le 25/02/2020

Diffamation publique d’un élu contre un agent de la collectivité

Cass. Crim., 10 décembre 2019, n° 19-80380

Les propos « cet homme est ivre, vous le sortez » tenus par un conseiller municipal à l’adresse d’un policier municipal lors d’un conseil municipal sont diffamatoires.

En raison de propos tenus lors de la séance publique d’un conseil municipal à l’encontre d’un policier municipal, un conseiller municipal a été cité devant le Tribunal correctionnel de Draguignan du chef de diffamation publique envers un particulier. Le conseiller municipal poursuivi avait déclaré : « Cet homme est ivre, vous le sortez » tandis que le policier municipal assistait à la réunion en raison de l’inscription à l’ordre du jour d’une question sur laquelle il était en conflit avec la commune.

La Cour d’appel a confirmé le jugement de première instance en ce qu’il avait déclaré le prévenu coupable. La Cour de cassation, saisie par ce dernier, a rejeté le pourvoi.

Pour mémoire, en matière de presse, il revient à l’auteur d’imputations diffamatoires qui entend se prévaloir de sa bonne foi d’établir les circonstances particulières qui tendent à démontrer l’exception de bonne foi. Celle-ci ne saurait être légalement admise par les juges qu’autant qu’ils analysent les pièces produites par le prévenu et s’assurent de la réunion des quatre critères cumulatifs suivants :

  • La recherche d’un but légitime dans les propos tenus ;
  • L’absence d’animosité personnelle ;
  • La prudence dans l’expression ;
  • L’existence d’une enquête préalable sérieuse ou la production d’une « base factuelle suffisante ».

C’est en ce sens que la chambre criminelle de la Cour de cassation se prononçait dans l’arrêt du 10 décembre 2019 en considérant que le conseiller municipal ne justifiait pas de la réunion des quatre critères cumulatifs :

« Attendu que, pour refuser au prévenu le bénéfice de la bonne foi et le déclarer coupable de l’infraction de diffamation, l’arrêt retient qu’aucun élément tiré de l’enregistrement audio-visuel de la séance du conseil municipal ne vient confirmer que [le policier municipal] ait eu le comportement d’un homme pris de boisson ni même d’un perturbateur, que [le conseiller municipal] ne poursuivait aucun but légitime dès lors que la seule présence [du policier] ne troublait pas la séance et que, quelle que soit la teneur des attestations qu’il produit et qui interviennent à postériori, il n’avait aucune raison de penser que celui-ci était ivre ; qu’il ajoute qu’il ne saurait invoquer l’absence d’animosité personnelle puisque plusieurs recours avaient été initiés par [le conseiller municipal] à l’encontre de la commune sur un sujet que le maire était en train d’aborder et qu’il a manqué de prudence dans ses propos dénués de toute nuance ; qu’il conclut qu’il semble qu’il ait ainsi voulu priver [le policier] de toute intervention sur un dossier qui l’opposait à la mairie » ; et d’ajouter « qu’aucun des quatre critères de la bonne foi n’était satisfait ».

La Cour de cassation vient par ailleurs considérer qu’imputer publiquement un état d’ivresse à une personne peut consommer le délit de diffamation publique. La Haute Juridiction avait déjà jugé qu’imputer « un goût immodéré pour l’alcool »[1] portait nécessairement atteinte à l’honneur et à la considération de la personne visée.

[1] Cass. Crim., 25 févr. 2014, n° 13-80.826