L’inutilité de l’intervention publique et le défaut des cofinancements publics constituent des motifs d’intérêt général justifiant la résiliation d’une convention d’exploitation d’un réseau de très haut débit (THD)

CAA Marseille, 20 janvier 2025, n° 23MA01617

Par un arrêt en date du 20 janvier 2025, la Cour administrative d’appel de Marseille confirme la légalité de la résiliation d’une convention de délégation de service public d’exploitation d’un réseau de haut débit (HD) et de très haut débit (THD), dans un contexte d’importants retards et de difficultés budgétaires liées à la suppression de toute perspective de financement étatique.

Dans le cadre du programme national de déploiement du THD en France, un syndicat mixte a, par un contrat d’affermage du 5 décembre 2015, fait le choix de déléguer au secteur privé l’exploitation, sur le territoire de ses membres, d’un réseau HD et THD.

Aux termes de cette convention, le syndicat mixte s’engageait, en deux phases, à remettre progressivement en affermage des prises « fiber to the home » (FTTH) à l’opérateur de sorte à parvenir, à l’issue de ces phases, à une couverture totale de trois départements membres.

Or, en raison de retards d’exécution lors de la première phase et de difficultés budgétaires pour le financement de la deuxième phase, le syndicat mixte a décidé de :

  • lancer un « appel à manifestation d’engagement locaux» à l’issu duquel l’offre d’un autre opérateur a été retenu ;
  • supprimer le service public ;
  • de résilier la délégation de service public pour un motif d’intérêt général ;
  • et de céder le réseau à un opérateur privé ;

Face à ces décisions, l’opérateur initial a, sur le fondement de la jurisprudence Béziers II[1], saisi le Tribunal administratif de Marseille, lequel a refusé d’annuler la délibération prononçant la résiliation du contrat, et condamné le syndicat mixte à verser à son ancien délégataire la somme de 87.779 euros[2].

C’est dans ce cadre que la Cour administrative de Marseille a été saisie, par l’opérateur débouté, d’une requête tendant notamment à l’annulation du jugement en tant qu’il rejette sa demande de requalification de la résiliation en résiliation aux torts exclusifs du syndicat mixte.

Pour rappel et conformément aux règles générales applicables aux contrats administratifs, une personne morale de droit public peut, pour un motif d’intérêt général, résilier unilatéralement un contrat administratif, à condition de verser à son cocontractant une indemnisation, dont l’étendue et les modalités peuvent être déterminées par les stipulations du contrat.

Appréciant la légalité de la décision de résiliation, la Cour a considéré que constituent des motifs d’intérêt général justifiant la résiliation de la convention :

  • « la volonté de supprimer un service public » du fait de « l’inutilité de l’intervention publique dans le déploiement des réseaux très haut débit, compte tenu du développement d’une initiative privée rendant envisageable un déploiement sans financement public intégral des infrastructures» ;
  • « le défaut des cofinancements publics » résultant de « la décision du Gouvernement, intervenue au cours de l’année 2017, de suspendre le financement des réseaux d’initiative publique par le Fonds national pour la Société numérique (FSN) géré par la Caisse des dépôts et consignations, en privilégiant le recours à des opérateurs privés dans le cadre d’appels à manifestation d’intérêts» ;
  • et « la volonté du syndicat mixte d’économiser des fonds publics en cédant le réseau existant à un opérateur privé» ;

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[1] CE, Sect., 21 mars 2011, Commune de Béziers, n° 304806.

[2] TA de Marseille, 3e ch., 27 avril 2023, n° 1906318.

Proposition de loi visant à prioriser les travailleurs dans l’attribution de logements sociaux

Défenseur des droits, 28 janvier 2025, avis n° 25-01

Une proposition de loi a été déposée par Thierry BAZIN le 3 décembre 2024 à l’Assemblée nationale pour inscrire parmi les publics prioritaires pour l’accès à un logement social les personnes titulaires d’un emploi.

Par un avis du 28 janvier 2025 (avis 25-01), la Défenseure des droits a rappelé que les travailleurs en situation de précarité sont déjà pris en compte dans le droit en vigueur, dans la mesure où l’article L. 441-1 du Code de la construction et de l’habitation (CCH) modifié par la proposition de loi, inclut les publics confrontés à des difficultés spécifiques pour accéder à un logement, ce qui englobe les travailleurs en situation de précarité. En outre, depuis la loi « 3DS » du 21 février 2022, des dispositions existent pour faciliter l’accès au logement des travailleurs dits « essentiels » résidant loin de leur lieu de travail.

Pour la Défenseure des droits, la modification ainsi proposée est « susceptible d’engendrer des pratiques discriminatoires. Cette priorisation pourrait conduire à défavoriser les personnes sans emploi accentuant ainsi les inégalités d’accès au logement social. »

La Défenseure des droits insiste également sur le fait que la proposition de loi dans sa version initiale propose de prioriser l’ensemble des « personnes en activité professionnelle » et ne cible pas seulement des travailleurs précaires ou des actifs aux revenus modestes, estimant dès lors que, dans un contexte de saturation du parc social, « cette réforme ne garantit pas, contrairement à son objectif affiché, que les travailleurs en situation de précarité verront leur situation améliorée ».

Après examen en première lecture, la Commission des affaires économiques a adopté le 29 janvier 2025 un amendement réécrivant globalement l’article unique de la proposition de loi, en procédant à une refonte de l’ensemble des critères de priorité pour l’obtention d’un logement social et en supprimant le caractère prioritaire des personnes en activité professionnelle.

Dans le texte objet des travaux parlementaires, sont prioritaires pour l’attribution d’un logement locatif social les personnes suivantes :

« a) Personnes dépourvues de logement, y compris celles qui sont hébergées par des tiers ou dans des structures d’hébergement temporaire, ou en instance d’expulsion sans relogement ;

  1. b) Personnes dont le logement est indigne, indécent ou insalubre ;
  2. c) Personnes en situation de handicap ou ayant à leur charge un enfant en situation de handicap ;
  3. d) Personnes vulnérables, y compris les mineurs émancipés ou les majeurs âgés de moins de vingt et un ans pris en charge avant leur majorité par le service de l’aide sociale à l’enfance, victimes de violences ou susceptibles d’être victimes de violences et bénéficiant d’une ordonnance de protection.

Pour les personnes mentionnées aux a à d du présent article, il est tenu compte prioritairement des personnes ayant à leur charge un enfant mineur. »

Les travaux parlementaires sont toujours en cours.

Arrêté du 17 janvier 2025 modifiant l’instruction comptable applicable aux organismes HLM (Habitations à Loyer Modéré), SEM (Sociétés d’économie mixte) agréées logement social et sociétés faitières

Par un arrêté du 17 janvier 2025, les documents annuels et états financiers applicables aux organismes HLM (arrêté du 7 octobre 2015 – NOR ETLL1513275A) et aux SEM agréées pour la construction et la gestion de logements sociaux (arrêté du 7 octobre 2015 – NOR : ETLL1513294A) ont été actualisés.

Ont notamment été actualisés les documents annuels et états financiers relatifs aux comptes combinés des sociétés de coordination ainsi que, à partir des comptes ouverts à compter du 1er janvier 2024, aux comptes consolidés des structures faîtières des groupes d’organismes de logement social.

