le 25/02/2020

Engagement et Proximité : vers une consécration de la vie politique locale et du droit des élus locaux ?

Loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique

Rapport de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, n° 2499 rectifié

 

La loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique (loi « Engagement et proximité ») du 27 décembre 2019 a pour but principal de lutter contre la fracture territoriale, valoriser la démocratie locale et la place des élus.

Après un accord en commission mixte paritaire (CMP), le 11 décembre, le Sénat puis l’Assemblée Nationale, les 11 et 19 décembre, ont définitivement adopté le projet de loi selon la procédure accélérée choisie par le gouvernement.

C’est dans un contexte particulier que ce texte trouve à s’appliquer pour la première fois, puisque les élections municipales des 15 et 22 mars prochain permettront d’en mesurer les premiers résultats, l’un des objectifs proclamés étant d’inciter les candidats dans les territoires ruraux.

Cette loi porte sur de nombreuses mesures telles que le développement des pouvoirs d’astreinte et d’amende du Maire ou encore la meilleure prise en charge des élus, dont l’efficacité devra être appréciée à moyen terme.

Au niveau des intercommunalités, la loi Engagement et Proximité opère également des modifications, dont les mesures phares tendent à renforcer le rôle des communes et des maires au sein des EPCI, à moderniser le fonctionnement institutionnel ainsi qu’à remanier les compétences exercées.

 

La revalorisation du poste d’élu

Un des volets essentiels du texte est l’amélioration des conditions d’exercice du mandat des élus, notamment pour ceux des petites communes ou ceux confrontés à des situations de handicap.

Un ensemble de mesures ont ainsi été prises mais la plus emblématique porte sur une revalorisation des indemnités et de la prise en charge des Maires et des adjoints.

En premier lieu, de manière différenciée, les indemnités des maires et des adjoints sont revalorisées dans les communes de moins de 3 500 habitants. Dans les communes de moins de 500 habitants la hausse sera de 50%, dans les communes qui ont entre 500 et 999 habitants, elle sera de 30% et dans les communes entre 1000 et 3499 habitants, elle sera de 20%. Cette évolution entre en vigueur dès le prochain mandat, soit 2020-2026. Cependant, le maire dispose dans les communes de moins de 3 500 habitants du droit d’avoir l’indemnité au taux maximal ou de faire voter par le conseil municipal une indemnité inférieure aux barèmes.

S’agissant des élus communautaires, les EPCI à fiscalité propre doivent désormais chaque année établir un état présentant l’ensemble des indemnités de toutes natures dont bénéficient les élus siégeant dans leur conseil, communiqué chaque année aux conseillers communautaires avant l’examen du budget de l’EPCI. Il est également prévu, dans les EPCI de 50 000 habitants et plus, la possibilité de moduler le montant des indemnités de fonction que l’organe délibérant alloue à ses membres en fonction de leur participation effective aux séances plénières et aux réunions des commissions dont ils sont membres. Est également supprimée la condition de ne pas bénéficier d’indemnités pour obtenir le remboursement des frais spécifiques de déplacement.

En deuxième lieu, pour faciliter la vie de ces élus, la loi vise à prendre en charge les frais de garde d’enfant et d’accompagnement des personnes à charge. Ces dispositions nouvelles permettent à l’élu de se libérer plus facilement pour faire vivre la vie politique locale. L’Etat compensera cette dépense dans les communes de moins de 3 500 habitants.

Les élus intercommunaux en situation de handicap pourront bénéficier d’un régime semblable à celui des élus communaux concernant le remboursement de frais spécifique de déplacement, d’accompagnement et d’aide technique.

Un autre volet de la loi porte davantage sur la protection même du statut de l’élu.

Dorénavant, les communes sont obligées de souscrire des contrats d’assurance tenant à la protection juridique des maires, adjoints, élus ayant reçu une délégation. Dans les communes de moins de 3 500 habitants l’Etat compensera ces dépenses obligatoires en fonction d’un barème.

Enfin, la loi vise à valoriser un élu qui exercerait une activité professionnelle en parallèle de son activité d’élu local. En effet, en début de mandat, le salarié élu s’entretient avec son employeur pour fixer les conditions dans lesquelles il sera amené à concilier ses deux activités. La loi élargit à tous les adjoints la possibilité de cesser toute activité professionnelle pour exercer leur mandat local et il est consacré dans le Code du travail un principe de non-discrimination pour les élus ayant une activité professionnelle.

 

La simplification dans le fonctionnement des organes

Le deuxième volet de cette loi tend à simplifier le fonctionnement du conseil municipal, afin de rendre l’exercice du mandat plus accessible.

Une des mesures principales repose sur la question des délégations du maire.

