Fonction publique
le 12/12/2024

Droit au silence et licenciement pour insuffisance professionnelle

TA de Clermont-Ferrand, 1ère, 22 novembre 2024, n° 2400957

Par une décision en date du 22 novembre 2024, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a précisé que le licenciement pour insuffisance professionnelle ne revêtait pas le caractère d’une sanction, et que même si une telle décision avait été prise à l’issue d’une procédure de forme disciplinaire, l’agent n’avait pas à être informé de son droit de garder le silence.

En l’espèce, le maire d’une commune a, par arrêté, licencié un brigadier-chef principal pour insuffisance professionnelle.

Dans sa requête en annulation, l’agent invoquait un vice de procédure tiré du fait de ne pas avoir été informé de son droit de garder le silence au cours de la procédure disciplinaire à l’issue de laquelle son licenciement pour insuffisance professionnelle avait été décidé.

Toutefois, le tribunal juge qu’un tel moyen est inopérant, en estimant que « M. B fait valoir qu’il n’a pas été informé de son droit de garder le silence au cours de la procédure disciplinaire à l’issue de laquelle a été décidé son licenciement pour insuffisance professionnelle. Toutefois, le licenciement pour insuffisance professionnelle ne revêt pas le caractère d’une sanction. Dès lors et quand bien même cette décision doit être prononcée après observation de la procédure disciplinaire, M. B n’avait pas à être informé de son droit à se taire au cours de la procédure à l’issue de laquelle le maire de la commune l’a licencié pour insuffisance professionnelle. Par suite, le vice de procédure tiré du défaut d’information tenant au droit de se taire est inopérant et ne peut, pour ce motif, qu’être écarté. »

Par cette décision, le tribunal refuse d’appliquer l’obligation d’information du droit de se taire à la procédure préalable aux licenciements pour insuffisance professionnelle et opère ainsi une distinction entre la procédure à suivre pour licencier un agent pour insuffisance professionnelle et celle pour le sanctionner, alors même que l’article L. 553-2 du Code général de la fonction publique indique que « le licenciement d’un fonctionnaire pour insuffisance professionnelle est prononcé après observation de la procédure prévue en matière disciplinaire ».

En effet, si l’autorité administrative est tenue de suivre la procédure disciplinaire pour licencier un agent pour insuffisance professionnelle, le licenciement pour ce motif ne peut être fondé que sur des éléments révélant l’inaptitude de l’agent à exercer normalement les fonctions pour lesquels il a été engagé[1], et même si le juge administratif a admis que certains des faits susceptibles de de démontrer une telle insuffisance pouvaient également recevoir une qualification disciplinaire, sans pour autant remettre en cause l’insuffisance professionnelle de l’agent[2], un tel licenciement ne vise pas à sanctionner le comportement répréhensible d’un agent ayant manqué à ses obligations professionnelles.

La notification de l’obligation de se taire dans la procédure disciplinaire des fonctionnaires étant fondée sur le respect de la présomption d’innocence prévue à l’article 9 de la Déclaration des droits et de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et au caractère punitif de la mesure pouvant être prononcée à l’issue de la procédure disciplinaire[3], son respect n’est donc pas requis dans le cadre d’un licenciement pour insuffisance professionnelle, dénué de tout caractère répressif.

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[1] CE, 9 juin 2020, n° 425620.

[2] CAA de VERSAILLES, 26 janvier 2016, 14VE00916.

[3] Décision n° 2024-1105 QPC du 4 octobre 2024