le 14/01/2020

Concessions : retour à l’autorité concédante des provisions pour travaux de renouvellement inutilisées en fin de contrat

TA Poitiers, 11 septembre 2019, n° 1702196, Société SAUR c/ Communauté de communes du Haut Val de Sèvres (Deux-Sèvres)

On se souvient que par une décision rendue le 18 octobre 2018 société Electricité de Tahiti (n°420097) particulièrement commentée depuis, le Conseil d’Etat avait apporté d’utiles précisions sur le sort des provisions pour renouvellement constituées dans le cadre d’un contrat de concession (voir notre brève dans la LAJEE n° 44 parue en novembre 2018).

Le Conseil d’Etat s’était penché sur les dispositions de la loi du Pays de la Polynésie française relative aux provisions pour renouvellement des immobilisations dans les délégations de service public.

A cette occasion, la Haute Juridiction avait rappelé les principes applicables aux biens de retour qui concernaient une concession de distribution publique d’électricité, dégagés notamment par l’arrêt d’Assemblée du 21 décembre 2012, commune de Douai, (n°342788). Elle avait en outre et surtout indiqué que les provisions pour renouvellement constituées par un concessionnaire, pour des montants excédant les besoins de renouvellement, ne peuvent être conservées par lui.

Dans le jugement ici commenté, le Tribunal administratif a fait une application directe de ces principes, dans un domaine autre que l’énergie mais dont l’analyse est tout à fait transposable.

Le litige opposait la communauté de communes du Haut Val de Sèvres à son concessionnaire pour l’assainissement collectif, la société SAUR.

A l’issue du contrat de concession, la collectivité avait réclamé à son concessionnaire le solde des provisions pour renouvellement constituées et non utilisées, il s’agissait précisément de « la différence entre les charges de renouvellement des équipements cumulées et prélevées sur les usagers et le montant des travaux réellement réalisés sur la période contractuelle ».

La SAUR avait alors contesté le titre de recettes émis par la collectivité pour récupérer ce solde.

Reprenant les principes du Conseil d’Etat dans l’affaire société Electricité de Tahiti, le Tribunal administratif de Poitiers rappelle que les provisions ne sauraient être conservées par le concessionnaire :

«  […] les sommes requises pour l’exécution des travaux de renouvellement des biens nécessaires au fonctionnement du service public qui ont seulement donné lieu, à la date d’expiration du contrat, à des provisions, font également retour à la personne publique. Il en va de même des sommes qui auraient fait l’objet de provisions en vue de l’exécution des travaux de renouvellement pour des montants excédant ce que ceux-ci exigeaient, l’équilibre économique du contrat ne justifiant pas leur conservation par le concessionnaire ».

Dès lors, le Tribunal a considéré que la collectivité avait pu émettre, en fin de contrat, un titre de recettes pour avoir paiement d’une somme de 563.726 euros correspondant aux provisions constituées par le concessionnaire et finalement inutilisées.

Le jugement est ici intéressant en ce que les juges ont considéré qu’une collectivité peut valablement chiffrer avec ses propres éléments le montant des provisions inutilisées, et ce, dans la mesure où le concessionnaire n’apportait aucun élément comptable de nature à contester les chiffres retenus :

«  alors que la société Saur n’apporte aucun élément comptable de nature à contester les chiffres retenus par l’administration, s’agissant du montant des provisions dotées en vue de l’exécution des travaux de renouvellement des biens nécessaires au fonctionnement du service public de l’assainissement collectif affermé et du montant des travaux réalisés pendant la durée d’exécution du contrat, la communauté de communes du Haut Val de Sèvres a pu, en l’état des pièces communiquées par la société Saur, émettre le titre de perception litigieux ».

Cela étant, le Tribunal a malgré tout été contraint d’annuler le titre exécutoire émis par la collectivité en ce qu’il ne mentionnait pas les nom, prénom et qualité de la personne qui l’avait émis comme l’impose l’article L.1617-5 du Code général des collectivités territoriales.