Par un arrêt rendu le 14 mai 2025, la Cour administrative d’appel de Lyon a validé l’autorisation environnementale délivrée en 2019 à la Régie de Gaz et d’Électricité de Sallanches (RGE) pour la construction d’une centrale hydroélectrique sur la rivière de la Sallanche, en Haute-Savoie.
En l’espèce, la RGE a sollicité, en 2018, une autorisation environnementale pour créer une centrale hydroélectrique sur la rivière de la Sallanche. Le projet comprenait notamment une prise d’eau, une conduite forcée enterrée de 4,1 km, et une centrale située en contrebas. Le Préfet de Haute-Savoie a autorisé le projet par arrêté le 26 décembre 2019, déclarant également l’utilité publique de la servitude nécessaire au titre du Code de l’énergie.
L’association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes (FNE AURA) a demandé au Tribunal administratif de Grenoble d’annuler cet arrêté, principalement au regard des atteintes supposées à la continuité écologique du cours d’eau.
Par jugement du 6 décembre 2022, le tribunal administratif a annulé l’arrêté préfectoral, jugeant que le projet constituait un obstacle à la continuité écologique sur un tronçon classé en liste 1 (réservoir biologique) et a ordonné la remise en état du site.
La RGE et le ministère de la Transition écologique ont alors interjeté appel devant la Cour administrative d’appel de Lyon, demandant l’annulation du jugement.
1. S’agissant du motif d’annulation retenu en première instance et de l’impact du projet hydroélectrique sur l’hydrologie
Le tribunal avait annulé l’arrêté portant autorisation environnementale au motif que le projet modifierait substantiellement l’hydrologie du cours d’eau et qu’à ce titre, il constituerait un obstacle à la continuité écologique en application du 4° du I de l’article R. 214-109 du Code de l’environnement.
La Cour a alors retenu que la majeure partie du tronçon court-circuité par le projet se situait dans la partie du cours d’eau classée en liste 1, à savoir les cours d’eau ou parties de cours d’eau mentionnés au 1° du I de l’article L. 214-17 du CDE sur lesquels aucune autorisation ou concession ne peut être accordée pour la construction de nouveaux ouvrages s’ils constituent un obstacle à la continuité écologique, ainsi qu’en réservoir biologique.
Cependant, elle a jugé que le projet n’affectera pas de manière substantielle l’hydrologie du cours d’eau car elle a estimé que :
- Le débit réservé autorisé (80 l/s) est supérieur au débit minimum requis par l’article L. 214-18 du Code de l’environnement (40 l/s) afin de garantir en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces ;
- La réduction d’hydrologie alléguée (53 %) n’est pas démontrée ;
- Il existe des apports latéraux d’eau non court-circuités ;
- Des prescriptions imposant des mesures de suivi et d’aménagement sont prévues, notamment la restauration de la franchissabilité piscicole sur les seuils en aval, ainsi qu’un suivi hydrologique sur cinq ans.
Ainsi, selon la Cour le projet ne constitue pas un obstacle à la continuité écologique et c’est à tort que le tribunal a annulé l’arrêté litigieux pour ce motif.
2. S’agissant des autres moyens d’annulation soulevés
La Cour a écarté l’ensemble des moyens soulevés par l’association FNE AURA en jugeant que :
- Les délais de traitement du dossier prévus par l’article R. 181-17 du Code de l’environnement ont été respectés et les prorogations dûment motivées ;
- L’étude d’impact était suffisante :
- Elle comportait une analyse des incidences sur les milieux aquatiques et terrestres et notamment sur les espèces protégées présentes sur le site ;
- Les mesures d’évitement, de réduction et de compensation étaient exposées de manière circonstanciée ;
- Des solutions alternatives ont été examinées ;
- Le projet ne faisait pas partie des projets portant atteinte à l’état des masses d’eau soumis à dérogation spécifique (articles L. 212-1 et R. 212-16 du C. env.) :
- Le projet constituant seulement une dérivation et non un prélèvement d’eau, il n’induisait pas de détérioration substantielle des caractéristiques physiques du cours d’eau, les débits d’eau prélevés étant immédiatement restitués en aval ;
- Les impacts sur la faune piscicole et sur le transport sédimentaire étaient faibles.
- Il n’était pas nécessaire d’obtenir une dérogation « espèces protégées », les mesures d’évitement et de réduction prévues (calendrier des travaux, reboisement, enfouissement de la conduite) ayant été jugées suffisantes ;
- Le projet était compatible avec les documents de planification (SDAGE et SAGE), la Cour a jugé que les orientations invoquées du SDAGE Rhône Méditerranée 2016-2021 étaient inopérantes, celui-ci ayant été remplacé par le SDAGE 2022-2027 qu’il convenait d’appliquer. Par ailleurs, les objectifs du SDAGE actuel n’étaient pas méconnus, dès lors que la continuité écologique était préservée et que l’état de la masse d’eau n’était pas dégradé.
- Le projet n’était pas contraire aux plans de prévention des risques naturels (PPRN) applicables. La Cour a précisé que ces PPRN admettent, par dérogation à l’interdiction de toute nouvelle occupation ou utilisation des sols en raison des risques de glissement de terrain ou d‘affaissement, les ouvrages nécessaires au fonctionnement des services publics ou qui n’aggravent pas les risques naturels. Ici, la centrale étant destinée à produire de l’électricité pour environ 2.800 foyers, elle était utile au service public d’électricité et n’aggravait pas les risques existants.
Par conséquent, la Cour a annulé le jugement de première instance et rejeté la demande d’annulation de l’arrêté présentée par l’association FNE AURA.
A travers cet arrêt, la Cour confirme qu’une centrale hydroélectrique peut s’implanter sur un cours d’eau protégé, classé en liste 1, sans constituer nécessairement un obstacle à la continuité écologique, ni détériorer l’état de la masse d’eau, illustrant ainsi l’importance des données techniques et des mesures d’atténuation circonstanciées apportées par le pétitionnaire.