le 16/06/2016

La connaissance acquise du délai de recours juridictionnel par l’exercice d’un recours gracieux

CE, 15 avril 2016, n° 375132

Le 15 avril 2016, le Conseil d’État a été amené à préciser la théorie de la connaissance acquise concernant l’exercice d’un recours par un tiers contre un permis de construire.

Dans cette affaire, un permis de construire avait été délivré et avait fait l’objet d’un affichage sur le terrain d’assiette du projet. Toutefois, ce panneau ne mentionnait pas les voies et délais de recours contre celui-ci.

Par un courrier daté du 2 juillet 2008, un recours administratif contre le permis de construire avait été formé par un tiers. Toutefois ce dernier avait attendu trois ans pour introduire un recours contentieux contre ladite autorisation.

Par deux ordonnances successives, les Présidents du Tribunal administratif de Marseille puis de la Cour administrative d’appel de Marseille ont rejeté ce recours en raison de sa tardiveté.

Le Conseil d’Etat, saisi en cassation, a confirmé cette tardiveté en jugeant que « la mention relative au droit de recours, qui doit figurer sur le panneau d’affichage du permis de construire en application de l’article A. 424-17 du Code de l’urbanisme, permet aux tiers de préserver leurs droits ; que, toutefois, l’exercice par un tiers d’un recours administratif ou contentieux contre un permis de construire montre qu’il a connaissance de cette décision et a, en conséquence, pour effet de faire courir à son égard le délai de recours contentieux, alors même que la publicité concernant ce permis n’aurait pas satisfait aux exigences prévues par l’article A. 424-17 du Code de l’urbanisme ».

Aux termes de cette décision, l’exercice d’un recours administratif a pour effet de neutraliser les dispositions combinées des articles R. 600-2 et A. 424-17 du Code de l’urbanisme qui prévoient un affichage du permis de construire pendant deux mois sur le terrain d’assiette avec la mention des voies et délais de recours.

Par cette solution, le Conseil d’Etat privilégie ainsi l’esprit du texte plutôt que son application littérale et tempère ainsi la rigueur de certaines jurisprudences antérieures. Le Conseil d’Etat avait notamment jugé que la connaissance acquise d’un permis de construire n’était pas opposable à des tiers qui s’étaient vu notifier personnellement l’autorisation d’urbanisme délivré tant que l’affichage du permis de construire sur le terrain n’avait pas été effectué (CE, 23 mai 2011, Ville de Paris, n° 339610, mentionnée aux tables du Recueil).

Cette décision apparaît équilibrée dans la mesure où elle permet de concilier la sécurité juridique des bénéficiaires de permis de construire et le droit des tiers de former un recours contentieux dans le délai de droit commun.