le 16/10/2014

S’agissant des désordres réservés à la réception, tant la responsabilité contractuelle de droit commun de l’entrepreneur que la garantie de parfait achèvement peuvent être actionnées en l’absence de levée desdites réserves

CAA Amiens, 1ère Civ., 4 juillet 2014, n° 12/04421

L’article 1792-6 du Code civil définit la garantie de parfait achèvement, comme la réparation à laquelle l’entrepreneur est tenu pendant un délai d’un an, au titre de tous les désordres signalés par le maître de l’ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.

Cette garantie basée sur la responsabilité contractuelle de l’entrepreneur, diverge de la responsabilité de droit commun, en ce sens qu’aucune faute n’a à être prouvée, et qu’elle se prescrit à l’issue d’un délai d’un an.

En effet, la responsabilité contractuelle de droit commun, fondée sur l’article 1147 du Code civil, nécessite la démonstration d’une faute, d’un lien de causalité et d’un dommage, et se prescrit par dix ans (article 1792-4-3 du Code civil).

L’arrêt de la Cour d’Appel d’Amiens en date du 4 juillet 2014 clarifie l’articulation de ces deux fondements de responsabilité.

En l’espèce, dans le cadre de la construction d’une maison individuelle, le maître de l’ouvrage avait réceptionné, avec réserves, l’ouvrage le 25 novembre 2006.

Ces désordres n’ayant pas été réparés, le maître d’ouvrage a sollicité la condamnation de l’entreprise principale sur le fondement de l’article 1147 du Code civil, demande à laquelle le Tribunal de grande instance d’Amiens a fait droit en première instance.

L’entrepreneur principal a interjetté appel de cette décision estimant que l’action ayant été intentée après l’expiration du délai de garantie de parfait achèvement, ce fondement de responsabilité était prescrit.

Il y ajoutait que sa responsabilité ne pouvait perdurer sur le fondement de la responsabilité de droit commun, « le régime prévu aux articles 1792 et suivants du code civil [dérogeant] en tant que loi spéciale, à la loi générale ».

La Cour d’appel déboute l’entrepreneur principal de sa demande, indiquant expressément que la prescription de l’action en garantie de parfait achèvement n’empêche pas le maître d’ouvrage de rechercher la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur, soumise à la prescription de droit commun.

Ainsi, la Cour d’Appel d’Amiens considère que :

« Il est constant en droit que la responsabilité de droit commun de l’entrepreneur fondée sur l’article 1147 du code civil, dont la mise en œuvre suppose la démonstration d’une faute de l’entrepreneur ayant un lien de causalité direct et certain avec le dommage déploré, n’est pas exclue par la garantie de parfait achèvement (garantie « en sus ») à laquelle, aux termes de l’article 1792-6 du code civil, est également tenu l’entrepreneur pendant un délai d’un an à compter de la réception […] qu’ainsi avant la levée des réserves la responsabilité de droit commun subsiste concurremment avec la garantie de parfait achèvement même si la mise en œuvre de la responsabilité n’est pas intervenue dans le délai de la garantie, et que pour les désordres apparus après la réception ».

La Cour d’appel d’Amiens confirme ainsi une jurisprudence constante de la Cour de cassation (notamment Cass. 3ème civ., 6 mai 2014, n° 13-14.300) et du Conseil d’Etat (notamment CE, 17 mars 2004, n° 247367, Cne de Beaulieu-sur-Loire : JurisData n° 2004-066773 ; JCP A 2004, 1395, comm. F. Linditch) permettant au maître d’ouvrage, qui n’a pas vu les réserves signalées à réception levées, d’engager la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur, sans qu’il puisse lui opposer la prescription annale de parfait achèvement.

Cependant, il appartiendra au maître d’ouvrage de démontrer une faute de l’entrepreneur ainsi qu’un lien de causalité avec le dommage allégué.