Droit des sociétés
le 24/03/2022
My-Kim YANG-PAYA
Hakim ZIANE

Disparition de l’entreprise individuelle à responsabilité limitée et nouvelles mesures en faveur de l’activité professionnelle indépendante

Loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l'activité professionnelle indépendante

La loi n° 2022-172 du 14 février 2022, en faveur de l’activité professionnelle indépendante, modifie le statut de l’entrepreneur individuel afin de renforcer sa protection et de simplifier le transfert de son patrimoine professionnel.

Elle modifie en conséquence les Codes de commerce, des procédures civiles d’exécution et de la consommation afin d’adapter leurs dispositions concernant les procédures collectives, les procédures civiles d’exécution et le surendettement.

Ce texte s’inscrit dans le plan en faveur des indépendants annoncé par le Président de la République le 16 septembre 2021.

A travers cette loi, le législateur a pour objectif principal la protection de l’entrepreneur individuel. Dans ce cadre, il a revu en profondeur le statut d’EI (Entreprise individuelle) et a mis fin au statut d’Entrepreneur Individuel à Responsabilité Limitée (EIRL).

Mais il ne s’agit pas là des seules mesures prévues.

 

I. La disparition de l’EIRL

L’EI proposait un fonctionnement simple. Sur le plan financier, on la distinguait de l’EIRL car elle ne séparait pas les biens personnels des biens affectés à l’exploitation. En conséquence, les biens personnels pouvaient faire l’objet de poursuites par le créancier professionnel resté impayé. Seule la résidence principale de l’entrepreneur pouvait être protégée en la rendant insaisissable.

Cette nouvelle loi a en quelque sorte fusionné l’EI et l’EIRL pour créer un nouveau statut unique.

Ce nouveau statut propose notamment une séparation du patrimoine personnel et professionnel de l’EI : la protection des biens personnels devient automatique.

Avec l’apparition de ce statut, il ne reste plus aucune raison pour l’entrepreneur d’opter pour l’EIRL. En conséquence, la loi organise la disparition progressive de l’EIRL.  

Les principaux avantages de ce statut étant repris dans le nouveau statut d’entrepreneur individuel, le statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), institué par une loi du 15 juin 2010, cessera progressivement de s’appliquer.

Aucune nouvelle EIRL ne pourra être créée, après la promulgation de la loi, soit après le 15 février. Pour les entreprises déjà créées avant la réforme, le régime de l’EIRL continue toutefois à s’appliquer.

En revanche, la dissociation des patrimoines ne s’appliquera qu’aux nouvelles créances.

Ainsi :

  • si le bénéficiaire de la cession du patrimoine affecté est un entrepreneur individuel, autrement dit une personne physique qui exerce déjà une activité professionnelle indépendante en nom propre, l’affectation n’est pas maintenue (car le bénéficiaire ne peut plus opter pour le régime de l’EIRL). En effet, à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, nul ne peut affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel en application du régime de l’EIRL.
  • en revanche, si le bénéficiaire de la cession du patrimoine affecté est une personne physique qui n’exerce pas d’activité professionnelle indépendante en nom propre, l’affectation est maintenue, car le bénéficiaire devient alors entrepreneur individuel sous le régime de l’EIRL à la place du cédant. 

Enfin, à partir du 15 août 2022, en cas de décès de l’entrepreneur, les héritiers ne pourront plus poursuivre l’activité professionnelle.

 

II. La création d’un nouveau statut de l’entrepreneur individuel

L’article 1er de la loi, qui en est la mesure phare, insère deux nouvelles sections dans le Code de commerce :

  • l’une, intitulée « Du statut de l’entrepreneur individuel », comprenant cinq nouveaux articles (Code du commerce, art. L. 526-22 à L. 526-26) et dont l’objet est d’offrir une protection, de plein droit, à l’ensemble du patrimoine personnel d’un indépendant vis-à-vis de ses créanciers professionnels ;
  • l’autre, intitulée « Du transfert du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel », comprenant cinq nouveaux articles (Code du commerce, art. L. 526-27 à L. 526‑31) et dont l’objet est de faciliter la transmission d’une entreprise individuelle (par vente ou donation) ou sa mise en société.

Ainsi, le nouvel article L. 526-22 du Code de commerce définit de manière large et générale l’entrepreneur individuel comme « une personne physique qui exerce en nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes ».

Cette formulation recouvre donc les commerçants, artisans, agriculteurs et tous les autres professionnels indépendants, qu’ils relèvent ou nom d’une profession réglementée.

Ce même article opère ensuite une distinction entre le patrimoine personnel et le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel, faisant de cette dissociation des patrimoines le cœur même du nouveau statut.

Dorénavant, le patrimoine de l’entrepreneur individuel sera scindé en 2 :

  • un patrimoine professionnel : il est composé des biens, droits, obligations et sûretés utiles à son activité ;
  • un patrimoine personnel : il s’agit des autres biens de l’entrepreneur.

Le créancier professionnel ne pourra pas agir sur les biens personnels de l’entrepreneur.

Ainsi, il ne sera pas possible pour le créancier professionnel de saisir un bien de l’entrepreneur autre qu’un bien affecté à son patrimoine professionnel. L’entrepreneur aura donc une meilleure protection face aux créanciers professionnels en cas de difficultés financières liées à son activité.

Cette nouvelle mesure ne s’appliquera qu’aux nouvelles créances contractées par l’entrepreneur dès le 15 mai prochain.

En principe, l’entrepreneur ne pourra pas se porter caution pour garantir une dette professionnelle. Toutefois, si l’entrepreneur le souhaite, il peut volontairement se porter caution en renonçant de manière explicite à sa protection.

