Energie
le 16/01/2025

Certificat d’Économie d’֤Énergie : le Conseil d’État précise le pouvoir de sanction du ministre chargé de l’Énergie

CE, 20 décembre 2024, n° 496114

CE, 20 décembre 2024, n° 475348

Le Conseil d’État est venu apporter des précisions sur le pouvoir de sanction dont dispose le ministre chargé de l’Énergie en matière de certificat d’économie d’énergie (CEE) dans deux arrêts rendus le 20 décembre 2024.

Tout d’abord, dans un premier contentieux, la société requérante demandait au Conseil d’État d’annuler la décision par laquelle le ministre de la Transition Écologique et de la Cohésion des Territoires l’avait notamment sanctionné par l’annulation de certains de ses certificats d’économies d’énergies (ci-après CEE).

A l’appui de cette demande, la société soulevait une question prioritaire de constitutionnalité (ci-après QPC), arguant que le 3° de l’article L. 222-2 du Code de l’énergie, qui donne pouvoir au ministre chargé de l’Énergie pour sanctionner toute personne ayant indument bénéficié de CEE par leur annulation, méconnaîtrait l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 garantissant le principe de l’individualisation des peines.

En effet, la société considérait que les dispositions du Code de l’énergie ne permettaient pas au ministre de moduler le volume des CEE annulés en fonction de la gravité du manquement commis et de la situation de l’individu sanctionné.

Rappelons que la saisine du Conseil constitutionnel via une QPC est soumise à un contrôle préalable du Conseil d’État qui doit vérifier que la disposition législative faisant l’objet de la question est bien applicable au litige et que la question posée présente un caractère nouveau et sérieux.

En l’espèce, par l’arrêt en date du 20 décembre 2024, n° 496114, ici commenté, le Conseil d’État refuse de transmettre cette QPC au Conseil constitutionnel, en considérant que cette dernière n’est pas nouvelle et ne présente pas un caractère sérieux.

En effet, le Conseil d’État rappelle les éléments suivants :

  • Le principe d’individualisation des peines ne s’oppose pas au fait que le législateur fixe les sanctions réprimant certains manquements et n’implique pas que la peine soit exclusivement déterminée sur la base de la personnalité de l’auteur de l’infraction.
  • Les dispositions du Code de l’énergie prévoient un éventail de sanctions suffisamment large pour permettre au ministre chargé de l’Énergie de prononcer une sanction qui soit modulée en fonction de la gravité du manquement et des circonstances de l’espèce.
  • Concernant les dispositions relatives à l’annulation des CEE, elles prévoient une sanction proportionnée au manquement – annulation du même nombre de CEE que ceux qui n’auraient pas dû être délivrés – et permettent donc déjà un traitement individualisé des peines.
  • Quoi qu’il en soit, le juge administratif, dès lors qu’il est saisi d’une décision de sanction prononcée par le ministre chargé de l’Énergie, peut modifier la sanction du ministre dans l’hypothèse où l’application des dispositions du Code de l’énergie amènerait à ce que cette dernière soit disproportionnée au cas individuel de la personne sanctionnée.

La société affirmait également que la sanction d’annulation des CEE constituait une violation du droit de propriété protégé par l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 en tant que ladite sanction porte sur d’autres certificats d’économies d’énergie que ceux concernés par le manquement, alors que ces certificats ont été délivrés au terme d’opérations conformes. Le Conseil d’État réfute également ce raisonnement, en considérant que le droit de propriété n’est pas opposable à une disposition prévoyant une sanction ayant le caractère d’une punition.

La QPC déposée par la société Hellio Solutions ne passe donc pas le filtre du Conseil d’État.

Ensuite, par un arrêt du 20 décembre 2024, n° 475348, le Conseil d’État a fait usage de son pouvoir de modification des sanctions prononcées par le ministre chargé de l’Énergie. Ce n’est toutefois pas sur le fondement d’une disproportion de la sanction que le juge est intervenu, mais en raison d’un manquement au principe du contradictoire survenu au cours de la procédure de sanction (laquelle est soumise au respect dudit principe, cf. article L. 222-5 du Code de l’énergie).

En effet, le ministre chargé de l’Énergie avait modifié les motifs de sa décision de sanction sans laisser l’occasion à la personne sanctionnée du fait de la non-conformité des opérations réalisées, de répondre à ces nouveaux griefs.

La décision de sanction est donc annulée dans cette mesure.