le 27/08/2020

Dans quelles conditions le maître d’ouvrage peut-il exercer un recours subrogatoire à la suite de troubles anormaux de voisinage résultant de son chantier ?

Cass. Civ., 3ème, 14 mai 2020, n° 1822564

« Nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage » est un principe consacré par la jurisprudence qui oblige, en présence d’un lien de causalité, l’auteur d’un trouble « anormal » à dédommager la victime de son préjudice, quand bien même son activité serait licite et qu’il n’aurait commis aucune faute (Cass. Civ., 2ème, 19 novembre 1986, n° 84-16379).  

La responsabilité du maître d’ouvrage est alors susceptible d’être engagée du fait des intervenants à son opération (Cass. Civ., 3ème, 22 juin 2005, n° 03-20068).  

La responsabilité du constructeur peut également être engagée s’il est démontré que le désordre est en relation directe avec les missions respectivement confiées aux constructeurs (Cass. Civ., 3ème , 28 avril 2011, n° 10-14516), bien que la victime fasse le plus souvent le choix de diriger son action à l’encontre du maître d’ouvrage.  

C’est exactement ce qui s’est produit dans cette affaire où le maître d’ouvrage a été condamné à indemniser les copropriétaires de l’immeuble voisin du fait notamment des bruits excessifs occasionnés par le chantier.  

Celui-ci a ensuite voulu exercer un recours subrogatoire contre les constructeurs et leurs assureurs, et plus particulièrement à l’encontre du maître d’œuvre chargé d’une mission « d’organisation et de suivi des travaux » ainsi que de « surveillance du chantier ».  

La Cour de cassation est venue confirmer le rejet des demandes formées contre ce dernier, en rappelant que « le maître de l’ouvrage, subrogé dans les droits des voisins victimes de troubles anormaux du voisinage, ne peut agir contre ses constructeurs que si les troubles sont en relation directe avec la réalisation des missions qui leur ont été confiées ».  

Or, en l’espèce, le maître d’œuvre n’était pas à l’origine des bruits excessifs ayant générés les préjudices de jouissance, financiers et économiques des voisins, de sorte que ces préjudices ne lui étaient pas imputables.  

Ainsi, comme tout voisin qui aurait fait le choix de rechercher directement la responsabilité du constructeur, le maître d’ouvrage doit, dans le cadre de son recours subrogatoire, faire la démonstration d’une relation directe entre les missions confiées et le préjudice subi.  

A titre de parallèle pour le maître d’ouvrage public, sa responsabilité peut évidemment être aussi engagée, même en l’absence de faute, pour les troubles provoqués par des travaux publics.  

A noter toutefois que par principe, la réception sans réserve d’un marché de travaux publics, fait obstacle à ce que, sauf clause contractuelle contraire, les constructeurs soient ultérieurement appelés en garantie par le maître d’ouvrage pour des dommages dont un tiers demande réparation, alors même que ces dommages ne seraient ni apparents ni connus à la date de la réception (CAA Marseille, 21 mars 2019, n° 17MA04873).