le 16/06/2016

En matière d’apologie de crimes de guerre ou contre l’Humanité, la publicité des propos doit être voulue par leur auteur

Cass. Crim., 15 déc. 2015, n° 14-86.132

En matière de délits de presse, la publicité des propos joue un rôle prépondérant. Encore faut-il s’entendre sur la définition que l’on retient de cette « publicité ».

C’est relativement à cette question que la Cour de cassation s’est prononcée dans cet arrêt rendu le 16 décembre dernier à propos d’un Maire, comparaissant du chef d’apologie de crimes de guerre ou contre l’humanité à l’encontre de gens du voyage, occupant un terrain appartenant à la commune et loué à des agriculteurs.

En l’espèce, le Député-Maire de ladite commune s’était rendu sur les lieux d’installation des gens du voyage pour leur exprimer son mécontentement, et s’en étaient suivis des échanges inamicaux, auxquels avaient également assisté des agriculteurs et fonctionnaires de police.

En réponse aux invectives qui lui étaient lancées, et aux saluts nazis qui lui étaient adressés, le Maire avait tenu les propos suivants, enregistrés puis diffusés par un journaliste : « Comme quoi Hitler n’en a peut-être pas tué assez, hein » ; ces propos lui valaient d’être cité à comparaître devant le Tribunal correctionnel du chef d’apologie de crimes de guerres ou de crimes contre l’Humanité.

Pour sa défense, le Maire invoquait notamment le fait que ce délit n’est constitué que si l’apologie a été commise dans le cadre d’un discours « proféré » ; or, les personnes auditionnées lors de l’enquête, fonctionnaires de police et agriculteurs locataires, n’avaient pas entendu les propos litigieux, seul un membre de la communauté des gens du voyage affirmant les avoir perçus en substance.

Le Maire estimait donc dans son pourvoi que la Cour d’appel s’était méprise en considérant le délit caractérisé au motif que les propos incriminés avaient été prononcés « publiquement et à voix suffisamment audible pour être enregistrés par une personne à laquelle sa phrase ne pouvait pas être précisément destinée ».

La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel et donne raison au Maire ; elle rappelle que les délits de presse soumis à publicité ne sont constituées « que si les propos incriminés ont été « proférés » au sens de l’article 23 de la loi sur la presse, c’est-à-dire tenus à haute voix dans des circonstances traduisant une volonté de les rendre publics ».

Peu importe donc la tenue des propos « en public » ou leur diffusion médiatique dès lors que seule compte la volonté de leur auteur de donner à ceux-ci une publicité.

Or, la Cour de cassation relève qu’en l’espèce « les propos ont été tenus par leur auteur dans des circonstances exclusives de toute volonté de les rendre publics » et acte ainsi la relaxe du Maire.

A noter que cet arrêt s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence la plus récente de la Cour de cassation en la matière, et notamment d’un arrêt de la Chambre criminelle rendu le 27 novembre 2012 dans une affaire similaire où le Ministre de l’Intérieur de l’époque s’était vu reprocher des propos susceptibles de constituer une injure à caractère racial.