Concernant les structures faîtières des groupes d’organismes de logement social, l’arrêté du 17 janvier 2025 vise à leur appliquer les documents annuels et états financiers suivants :

  • leurs comptes sociaux sont concernés par l’annexe 2 (parties 1 à 4 seulement) de l’arrêté qui constitue les documents annuels et états financiers relatifs aux comptes sociaux des OPH, sociétés d’HLM et SEM agréées en application de l’article L. 481-1 du CCH ;
  • leurs comptes consolidés sont concernés par l’annexe 4 de l’arrêté qui constitue également les documents annuels et états financiers relatifs aux comptes combinés des sociétés de coordination.

L’arrêté du 17 janvier 2025 est entré en vigueur le lendemain de sa publication, soit le 23 janvier 2025.

Nullité d’une marque pour mauvaise foi : cas de l’appropriation du symbole de la ville de Vérone

Une société privée de droit italien ayant enregistré une marque figurative représentant un motif emblématique de la ville de Vérone a fait l’objet d’une action en nullité à l’encontre de celle-ci par la municipalité sur le fondement de la mauvaise foi.

Le droit de l’Union européenne prévoit en effet la nullité d’une marque en cas de mauvaise foi de son titulaire lors du dépôt de la demande de marque [1]. Bien que cette notion ne soit pas définie clairement dans les textes européens, la jurisprudence a pu en préciser les contours. La mauvaise foi implique ainsi un comportement qui s’écarte des principes reconnus comme caractérisant un comportement éthique ou des pratiques loyales en matière industrielle ou commerciale[2].

Plus particulièrement, la décision commentée reprend les critères dégagés par la jurisprudence précédente, notamment :

  • Le fait que le titulaire de la marque litigieuse ait eu connaissance de l’utilisation par un tiers d’un signe susceptible d’être confondu avec le signe dont l’enregistrement est demandé ;
  • L’intention du titulaire d’empêcher ce tiers de continuer à utiliser ledit signe au moyen de sa marque ;
  • Le degré de protection juridique du signe précédemment utilisé par le tiers (que ce soit via un titre de propriété intellectuelle, ou par la renommée du signe qui est acquise depuis un certain laps de temps du fait de l’utilisation qui en est faite)[3].

La jurisprudence a en outre posé le principe selon lequel la bonne foi du titulaire de la marque est présumée, la preuve contraire est donc à la charge de celui qui agit en nullité.

Dans cette affaire, la chambre de recours de la CJUE a considéré que :

  • le signe de la marque contestée était identique avec un signe devenu un symbole emblématique de la ville de Vérone, hautement reconnaissable ;
  • l’intention du titulaire de la marque litigieuse était de créer un monopole injuste sur le signe de la ville afin d’empêcher quiconque de pouvoir l’exploiter (ce qui comprenait notamment le club de foot de Vérone) ;

Pour ces raisons, la chambre de recours a annulé la marque contestée sur le fondement de la mauvaise foi du déposant.

En France, une collectivité pourra invoquer cette décision en fondant son action sur l’article L. 711-2 11 du Code de la propriété intellectuelle qui prévoit, au niveau national, la nullité d’une marque si le dépôt a été effectué de mauvaise foi par le demandeur.

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[1] Article 59, §1, b) du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne (RMUE) ; voir aussi en droit français à l’article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle

[2] 13/12/2012, T-136/11, Pelikan, UE:T:2012:689, § 57

[3] 11/06/2009, C-529/07, Lindt Goldhase, EU:C:2009:361, § 47 et 53

Actualités IA : application des premières dispositions du Règlement européen sur l’IA (intelligence artificielle) et publication par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) de ses nouvelles recommandations pour accompagner une innovation responsable en matière d’IA

Quelques jours avant le Sommet pour l’action sur l’IA qui s’est tenu lundi 10 et ce mardi 11 février au Grand Palais, une étape cruciale a été franchie pour la règlementation européenne en matière d’intelligence artificielle avec la mise en application, le 2 février 2025, des premières dispositions du règlement européen sur l’IA (le « règlement IA » ou « IA Act »).

Entré en vigueur le 1er août 2024, le règlement IA prévoit une application échelonnée de ses différentes mesures. Les premières obligations portant sur les systèmes d’IA à risques inacceptables s’appliquent depuis le 2 février 2025. Les systèmes d’IA considérés comme présentant un risque inacceptable sont strictement interdits au sein de l’Union européenne.

Ces interdictions concernent notamment les systèmes d’IA relatifs à la notation sociale, l’exploitation de la vulnérabilité des personnes, le recours à des techniques subliminales, la police prédictive ciblant les individus, reconnaissance des émotions sur le lieu de travail et dans les établissements d’enseignement. En outre, si l’utilisation par les services répressifs de l’identification biométrique à distance en temps réel dans des espaces accessibles au public est en principe interdite, des exceptions strictement encadrées sont prévues afin de permettre l’utilisation de tels systèmes dans les cas les plus graves (notamment pour la recherche de personnes disparues, victimes d’enlèvements ou de traite d’humains, pour la prévention d’une menace grave et imminente pour la vie ou d’un attentat terroriste prévisible, et sous réserve d’autorisation judiciaire préalable).

D’autres dispositions, telles que les règles prévues pour les modèles d’IA à usage général et la nomination des autorités compétentes au niveau des États membres, entreront en vigueur le 2 août 2025. L’application complète du règlement IA est prévue pour le 2 août 2026.

Les acteurs de l’IA doivent se conformer dès maintenant à ces nouvelles règles. Pour plus de renseignements, l’équipe Droit de la propriété intellectuelle et du numérique de Seban & Associés a mis en ligne une   Voir également sur ce sujet la LAJ n° 164 de janvier 2025.

Une autre conséquence du développement de l’IA dans le fonctionnement des organisations : la mise en œuvre de l’IA au sein nécessite aussi une conformité au RGPD.

Pour aider les organisations dans la mise en œuvre de cette conformité, la CNIL a publié  relatives, pour la 1ère, à l’information des personnes concernées par des données utilisées à des fins d’entraînement d’IA et, pour la 2ème, à la gestion des demandes d’exercice de droits émanant de ces personnes.

Ces règlementations et recommandations, qui tendent à encadrer le recours à l’IA, s’inscrivent pleinement dans les discussions menées lors du Sommet pour l’action sur l’IA notamment pour une IA au service de l’intérêt général.

Protection fonctionnelle et Cour des comptes

Par une décision en date du 29 janvier 2025, le Conseil d’Etat a précisé le champ de la protection fonctionnelle et a exclu de son périmètre, à cette occasion, les poursuites devant la Cour des comptes, au titre de la responsabilité financière des gestionnaires publics, telle qu’elle est désormais instituée dans le cadre de l’ordonnance du 23 mars 2022.

En l’espèce, par une note de service en date du 2 avril 2024 relative au nouveau régime de responsabilité des gestionnaires publics et à la protection fonctionnelle, la Secrétaire Générale du Gouvernement (SGG) rappelait aux secrétaires généraux et directeurs des affaires juridiques des ministères que le bénéfice de la protection fonctionnelle ne pouvait leur être accordé à l’occasion de poursuites engagées par la chambre du contentieux de la Cour des comptes. La SGG indiquait, à cet effet, que cette juridiction ne relève d’aucune des catégories pour lesquelles la protection fonctionnelle est légalement instituée et que ces poursuites ne sont pas davantage couvertes par le principe général du droit à une telle protection.

