le 12/04/2018

De l’étendue de la mission du juge en matière de lissage du déplafonnement du bail commercial

Cass., 3ème civ., 9 mars 2018, n° 17-70.040

Le 4 décembre 2017, le juge des loyers commerciaux du Tribunal de grande instance de Dieppe a saisi la Cour de cassation d’une demande d’avis tendant à obtenir des précisions sur l’étendue de la mission du juge en matière de fixation du loyer déplafonné, à la lumière de l’interprétation qu’il convient de donner à l’alinéa 4 de l’article L. 145-34 du Code du commerce.  

En effet, aux termes de cette disposition, « en cas de modification notable des éléments mentionnés au 1 à 4 de l’article L. 145-33 du Code de commerce[1] ou s’il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d’une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente ».

La question était donc de savoir :   

–       si ce texte limite la compétence du juge des loyers commerciaux à la fixation du montant du loyer déplafonné à la date du renouvellement du bail ; et si tel est le cas, savoir si les parties ont la latitude dans la limite de 10% de librement déterminer les modalités d’application du taux d’augmentation une année sur l’autre, ou au contraire, si aucune discussion ne leur est ouverte sur ce point, les augmentations ultérieures devant alors s’effectuer automatiquement par palier de 10 % ;

–       ou bien, si ce texte  donne compétence au juge des loyers commerciaux pour fixer le montant du loyer déplafonné non seulement à la date du renouvellement du bail, mais également dans le cadre d’un échéancier pour chacune des neuf années suivant le renouvellement du bail.     

Par le présent avis, la troisième chambre civile de la Cour de cassation considère que le lissage a lieu annuellement par une majoration non modulable de 10% du loyer de l’année précédente et que la fixation d’un échéancier des loyers durant cette période incombe non pas au juge des loyers mais aux parties.

Il précise ainsi que : 

« Le loyer déplafonné est fixé à la valeur locative en application de l’article L. 145-33 du Code de commerce.

Le dernier alinéa de l’article L. 145-34 du Code de commerce n’instaure, dans les cas qu’il détermine, qu’un étalement de la hausse du loyer qui résulte du déplafonnement, sans affecter la fixation du loyer à la valeur locative.

Ce dispositif étant distinct de celui de la fixation du loyer, il revient aux parties, et non au juge des loyers commerciaux dont la compétence est limitée aux contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, d’établir l’échéancier de l’augmentation progressive du loyer que le bailleur est en droit de percevoir.

L’étalement prévu par le texte s’opère annuellement par l’application d’un taux qui doit être égal à 10 % du loyer de l’année précédente, sauf lorsque la différence entre la valeur locative restant à atteindre et le loyer de cette année est inférieure à ce taux.

L’étalement n’étant pas d’ordre public, les parties peuvent convenir de ne pas l’appliquer ».

[1] Selon l’article L. 145-33, « le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. A défaut d’accord, cette valeur est déterminée d’après : 1 Les caractéristiques du local considéré ; 2 La destination des lieux ; 3 Les obligations respectives des parties ; 4 Les facteurs locaux de commercialité ».