le 25/02/2020

De l’utilisation, dans la passation d’un marché public portant sur des prestations intellectuelles, d’un sous-critère d’analyse des offres lié à l’expérience et la qualification des soumissionnaires

CAA Paris, 17 janvier 2020, Société Azoulay, n° 18PA01035

Par un arrêt en date du 17 janvier 2020, le Cour administrative d’appel de Paris a précisé la latitude dont bénéficie l’acheteur public dans le choix d’un sous-critère technique de jugement des offres présentées dans le cadre la passation d’un marché de maîtrise d’œuvre.

S’agissant du contexte, rappelons que le 18 avril 2016, l’établissement public d’aménagement universitaire de la région Ile-de-France (EPAURIF) a publié au bulletin officiel des annonces de marchés publics (BOAMP) un avis d’appel public à concurrence pour la passation, en procédure adaptée, d’un marché de maîtrise d’œuvre en vue de l’aménagement d’une halte-garderie dans le campus de l’Université Jussieu à Paris. Une société a été retenue à l’issue d’une consultation particulièrement rapide – puisque le délai de remise des offres était de quatorze jours –, et le marché a été signé le 31 mai 2016.

Cependant, la société Azoulay – membre d’un groupement conjoint dont la candidature a été rejetée –, a saisi le Tribunal administratif de Paris d’un recours de pleine juridiction tendant notamment à l’annulation du marché ainsi qu’à l’indemnisation du préjudice qu’elle considérait avoir subi en raison du rejet irrégulier de son offre. Par un jugement du 26 janvier 2018, le Tribunal administratif de Paris a condamné l’EPAURIF à indemniser la société requérante des frais exposés pour présenter son offre (le délai de remise des offres, 14 jours dont 10 jours ouvrés, ayant été insuffisant pour assurer une mise en concurrence effective) mais a écarté les conclusions relatives à l’annulation du marché.

La société Azoulay a alors interjeté appel de ce jugement devant la Cour administrative d’appel de Paris. Un des moyens développés par cette société devant la Cour tendait à contester la solution, adoptée par le Tribunal administratif de Paris, selon laquelle le recours à un sous-critère technique lié à « l’expérience, la qualification et la qualité du responsable de projet et des personnes affectées à l’exécution de la mission » était justifié. Plus précisément, cette société a soutenu que ce sous-critère relevait de l’analyse des candidatures et non de l’analyse des offres, qu’il avait eu pour effet de discriminer les jeunes candidats ou ceux ayant des personnels plus jeunes et qu’il avait été irrégulièrement affecté de la même pondération que celui du prix.

La requête de la société Azoulay a toutefois été rejetée dans sa totalité par la Cour administrative d’appel de Paris. S’agissant du moyen précité, la Cour a considéré que « ce sous-critère de la valeur technique de l’offre, examinée sous l’angle de l’expérience, de la qualification et la qualité des personnes effectivement affectées à la mission de maîtrise d’œuvre, était objectivement justifié par l’objet du marché de prestations intellectuelles et n’était pas redondant avec l’analyse des candidatures, limitée aux capacités techniques et professionnelles générales du candidat ».

La Cour a également considéré que si la société « soutient également que ce sous-critère était discriminatoire en ce qu’il aurait désavantagé les jeunes candidats ou les équipes plus jeunes, cette branche du moyen ne peut qu’être écartée dès lors qu’aucune corrélation entre l’âge des professionnels et l’adéquation des équipes à la mission envisagée ne saurait être regardée comme établie ». En outre, la Cour a eu l’occasion de relever que « la circonstance que ce sous-critère ait été affecté de la même pondération que celle du prix relève du libre choix du pouvoir adjudicateur ».

Il résulte de cette décision que, pour la passation d’un marché portant sur des prestations intellectuelles, les documents de la consultation peuvent prévoir un critère ou un sous-critère technique de l’offre relatif à l’expérience et à la qualification du responsable du projet et des personnels. En effet, alors que l’analyse des candidatures ne permet que de s’assurer des capacités techniques et professionnelles générales d’un candidat, un tel critère permet une analyse plus concrète de l’offre.