le 18/01/2018

Les clauses d’adhésion obligatoire aux associations de commerçants jugées nulles

Le 27 septembre 2017 la première chambre civile de la Cour de cassation est venue confirmer et affiner sa jurisprudence relative aux clauses d’adhésion obligatoires à des associations par les commerçants.

En l’espèce, une société exploitant un commerce de détail concluait en 1998 un bail commercial avec la société gestionnaire d’un centre commercial, ce contrat contenait une clause stipulant comme condition l’adhésion du preneur à l’association des commerçants du centre commercial dans lequel est situé le local loué.

Plusieurs années après, le preneur notifiait à l’association son retrait de celle-ci à compter du 1er janvier 2012 et cessait de régler ses cotisations.

L’association déposait une requête en injonction de payer les cotisations ultérieures devant le Président du Tribunal de commerce. La société demandait donc reconventionnellement la nullité de la clause d’adhésion obligatoire, le remboursement des cotisations payées et l’indemnisation du préjudice subi.

Dans un premier temps, concernant la nullité de la clause d’adhésion obligatoire. La première chambre civile énonce que « l’association ne produisait aucun bulletin d’adhésion et que le seul paiement des cotisations pendant plusieurs années ne constituait pas l’expression d’une volonté libre d’adhérer, et énoncé exactement que les statuts de l’association, qui imposent à la société locataire d’y adhérer, sans possibilité de démissionner, méconnaissaient l’article 4 de la loi du 1er juillet 1901 et l’article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, que l’adhésion de la société locataire devait être annulée ». La solution apportée par cet arrêt est désormais classique puisque les différentes chambres de la Cour de Cassation se sont accordées pour statuer en ce sens (Cass, civ., 3ème, 12 juin 2003, n° 02-10.778 ; Cass, civ., 1ème,  20 mai 2010, n° 09-65.045). La Cour de cassation vient donc rappeler que la liberté d’association implique le droit de ne pas adhérer et celui de se retirer à tout moment.

Ensuite, Concernant les conséquences financières de l’annulation d’une clause d’adhésion obligatoire à une association dans un bail commercial, la Cour de cassation  confirme les conséquences financières de l’annulation d’une telle clause en condamnant l’association au remboursement de l’intégralité des contributions indument perçues.

En effet, après quelques divergences, les chambres de la Cour de cassation ont, dans un premier temps, relevé que le fait d’annuler une telle clause tout en maintenant ses conséquences financières pour le preneur revenait à une reconnaissance théorique dénué de toute efficacité de la liberté du preneur incompatible avec l’article 13 de la Convention européenne des Droits de l’Homme garantissant un recours effectif (Cass, civ., 1ère, 20 mai 2010, n° 10-23.928).

Ensuite, il a été affirmé que l’annulation à raison de l’atteinte à la liberté fondamentale de ne pas s’associer ne faisait pas échec au principe des restitutions réciproques que peut impliquer l’annulation d’un contrat exécuté (Cass. civ., 3ème, 23 novembre 2011, pourvoi n° 10-23.928). Il s’agit donc de confirmer dans ce récent arrêt l’application du droit commun des nullités et des restitutions.

Enfin, si par principe les restitutions doivent s’effectuer en nature, il est admis qu’elles le soient en valeur lorsque les prestations sont définitivement acquises à l’une des parties, ce qui est le cas en l’espèce (Cass, Civ 1e, 12 juillet 2012, n°10-23.928 ; Cass, Civ 1e, 2 octobre 2013, n° 12-24.867). La Cour de cassation précise que l’évaluation des restitutions est de l’appréciation souveraine des juges du fond en fonction des éléments mis à leur disposition (Cass, civ., 1ère, 12 juillet 2012, n° 10-23.928 ; Cass, civ., 1ère, 2 octobre 2013, n° 12-24.867). Ainsi, la société peut prétendre à ce que lui soit restituer l’intégralité des cotisations qu’elle a payé depuis son adhésion forcée mais devra également en contrepartie indemniser l’association des bénéfices que cette dernière lui a procuré (Cass, Civ 1e, 27 septembre 2017, n° 16-878).

Toutefois, et là est le point novateur de cet arrêt, la première chambre civile de la Cour de cassation tout en s’inscrivant dans la stricte continuité des arrêts précédents, n’hésite pas à aller au-delà en apportant une précision dont on ne saurait négliger l’importance. 

En effet, en l’espèce, la Cour d’appel de Versailles avait rejeté la demande de dommages-intérêts formée par la société en retenant que celle-ci ne caractérisait pas la faute de l’association dès lors qu’elle s’est vue contrainte d’y adhérer en sa seule qualité de preneur à bail au sein du centre commercial.

La première chambre civile précise alors qu’en « statuant ainsi, alors que la méconnaissance, par l’association, de la liberté fondamentale de la société locataire de ne pas y adhérer, constituait une faute civile, la cour d’appel a violé l’article 1382 du Code civil, devenu l’article 1240 du Code civil ».

La précision est d’ampleur puisque sa portée commande qu’une société qui s’est vue contrainte d’adhérer à une association par la signature d’un bail commercial n’aura plus a démontrer l’existence d’une faute distincte de la violation de la liberté fondamentale d’association pour prétendre à l’allocation de dommages et intérêts. En conséquence, la seule violation de cette liberté d’association constitue en elle-même une faute emportant l’allocation de dommages et intérêts indépendant du préjudice financier né des contributions indument versées par la société.