le 22/11/2018

Date de référence pour la fixation des indemnités d’expropriation dans le cas de la création d’emplacements réservés

Cass., Civ., 3ème, 24 mai 2018, n° 17-16.37

Par un arrêt en date du 24 mai 2018, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a apporté des précisions intéressantes sur la date de référence qu’il convient de retenir dans le cadre de la fixation du montant des indemnités d’expropriation.

Pour rappel, si le bien exproprié doit être indemnisé à hauteur de sa valeur au jour où la juridiction de l’expropriation de première instance rend son jugement, l’usage effectif du bien, c’est-à-dire sa constructibilité ou sa destination, doit être arrêté à une date de référence.

L’article L. 322-2 du Code de l’expropriation prévoit le principe selon lequel la date de référence doit être fixée un an avant la date d’ouverture de l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique.

L’article L. 322-6 du même Code prévoit une autre date de référence lorsqu’est en cause un terrain compris dans un emplacement réservé par un plan local d’urbanisme. Dans ce cas, la date de référence « est celle de l’acte le plus récent rendant opposable le plan local d’urbanisme, le document d’urbanisme en tenant lieu ou le plan d’occupation des sols et délimitant la zone dans laquelle est situé l’emplacement réservé ».

En l’espèce, le projet d’aménagement justifiant le recours à l’expropriation emportait mise en compatibilité du document d’urbanisme communal (en l’occurrence, le plan d’occupation des sols) et créait des emplacements réservés.

La DREAL a demandé que la date de référence soit fixée un an avant l’enquête préalable à la DUP, conformément à l’article L. 322-2 du Code de l’expropriation.

Les juges du fond n’ont pas fait droit à sa demande et ont fixé l’indemnité d’expropriation en prenant comme date de référence celle de l’adoption de l’arrêté préfectoral emportant DUP et mise en compatibilité du plan d’occupation des sols et délimitant la zone dans laquelle étaient situés les emplacements réservés justifiant le recours à l’expropriation.

La DREAL a formé un pourvoi en cassation, au motif que l’article L. 322-6 du Code de l’expropriation doit être interprété de manière stricte, c’est-à-dire que la date de référence prévue par cet article doit être retenue seulement « lorsque l’emplacement réservé est créé en dehors de toute déclaration d’utilité publique ».

L’argumentation avancée par l’autorité expropriante consiste à expliquer que l’usage effectif du bien ne saurait être indemnisé en tenant compte du projet d’aménagement justifiant le recours à l’expropriation (qui, dans la très grande majorité des cas, emporte une valorisation de cet usage effectif).

Toutefois, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, a rejeté le pourvoi de la DREAL, en se tenant aux termes mêmes employés dans l’article L. 322-6 du Code de l’expropriation qui n’excluent pas explicitement la situation dans laquelle l’emplacement réservé est créé spécifiquement dans le cadre de la DUP :

« Mais attendu que l’arrêté déclarant l’opération d’utilité publique et emportant mise en compatibilité du plan d’occupation des sols constitue un acte entrant dans les prévisions de l’article L. 322-6 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ; qu’ayant relevé que l’arrêté du 6 décembre 2011 déclarant d’utilité publique le projet d’aménagement de la rocade ouest de la commune de Mende et emportant mise en compatibilité du plan d’occupation des sols était l’acte le plus récent rendant celui-ci opposable et délimitant la zone dans laquelle était situé l’emplacement réservé, la cour d’appel a exactement fixé la date de référence au jour de cet arrêté ».

Nul doute que cette décision constitue une jurisprudence dont pourront se prévaloir avantageusement les expropriés.