le 19/11/2020

COVID-19 / Aides économiques : Suspension des aides économiques départementales au soutien des entreprises touchées par la crise sanitaire

TA Châlons-en-Champagne, 15 juin 2020, n° 2000896

Saisi dans le cadre d’une procédure de référé suspension par le préfet des Ardennes, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne était amené à se prononcer sur la légalité de la délibération du département des Ardennes adoptée le 14 mai dernier, ayant pour objet la création d’une « contribution complémentaire au fonds de résistance pour soutenir la relance de l’activité ».

La délibération du département des Ardennes qui lui était soumise avait pour objet d’instituer, en complément du fond « résistance » instauré par la Région Grand Est permettant l’octroi d’une aide économique aux associations, entrepreneurs, micro-entrepreneurs et petites entreprises, un fond visant à soutenir les entrepreneurs établis sur le territoire départemental.

Considérant toutefois que la création et la mise en œuvre d’un tel dispositif ne relevaient pas des compétences dévolues aux départements, le préfet des Ardennes a immédiatement déféré la délibération au Tribunal.

L’argument soulevé pas le préfet se comprenait sans peine à l’aune de l’état du droit : la région est, par principe, seule compétente pour mettre en place des régimes d’aides au profit des entreprises y compris au profit des entreprises en difficulté. Et si les communes et leurs groupements peuvent participer au financement et à la mise en œuvre des régimes d’aides mis en place par la région dans le cadre d’une convention passée avec elle, ce n’est pas le cas des départements (article L. 1511-2 du Code général des collectivités territoriales).

C’est ce que soulignait le Tribunal : « il résulte des dispositions précitées que les régions sont, en dehors des exceptions qu’elles déterminent, seules compétentes pour définir et attribuer des aides économiques aux entreprises ».

Reste que les départements, tout comme les communes et leurs groupements, peuvent tout de même créer et mettre en œuvre des régimes d’aides lorsqu’un texte les y habilite spécifiquement ; étant précisé que ni l’existence d’une compétence dans un domaine donné, ni la clause générale de compétences ne suffisent à justifier une compétence sur le terrain des aides économiques (CE, 11 octobre 2017, Département des Yvelines et autres, req. n° 407347 ; CAA Nantes, 27 avril 2018, Union des métiers et des industries de l’hôtellerie des Côtes d’Armor, req. n° 16NT03165).

Mais là encore, le Tribunal n’est pas parvenu à identifier de textes justifiant la création d’un dispositif de cette nature par le Département « il ressort des pièces du dossier que les conditions d’éligibilité fixées par la délibération en litige ne permettent pas de restreindre l’octroi de l’aide économique qu’elle prévoit aux compétences dévolues au département en la matière et qui sont rappelées au point 3 ».

Le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a donc logiquement conclu que le moyen soulevé par le Préfet était effectivement de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la délibération déférée qui devait, en conséquence, être suspendue.

Loin de surprendre, cette ordonnance s’inscrit au contraire pleinement dans la philosophie qui animait le gouvernement lorsqu’il a entrepris de réformer la répartition des compétences entre les collectivités territoriales (instruction du gouvernement du 3 novembre 2016 sur les conséquences de la nouvelle répartition des compétences en matière de développement économique sur les interventions des conseils départementaux), et s’inscrit au-delà dans la continuité des décisions déjà adoptées par d’autres juridictions administratives (décisions précitées).

Le vrai apport de cette ordonnance réside sans doute ailleurs : en se plaçant sur le seul terrain des textes de droit commun, le Tribunal souligne autrement que les différentes ordonnances et autres décrets adoptés depuis mars pour faire face à la crise sanitaire n’ont rien changé aux règles de compétences en matière d’aides économiques.

Les collectivités territoriales ne disposent donc pas plus d’outils que par le passé pour aider les commerces, entreprises ou autres acteurs économiques établis sur leur territoire, et frappés par les conséquences de la crise sanitaire, à tout le moins de façon immédiate : naturellement, les collectivités peuvent en revanche incidemment soutenir les commerces en difficulté par la voie de dispositifs qui cette fois sont entre leurs mains, et notamment par la voie de report, franchise et/ou autre rabais sur les redevances dues au titre de l’occupation du domaine.