le 25/03/2021

Communication des documents administratif : régime contentieux et qualification d’informations relatives à l’environnement

CE, 1er mars 2021, M. et Mme C. c./ Eurométropole de Strasbourg, n° 436654

Par une décision du 1er mars 2021, le Conseil d’État précise le régime contentieux relatif aux demandes de communication de documents administratifs fondées sur les articles L. 311-1 et suivants du Code des relations entre le public et l’administration et la qualification d’informations en matière environnementale au sens de l’article L. 124-2 du Code de l’environnement.

 

En l’espèce, par une délibération en date du 25 octobre 2013, la communauté urbaine de Strasbourg devenue l’Eurométropole de Strasbourg, a approuvé le dossier de création d’une zone d’aménagement concerté. Dans le prolongement de cette décision, l’Eurométropole de Strasbourg a lancé une consultation pour sélectionner un groupement d’opérateurs économiques en vue de l’aménagement de la zone précitée.

 

Un couple d’administrés a sollicité l’Eurométropole de Strasbourg pour se voir communiquer une série de documents relatifs aux offres déposées par les candidats dans leur réponse à cette consultation. Face au refus de l’Eurométropole de Strasbourg et de la Commission d’accès aux documents administratifs, le Tribunal administratif de Strasbourg a été saisi d’une demande tendant à l’annulation de la décision implicite par laquelle l’Eurométropole de Strasbourg a rejeté la demande de communication de ces documents.

 

Par un jugement du 27 mars 2019 le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande et le Conseil d’État a été saisi d’un pourvoi en cassation contre ledit jugement.

 

A titre liminaire, on précisera que les requérants avaient sollicité la communication des documents administratifs sur deux fondements distincts. Fort classiquement, la communication de la majorité des documents administratifs était fondée sur les articles L. 311-1 et suivants du Code des relations entre le public et l’administration. Néanmoins, les requérants, estimant que certains documents comportaient des informations relatives à l’environnement au sens des articles L. 124-1 et suivants du Code de l’environnement, se prévalaient du régime particulier d’accès à ces informations notamment afin d’éviter que puisse leur être opposé le caractère préparatoire des documents relatifs à ces informations.

 

Appréciant tout d’abord les conclusions dirigées contre le refus de la demande tendant à la communication des documents administratifs formulée sur le fondement des articles L. 311-1 et suivants du Code des relations entre le public et l’administration, le Conseil d’État pose le principe selon lequel il appartient au juge de l’excès de pouvoir doit, par exception, apprécier la légalité du refus de communication au vu des circonstances de droit et de fait à la date de laquelle il statue :

« Il appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de contrôler la régularité et le bien-fondé d’une décision de refus de communication de documents administratifs sur le fondement des dispositions, citées au point 2, des articles L. 311-1 et L. 311-2 du code des relations entre le public et l’administration. Pour ce faire, par exception au principe selon lequel le juge de l’excès de pouvoir apprécie la légalité d’un acte administratif à la date de son édiction, il appartient au juge, eu égard à la nature des droits en cause et à la nécessité de prendre en compte l’écoulement du temps et l’évolution des circonstances de droit et de fait afin de conférer un effet pleinement utile à son intervention, de se placer à la date à laquelle il statue ».

 

Le Conseil d’État étend par là même le principe dégagé dans sa décision d’assemblée relative à la consultation des archives publiques (CE Ass., 12 juin 2020, Graner, n° 422327) au contentieux de la communication de documents administratifs sur le fondement des articles L. 311-1 et L. 311-2 du code des relations entre le public et l’administration.

 

Par ailleurs, il constate en l’espèce que l’annulation de l’arrêté du préfet du Bas-Rhin déclarant d’utilité publique les acquisitions et travaux nécessaires à la création de la zone d’aménagement concerté n’a pas eu pour effet de faire perdre le caractère d’acte préparatoire des documents dont la communication était demandée. En effet, validant implicitement au contentieux la doctrine de la Commission d’accès aux documents administratifs selon laquelle les offres déposées dans le cadre d’une procédure de passation d’un contrat de la commande publique sont qualifiables de documents préparatoires jusqu’à la signature du contrat ou la décision de l’acheteur de renoncer à mener à bien la procédure. Or, le Conseil d’État juge que l’annulation de l’arrêté précité n’imposait pas à l’Eurométropole d’abandonner son projet si bien que cette annulation était sans effet sur la qualification de documents préparatoires des offres des soumissionnaires.

 

Le Conseil d’État se livre ensuite à l’examen du bien fondé des demandes formulées au titre des articles L. 124-1 et suivants du Code de l’environnement. L’article L. 124-1 du Code de l’environnement consacre « le droit de toute personne d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues, reçues ou établies par les autorités publiques mentionnées à l’article L. 124-3 [du code précité] ou pour leur compte » selon un régime spécifique définit pour partie par le code de l’environnement. Et l’article L. 124-2 de ce Code précise les informations qualifiables d’information relative à l’environnement au sens de ces dispositions.

 

En l’espèce, les documents de la consultation lancé par l’Eurométropole de Strasbourg exigeaient des soumissionnaires qu’ils présentent, dès la première phase du processus de sélection des candidatures, une note explicitant leur parti pris environnemental pour la mise en œuvre du projet. Se poser donc la question de savoir si les « documents émanant des candidats qui ont pour objet d’indiquer les moyens mis en œuvre par les futurs aménageurs pour répondre aux objectifs à atteindre en matière environnementale » étaient qualifiables d’information relative à l’environnement.

 

Dans ses conclusions sous l’affaire précitée (conclusions disponibles sur le site Ariane web), le rapporteur public invitait le Conseil d’État à répondre positivement à cette question. Le rapporteur considérait qu’il résultait d’une lecture combinée des 1° et 2° de l’article L. 124-2 du Code de l’environnement que le législateur avait entendu adopter une conception particulièrement extensive de la notion d’ « information relative à l’environnement ». Aux termes du 2° de l’article précité, il suffit en effet que « les décisions, les activités et les facteurs, notamment les substances, l’énergie, le bruit, les rayonnements, les déchets, les émissions, les déversements et autres rejets » soient « susceptibles » d’avoir des incidences sur l’état des éléments de l’environnement pour que l’élément en cause revête la qualification précitée. Ainsi, la circonstance que les documents des offres des candidats relatif à l’environnement ne soient, en cours de procédure, que de simples projets ne suffisaient pas à écarter, selon le rapporteur public, la circonstance qu’ils étaient potentiellement susceptibles d’avoir des incidences sur l’environnement et partant leur qualification d’information relative à l’environnement.

 

Cependant, le Conseil d’État n’a pas souhaité suivre les conclusions du rapporteur public et a consacré une appréciation plus restrictive de la notion d’information relative à l’environnement en jugeant que tant que la « sélection n’a pas conduit à la conclusion d’un contrat avec un aménageur, les informations relatives à l’environnement qu’ils contiennent ne sauraient, à ce stade, être regardées comme ayant pour objet des décisions ou des activités susceptibles d’avoir des incidences sur l’état des éléments de l’environnement, au sens des dispositions citées au point 5 du 2° de l’article L. 124-2 du code de l’environnement ».

 

En conclusion, aucun document dont la communication était demandée n’étant communicable, le Conseil d’État rejette le pourvoi formé par les requérants.