A l’appui de leur demande, les requérants ont tout d’abord soulevé une question prioritaire de constitutionnalité fondée sur la méconnaissance du principe d’égalité, rejetée d’un trait de plume par le Conseil d’Etat faute de caractère nouveau et sérieux. Aucune différence de traitement injustifiée entre les salariés de droit privé et les agents de droit public ne saurait être retenue, puisqu’aucune disposition législative n’impose à un employeur d’assurer une protection au salarié poursuivi devant la Cour des comptes.

Sur le fond, les requérants invoquaient ensuite la méconnaissance, d’une part, du champ et de la portée des dispositions législatives instituant la protection fonctionnelle et, d’autre part, du principe général du droit à cette protection.

Le Conseil d’Etat a confirmé l’interprétation de la Secrétaire Générale du Gouvernement.

Après avoir rappelé que les amendes infligées par la Cour des comptes n’avaient pas le caractère de sanction pénale et n’étaient, dès lors, pas de nature à ouvrir droit au bénéfice de la protection fonctionnelle sur le fondement des dispositions législatives, le Conseil d’Etat a précisé que « lorsqu’un agent public est mis en cause devant la chambre du contentieux de la Cour des comptes dans le cadre du régime de responsabilité des gestionnaires publics prévu aux articles L. 131-1 et suivants du Code des juridictions financières, s’il est toujours loisible à l’administration de lui apporter un soutien, notamment par un appui juridique, technique ou humain dans la préparation de sa défense, ce principe n’impose pas à la collectivité publique de lui accorder une protection ».

Le Conseil d’Etat balaya enfin le moyen tenant à la méconnaissance du droit à un procès équitable, la note litigieuse ne faisant nullement obstacle à ce que les agents poursuivis se fassent représenter par un avocat dans le cadre de cette procédure.

Si la jurisprudence s’est montrée, ces dernières années, plutôt favorable à un élargissement du champ matériel de la protection fonctionnelle, le Conseil d’Etat pose donc aujourd’hui une limite.

Il exclut ainsi le régime de responsabilité financière des gestionnaires publics du champ de cette protection, quand certaines juridictions étaient enclines à l’y intégrer. Le Tribunal administratif de Paris, dans un jugement du 14 mars 2024, avait par exemple suspendu un refus d’octroi de la protection fonctionnelle dans ce cas, estimant que le moyen tenant à la méconnaissance du champ d’application du principe général du droit à cette protection était de nature à créer un doute sérieux.

Limites à la mise en œuvre d’une compensation légale par l’administration

Par une décision en date du 30 décembre dernier, le Conseil d’Etat vient préciser les conditions de mise en œuvre d’une compensation légale d’une créance détenue par une personne publique.

Après avoir obtenu le versement d’une subvention pour financer l’agrandissement de ses locaux, une société de négoce de vin est rendue destinataire d’un titre de recette visant à obtenir le reversement de la totalité de l’aide accordée, soit un montant de 514.359,48 euros. Un recours contentieux est introduit en 2016 à l’encontre de ce titre ; la société privée en obtient l’annulation et se voit décharger de l’obligation de rembourser la totalité de la somme réclamée (Conseil d’Etat, 15 novembre 2022, n° 451758.)

En février 2023, la société de négoce de vin a demandé au juge administratif de prendre des mesures d’exécution de sa décision en date du 15 novembre 2022 portant sur l’annulation du titre de perception. Au moment de la notification de cette décision, la société privée s’était, en effet, déjà acquittée d’une somme de 350.607,12 euros auprès de l’administration, visant à rembourser la moitié de la subvention initialement attribuée. A la suite de l’annulation du titre exécutoire correspondant, la société privée a donc sollicité le reversement de la somme de 350.607,12 euros auprès de l’autorité administrative.

L’autorité administrative n’a pas donné suite à cette demande considérant s’être acquittée de son obligation de reverser cette somme en exécution de la décision en date du 15 novembre 2022, en procédant à une compensation légale avec une autre créance qu’elle estimait détenir sur la société de négoce de vin depuis 2018, d’un montant de 889.398,30 euros et qui fait également l’objet d’une contestation par la société devant la juridiction administrative. En pratique, l’autorité administrative a donc diminué cette dernière créance du montant de 350.607,12 euros en exigeant la somme de 711.518,64 euros.

L’autorité administrative se fonde sur les termes de l’article 1347 du Code civil qui prévoient que la compensation permet l’extinction simultanée d’obligations réciproques de deux personnes. En outre, l’article 1347-1 du même code précise que la compensation ne peut avoir lieu qu’entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles. Le juge administratif considère que ces dispositions du Code civil sont applicables, en l’absence de dispositions particulières, à une personne publique lorsqu’elle entend procéder à une compensation légale. Toutefois, si la créance en cause demeure litigieuse, celle-ci est privée de caractère certain et ne peut donc donner lieu à une compensation.

En l’espèce, la créance de 2018 demeurant litigieuse, le juge administratif a considéré que l’autorité administrative ne pouvait mettre en œuvre le mécanisme de compensation prévue à l’article 1347 du Code civil pour compenser sa dette de 350.607,12 euros à l’égard de la société de négoce de vin, résultant de la décision du Conseil d’Etat de novembre 2022 qui déchargeait cette société de l’obligation de verser les sommes mises à sa charge par le titre de recette de 2016.

L’administration ne peut donc pas valablement procéder à une compensation légale dans ces conditions et la société privée est fondée à solliciter le remboursement de la somme qu’elle avait versée.

Enfin, on précisera que le juge administratif rappelle que la décision par laquelle il prononce la décharge de l’obligation de payer une somme établie par un titre de recette implique nécessairement la restitution, au bénéficiaire de cette décision, de toutes sommes qu’il aurait préalablement acquittées en exécution de ce titre.

Examen par l’Assemblée nationale de la proposition de loi visant à permettre l’élection du maire d’une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet

Ce lundi 10 février à 16 heures, l’Assemblée nationale examine, en première lecture, la proposition de loi visant à permettre l’élection du maire d’une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet. Cette proposition de loi, déjà adoptée par le Sénat, tend à assouplir le régime juridique applicable aux modalités d’élection du maire et des adjoints dans les communes nouvelles, en cas de conseil municipal incomplet.

 

1. Les communes nouvelles exposées plus que les autres communes au renouvellement intégral de leur conseil municipal en cas de vacance du maire ou d’un ou de plusieurs adjoints

A titre liminaire, on rappellera que l’article L. 2122-8 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) pose un principe de complétude du conseil municipal : pour procéder à l’élection du maire et des adjoints, le conseil municipal doit être complet au moment de l’élection, sous peine d’annulation par le juge administratif[1].

Or, en l’état, en cas de vacance du maire nouvellement élu dans la période qui suit la création d’une commune nouvelle, les règles en vigueur conduisent généralement au renouvellement intégral du conseil municipal de la commune.

Plus précisément, si les principes généraux qui régissent l’élection du maire et de ses adjoints dans les communes sont également applicables aux communes nouvelles, ces dernières sont néanmoins confrontées à deux difficultés particulières en cas de vacance du maire ou d’un ou plusieurs adjoints.

