le 06/07/2018

Certificats d’économies d’énergie (CEE) : précisions sur la nature des contrats de cession signés par les personnes publiques

CE, 7 juin 2018, n° 416664

Le dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE) a été créé par les articles 14 à 17 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique (loi POPE). Il constitue l’un des principaux instruments de maîtrise de la politique de maîtrise de la demande énergétique. Depuis le 1er janvier 2018, le dispositif est entré dans sa « quatrième période » d’obligations d’économies d’énergie » qui doit s’étendre jusqu’au 31 décembre 2020.

Pour les entreprises et les collectivités, dites « obligées », le dispositif des CEE est un levier financier au service de leurs projets de maîtrise de l’énergie puisqu’elles peuvent céder les CEE à titre onéreux à des intermédiaires tels que les sociétés de courtage ou les structures délégataires subrogées dans les droits des « obligés ». Les CEE constituent en effet des biens meubles incorporels négociables[1].

Ainsi, de nombreuses collectivités sont régulièrement amenées à signer des contrats de cession de CEE avec des « délégataires d’obligation d’économies d’énergie ». La question s’est donc souvent posée de savoir si ce partenariat devait être soumis aux règles de la commande publique, autrement dit, si la convention pourrait être qualifiée de marché public de prestations de services.

Jusqu’à présent, la jurisprudence ne s’était jamais prononcée sur cette question (à notre connaissance). Seule la Direction des Affaires Juridiques (DAJ) du Ministère de l’Ecologie, de Développement durable et de l’Energie [2] ainsi que le Guide de l’ADEME pour le dispositif 2015-2017[3] avaient précisé que le partenariat entre l’obligé et la collectivité ne relève pas des règles de la commande publique lorsque la collectivité fait réaliser des travaux sur son patrimoine, dans le respect des règles de la commande publique qui lui sont applicables, sans prévoir, dans le cadre de ce marché de travaux, de valorisation de ses CEE.

Par une décision rendue le 7 juin dernier, le Conseil d’Etat a finalement été amené à préciser la question de la nature juridique d’une cession de droits à certificats d’économie d’énergie par une personne publique.

Dans cette affaire, le syndicat intercommunal pour le recyclage et l’énergie par les déchets et ordures ménagères (SIREDOM) avait passé un marché de conception-réalisation avec la société Eiffage en vue d’adapter son unité d’incinération à la production de chaleur pour l’alimentation du réseau urbain de la communauté d’agglomération Grand Paris Sud, avec laquelle le syndicat avait conclu une convention de fourniture d’énergie renouvelable.

A cette occasion, le SIREDOM avait décidé de valoriser cette fourniture de chaleur de récupération sous la forme d’un accord d’incitation financière, consistant dans la cession des CEE produits par l’opération. Ce syndicat avait alors publié une consultation publique en vue de la conclusion d’un tel accord et il avait également sollicité directement quatre sociétés spécialisées dans la réalisation de telles opérations.

Le SIREDOM avait conclu le 6 juillet 2017 avec la société Capital Energy un contrat d’accord d’incitation financière CEE. Candidate évincée, la société Geo France Finance avait alors saisi le juge des référés du Tribunal administratif de Versailles, sur le fondement de l’article L. 551-1 du Code de justice administrative, afin de voir annuler le contrat conclu entre le SIREDOM et la société Capital Energy. Par une ordonnance, le juge des référés du Tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande au motif que, compte tenu de son objet, cet accord n’était pas au nombre des contrats visés à l’article L. 551-1 du Code de justice administrative et relevant de la compétence du juge du référé contractuel

C’est à l’encontre de cette ordonnance que la société Geo France Finance s’est pourvu en cassation. Le Conseil d’Etat a ainsi jugé que le contrat n’était pas soumis aux règles de la commande publique et avait le caractère d’un contrat de droit privé.

[1] L’article L. 221-8 du code de l’énergie dispose ainsi qu’ils peuvent être détenus, acquis ou cédés par toute personne mentionnée aux 1° à 6° de l’article L. 221-7 ou par toute autre personne morale.

[2] Cf. fiche technique de la DAJ « Certificats d’économie d’énergie et commande publique » publiée le 12 novembre 2013

[3] Guide ADEME – CEE – dispositif 2015-2017