Projets immobiliers publics privés
le 23/03/2023

Copropriétés très dégradées : Que faire ? Plan de sauvegarde, état de carence, des dispositifs à mobiliser

Articles L. 615-1 à L. 615-5 du Code de la construction et de l’habitation

Articles L. 615-6 à L. 615-8 du Code de la construction et de l’habitation

Les immeubles bâtis soumis au statut de la copropriété sont régis par la Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis et le Décret n° 67-223 du 17 mars 1967 pris pour l’application de cette loi qui contiennent de nombreuses dispositions particulières relatives aux copropriétés confrontées des difficultés plus ou moins importantes.

Outre ces dispositions, le Code de la construction et de l’habitation (ci-après, CCH) institue d’autres mesures visant à assurer le traitement des copropriétaires en difficulté et dégradées. En effet, au sein du Code, figure le Livre VI « Mesures tendant à remédier à des difficultés exceptionnelles du logement », Chapitre V « Mesures de sauvegarde ».

Les deux mesures prévues aux termes du CCH sont le plan de sauvegarde et la procédure de carence du syndicat des copropriétaires.

I. Le plan de sauvegarde

A. Les conditions d’application :

Le champ d’application du plan de sauvegarde est exclusivement limité aux groupes d’immeubles ou ensembles immobiliers, à usage d’habitation ou à usage mixte professionnel, commercial et d’habitation, soumis au régime de la copropriété.

Ainsi, le plan de sauvegarde a vocation à s’appliquer aux ensembles immobiliers particulièrement complexes, composés de plusieurs immeubles.

Par ailleurs, sont exclus du plan de sauvegarde les immeubles à usage autre que l’habitation tel que les immeubles à usage exclusivement professionnel ou commercial.

S’agissant des conditions, le plan de sauvegarde peut trouver à s’appliquer lorsque la copropriété est confrontée à de graves difficultés, qui peuvent être variées. Il peut s’agir de difficulté sociales (situation des copropriétaires, relations entre les organes de la copropriété), techniques (nécessité de réaliser des travaux, état du bâtis) et financières (impayés des copropriétaires, insuffisance de la trésorerie, dettes fournisseurs) risquant de compromettre le syndicat des copropriétaires.

Ces difficultés peuvent trouver leur origine dans la complexité juridique ou technique du bâtiment. Tel sera notamment le cas lorsque la copropriété se trouve dans une organisation juridique complexe (à titre d’exemple : au sein d’une association syndicale libre).

B. La phase d’élaboration du plan de sauvegarde

Le plan de sauvegarde est un dispositif d’accompagnement des copropriétés dégradées qui implique un partenariat entre les personnes publiques et les organes de la copropriété et autres personnes privées éventuellement intéressées (fournisseurs, cocontractants, créanciers, etc).

Le plan de sauvegarde est institué par arrêté du préfet, en sa qualité de représentant de l’Etat dans le département, soit à son initiative, soit sur proposition du maire, du président de l’EPCI compétent en matière d’habitat, une association d’habitats ou de l’administrateur provisoire de la copropriété.

La première étape du plan de sauvegarde sera la phase d’élaboration, pour laquelle le préfet confie à une commission qu’il compose le soin d’élaborer un diagnostic de la situation et proposer un plan de sauvegarde.

S’agissant de la composition de cette commission les articles L. 615-1 et L. 615-3 du CCH prévoient qu’elle est présidée par le préfet et qu’elle est composée du maire, du président de l’EPCI, du président du Conseil départemental, du Président du Conseil syndical ainsi que de l’administrateur.

Ainsi, les copropriétaires doivent être représentés au sein de la Commission d’élaboration du plan de sauvegarde.

Même s’il ne s’agit pas d’une obligation pour le préfet, au cours de la phase d’élaboration du plan de sauvegarde, il peut être particulièrement opportun qu’un coordonnateur soit désigné sans attendre la phase d’exécution du plan de sauvegarde.

Au cours de la phase d’élaboration, le plan de sauvegarde de la commission est adressé pour information au syndicat des copropriétaires représenté par son syndic ou par son administrateur provisoire.

