le 16/05/2017

La « clause Molière » dans les marchés publics

La « clause Molière » consiste à ce que le personnel affecté à l’exécution d’un marché public soit capable de comprendre et parler le français, ou, à défaut, qu’un interprète soit présent sur le lieu d’exécution.

Créée par le directeur du centre hospitalier de Confolens, par ailleurs adjoint au Maire d’Angoulême, cette clause a été reprise par de nombreuses collectivités au sein de leurs CCAP. À titre d’exemple, les régions d’Île-de-France, des Hauts-de-France, d’Auvergne-Rhône-Alpes ou encore du Haut-Rhin ont ainsi adopté cette clause, qui fut initialement rédigée ainsi au sein du CCAP du marché de travaux pour la réhabilitation de l’EHPAD Le Pigeonnier passé par le centre hospitalier de Confolens :

 « 6.4.5 Obligations du titulaire relatives à l’usage du français sur le chantier :

Afin de garantir la sécurité des travailleurs et visiteurs sur le chantier, ainsi qu’une parfaite compréhension des directives de la direction technique des travaux, l’ensemble des ouvriers présents sur le chantier devra comprendre et s’exprimer en français. En cas d’impossibilité, le titulaire sera tenu, après information préalable du coordonnateur SPS et du maître d’œuvre, de veiller à l’intervention d’un interprète agréé auprès des tribunaux dans les langues concernées, afin de satisfaire à l’obligation mentionnée au précédent alinéa. Cette prise en charge se fera aux seuls frais du titulaire. En cas de carence constatée de l’entreprise titulaire, et après notification d’une demande de mise en conformité restée infructueuse, les frais d’interprétariat pourront au choix du maître d’ouvrage, soit être comptabilisés comme pénalités au titre de l’article 4.5.2 du CCAP, soit provoquer la résiliation du marché aux frais et risques du titulaire ».

Cette clause s’entend donc comme une clause d’exécution du marché et n’a pas été implémentée en tant que clause de sélection des offres ainsi que certains auteurs ont pu initialement l’imaginer.

Au-delà du débat politique qui s’est illustré par la volonté de transformer une simple clause contractuelle en un article de loi, volonté par ailleurs balayée par le rejet de l’amendement « Molière » à la suite de l’utilisation de l’article 49.3 de la constitution par le gouvernement, sur le terrain contractuel, la « clause Molière » a fait l’objet d’une instruction ministérielle relative aux délibérations et actes des collectivités territoriales imposant l’usage du français dans les conditions d’exécution des marchés demandant aux préfets de considérer de telles clauses comme « illégales et (de) les traite(r) comme telles ».

En effet, il ressort de cette instruction que la clause Molière soulève des interrogations quant à sa compatibilité avec le droit de la commande publique et le droit communautaire.

Notamment, l’instruction ministérielle précitée affirme qu’« au regard des règles applicables à la commande publique, imposer de façon systématique la maîtrise de la langue française pour l’exécution d’un marché public ou d’un contrat de concession constitue une violation du principe de non-discrimination qui gouverne la passation desdits contrats, qu’une telle obligation figure dans une délibération ou dans les clauses contractuelles ».

Ce n’est que par voie d’exception que l’instruction interministérielle précitée semble envisager la licéité d’une telle clause, à la double condition qu’elle soit en lien avec l’objet du marché et nécessaire à son exécution. Ainsi que le souligne l’instruction, « tel pourrait être le cas par exemple d’une clause imposant la maîtrise du français dans le cadre de certaines prestations de formation ».

Il ne reste plus qu’à attendre les premières décisions des juridictions administratives sur la question, qui ne manqueront pas de survenir suite à l’instruction ministérielle envoyée aux contrôles de légalité et qui permettront de vérifier, si, ainsi que l’écrivait Molière, « les langues ont toujours du venin à répandre ».