le 03/05/2018

Compétences « eau » et « assainissement » dans la proposition de loi sur le transfert des compétences « eau » et « assainissement » : les désaccords persistent entre l’Assemblée Nationale et le Sénat

Proposition de loi relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes

Le transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes et communauté d’agglomération au 1er janvier 2020, prévu par la loi NOTRe du 7 août 2015, devrait être prochainement aménagé.

En février 2017, le Sénat adoptait à l’unanimité la proposition de loi Retailleau, qui revenait sur la loi NOTRe et rétablissait le caractère optionnel du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération. Cette initiative du Sénat n’a pas eu de suite directe, compte tenu notamment du changement de législature, mais une nouvelle proposition de loi a été déposée 21 décembre 2017, cette fois auprès de l’Assemblée Nationale.

Après son adoption à l’Assemblée Nationale, la proposition prévoyait à l’article 1er un report du transfert obligatoire de la compétence au 1er janvier 2026, pour les seules communautés de communes et sous certaines conditions :

–       d’une part, avant le 1er juillet 2019, au moins 25 % des communes membres de la communauté de communes, représentant au moins 20 % de la population, devraient avoir délibéré en ce sens ;

–       d’autre part, les communautés de communes dont les membres souhaitent mettre en œuvre cette faculté de report ne doivent pas exercer ces deux compétences, à titre optionnel ou facultatif, à la date de publication de la loi. Si le texte peut paraître ambigu, il ressort des travaux parlementaires que chaque compétence doit être appréciée individuellement, de sorte que les communes d’une communauté dotée de la seule compétence « assainissement » pourraient délibérer pour reporter le transfert obligatoire de la compétence « eau ».

L’article 2, issu des débats parlementaires, prévoyait une réécriture des libellés de la compétence assainissement des communautés de communes, des communautés d’agglomération, des communautés urbaines et des métropole afin d’y inclure expressément les eaux pluviales et les eaux de ruissellement (les articles L. 5214-16, L. 5216-5, L. 5215-20 et L. 5217-2 indiquent ainsi « assainissement des eaux usées, dans les conditions prévues à l’article L. 2224-8, et assainissement des eaux pluviales et des eaux de ruissellement des zones urbaines au sens de l’article L. 2226-1 »).

Par ailleurs, l’article 3 revoyait les dispositions relatives au mécanisme spécifique de représentation-substitution des communes au sein des syndicats de communes ou des syndicats mixtes spécifiques à l’exercice des compétences « eau » et « assainissement » qui avaient pour conséquence la dissolution des syndicats ne regroupant que deux EPCI : il y aurait donc substitution des communautés de communes et des communautés d’agglomération dans ces syndicats, et non plus de retraits.

Le texte adopté le 18 avril 2018 par le Sénat diffère nettement de la proposition retenue par l’Assemblée Nationale. Les Sénateurs ont certes adopté sans modification l’article 3 relatif à la substitution des communautés de communes et des communautés d’agglomération au sein des syndicats ayant sur leurs périmètres au moins deux EPCI à fiscalité propre, mais ils ont voté l’abrogation des dispositions de la loi NOTRe qui prévoyaient le transfert obligatoire des compétences eaux et assainissement, afin de pérenniser leur caractère optionnel, tant pour les communautés de communes que pour les communautés d’agglomération.

Plusieurs autres nouveaux articles ont par ailleurs été adopté. S’agissant plus particulièrement des mesures qui concernent l’eau et l’assainissement, on relèvera :

Un article 1 bis, qui dispose que les « communes qui conservent les compétences eau ou assainissement restent éligibles à l’ensemble des subventions et aides des divers organismes, dont les agences de l’eau, dans le cadre des travaux ou investissements à venir. », et qui a pour objet de s’assurer que les agences de l’eau continueront à verser des subventions aux communes lorsque celles-ci conservent leur compétence.

Un article 1 ter vise à assouplir l’article L. 2221-11 du CGCT, relatif à la non-obligation d’établir un budget annexe pour les services de distribution d’eau potable et d’assainissement gérés en régie simple ou directe. Cet article ne remet pas en cause toutefois le principe d’une individualisation des montants des recettes et des dépenses affectées à ces services.

Enfin, le Sénat a également modifié les dispositions concernant les eaux pluviales et les eaux de ruissellement, en retenant le principe d’une sécabilité de la compétence, à l’opposé de la position adoptée par l’Assemblée Nationale.

Dans une note d’information du 13 juillet 2016 relative aux incidences de la loi NOTRe sur l’exercice des compétences « eau » et « assainissement » par les EPCI, la Direction Générale des Collectivités Locales considérait que les eaux pluviales devaient être incluses dans la compétence « assainissement », en se fondant pour cela sur un arrêt du Conseil d’Etat du 4 décembre 2013, Communauté urbaine « Marseille Provence Métropole », position réaffirmée dans la note d’information du 18 août 2017. Toutefois, cet arrêt ne concernait qu’une communauté urbaine (et non les communautés de communes et d’agglomération), et il était surtout intervenu avant que le service public de gestion des eaux pluviales urbaines ne fasse l’objet de dispositions spécifiques (articles L. 2226-1 et L. 2226-2 du CGCT), distinctes de celles de l’assainissement (articles L. 2224-7 et L. 2224-8 du même Code). Autrement dit, rien n’indiquait que l’arrêt du Conseil d’Etat avait la portée qui lui était prêté.

Devant les difficultés opérationnelles suscitées par cette interprétation de la DGCL, le Sénat a souhaité modifier l’intitulé de la compétence « assainissement » des communautés de communes et des communautés d’agglomération dans un sens opposé à celui de l’Assemblée Nationale, en réécrivant les articles L. 5214-16 II 6° et L. 5216-5 I 2° du CGCT, afin que le libellé statutaire devienne « assainissement des eaux usées dans les conditions prévues à l’article L. 2224-8 et, si des mesures doivent être prises pour assurer la maîtrise de l’écoulement des eaux pluviales ou des pollutions apportées au milieu par le rejet des eaux pluviales, la collecte et le stockage de ces eaux ainsi que le traitement de ces pollutions dans les zones délimitées par la communauté en application des 3° et 4° de l’article L. 2224-10 » (ce libellé étant rédigé afin par ailleurs d’exclure de la compétence les « eaux de ruissellement »).

Cette définition, dont on notera qu’elle était celle employée dans le CGCT avant l’intervention de la loi NOTRe, a pour objectif selon la Commission des lois du Sénat de laisser le transfert de la compétence « gestion des eaux pluviales urbaines » à la « libre appréciation des communes membres des intercommunalités », « afin de prendre en compte les spécificités de chaque territoire ». La rédaction ne convainc pas totalement sur ce point : outre qu’elle s’avère assez peu lisible (comment détermine-t-on, juridiquement, « si des mesures doivent être prises pour assurer la maîtrise de l’écoulement des eaux pluviales ») ; comment, dès lors, déterminer s’il appartient à la Communauté ou aux communes de délimiter les zones d’intervention de l’EPCI ?

Pour ce qui concerne les communautés urbaines et les métropoles, les articles L. 5215-20 et L. 5217-2 sont également réécrits afin au contraire d’intégrer expressément et obligatoirement les eaux pluviales et les eaux de ruissellement.

La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte a été convoquée et devrait prochainement se réunir.