le 19/11/2015

Conflit d’intérêts et passation d’un marché public

CE, 14 octobre 2015, Région Nord-Pas-de-Calais, n° 390968

Le principe d’égalité de traitement des candidats à l’attribution d’un marché public, qui a pour corollaire le principe d’impartialité, implique notamment l’irrégularité des procédures dont le résultat est susceptible d’avoir été affecté par la participation d’une personne en situation de conflit d’intérêts.

En la matière, le Juge administratif retient une interprétation objective de la notion d’impartialité : il n’est pas nécessaire de démontrer que l’égalité de traitement des candidats a été rompue par la présence d’une personne en situation de conflit d’intérêts mais simplement de justifier que la présence de celle-ci est de nature « à faire naître un doute suffisant » quant à l’impartialité de la procédure.

L’arrêt Région Nord-Pas-de-Calais du 14 octobre 2015, dans le cadre duquel le Conseil d’Etat a confirmé l’annulation d’une procédure de passation d’un marché public, prononcée par le Tribunal administratif de Lille le 28 mai 2015 (TA Lille, 28 mai 2015, Société REV et SENS, n° 1503492) en est une parfaite illustration.

Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat a jugé qu’était illégale la procédure de passation d’un marché ayant pour objet la mise en place d’une carte dématérialisée dès lors que l’assistant à maîtrise d’ouvrage (AMO) de la Région qui avait lancé cette procédure – qui avait contribué à la rédaction du CCTP et à l’analyse des offres des candidats – avait exercé des responsabilités importantes au sein de la société désignée comme attributaire du marché. Bien que cette personne ait quitté ladite société depuis près de deux années, le Conseil d’Etat a considéré que « s’il ne résulte pas de l’instruction que l’intéressé détiendrait encore des intérêts au sein de l’entreprise, le caractère encore très récent de leur collaboration, à un haut niveau de responsabilité, pouvait légitimement faire naître un doute sur la persistance de tels intérêts et par voie de conséquence sur l’impartialité de la procédure suivie par la région Nord-Pas-de-Calais ».

Le Conseil d’Etat a, au surplus, rappelé dans cet arrêt que tout pouvoir adjudicateur a toujours la possibilité de prendre toute mesure permettant de corriger un défaut d’impartialité et, en conséquence, de préserver l’égalité de traitement des candidats. En l’espèce, pour lever tout doute sur l’impartialité de son AMO, le Conseil d’Etat considère que la Région aurait pu mettre en œuvre « une fois connue la candidature de cette société, toute mesure en vue de lever ce doute légitime, par exemple en l’écartant de la procédure d’analyse des offres ».

Cet arrêt s’inscrit pleinement dans l’esprit de la nouvelle réglementation applicable en matière de « marchés publics » (directives 2014/24/UE et 2014/25/UE transposées par l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics), aux termes de laquelle les acheteurs publics doivent prendre « les mesures appropriées permettant de prévenir, de détecter et de corriger de manière efficace des conflits d’intérêts survenant lors des procédures de passation de marché, afin d’éviter toute distorsion de concurrence et d’assurer l’égalité de traitement de tous les opérateurs économiques » (cf. article 24 de la directive 2014/24/UE).