D’une part, il n’est pas possible de faire appel aux « suivants de liste » dans les communes nouvelles de plus de 1 000 habitants pendant la période allant de la création de la commune nouvelle au premier renouvellement du conseil municipal suivant cette création, ainsi que l’a très clairement jugé le Conseil d’État[2].

D’autre part, il n’est pas non plus possible de procéder à des élections complémentaires pour remplacer les conseillers élus dans les communes historiques de moins de 1 000 habitants. Comme a pu le souligner une sénatrice, « cela conduirait à organiser un scrutin sur une partie seulement du territoire communal, comme s’il s’agissait d’une section électorale »[3].

Les communes nouvelles sont donc plus susceptibles que les autres communes de devoir procéder à un renouvellement intégral de leur conseil municipal en cas de vacance du maire ou d’un ou de plusieurs adjoints.

2. Les conséquences préjudiciables d’un renouvellement intégral prématuré du conseil municipal d’une commune nouvelle

Surtout, dans les communes nouvelles qui ont été constituées récemment, le fait de devoir procéder à un tel renouvellement du conseil municipal a des conséquences particulièrement importantes sur l’effectif de ce conseil municipal.

En effet, le terme de « renouvellement », employé par les articles L. 2113-7 et L. 2113-8 du CGCT pour renvoyer au premier renouvellement qui suit la création de la commune nouvelle, fait référence à tout renouvellement du conseil municipal, quelle qu’en soit la cause.

Pour rappel, ces dispositions précisent les règles applicables à la composition du conseil municipal d’une commune nouvelle après sa création et les modalités d’évolution du nombre de ses membres dans le temps. Très concrètement, il s’agit d’un régime transitoire qui prévoit une diminution progressive de l’effectif du conseil municipal des communes nouvelles, au gré des renouvellements.

Or, le tout premier renouvellement du conseil municipal, qu’il s’agisse d’élections partielles ou générales, entraîne l’application des articles L. 2113-7 et L. 2113-8 du CGCT, et conduit donc mécaniquement à une baisse immédiate du nombre de conseillers municipaux au sein du conseil municipal.

Et cette baisse peut elle-même conduire à un renouvellement important au sein de l’équipe d’élus, voire à écarter rapidement les élus des anciennes communes qui ont pourtant porté le projet de création de la commune nouvelle.

3. Une proposition pragmatique s’inscrivant dans la continuité d’une exception récemment introduite

Afin d’éviter une baisse trop rapide du nombre de conseillers municipaux dans les communes nouvelles tout juste créées, une loi du 1er août 2019[4] avait déjà introduit une exception au principe de complétude du conseil municipal, lorsque la vacance d’un ou de plusieurs conseillers municipaux se produit juste après la création d’une commune nouvelle.

Plus précisément, l’article L. 2113-8-1 A du CGCT, issu de cette loi, permet au conseil municipal de la commune nouvelle de procéder à l’élection du maire et des adjoints nonobstant la circonstance que le siège d’un ou plusieurs conseillers municipaux soit devenu vacant entre la date de publication de l’arrêté du préfet prononçant la création de la commune nouvelle et la première réunion du conseil municipal (à moins qu’un tiers des sièges ou plus soit vacant).

 

Si l’introduction de cette dérogation a pu être saluée, force est de constater qu’elle demeurait limitée à la courte période qui s’étend de la création de la commune nouvelle à la première réunion de son conseil municipal. Et comme l’a justement relevé la rapporteure de cette nouvelle proposition de loi, cette dérogation ne permet pas de résoudre toutes les difficultés liées à la diminution progressive de l’effectif du conseil municipal des communes nouvelles. En effet, « des difficultés subsistent notamment dans le cas où une vacance survient peu de temps après la première réunion du conseil municipal »[5]. Dans cette situation, si une élection du maire ou d’adjoints au maire devait être organisée, il serait nécessaire de procéder à un renouvellement intégral du conseil municipal, impliquant ainsi une baisse du nombre de conseillers municipaux.

A l’instar du rapporteur en commission des lois à l’Assemblée nationale, on soulignera que cette hypothèse n’est pas théorique : elle correspond très exactement à la situation dans laquelle s’est trouvée la commune nouvelle de Rives-du-Fougerais, dans le département de la Vendée, à la suite du décès du maire nouvellement élu, quelques mois après la création de la commune nouvelle.

En conséquence, de manière pragmatique, l’article unique de la proposition de loi propose d’étendre la dérogation prévue à l’article L. 2113-8-1 A du CGCT précité. Le I permet de procéder à l’élection du maire d’une commune nouvelle et de ses adjoints par un conseil municipal incomplet, et ce jusqu’au premier renouvellement général des conseils municipaux suivant la création de la commune nouvelle (et non plus jusqu’à la première réunion du conseil municipal comme c’est le cas actuellement), à moins qu’un tiers des sièges ou plus soit vacant. Il complète pour cela l’article L. 2113-8-1 A du CGCT précité. Le II prévoit que le I n’est applicable qu’aux communes nouvelles dont le conseil municipal n’a pas fait l’objet d’un renouvellement à la date de publication de la présente loi, sous réserve des décisions de justice ayant force de chose jugée.

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[1] CE, 9 janvier 2007, Élection des adjoints au Maire de Maurepas, n° 289431.

[2] CE, 24 avril 2019, n° 426468, point 5.

[3] Rapport de Mme Agnès Canayer fait au nom de la commission des Lois du Sénat sur la proposition de loi visant à adapter l’organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires, 5 décembre 2018, n° 179 (2018-2019).

[4] Loi n° 2019-809 du 1er août 2019 visant à adapter l’organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires.

[5] Rapport de Mme Nadine BELLUROT fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale sur la proposition de loi visant à permettre l’élection du maire d’une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet, 5 juin 2024, n° 661(2023-2024).

Publication d’un avis du Comité européen de la protection des données (Avis 28/2024) sur la protection des données concernant le déploiement des modèles d’intelligence artificielle

Le Comité européen de la protection des données (CEPD) a publié, le 18 décembre 2024, son Avis 28/2024, apportant des clarifications essentielles sur l’application du Règlement général sur la protection des données (RGPD) aux technologies d’intelligence artificielle (IA).

Dans un contexte où les IA sont de plus en plus présentes et utilisées dans de nombreux domaines, il était impératif de préciser et de fixer de manière claire les modalités d’application du RGPD à cette technologie.

C’est dans ce cadre que le CEPD rappelle que les principes fondamentaux du RGPD s’appliquent aux technologies d’IA utilisant des données personnelles.

