le 17/07/2017

Défaut de consentement de la personne publique, responsabilité quasi-contractuelle et faute du cocontractant de l’administration

CE, 9 juin 2017, Société Pointe-à-Pitre Distribution, n° 399581

La société Pointe-à-Pitre Distribution (ci-après, la « Société ») a livré à la commune de Goyave (ci-après, la « Commune ») diverses fournitures dans le cadre d’un marché public dont la conclusion n’avait pas été autorisée par le conseil municipal. La Commune n’ayant accepté de payer qu’une partie des factures, la Société a saisi le Tribunal administratif de Basse-Terre d’une requête tendant à ce que soit engagée la responsabilité contractuelle de la commune, ou, à défaut, sa responsabilité quasi-délictuelle. Le Tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté les conclusions relatives à la responsabilité contractuelle de la Commune, mais l’a condamné à verser une somme à la Société sur le fondement des responsabilités quasi-contractuelle et quasi-délictuelle. La Commune a saisi la Cour administrative d’appel de Bordeaux qui a annulé ce jugement et rejeté l’ensemble des conclusions de la Société. Cette dernière s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat.

Tout d’abord, le Conseil d’Etat commence par rappeler que « lorsque les parties soumettent au Juge un litige relatif à l’exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d’office par lui, tenant au caractère illicite du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ». En l’espèce, le Conseil d’Etat souligne que le maire de Goyave avait conclu le marché litigieux sans y avoir été autorisé par une délibération du conseil municipal. Il relève également l’absence de toute circonstance permettant d’estimer que le conseil municipal avait ensuite donné son accord à la conclusion du contrat pour en déduire que le consentement de la commune avait été affecté de manière substantielle faisant obstacle à ce que le litige soit réglé sur le terrain contractuel.

Le Conseil d’Etat se place donc sur le terrain de la responsabilité quasi-contractuelle pour régler le litige. Et il rappelle que « l’entrepreneur dont le contrat est écarté peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s’était engagé ; que les fautes éventuellement commises par l’intéressé antérieurement à la signature du contrat sont sans incidence sur son droit à indemnisation au titre de l’enrichissement sans cause de la collectivité, sauf si le contrat a été obtenu dans des conditions de nature à vicier le consentement de l’administration, ce qui fait obstacle à l’exercice d’une telle action ; que dans le cas où le contrat est écarté en raison d’une faute de l’administration, l’entrepreneur peut en outre, sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l’administration ; qu’à ce titre il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l’exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé du fait de sa non-application, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre, si toutefois l’indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l’exécution du contrat lui aurait procurée ».

En l’espèce, la Cour administrative d’appel de Bordeaux avait écarté la responsabilité de la Commune au motif, notamment, que la Société avait « commis une faute grave en se prêtant à la conclusion d’un marché, dont, compte-tenu de son expérience, [elle] ne pouvait ignorer l’illégalité ». Le Conseil d’Etat censure ce raisonnement en jugeant que cette circonstance n’était pas de nature à exonérer totalement la commune de Goyave de sa responsabilité quasi-délictuelle, en dépit de la faute que la Société avait commise. Le Conseil d’Etat annule donc l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux en tant qu’il a rejeté les conclusions de la société Pointe-à-Pitre Distribution présentées sur les terrains des responsabilités quasi-contractuelle et quasi-délictuelle de la commune de Goyave et renvoi l’affaire devant ladite Cour.