Environnement, eau et déchet
le 08/09/2022
Pauline DELETOILLEPauline DELETOILLE

Espèces protégées : précisions sur l’autorité compétente pour délivrer une dérogation

CE, 29 juillet 2022, Association "Non aux éoliennes entre Noirmoutier et Yeu" et a., n° 443420

Le Conseil d’Etat apporte un éclairage s’agissant de l’autorité administrative compétente pour délivrer une dérogation aux interdictions de destruction d’espèces de flore et de faune sauvages protégées.

Cette décision intervient dans le cadre de l’exploitation du parc éolien en mer au large des îles d’Yeu et de Noirmoutier. Par un arrêté du 19 décembre 2018, le Préfet de la Vendée a autorisé la société exploitante Éoliennes en Mer Iles d’Yeu et de Noirmoutier à déroger à l’interdiction de destruction et de perturbation intentionnelle de plusieurs spécimens d’espèces animales protégées mentionnées à l’article L. 411-1 du Code de l’environnement. Deux associations ont demandé l’annulation de cet arrêté auprès de la Cour administrative d’appel de Nantes, qui rejette le recours par un arrêt en date du 3 juillet 2020.

Saisi en cassation, le Conseil d’Etat valide la légalité de l’arrêté litigieux et se prononce également sur la question de la compétence du préfet.

En droit, si l’article R. 411-6 du Code de l’environnement prévoit une compétence de principe en faveur du préfet territorialement compétent s’agissant des dérogations aux interdictions de destruction des espèces protégées, le Ministre chargé de la protection de la nature devient compétent par exception dans certains cas spécifiques, comme celui de l’article R. 411-8 du Code de l’environnement invoqué dans l’affaire qui nous occupe. Toutefois, la compétence du Ministre est soumise à deux conditions :

  • d’une part, doivent être concernés par la demande de dérogation les animaux appartenant à une espèce de vertébrés protégée, menacée d’extinction en France en raison de la faiblesse, observée ou prévisible, de ses effectifs et dont l’aire de répartition excède le territoire d’un département (listés par l’arrêté du 9 juillet 1999);
  • d’autre part, cette demande doit porter sur une des opérations suivantes : enlèvement, capture, destruction, transport en vue d’une réintroduction dans le milieu naturel, destruction, altération ou dégradation du milieu particulier des espèces précitées.

En l’espèce, les associations requérantes considéraient que l’arrêté litigieux aurait dû être pris par le Ministre. Le Conseil d’Etat valide cependant la compétence du préfet en la matière. Il retient en premier lieu que si l’arrêté préfectoral prévoit une autorisation de perturbation intentionnelle de deux spécimens d’espèces protégées visées à l’article R. 411-8 du Code de l’environnement, ce type d’opération ne figure pas à cet article. En second lieu, si l’arrêté autorise en revanche la destruction de certaines espèces protégées, ces dernières ne sont pas au nombre des espèces à compétence ministérielle en vertu de l’arrêté du 9 juillet 1999.

Le Haute juridiction considère ainsi que les dispositions de l’article R. 411-8 du Code de l’environnement ne confient pas au ministre « une compétence de principe pour délivrer les dérogations pour toutes les autres opérations concernant ces espèces, pour lesquelles l’article R. 411-6 renvoie au préfet de département ». En somme, la compétence du Ministre ne s’impose que si les critères de l’article R. 411-8 du Code de l’environnement sont remplis cumulativement, à défaut de quoi la compétence revient au préfet.

Par suite, le Préfet de la Vendée était bien compétent pour édicter l’arrêté litigieux.