le 15/11/2016

Le Conseil d’Etat précise les conditions de régularité de l’installation d’une crèche de Noël dans un bâtiment ou un emplacement public

CE, 9 novembre 2016, Fédération départementale des libres penseurs de Seine-et-Marne, n° 395122

CE, 9 novembre 2016, Fédération de la libre pensée de Vendée, n° 395223

Par deux arrêts en date du 9 novembre 2016, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur l’installation temporaire de crèches de Noël par des personnes publiques, à la suite de la position divergente des Cours administratives d’appel de Nantes et de Paris, la première ayant jugé légale l’installation d’une telle crèche au sein de l’Hôtel de Département du Département de la Vendée, là où la seconde s’est prononcée, à l’inverse, dans le sens de l’illégalité de principe d’une telle installation, en l’occurrence au sein de l’Hôtel de ville de la Commune de Melun.

A ce titre, le Conseil d’Etat a tout d’abord rappelé la portée du principe de laïcité et plus précisément celle de l’article 28 de la loi de 1905, dont il a considéré qu’il avait pour effet d’interdire l’installation par des personnes publiques, de signes ou d’emblème manifestant la reconnaissance d’un culte ou marquant une préférence religieuse.

Cela étant précisé, il a toutefois souligné, dans un second temps, que l’installation temporaire de crèches de Noël était susceptible de revêtir des significations multiples, empêchant par conséquent, la consécration d’une règle absolue, applicable de façon uniforme à l’ensemble des installations procédant de personnes publiques.

Plus particulièrement, dans une formulation, non dénuée d’une certaine ambiguïté, laissant augurer, à notre sens, de nouvelles divergences d’application, il a affirmé, en ces termes, qu’eu « égard à cette pluralité de significations, l’installation d’une crèche de Noël, à titre temporaire, à l’initiative d’une personne publique, dans un emplacement public, n’est légalement possible que lorsqu’elle présente un caractère culturel, artistique ou festif, sans exprimer la reconnaissance d’un culte ou marquer une préférence religieuse. Pour porter cette dernière appréciation, il y a lieu de tenir compte non seulement du contexte, qui doit être dépourvu de tout élément de prosélytisme, des conditions particulières de cette installation, de l’existence ou de l’absence d’usages locaux, mais aussi du lieu de cette installation ».

En conséquence, il a jugé, en outre, que les conditions de légalité d’une telle installation devaient être distinguées selon qu’elle était effectuée au sein d’un bâtiment public siège d’une collectivité publique ou d’un service public, ou d’un autre emplacement public.

De sorte qu’il convient de retenir que, dans l’enceinte des bâtiments publics, sièges d’une collectivité publique ou d’un service public, l’installation d’une crèche de Noël est par principe interdite, sauf si certaines circonstances bien particulières permettent de lui reconnaître un caractère culturel, artistique ou festif.

A l’inverse, dans les autres emplacements publics, notamment sur la voie publique, le principe est celui de la légalité de telles installations dès lors qu’elles ne constituent pas un acte de prosélytisme ou de revendication d’une opinion religieuse.

Considérant enfin que les deux cours administratives d’appel n’ayant pas procédé à l’examen approfondi des circonstances attachées à l’installation des crèches sur lesquelles elles étaient amenées à se prononcer, le Conseil d’Etat a annulé les deux arrêts objets des pourvois en cassation et renvoyé ces affaires à un examen au fond.

Il n’est dès lors pas exclu que les deux cours administratives d’appel restent chacune sur leur position initiale, l’une considérant au terme d’un examen des circonstances approfondi, mais non moins pour partie subjectif, que cette installation revêtait un caractère festif, là où l’autre ne le percevrait pas !

L’application de cette jurisprudence, pour le moins subtile et laissant libre cours aux solutions casuistiques, s’annonce donc particulièrement intéressante et à suivre donc.