L’avis du CEPD met ainsi en exergue plusieurs exigences garantissant la conformité d’un système d’IA à la réglementation relative à la protection des données personnelles, et notamment au RGPD :

  • Identification d’une base légale adaptée : Le CEPD souligne la nécessité d’identifier une base légale justifiant l’activité de traitement des données. À cet effet, et reconnaissant l’inadaptation du consentement pour des traitements à si large échelle, il admet la possibilité d’invoquer l’intérêt légitime, sous réserve notamment d’une mise en balance entre les bénéfices pour le responsable de traitement et les droits des personnes concernées.
  • Respect des droits des personnes concernées : L’avis insiste sur l’obligation de garantir les droits des personnes concernées (droit d’accès, de rectification, d’effacement et d’opposition). Ainsi, les responsables de traitement doivent développer des mécanismes adaptés pour faciliter l’exercice de ces droits, afin de répondre aux exigences du RGPD et de maintenir la confiance des utilisateurs. De plus, afin de pallier les difficultés de transparence et d’explicabilité inhérentes à la complexité des systèmes d’IA, le CEPD insiste sur la nécessité de rendre ces systèmes compréhensibles pour les personnes concernées, afin qu’elles puissent exercer leurs droits de manière effective.
  • Vigilance sur l’anonymisation des données : Le CEPD met en garde sur l’importance de garantir une anonymisation effective des données, conforme aux normes permettant d’éliminer les risques de ré-identification. Il insiste sur la nécessité d’adopter des méthodes d’anonymisation robustes et documentées (agrégation, masquage, etc.).
  • Conséquences des traitements illicites : Un point majeur de l’avis concerne les effets des traitements illicites lors de l’entraînement des modèles d’IA. Le CEPD souligne que l’entraînement d’une IA de manière non conforme au RGPD est susceptible d’entraîner l’illégalité de l’ensemble du modèle, affectant ainsi son déploiement et son utilisation.

Cet avis appelle donc à une vigilance accrue dans le déploiement de ces modèles et incite à une stricte application du principe de privacy by design (intégration de la protection des données dès la conception du projet). Il recommande également la réalisation d’analyses d’impact sur la protection des données (AIPD) afin d’évaluer les risques liés aux traitements avant leur déploiement.

L’avis du CEPD constitue désormais une référence incontournable pour les responsables de traitement confrontés aux défis de la protection des données dans le cadre de l’IA.

Enfin, il convient de noter qu’en parallèle de cet avis, la CNIL poursuit ses travaux afin de proposer des recommandations sur les systèmes d’IA, en cohérence avec les orientations du CEPD.

Délégations de gestion des services publics locaux : les points clefs du rapport de la Cour des comptes

Le rapport public thématique de la Cour des comptes sur les délégations de gestion des services publics locaux publié au mois de décembre 2024 ne formule pas seulement des recommandations, mais identifie également des leviers d’action à destination des collectivités territoriales et leurs groupements. Plus globalement, ce rapport permet de dresser un panorama des points de vigilance qui doivent pris en considération lorsqu’une qu’une collectivité territoriale décide de déléguer la gestion d’un service public local et de lancer une procédure de passation à cette fin. Il met en particulier en lumière l’importance du suivi et du contrôle par l’autorité concédante de l’exécution de ce type de contrat.

Ce que l’on peut retenir du rapport :

 

1. Veiller à la pertinence du choix du mode de gestion en amont du lancement de la procédure

Après avoir rappelé la diversité des modes de gestion des services publics possibles et présenté les grandes caractéristiques et avantages des contrats de délégation de service public (bénéfice de l’expertise métier des entreprises privées, optimisation de la gestion, financement des investissements sans emprunt, transfert du risque lié à l’exploitation d’un service), la Cour consacre une partie de son rapport à la nécessité pour les collectivités de mieux préparer le choix du mode de gestion, le manque d’approfondissement de ces études préalables pouvant avoir des conséquences défavorables pour les collectivités.

En outre, il convient de rappeler que la réalisation d’études préalables approfondies permet non seulement de sécuriser le choix du mode de gestion, mais également de déterminer les principales caractéristiques du futur contrat et de faciliter l’établissement du règlement de consultation et du projet de contrat.

En conséquence, les collectivités ne disposant pas des compétences en interne ne doivent pas hésiter à se faire accompagner par un assistant à maîtrise d’ouvrage, dont le rôle est qualifié de « déterminant » par la Cour, tout en veillant néanmoins à ce que celui-ci ne soit pas en situation de conflit d’intérêts avec les entreprises du secteur.

 

2. Veiller à la régularité de la procédure de passation et à ne pas restreindre la concurrence

Dans son rapport, la Cour relève un certain nombre d’irrégularités commises durant la procédure de passation d’une délégation de service public (incohérences dans les formalités de l’appel à concurrence, divulgation d’éléments des offres des entreprises concurrentes) et de pratiques ayant pour effet de restreindre la concurrence.

Sur ce dernier point, l’on peut notamment relever le constat de l’absence d’allotissement, qui, s’il n’est pas obligatoire en concession, reste possible, et permet dans certains cas à l’autorité concédante de stimuler la concurrence.

Mais, l’allotissement n’est pas le seul levier permettant à l’autorité concédante d’optimiser les chances de recevoir davantage d’offres : elle doit également veiller à lancer son appel d’offre durant une période adaptée (en évitant par exemple les périodes de congés annuels), et laisser aux opérateurs des délais suffisants pour la remise de leur candidature et de leur offre.

 

3. Veiller à l’équilibre de l’économie du contrat tant au stade de la passation que de l’exécution du contrat

Pour rappel, l’article L. 1121-1 du Code de la commande publique prévoit que le contrat de concession doit transférer un risque lié à l’exploitation de l’ouvrage ou du service au cocontractant de l’autorité concédante. Plus précisément « la part de risque transférée au concessionnaire implique une réelle exposition aux aléas du marché, de sorte que toute perte potentielle supportée par le concessionnaire ne doit pas être purement théorique ou négligeable. Le concessionnaire assume le risque d’exploitation lorsque, dans des conditions d’exploitation normales, il n’est pas assuré d’amortir les investissements ou les coûts, liés à l’exploitation de l’ouvrage ou du service, qu’il a supportés ».

Or, dans son rapport, la Cour constate que certains contrats de délégation de service public ne mettent pas de risque significatif à la charge du titulaire ce qui, rappelons-le, expose le contrat à un risque de requalification par le Juge administratif en marché public, et peut donc conduire à l’annulation du contrat au motif de la méconnaissance des règles applicables aux marchés publics.

La collectivité doit donc veiller à bien transférer suffisamment de risque à son cocontractant au moment de la passation du contrat, ainsi qu’à son maintien au cours de l’exécution du contrat.

Au stade de la passation, la collectivité doit notamment s’assurer que la durée initiale du contrat n’est pas excessive et introduire une clause garantissant un retour financier lorsque les résultats dépassent significativement les prévisions initiales (il s’agit d’ailleurs de l’un des leviers identifiés par la Cour au terme de son rapport).

Aussi, l’autorité concédante doit s’assurer que le contrat ne prévoit pas une rentabilité excessive pour le délégataire, en exigeant la remise par les candidats d’un compte d’exploitation prévisionnel complet et détaillé, ainsi qu’une liste prévisionnelle des investissements programmés.

Il est également recommandé à l’autorité concédante de fixer des objectifs à son cocontractant en ce qui concerne la qualité du service délégué.

Au stade de l’exécution, l’autorité concédante doit également veiller à préserver l’équilibre de l’économie du contrat, notamment lors de la conclusion des avenants.

A titre d’exemple, la Cour relève que les collectivités « acceptent souvent d’aider, par des avenants, les entreprises délégataires à faire face à des aléas économiques prévisibles ». Il convient donc de rappeler l’importance de veiller systématiquement à ce que les conditions de la théorie de l’imprévision soient bien remplies avant d’accéder à la demande du titulaire.

Par ailleurs, la Cour insiste sur la nécessité pour les collectivités de négocier étroitement le niveau de rentabilité de la délégation, y compris après déduction des frais de siège et des achats de biens et de services facturés par des sociétés de l’entreprise au-delà des prix observables sur les marchés concernés[1].

