Contrats publics
le 12/03/2025

Cession avec charges et requalification en concession d’aménagement

TA Dijon, 6 février 2025, n° 2203037

Par un jugement du 6 février 2025, le Tribunal administratif de Dijon a écarté toute qualification en contrat de la commande publique d’une vente d’une parcelle communale, dans le cadre de laquelle l’acquéreur s’engageait à réaliser un ensemble immobilier utile pour la vie de la Cité.

Dans cette affaire, autrement évoquée dans cette Lettre d’Actualité Juridique, la commune de Daix a, par une délibération de son conseil municipal en date du 28 juin 2022, approuvé la cession d’une parcelle communale de 1348 m² à une société, qui s’engageait à y implanter un pôle dédié à des activités commerciales, libérales et de services utiles à la population de Daix.

Le requérant, un contribuable, sollicitait l’annulation de la délibération au motif que le contrat de vente devait être analysé comme un contrat de la commande publique, et plus précisément une concession d’aménagement.

Le motif est dans l’air du temps. Le sujet de la requalification des cessions avec charges n’est pas nouveau en effet. Et s’il a longtemps était abordé sous le prisme d’une requalification en marché de travaux, il est aujourd’hui plus logiquement – et fort heureusement – apprécié sous l’angle concessif, celui d’une requalification en concession d’aménagement[1]. L’exercice n’est pas absurde. Une cession avec charges a bien en effet parfois pour objet de confier à un opérateur une mission globale qui, compte tenu des contraintes qui lui sont imposées, peut-être analysée comme une série de « prestations » dont l’essentiel tient du service : le contrat par la voie duquel une collectivité territoriale, un aménageur public ou autre établissement public confie à un promoteur la charge de lui acheter une dépendance, et donc de procéder à un « portage foncier », puis de la viabiliser, de concevoir et construire des ouvrages préalablement déterminés (logements, bureaux…) et enfin de les commercialiser est d’un certain pont de vue un contrat qui confie à un opérateur une commande de service, à charge pour lui de se rémunérer sur l’exploitation de ce service à ses risques et périls.

En l’espèce, pour rechercher si la cession de la parcelle devait être analysée comme une concession d’aménagement, le tribunal recherche si l’ouvrage projeté répond « à des besoins précisés par la commune » dont la réalisation serait exécutée « dans son intérêt économique direct », au même titre que ce qu’il advient habituellement pour identifier l’existence d’un marché de travaux[2].

Le juge relève toutefois qu’ici, la délibération litigieuse ne révèle l’existence d’aucun cahier des charges auquel le promoteur, qui est du reste à l’initiative du projet, devrait se conformer : il précise que la délibération n’a défini d’autres contraintes concernant le projet de l’acquéreur que la définition « relativement large » des activités pouvant être accueillies, un dépôt rapide de la demande de permis de construire, une « concertation sur le projet architectural » et un droit de retour du terrain au même prix si l’opérateur n’est pas en mesure d’engager la construction dans un délai de deux ans. Il ajoute que l’intérêt économique direct de la commune ne peut être caractérisé « par la seule intention de la collectivité de compléter l’offre de services locale ». Il ne saurait donc être question d’une quelconque commande publique.

Et a fortiori il n’aurait pas pu être question d’une concession d’aménagement : le tribunal considère que le projet ne peut être regardé comme une opération d’aménagement au sens des articles 300-1 et suivants du Code de l’urbanisme au regard des « caractéristiques du projet et de l’ampleur modérée du programme de construction envisagé ».

Partant, aucune obligation de publicité et de mise en concurrence ne s’imposait préalablement à la cession litigieuse et le tribunal administratif conclut au rejet de la requête.

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[1] TA Cergy-Pontoise, 9 février 2023, req. n°2003860

[2] CJUE, 25 mars 2010, Helmut Müller GmbH, C‑451/08 et Article L. 1111-2 du Code de la commande publique