le 08/02/2018

Confirmation du remboursement par EDF d’un avantage accordé par l’Etat français d’un montant de 1,37 milliards d’euros

TUE, 16 janvier 2018, Electricité de France c. Commission européenne, aff. T-747/15.

Par un arrêt du 16 janvier 2018, Electricité de France c. Commission (aff. T-747/15), le tribunal de l’Union européenne a confirmé la qualification d’aide d’Etat par la Commission européenne de l’avantage résultant du non-paiement de l’impôt sur les sociétés dû par la société Electricité de France (EDF) sur une partie des provisions comptables créées en franchise d’impôt pour le renouvellement du « Réseau d’Alimentation Générale en énergie électrique » (RAG) et requalifiées en dotation en capital lors de la restructuration de son bilan comptable en 1997.

Cette restructuration est consécutive à l’entrée en vigueur de la loi n° 97-1026 du 10 novembre 1997 portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier dont l’article 4 a transféré à la fois la propriété des ouvrages du RAG à la société EDF, mais également le montant des provisions pour renouvellement constituées sous le titre de « Droits du concédant » du passif du bilan d’EDF au poste « Dotations en capital ».

Le transfert comptable opéré en 1997 avait permis à la société EDF de bénéficier d’une exonération d’impôt d’un montant de 5.882 milliards de francs.

La Commission européenne avait déjà qualifié l’opération d’aide d’Etat incompatible avec le marché intérieur au regard du second paragraphe de l’article 108 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) dans une décision du 16 décembre 2003 annulée par un arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 15 décembre 2009 (aff. T-156/04), lui-même confirmé par un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 5 juin 2012 (aff. C-124/10). A cette dernière occasion, l’Etat français avait restitué le montant de l’avantage financier que la société EDF lui avait remboursé en 2003.

Pour autant, la Commission européenne a décidé en 2013 d’élargir son examen et a déclaré derechef, par une décision du 22 juillet 2015, que l’avantage dont a bénéficié la société EDF est incompatible avec le marché intérieur. Dans cette décision, la Commission estime notamment que le critère de l’investisseur privé en économie de marché n’a pas à s’appliquer dans cette affaire. La société EDF a, une nouvelle fois, remboursé le montant à l’Etat français le 13 octobre 2015, et saisi le Tribunal de l’Union européenne pour faire annuler la décision de la Commission.

Dans l’arrêt commenté, le Tribunal a notamment précisé, lors d’une argumentation particulièrement longue, les conditions d’applicabilité du « critère de l’investisseur privé » selon lesquelles :

« aux fins de l’appréciation de la question de savoir si la même mesure aurait été adoptée dans les conditions normales du marché par un investisseur privé se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle de l’État, seuls les bénéfices et les obligations liés à la situation de ce dernier en qualité d’actionnaire, à l’exclusion de ceux qui sont liés à sa qualité de puissance publique, sont à prendre en compte » (cf. considérants n°245 et 232).

Au regard desdites conditions d’applicabilité, le Tribunal a finalement considéré que :

« […] ni la République française ni EDF n’ont démontré que, préalablement ou simultanément à l’octroi d’un montant équivalant à celui de l’impôt auquel il était renoncé à l’occasion du reclassement en dotation en capital des droits du concédant, l’État français avait pris la décision de procéder, par la mesure effectivement mise en œuvre, à un investissement, ni qu’une telle décision avait été prise sur le fondement d’évaluations économiques préalables comparables à celles que, dans les circonstances de l’espèce, un investisseur privé rationnel se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle dudit État membre aurait fait établir, avant de procéder audit investissement, aux fins de déterminer la rentabilité future d’un tel investissement » (cf. considérant n° 233).

En résumé, le Tribunal de l’Union européenne donne raison à la Commission européenne quant à l’inapplicabilité du critère de l’investisseur privé dans cette affaire dès lors que l’Etat français n’a pas, au cas précis, agi comme un actionnaire mais comme une puissance publique. Par l’arrêt commenté, le Tribunal rejette aussi l’ensemble des moyens soulevés par la société EDF et la République française.