La séparation du patrimoine sera automatique : aucune formalité ne sera nécessaire. Il est possible de renoncer à cette séparation patrimoniale pour un engagement spécifique.

Toutefois, il existe des exceptions.

En cas de décès de l’entrepreneur individuel, si l’état de cessation des paiements est avéré à la date du décès, la procédure collective n’impactera que le patrimoine professionnel (dualité patrimoniale maintenue). À défaut, le droit commun des successions s’applique avec pour effet la réunion des deux patrimoines.

L’administration fiscale pourra saisir l’ensemble des biens de l’entrepreneur individuel pour le recouvrement de l’impôt sur le revenu, les prélèvements sociaux (sauf en cas d’option pour l’impôt sur les sociétés) et la taxe foncière. En revanche, les dettes dont l’entrepreneur individuel est redevable auprès des organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales ne relèveraient que du patrimoine professionnel.

 

III. Les autres mesures

1. L’article 1er de la loi facilite la transmission de l’entreprise individuelle et son passage en société en vue de faire évoluer l’activité.

Il prévoit ainsi que l’entrepreneur individuel peut vendre, donner ou apporter en société l’intégralité ou une partie seulement de son patrimoine professionnel, sans procéder à la liquidation de celui-ci. Il est précisé, en effet, que, l’entrepreneur individuel peut ne transférer que certains des éléments de son patrimoine professionnel pris isolément, dans les conditions du droit commun ou droit spécial prévues pour les éléments objets du transfert.

L’article 2 du même texte prévoit la transmission de tous les droits et obligations découlant du bail commercial au bénéficiaire du transfert de patrimoine professionnel.

Parallèlement, l’article L. 145-16 du Code de commerce prévoit désormais que seront également réputées non écrites, quelle qu’en soit la forme, les conventions tendant à interdire au locataire de céder son bail commercial au bénéficiaire du transfert universel de son patrimoine professionnel.

2. Créé par loi « avenir professionnel » de 2018, l’assurance chômage des indépendants – ou allocation des travailleurs indépendants (ATI) – permet depuis le 1er novembre 2019, aux travailleurs non-salariés dont l’activité a cessé de bénéficier d’une allocation de 800 € par mois pendant 6 mois, sous réserver d’avoir exercé cette activité en continu pendant 2 ans, qu’elle ait cessé pour liquidation ou redressement judiciaire, d’avoir généré 10.000 € de revenus par an en moyenne et de disposer, à titre personnel, de ressources inférieures au montant du RSA.

Afin de faciliter la reconversion des travailleurs indépendants, la loi élargit les conditions d’accès de l’allocation des travailleurs indépendants (ATI) aux indépendants qui arrêtent définitivement leur activité devenue non viable. Cette allocation, de 800 euros par mois, a été créée en 2018 pour les seuls ex-entrepreneurs indépendants en redressement ou en liquidation judiciaire.

Dans ce nouveau cadre, l’ATI sera toujours de 800 euros par mois, sauf pour les indépendants qui auraient eu des revenus inférieurs sur les deux dernières années. Elle ne pourra être inférieure à un certain montant fixé par décret qui, selon le Gouvernement, pourrait être fixé à 600 euros mensuels.

3. Afin de sécuriser la situation des gérants de SARL, la loi rend désormais possible l’effacement des dettes professionnelles dans le cadre d’une procédure de surendettement des particuliers.

Il permet ainsi que les dettes professionnelles d’une personne soient prises en compte, en même temps que ses autres dettes, pour l’appréciation de sa situation de surendettement ouvrant droit à l’ouverture d’une procédure de traitement du surendettement des particuliers.

 

IV. La disparition de l’EIRL

L’EI proposait un fonctionnement simple. Sur le plan financier, on la distinguait de l’EIRL car elle ne séparait pas les biens personnels des biens affectés à l’exploitation. En conséquence, les biens personnels pouvaient faire l’objet de poursuites par le créancier professionnel resté impayé. Seule la résidence principale de l’entrepreneur pouvait être protégée en la rendant insaisissable.

Cette nouvelle loi a en quelque sorte fusionné l’EI et l’EIRL pour créer un nouveau statut unique.

Ce nouveau statut propose notamment une séparation du patrimoine personnel et professionnel de l’EI : la protection des biens personnels devient automatique.

 Avec l’apparition de ce statut, il ne reste plus aucune raison pour l’entrepreneur d’opter pour l’EIRL. En conséquence, la loi organise la disparition progressive de l’EIRL.  

Les principaux avantages de ce statut étant repris dans le nouveau statut d’entrepreneur individuel, le statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), institué par une loi du 15 juin 2010, cessera progressivement de s’appliquer.

Aucune nouvelle EIRL ne pourra être créée, après la promulgation de la loi, soit après le 15 février. Pour les entreprises déjà créées avant la réforme, le régime de l’EIRL continue toutefois à s’appliquer.

En revanche, la dissociation des patrimoines ne s’appliquera qu’aux nouvelles créances.

Ainsi :

  • si le bénéficiaire de la cession du patrimoine affecté est un entrepreneur individuel, autrement dit une personne physique qui exerce déjà une activité professionnelle indépendante en nom propre, l’affectation n’est pas maintenue (car le bénéficiaire ne peut plus opter pour le régime de l’EIRL). En effet, à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, nul ne peut affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel en application du régime de l’EIRL.
  • en revanche, si le bénéficiaire de la cession du patrimoine affecté est une personne physique qui n’exerce pas d’activité professionnelle indépendante en nom propre, l’affectation est maintenue, car le bénéficiaire devient alors entrepreneur individuel sous le régime de l’EIRL à la place du cédant. 

Enfin, à partir du 15 août 2022, en cas de décès de l’entrepreneur, les héritiers ne pourront plus poursuivre l’activité professionnelle.