C. Sur la phase d’exécution du plan de sauvegarde

Lorsque le plan de sauvegarde est élaboré, il prend la forme d’une convention qui fixe les notamment mesures nécessaires afin de redresser la situation financière de la copropriété, clarifier et simplifier les règles de fonctionnement de l’immeuble, faire réaliser des travaux et organiser la mise en place de mesure d’accompagnement. Cette convention est signée entre les personnes publiques compétentes, l’administrateur provisoire et le cas échéant, les personnes privées intéressées.

Le plan de sauvegarde est institué pour une durée de cinq ans et peut être renouvelé par périodes de deux ans.

Le plan de sauvegarde est soumis à l’approbation du préfet et à avis du maire, du président de l’EPCI et le cas échéant du Conseil départemental.

Le plan de sauvegarde sera notifié aux collectivités publiques et organismes publiques concernés ainsi qu’aux copropriétaires et aux occupants de l’immeuble. Néanmoins cette notification dans des ensembles immobiliers complexes apparaît impossible.

Par ailleurs, le plan de sauvegarde approuvé par arrêté préfectoral est, de nouveau, adressé au syndicat des copropriétaires pris en la personne de son syndic ou de son administrateur provisoire, afin d’être exécuté. En effet, doivent être inscrites à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale les mesures préconisées par le plan.

Faute pour le syndicat des copropriétaires de réaliser les mesures prévues au plan de sauvegarde, le maire ou le président de l’EPCI pourront solliciter la désignation d’un administrateur provisoire sur le fondement de l’article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965 ou bien introduire une procédure aux fins de voir constater la carence du syndicat des copropriétaires.

Même si le déclenchement du plan de sauvegarde s’effectue à l’initiative des pouvoirs publics, qui participent également à son élaboration, le syndicat des copropriétaires n’est pas pour autant exclu, dans la mesure où il intervient à plusieurs phases du projet.

En effet, cette mesure n’entraîne pas une disparition des organes de la copropriété qui restent en place et le syndicat des copropriétaires doit rester impliqué dans la mise en œuvre du projet élaboré.

II. La procédure de carence

A. Les conditions d’application :

Le champ d’application de la procédure de carence est davantage restreint que celui du plan de sauvegarde, dans la mesure où la carence concerne les immeubles collectifs à usage principal d’habitation. Sont donc expressément exclus de la procédure de carence d’autres copropriétaires tels que les copropriétés de locaux à usage de bureaux, commerciaux ou de parkings.

La carence du syndicat des copropriétaires pourra être constatée lorsqu’en raison, soit de graves difficultés financières ou de gestion et de l’importance des travaux à mettre en œuvre, dans l’incapacité d’assurer, soit la conservation de l’immeuble, soit la santé et la sécurité des occupants.

En réalité, la copropriété doit être confrontée à l’impossibilité d’assumer les charges et la gestion courante de l’immeuble. Les difficultés peuvent trouver leur origine tant dans des difficultés financières (trésorerie insuffisante, dettes et impayés des copropriétaires importants) ou en raison de difficultés de gestion.

La procédure de carence, dans ses conséquences, est particulièrement grave, ce qui suppose qu’un redressement et un rétablissement du fonctionnement normal de la copropriété se révèle impossible.

Afin d’évaluer l’opportunité d’un constat de carence, il est indispensable que des études soient réalisées, permettant ainsi, le cas échéant, de démontrer l’impossibilité d’un redressement de la copropriété.

B. Les différentes étapes de la procédure judiciaire aux fins de constat de la carence

L’assignation aux fins de désignation d’un ou plusieurs experts judiciaires et la phase d’expertise judiciaire

La carence du syndicat des copropriétaires, contrairement au plan de sauvegarde, se caractérise par une procédure judiciaire, en plusieurs étapes. La première phase de la procédure consiste en une demande de désignation d’un ou plusieurs experts judiciaires dont la mission est strictement définie.

Cette demande d’expertise s’effectue par la délivrance d’une assignation suivant la procédure accélérée au fond. L’article L. 615-6 du CCH dresse la liste des personnes ayant qualité à agir et des défendeurs à la première phase de la procédure.