Pour ce faire, l’autorité concédante doit bien veiller, lors de la conclusion d’un avenant, à demander systématiquement la mise à jour du compte d’exploitation prévisionnel et de la liste des investissements programmés.

 

4. Veiller à prévoir des indicateurs permettant d’évaluer la qualité du service produit par le délégataire

Outre les objectifs liés à la qualité du service, le contrat doit prévoir des indicateurs détaillés et chiffré, et la collectivité doit être en mesure de les suivre, à l’aide éventuellement de certains outils informatiques (système de gestion intégré par exemple).

A titre d’exemple, en matière de distribution d’eau potable, ces indicateurs peuvent porter sur la qualité de l’eau, la disponibilité de la ressource, les services proposés et leur accessibilité.

Dans son rapport, la Cour insiste également sur l’importance d’évaluer les impacts de toute nature des délégations, notamment pour l’usager et l’environnement.

 

5. Veiller à exercer un contrôle « plein et entier » et « opérationnel et financier » sur le délégataire

Dans le cadre d’une délégation de service public – qui implique un fort degré d’externalisation de la gestion du service – la qualité et le degré de contrôle opérationnel et financier par l’autorité concédante sur le délégataire dépend nécessairement de la capacité de celle-ci à accéder aux données de gestion collectées et produites par le délégataire au cours de l’exécution du contrat. A cet égard, la Cour regrette « un manque de transparence des contrats pouvant favoriser des situations de rente ».

Ainsi, la Cour préconise l’évolution de la législation en ce qui concerne l’accès à ces données. Mais, elle appelle également les collectivités territoriales et leurs groupements à bien veiller à fixer, au sein du contrat, la liste exhaustive des données financières et de gestion nécessaires à l’exercice de leur contrôle des conditions et des résultats de toute nature de la délégation (nature, source et périodicité de la transmission des données et des bases de données collectées ou produites à l’occasion de l’exploitation du service public, dont l’article L. 3131-2 du Code de la commande publique prévoit la communication à l’autorité délégante).

L’on peut également noter que la création par le titulaire d’une société dédiée à la gestion du service dotée d’un compte de résultat et d’un bilan distincts de ceux de l’entreprise ayant remporté le contrat de délégation présente l’avantage de faciliter le contrôle financier de l’autorité délégante, en ce sens que ses comptes retracent alors l’intégralité des flux financiers de la délégation[2].

 

6. Veiller à prévoir et à appliquer les pénalités

Dans son rapport, la Cour rappelle l’importance de prévoir, au sein du contrat, des pénalités en cas d’absence d’atteinte des objectifs fixés en matière de qualité de service, et en ce qui concerne la transmission des documents permettant à la collectivité de suivre et contrôler le fonctionnement de la délégation. Sur ce dernier point, l’on pense notamment au rapport annuel prévu par l’article L. 3131-5 du Code de la commande publique, qui prévoit la production par l’entreprise délégataire d’un rapport qui doit permettre à l’autorité délégante d’apprécier les conditions d’exécution du service public[3].

Pour la Cour, les pénalités contractuelles constituent un levier important permettant d’inciter les délégataires à la bonne exécution des contrats. Dans son rapport, la Cour invite ainsi les collectivités territoriales, non seulement à bien prévoir ces pénalités dans le contrat, mais également à les appliquer le cas échéant.

 

7. Veiller à préserver ses intérêts patrimoniaux

Le contrat doit identifier la liste et les modalités de tenue d’un inventaire précis des différentes catégories de biens immatériels[4] et matériels (biens de retour, biens de reprise, et biens propres).

En effet, la réalisation d’un inventaire détaillé des différentes catégories de biens apparaît primordiale afin d’éviter les aléas dans le calcul des éventuelles indemnités de fin de contrat, l’amoindrissement du patrimoine de la collectivité, ou encore d’écarter tout risque dans la continuité du service public.

 

8. Anticiper la fin du contrat

La dernière partie du rapport de la Cour des comptes porte sur l’élargissement des possibilités de choix du nouveau délégataire et du mode de gestion.

A ce titre, la collectivité doit notamment anticiper les conséquences financières et matérielles d’une résiliation avant le terme du contrat, particulièrement lorsque cette dernière est justifiée par un motif d’intérêt général, puisque dans cette hypothèse les parties peuvent limiter l’indemnisation du titulaire. Cela doit donc être anticipé dès la négociation du contrat initial.

Par ailleurs, la Cour préconise de conclure un protocole de fin de contrat suffisamment tôt (une à deux années avant le terme du contrat), afin de sécuriser le bon fonctionnement du service public jusqu’au terme de la délégation et la transmission des données nécessaires à la continuité du service.

En conclusion, les collectivités territoriales et leurs groupements doivent être particulièrement vigilants dans le cadre d’une gestion déléguée et, afin que la délégation n’entraîne pas leur déresponsabilisation, il leur revient d’anticiper un certain nombre de situations dès le stade de l’élaboration du contrat et des négociations, moment où ils bénéficient d’un rapport plus favorable avec les entreprises. Il leur incombe également d’exercer un contrôle plein et entier sur leur délégataire.

Dans le cadre de l’accompagnement de ses clients, le Cabinet SEBAN & Associés veille depuis de nombreuses années déjà à mettre en œuvre, tant au stade de la passation que durant l’exécution des contrats de délégation de service public, les préconisations proposées par la Cour.

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[1] S’agissant des frais de siège, la Cour relève que ceux-ci sont parfois très élevés sans que leur montant soit justifié. S’agissant des achats de biens et de services facturés par des sociétés de l’entreprise délégataire, la Cour souligne qu’il existe un risque que ces prestations soient surfacturées voire, dans certains cas, inexistantes.

[2] Attention, l’autorité concédante souhaitant la création d’une société dédiée doit en informer les candidats dès l’avis d’appel public à la concurrence, et préciser les principales caractéristiques de la société à constituer. En outre, il convient aussi alors d’intégrer des clauses spécifiques dans le contrat (clause de garantie de la société mère notamment).

[3] Ce rapport doit être produit chaque année avant le 1er juin et doit contenir un certain nombre de données prévues dans la partie réglementaire du Code. Pourtant, la Cour souligne que les juridictions financières relèvent des situations d’incomplétude des données fournies, voire d’absence dudit rapport.

[4] L’inventaire doit également porter sur les biens immatériels tels que les droits de propriété intellectuelle, systèmes de gestion, etc.).

La carence fautive du maire dans la mise en œuvre du plan communal de sauvegarde et de ses pouvoirs de police face au risque d’inondation

Le Tribunal administratif de Nice a condamné la commune de Biot le 15 janvier 2025 à réparer les préjudices causés par des inondations en raison de la carence de la maire dans la mise en œuvre du plan communal de sauvegarde et de ses pouvoirs de police.

Dans les faits, le 3 octobre 2015, une vague est entrée dans une maison de retraite, inondant le rez-de-chaussée du bâtiment et entraînant le décès par noyade d’une résidente. Sa petite-fille, le conjoint de cette dernière et leurs deux filles ont alors saisi le tribunal administratif d’une demande en réparation au titre du préjudice moral résultant des souffrances subies par la résidente lors de la prise de conscience de sa mort imminente et au titre de leur propre préjudice moral résultant du décès de la victime.

