le 19/03/2020

Covid-19 et contrats publics

Par une communication en date du 17 mars 2020, le Gouvernement a annoncé plusieurs mesures de soutien immédiates aux entreprises parmi lesquelles la « reconnaissance par l’État et les collectivités locales du Coronavirus comme un cas de force majeure pour leurs marchés publics », ce qui a pour conséquence que « pour tous les marchés publics d’État et des collectivités locales, les pénalités de retards ne seront pas appliquées » (https://www.economie.gouv.fr/coronavirus-soutien-entreprises). 

Cette communication constitue une évolution par rapport aux précédentes déclarations du ministre de l’Economie et des Finances, datées du 29 février dernier, selon lesquelles la reconnaissance de la force majeure semblait réservée aux seuls marchés publics de l’Etat. 

Notons qu’au-delà des marchés publics, la solution devrait s’imposer également aux autres contrats de la commande publique, notamment aux contrats de concession. 

Ceci étant, si la force majeure peut conduire à la suspension, voire à la résiliation du contrat, encore faut-il rappeler qu’elle ne saurait être automatiquement retenue pour tous les contrats actuellement en cours d’exécution, même s’ils sont majoritairement concernés. 

La force majeure tient, en effet, à trois conditions.  

D’abord, l’existence d’un évènement extérieur aux parties au contrat. Tel est bien le cas s’agissant du Covid-19.  

Ensuite, la force majeure doit résulter d’un évènement imprévisible. A ce titre, un doute pourrait exister sur le caractère imprévisible du Covid-19 et de ses conséquences pour les contrats récemment conclus, alors que son existence était déjà connue.  

Enfin, l’évènement doit être irrésistible, ce qui implique d’établir que les conséquences de l’épidémie – notamment les mesures imposées par le Gouvernement afin de lutter contre sa propagation – rendent impossible, d’une quelconque manière, l’exécution du contrat. Cette impossibilité de se soustraire aux conséquences de l’épidémie doit résulter d’éléments précis (rupture de l’approvisionnement, personnels indisponibles etc.). 

Aussi, bien qu’elles donnent d’utiles orientations sur la vie des marchés publics dans les conditions actuelles, les annonces gouvernementales ne dispensent pas les acheteurs et leurs cocontractants de se référer aux conditions ci-dessus rappelées pour déterminer s’il y a lieu de suspendre totalement ou partiellement l’exécution du contrat sans appliquer de pénalités de retard, voire de résilier le contrat. 

Toutefois, les circonstances actuelles, très particulières, conduisent sans doute à faire preuve d’une certaine tolérance dès lors que les déclarations du Gouvernement entendent écarter l’application des pénalités de retard pour « tous les marchés publics » de l’Etat et des collectivités. La Direction des affaires juridiques des ministères économiques et financiers (DAJ) recommande d’ailleurs aux acheteurs publics de ne pas « hésiter à reconnaître que les difficultés rencontrées par leurs cocontractants sont imputables à un cas de force majeure » (voir la fiche explicative publiée à l’adresse suivante : https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/fiche-passation-marches-situation-crise-sanitaire.pdf

Il semble également possible de considérer que la mise en œuvre des autres sanctions contractuelles, telle que la résiliation pour faute du titulaire, devrait être écartée sauf à ce que l’acheteur dispose d’éléments précis et concordants lui permettant de prouver que le titulaire aurait pu prendre des mesures pour poursuivre l’exécution du marché dans des conditions normales. En revanche, les parties pourront envisager une résiliation pour cause de force majeure. 

En tout état de cause, il est fortement recommandé aux acheteurs et à leurs cocontractants d’engager un dialogue afin de décider des mesures à prendre et que les parties respectent les procédures prévues dans leur contrat, notamment celles prévues dans les cahiers des clauses administratives générales et particulières. 

En dernier lieu, en ce qui concerne la passation des contrats, les acheteurs publics peuvent mettre en œuvre une publicité limitée à dix jours en cas d’urgence (article R. 2161-8, 3° du Code de la commande publique), voire passer des marchés sans publicité ni mise en concurrence préalables en cas d’urgence impérieuse (article R. 2122-1 du Code de la commande publique) mais, dans ce dernier cas, le marché doit être limité aux prestations strictement nécessaires pour faire face à la situation d’urgence. La DAJ rappelle néanmoins que ces marchés « pourront être renouvelés si la situation de blocage devait se prolonger » (v. la fiche explicative précitée).