés de l’insuffisance de l’étude d’impact et de la nécessité de conduire une nouvelle enquête publique compte tenu de l’augmentation du coût du projet depuis 2008.