le 16/04/2015

Compétence exclusive du Juge judiciaire en matière de propriété littéraire et artistique même en présence d’une personne morale de droit public

CE, 6 mars 2015, Département de Meurthe-et-Moselle c/ Mr. A., n° 373637

L’article 196 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit a modifié l’article L. 331-1 du Code de la propriété intellectuelle qui dispose explicitement : « Les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, y compris lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire ».

Dans un arrêt en date du 6 mars 2015, le Conseil d’Etat est venu confirmer une décision du Tribunal des Conflits du 7 juillet 2014 (T.Confl., 7 juillet 2014, M. c/ Maison départementale des personnes handicapées de Meurthe-et-Moselle, n° 3954) ayant fait application de cet article en jugeant que seules les juridictions de l’ordre judiciaire sont compétentes pour connaitre du litige opposant un auteur et une personne morale de droit public.

En l’espèce, le département de Meurthe-et-Moselle avait conclu un marché public avec un photographe portant sur la cession des droits de reproduction et de diffusion des photos prises par ce dernier pour le compte du département.

A l’expiration du délai d’exploitation, le Département ayant refusé la restitution des cédéroms contenant les photos, le photographe saisit le Juge administratif en première instance, puis en appel afin d’obtenir la restitution desdits cédéroms et la réparation du préjudice en découlant.

Or, le Conseil d’Etat saisit du litige considère que « […] la recherche d’une responsabilité des personnes publiques fondée sur la méconnaissance par ces dernières de droits en matière de propriété littéraire et artistique relève, compte tenu des dispositions de l’article L. 331-1 du Code de la propriété intellectuelle dans leur rédaction issue de l’article 196 de la loi du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, de la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire ; […] ».

La jurisprudence en la matière est donc désormais bien établie. Dans sa décision de 2014, le Tribunal des Conflits avait simplement réservé le cas d’une décision juridictionnelle déjà intervenue sur le fond devant le juge administratif impliquant que les juridictions administratives restent compétentes pour la suite de la procédure. En revanche, en présence d’un référé administratif formé au préalable, les juridictions judiciaires demeurent pleinement compétentes.

Cette compétence exclusive du Juge judiciaire en la matière n’est pas sans conséquence pour les personnes publiques par rapport à l’appréciation du litige. En effet, dans certains domaines couverts par les droits d’auteur tels que le droit moral de l’architecte, le contrôle du Juge judiciaire sur la légitimité d’une atteinte portée à une œuvre architecturale par une personne publique a été, jusqu’ici, plus stricte que celle du Juge administratif.

La spécialisation des Tribunaux de grande instance en matière de propriété littéraire et artistique devront donc conduire les personnes publiques à redoubler de vigilance dans les litiges portant sur des droits d’auteur les opposant à des particuliers.