Ainsi, le maire de la commune, le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’habitat, sur le territoire duquel est implanté l’immeuble, le préfet, le syndic ou l’administrateur provisoire ou des copropriétaires représentant 15 % au moins des voix du syndicat peuvent solliciter la désignation d’un ou plusieurs experts judiciaires.

S’agissant d’une procédure contradictoire, l’assignation devra être délivrée au syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic ou son administrateur provisoire. Cependant, précision étant faite qu’à ce stade de la procédure, les copropriétaires pris en leur nom personnel ne sont pas défendeurs et ne seront pas parties à l’expertise ordonnée.

Lorsque la saisie est effectuée par le maire ou le président de l’EPCI, il conviendra de présenter pour information à la première assemblée délibérante qui suit la délivrance de l’assignation, le projet simplifié d’acquisition. C’est la raison pour laquelle le projet doit impérativement être préparé en amont et en parallèle de la rédaction de l’assignation.

La première phase de la procédure judiciaire donne lieu à un jugement aux fins de désignation d’un ou plusieurs experts judiciaires, dont la mission consistera à : « Constater l’importance du déséquilibre financier du syndicat, Constater la répartition des dettes par copropriétaire, Constater la nature et l’état des parties communes et, conséquemment, la nature et le coût des travaux à mettre en œuvre pour garantir la santé et la sécurité des occupants, Signaler en annexe de son rapport d’expertise les désordres dans les parties privatives affectant la sécurité et la santé des personnes qu’il constate au cours de sa mission ».

Le jugement fixera la durée de la mission qui ne peut excéder trois mois, renouvelables une fois. S’ouvre ainsi la phase d’expertise judiciaire au cours de laquelle le ou les experts exécuterons leur mission éventuellement assisté d’un ou plusieurs sapiteurs en considération des difficultés identifiées.

Lorsque le ou les experts judiciaires achèvent leur mission, ils déposent leur rapport définitif auprès du tribunal qui a ordonné leur désignation.

L’intervention forcée des copropriétaires et le constat de la carence

Après le dépôt du rapport d’expertise, le tribunal notifie les conclusions du rapport d’expertise ainsi que du jugement de désignation de l’expertise au syndicat des copropriétaires et aux copropriétaires et le cas échéant à l’administrateur provisoire.

A la différence de la première phase, cette seconde sera contradictoire à l’ensemble des copropriétaires.

En effet, la notification des conclusions du rapport et de la décision vaut intervention forcée des copropriétaires à l’instance.

Lors de la notification des conclusions du rapport et du jugement ayant ordonné l’expertise, le Tribunal convoque les parties, et notamment les copropriétaires intervenants forcés, à une audience, afin d’être entendus.

Au cours de cette audience, le président du tribunal peut également être amené à entendre l’expert judiciaire ayant déposé son rapport, sur les conclusions.

Au vu des conclusions de l’expertise et des observations faites par les parties, le tribunal peut déclarer l’état de carence du syndicat des copropriétaires. Le jugement pourra également désigner un administrateur provisoire en application de l’article 29-1 pour préparer la liquidation des dettes de la copropriété.  Le jugement de carence sera notifié au syndicat des copropriétaires ainsi qu’aux copropriétaires et à l’administration provisoire.

Le projet d’acquisition simplifié sera ensuite approuvé par l’assemblée délibérante.

Après le jugement constatant la carence du syndicat des copropriétaires, s’ouvre la phase d’expropriation ; le constat de carence fondant l’utilité publique de l’expropriation. Le préfet prendra un arrêté aux fins notamment de déclarer l’utilité publique du projet, déclarer cessibles les immeubles et fixer l’indemnité provisionnelle d’expropriation.

Les modalités de transfert de propriété des immeubles ou des droits réels immobiliers sont soumises aux dispositions du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.

A défaut d’accord sur l’indemnité d’expropriation, une procédure judiciaire aux fins de fixation de l’indemnité d’expropriation pourra s’ouvrir.

Il en résulte que la procédure de carence est une procédure entraînant l’expropriation de l’immeuble soumis au statut de la copropriété.