La commune de Biot est dotée d’un plan communal de sauvegarde (PCS) en raison du risque important d’inondations présent sur son territoire. De plus, sur le fondement des articles L. 2212‑2 et L. 2212‑4 du Code général des collectivités territoriales, le maire est tenu de prendre des mesures pour prévenir les inondations. Le tribunal a jugé que la responsabilité du maire pouvait être engagée sur ce dernier fondement lorsque, en raison de la gravité du péril résultant d’une situation particulièrement dangereuse pour le bon ordre, la sécurité ou la salubrité publiques, cette autorité, n’a pas ordonné les mesures indispensables pour faire cesser ce péril grave.

Il ressort par ailleurs du jugement que, dans la matinée du 3 octobre 2015, le département des Alpes-Maritimes a été placé en vigilance orange « Orages » par les services de Météo-France et la Préfecture a alors alerté les responsables des communes du département des volumes d’eau annoncés.

Le juge a retenu qu’au regard de ces volumes d’eau, l’alerte justifiait la mise en œuvre par la Maire de Biot du PCS prévoyant notamment la mise en alerte des foyers implantés dans les zones inondables avec message de vigilance, dont l’EHPAD faisait partie.

Or, selon le juge, aucune mesure de prévention et de sécurité adaptée aux circonstances n’a été mise en œuvre par la maire. Notamment, aucune alerte à l’EHPAD n’a été faite au cours de la journée. Ce n’est qu’à 21h30, soit presque 10 heures après l’alerte de la Préfecture et au moment où la vague est entrée dans la maison de retraite, que la maire a déclenché le plan communal de sauvegarde et a réuni la cellule de crise.

Par conséquent, le tribunal a considéré que la maire avait commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune en s’abstenant de prendre les dispositions nécessaires pour assurer la sécurité des usagers de l’EHPAD, en méconnaissance des pouvoirs de police lui incombant.

De plus, cette faute ayant fait perdre une chance sérieuse à la défunte de ne pas être victime de l’inondation, les requérants avaient droit à l’indemnisation intégrale des préjudices certains en résultant.

Inondations : l’absence de carence des collectivités dans les aménagements réalisés

Dans un arrêt du 8 janvier 2025, la Cour administrative d’appel de Bordeaux s’est prononcée sur les conditions d’engagement de la responsabilité des collectivités en raison de l’absence d’aménagements suffisants pour faire face au risque d’inondation.

Le 23 juin 2014, les bâtiments de la société « Francis Lavigne Développement », de la société « Adour Pied Confort Francis Lavigne » et de la « société Puyolaise d’Articles Chaussants » ont été inondés en raison de pluies intenses sur le territoire de la commune de Puyoô et des débordements du cours d’eau de Saubagnac.

Ces sociétés ont alors saisi le juge administratif afin que celui-ci condamne solidairement la commune de Puyoô, la commune de Ramous, la communauté de communes de Lacq-Orthez, le syndicat mixte du Bassin du Gave de Pau et le département des Pyrénées-Atlantiques à leur verser une somme en réparation des préjudices causés par cette inondation.

Le Tribunal administratif de Pau, puis la Cour administrative d’appel de Bordeaux ont rejeté leurs requêtes.

1/ D’abord, la Cour a considéré que la responsabilité pour faute de la commune de Puyoô ne pouvait être engagée du fait de la carence fautive du maire dans la mise en œuvre de ses pouvoirs de police générale comprenant l’obligation de prévenir les inondations, sur le fondement de l’article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales.

Elle a retenu que s’il ressortait de l’instruction que la commune de Puyoô avait, dès 2009, mené les études pour envisager les aménagements nécessaires permettant d’éviter les inondations, la complexité de la mise en œuvre des aménagements à réaliser en concertation avec d’autres collectivités, la nécessité de réaliser des études complémentaires et le risque élevé de générer des inondations plus importantes dans d’autres secteurs en cas de réalisation d’un seul aménagement, ont justifié l’absence de travaux émanant exclusivement de la commune de Puyoô.

Ainsi, elle a jugé que la réalisation d’un seul aménagement à l’échelle de la commune de Puyoô ne permettait pas de lutter efficacement contre les inondations du ruisseau de Saubagnac et que seul un aménagement global du bassin versant, en concertation avec d’autres collectivités, permettait une limitation efficace du risque d’inondation.

2/ Ensuite, la Cour a refusé d’engager la responsabilité sans faute des collectivités en leur qualité de maître d’ouvrages publics car :

  • D’une part, il ne résultait pas de l’instruction que l’ouvrage hydraulique sous la RD 817 constituait la cause directe et adéquate des inondations des bâtiments des sociétés. Celles-ci résultant de l’insuffisance globale du réseau hydrographique, du gabarit du cours d’eau et de l’insuffisance d’entretien du lit du cours d’eau.
  • Le réseau hydrographique du ruisseau du Saubagnac constituait un bien à l’état naturel et non un ouvrage public résultant d’un travail de l’homme susceptible d’engager la responsabilité sans faute de maîtres d’ouvrage.

Il résulte donc de cet arrêt que la responsabilité des collectivités ne pouvait être recherchée du fait de leur carence dans la réalisation d’aménagements précis et localisés dans la mesure où les inondations résultaient de l’insuffisance d’aménagement global du bassin versant.

Rapport d’information sénatorial : quelles mesures face au défi de la compétitivité carbone des entreprises ?

Partant du constat que la transition climatique des entreprises ne suit pas et que la dette et le déficit publics hypothèquent le financement des politiques publiques, la délégation aux entreprises du Sénat a présenté 21 recommandations pour permettre aux entreprises de se mobiliser afin d’accroître leur « compétitivité carbone ».

A ce titre, le rapport rappelle que le dérèglement climatique a un fort impact sur l’activité économique, ne serait-ce qu’à travers la diminution de 14 % des quantités d’eau disponible entre 1990-2001 et 2002-2018 ou les événements climatiques extrêmes qui causent des arrêts de production, la fermeture de points de vente, la diminution des rendements agricoles ou d’activités touristiques et des ruptures d’approvisionnement.

Pour rappel, le paquet législatif « Ajustement à l’objectif 55 » – aussi dénommé « Fit-for-55 » – a été annoncé afin de mettre en œuvre l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 90 % d’ici à 2040, la moitié de cet effort devant être porté par les entreprises.

Or, en France, la politique publique est concentrée sur les 50 sites industriels les plus émetteurs qui génèrent 55 % des émissions de CO2 de toutes les émissions industrielles, et 12 % des émissions nationales totales de GES. Si les PME et ETI représentent, à elles seules, 30 % de l’empreinte carbone, elles demeurent insuffisamment outillées pour s’engager dans une démarche opérationnelle de transition climatique, réduite trop souvent à une diminution de leur consommation énergétique.

Parmi les recommandations proposées, la délégation des entreprises du Sénat suggère de recourir au levier de la commande publique en tenant compte de la performance environnementale des biens, des produits et des services, en particulier de leur caractère biosourcé et des exigences de lutte contre les émissions de GES.

Aussi, le rapport semble soutenir la proposition de CCI France consistant à utiliser la notion d’ « offre économiquement et écologiquement la plus avantageuse » afin d’instaurer un droit de préférence pour les offres des entreprises présentant des atouts en matière de transition climatique, à égalité de prix ou à équivalence d’offre, comme le recours aux offres proposant la plus faible empreinte carbone.