Avant la loi engagement et proximité, le maire devait respecter un certain ordre en cas de délégation d’une partie de ses compétences : l’article L. 2122-18 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoyait que « Le maire est seul chargé de l’administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l’absence ou en cas d’empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d’une délégation, à des membres du conseil municipal ». Cet article imposait un ordre de désignation au profit des adjoints du maire, puis dans un second temps au profit des membres du conseil municipal.

La loi de 2019 supprime ce principe et prévoit que les adjoints ne sont plus prioritaires dans l’attribution des délégations de compétences. Le maire peut donc désormais choisir de donner délégation indifféremment aux adjoints ou aux membres du conseil municipal.

D’autres mesures sont intervenues et tendent à faciliter le fonctionnement des organes locaux, notamment dans les petites communes.

La composition des conseils municipaux a évolué et tend à favoriser les plus petites communes lorsque le nombre de candidats est restreint. Dans les communes de moins de 100 habitants, le conseil municipal sera réputé complet dès lors que 5 (auparavant 7) conseillers au moins ont été élus et 9 conseillers dans les communes de 100 à 499 habitants (auparavant 11). Dans les cas où une vacance est constatée après le 1er janvier de l’année qui précède le renouvellement du conseil, il n’est procédé aux élections nécessaires que si le conseil a perdu au minimum un tiers de ses membres.

Les députés ont renoncé à l’extension du scrutin de liste aux communes de 500 à 1 000 habitants. Le texte adopté prévoit qu’une modification du code électoral interviendra lavant le 31 décembre 2021 pour étendre l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives dans les communes et leurs groupements. Dans le cas où un poste d’adjoint serait vacant, il revient à l’adjoint de même sexe et de même rang de reprendre le poste.

La loi tend également à développer la démocratie locale, mais son rapport reste limité. En effet, lorsqu’un dixième des membres du conseil municipal décide d’organiser un débat de politique générale, il est organisé lors de la réunion suivante du conseil municipal. Cependant, cette faculté est limitée à une fois par an. Dans les communes de plus de 3 500 habitants, chaque bourg, hameau ou groupement de hameaux peut être doté par le conseil municipal, sur demande de ses habitants, d’un conseil facultatif.

 

Le renforcement des pouvoirs de police du maire

Le Code général des collectivités territoriales organise les pouvoirs du maire (art. L. 2112-2). Le maire doit assurer dans sa commune le bon ordre, la sûreté et la salubrité publiques. Pour exercer ces missions, le maire dispose d’un pouvoir de police administrative générale et d’un pouvoir de police administrative spéciale.

En matière de police administrative spéciale, le maire peut prononcer des astreintes. Par exemple, en matière de fermeture des établissements recevant du public menaçant ruine, le maire après mise en demeure demeurée sans effet, peut ordonner la fermeture et imposer une astreinte au propriétaire qui peut s’élever jusque 500 euros par jour de retard et des amendes administratives dont le montant total exigible ne peut excéder 25 000 euros. Cette prérogative s’applique aussi lorsque ces arrêtés ne sont pas respectés en matière de fermeture des établissements recevant du public, d’urbanisme ou d’obligations de débroussaillement.

Le préfet peut, à la demande du maire lui déléguer son pouvoir en matière de fermeture administrative des débits de boissons, suivant des circonstances locales. De plus, chaque commune doit se doter d’une commission municipale des débits de boissons qui sera composée de représentants de services communaux, désignés par le maire, ainsi que des représentants des services de l’Etat désignés par le préfet de département et des représentants des organisations professionnelles représentatives des cafetiers. Le maire peut limiter la vente d’alcool sur le territoire de la commune et de nouvelles licences peuvent être créées dans les communes de plus de 3 500 habitants qui n’en disposent pas.

Le maire peut également prononcer des amendes, notamment contre les dépôts sauvages de déchets ou contre l’occupation sans titre du domaine public. Certains y ont vu la possibilité pour le maire de prononcer des amendes pour un certain nombre d’incivilités telles que l’occupation du domaine public. Des associations de défense aux personnes sans-abris ont redouté que les maires ne les utilisent contre elles. Cependant, les craintes ont été levées car les maires ne peuvent prononcer d’amendes à l’encontre d‘une personne qui a installé sur le domaine public des objets nécessaires à la satisfaction de ses besoins élémentaires.

 

Le rescrit préfectoral

A l’occasion du grand débat national organisé au printemps 2019, les élus locaux ont exprimé un besoin de renforcer la sécurité juridique de leurs décisions face à l’augmentation du nombre de litiges devant les juridictions. La loi de 2019 introduit une procédure dite de « rescrit préfectoral ». Ce rescrit permet aux collectivités d’interroger le préfet sur la régularité de leurs actes en amont d’une prise de décision et partant d’éviter les contentieux futurs au stade du contrôle de légalité. Cette demande doit être écrite et comporter la question de droit sur laquelle la prise de position est demandée, ainsi qu’un projet d’acte. Le préfet dispose d’un délai de trois mois pour répondre à la collectivité. A défaut, le silence gardé par le préfet vaut absence de prise de position formelle, sans conséquence juridique. Cependant, dans le cas où le préfet fournit une réponse, la décision lui sera opposable par la suite.

 

Le renforcement des communes et des maires au sein des intercommunalités

L’une des mesures les plus importantes de la loi Engagement et Proximité est de prévoir la mise en œuvre facultative d’un pacte de gouvernance et la généralisation des conférences des maires.

L’article 1er crée ainsi un article L. 5211-11-2 dans le CGCT rendant possible l’élaboration d’un pacte de gouvernance dans les EPCI afin d’associer plus étroitement les maires des communes membres à la gouvernance de l’intercommunalité.

Le même article crée également un article L. 5211-11-3 dans le CGCT prévoyant la création obligatoire d’une conférence des maires dans les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et les EPT, sauf lorsque le bureau de l’établissement public comprend déjà l’ensemble des maires des communes membres. Il s’agit d’une instance de coordination présidée par le président de l’EPCI qui se réunit sur un ordre du jour déterminé, à l’initiative du président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou, dans la limite de quatre réunions par an, à la demande d’un tiers des maires.

La loi comporte également à l’article 8 un droit à l’information des conseillers municipaux sur les affaires de leur EPCI, en particulier lorsqu’ils ne sont pas membres du conseil communautaire, en permettant ainsi de les rendre destinataires de droit de la convocation, de la note explicative de synthèse, du compte rendu du conseil communautaire, ainsi que du rapport annuel sur les orientations budgétaires de l’EPCI.

 

La modernisation du fonctionnement institutionnel

Plusieurs mesures ont également pour objet ou pour effet d’apporter de la souplesse dans le fonctionnement institutionnel des EPCI. Ainsi, le fonctionnement du conseil communautaire bénéficie de plusieurs évolutions parmi lesquelles l’organisation de conseils communautaires par téléconférence, à l’article 7 de la loi.

S’agissant des commissions thématiques intercommunales créées en application de l’article L. 2121-22, l’article L. 5211-40-1 du code général des collectivités territoriales relatif aux EPCI est modifié pour prévoir que, en cas d’empêchement, un membre de la commission peut être remplacé pour une réunion par un conseiller municipal de la même commune, désigné par le maire dans le respect du principe de la représentation proportionnelle.

Par ailleurs, l’organisation des conseils communautaires est simplifiée par les dispositions relatives à la dématérialisation de la convocation prévues à l’article 9 de la loi.

 

Un remaniement des modalités d’exercice des compétences

L’exercice même des compétences par l’EPCI est également modifié puisqu’un article 13 relatif aux compétences optionnelles supprime l’obligation dans les communautés de communes et les communautés d’agglomération de choisir des compétences optionnelles. Un article 21 relatif à l’intérêt communautaire permet de définir celui-ci à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés. La loi inscrit par ailleurs dans le Code général des collectivités territoriales, par son article 12, la procédure de restitution de compétences par un EPCI à ses communes membres.

En outre, des dispositions sont destinées à simplifier le droit applicable aux élus locaux dans la poursuite de leurs politiques publiques, et notamment un article 80 relatif à la suppression de l’obligation de créer divers conseils locaux et la production de certains rapports. Ainsi, le seuil pour la création obligatoire du conseil de développement dans les EPCI est relevé à 50 000 habitants et ce conseil peut être mutualisé au sein des pôles d’équilibre territoriaux ruraux. Par ailleurs, le président d’un EPCI à fiscalité propre n’a plus l’obligation d’établir, dans l’année suivant chaque renouvellement général des conseils municipaux, le rapport relatif aux mutualisations de services entre les services de l’EPCI et ceux des communes membres, l’établissement de ce rapport constituant désormais une faculté afin d’assurer une meilleure organisation des services.

Enfin, deux évolutions du droit matériel sont à relever particulièrement :

  • le mécanisme, dans les communautés de communes et d’agglomération, de la délégation de compétence en matière d’eau et d’assainissement au profit de leurs communes membres, prévu par l’article 14 de la loi selon un mécanisme de délégation dérogatoire au droit commun issu de l’article L. 1111-8 CGCT, d’une part,
  • la possibilité, pour les communes touristiques érigées en stations classées de tourisme membres d’une communauté de communes ou d’agglomération, de décider, par délibération et après avis de l’organe délibérant, de conserver ou de retrouver l’exercice de la compétence “promotion du tourisme, dont la création d’offices de tourisme”, énoncée à l’article 16 de la loi d’autre part.

 

Par Solenne Daucé, Aloïs Ramel, Mélissa Goasdoué et Camille Condamine