Si le rapport considère que ce critère avantagerait le recours aux PME locales, il reconnaît néanmoins qu’il serait subordonné à un profond changement des règles européennes régissant les marchés publics.

En tout état de cause, il recommande clairement de prioriser dans l’achat public les entreprises dont la chaîne de valeur est locale au regard du scope 3[1], lequel couvre les émissions associées aux activités en amont et en aval de la chaîne de valeur et permet de mesurer l’empreinte carbone d’une entreprise.

Le rapport mentionne également la proposition de Départements de France consistant à modifier le Code de la commande publique pour permettre aux collectivités locales, syndicats, EPCI et établissements publics d’État d’utiliser un critère de « bilan carbone » dans le cadre de la procédure d’attribution des marchés publics. Ce critère unique « bilan carbone », qui engloberait à la fois certains éléments tels que les conditions de production ou encore le coût environnemental de l’acheminement des biens, constituerait un outil pour valoriser les entreprises du territoire, dont l’empreinte carbone est la moins élevée.

De plus, le rapport rappelle qu’outre les outils de la commande existant (SPASER, sourcing, critères sociaux et environnementaux, plan national d’achats durables), l’ADEME a développé une gamme de produits et services susceptibles d’être écolabellisés et qu’il pourrait être opportun de créer, à l’instar de ce que la région Bretagne a réalisé par la collecte automatisée de données sur la base des indicateurs définis au sein de son SPASER, des outils numériques tels que des observatoires régionaux de la décarbonation, permettant de piloter, en quasi-temps réel, les performances des acteurs publics et privés et d’évaluer leur évolution par rapport aux trajectoires définies à l’échelle nationale et régionale.

En outre, le rapport rappelle la nécessité que la stratégie nationale de la transition climatique des entreprises soit précisée territorialement alors qu’il existe d’ores et déjà une déconnexion entre la trajectoire la Stratégie nationale bas carbone et le niveau que se sont fixées les régions dans leur SRADDET – dont l’écart pourrait être du simple au double en 2050 – et que les PCAET ne sont pas obligatoires pour tous les territoires et ne sont pas réalisés pour une partie des territoires où ils sont obligatoires.

Le rapport appelle à ce titre à un dialogue régulier afin de que la planification territoriale soit en phase avec les objectifs nationaux et que les trajectoires nationales intègrent davantage les réalités locales. A ce titre, il recommande d’associer les entreprises à la déclinaison territoriale de la planification de la transition climatique, pour un plan d’actions territoriales cohérent et partagé – étant observé que nous pouvons penser à cette fin au rôle que peuvent jouer les Agences régionales de l’énergie et du climat.

Enfin, les recommandations suivantes peuvent être relevées :

  • Afficher comme priorité de l’action publique l’adaptation et la décarbonation, comme outils de réduction nette des émissions de CO2, en ciblant notamment le plan de transition climatique des entreprises sur les objectifs de réduction nette des GES, lesquels ne doivent inclure ni les crédits carbones ni les émissions séquestrées, ni les émissions évitées ;
  • Prioriser les financements publics dédiés à la décarbonation vers les technologies dont le ratio « émissions de CO2 évitées / coûts » est le plus fort et sur celles dont le potentiel de réduction d’émissions de gaz à effet de serre (GES) est le plus élevé ;
  • Expérimenter à une large échelle la facturation carbone – fondée sur la méthode de la Mesure Comptable Environnementale – qui indiquerait, en instantané, les poids en carbone des produits et déchets et, en dynamique, la contribution de l’entreprise à la décarbonation nationale ;
  • Accélérer le déploiement des énergies bas-carbone, en s’appuyant par ailleurs sur la relance du nucléaire et le développement des énergies renouvelables, le rapport rappelant à ce titre que la France devrait acheter des « droits statistiques » pour des sommes importantes et encourt des sanctions financières dès lors qu’elle est le seul pays européen à ne pas avoir atteint les objectifs de la directive de 2018 ;
  • Simplifier les 340 dispositifs d’aides à la transition climatique des entreprises en les transformant en une quinzaine de dispositifs, en substituant une politique de l’offre à une politique de la demande, fondée sur le parcours usager de l’entreprise, et en s’adressant, de manière transversale, aux entreprises de tous secteurs et de toutes tailles ;
  • Mettre en cohérence les aides à la décarbonation de France 2030 avec la future Stratégie nationale bas carbone, ainsi que le futur Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC 3), et les subordonner à leur respect, ces derniers n’ayant au demeurant pas encore été adoptés en dépit des obligations législatives ;
  • Confier à l’ADEME, en liaison avec les organisations d’employeur, la standardisation de la méthode de mesure pour la décarbonation par secteur, selon une approche en cycle de vie, à l’instar de la réglementation environnementale des nouvelles constructions de bâtiments (« RE 2020 »);
  • Créer une agence de la transition climatique des entreprises (« France Transition ») afin de gérer les expérimentations des processus de décarbonation, de regrouper les fonds d’aides aux entreprises dispersés de France 2030 et ceux de Bpifrance ou de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), et soutenir de manière plus efficace les innovations au service de la décarbonation ;
  • Organiser un débat public annuel au Parlement consacré à la transition climatique de l’économie alors que les plafonds nationaux d’émissions de GES dénommés « budgets carbone » sont fixés par décret, ceci afin d’évaluer avec l’aide de la Cour des comptes, les politiques accompagnant les entreprises dans leur transition climatique.

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[1] Lorsque l’on quantifie les émissions d’une entreprise, on les répartit en trois catégories : le scope 1 représente les émissions directes de GES produits par l’entreprise, le scope 2 correspond aux émissions indirectes liées à l’énergie, mais qui ne se produisent pas directement sur le site de l’entreprise et enfin le scope 3 est lié aux émissions indirectes qui ne sont pas sous le contrôle de l’entreprise.

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) consacre le droit d’être protégé de la pollution de l’environnement et l’obligation d’agir des Etats

Par un arrêt du 30 janvier 2025, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) s’est prononcée sur le lien entre le droit à la vie, consacré par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CESDH), et la lutte contre les pollutions.

En effet, des déchets avaient été déversés, enfouis et incinérés sur des terrains privés dans la région italienne de Terra dei Fuochi, où des taux accrus de cancers et de pollution des eaux ont été observés. Plusieurs habitants et associations ont saisi la CEDH de cette situation, invoquant la méconnaissance par l’Etat italien, qui avait connaissance de la situation mais n’avait pas agi, des articles 2 (relatif au droit à la vie) et 8 (relatif au droit au respect de la vie privée et familiale) de la CESDH.

La Cour a reconnu la méconnaissance par l’Etat italien de ses obligations découlant de l’article 2 de la CESDH. Celle-ci expose en effet qu’il existe un risque suffisamment grave, véritable et vérifiable pour la vie, permettant d’entrer dans le champ d’application de l’article 2, ce qui imposait donc à l’Etat de prendre des actions pour préserver la vie des requérants. A cet égard, la Cour relève que les autorités italiennes avaient connaissance de l’existence de cette pollution depuis le début des années 1990 mais n’avaient agi qu’à partir de décembre 2013 pour évaluer l’étendue de la pollution et n’avait élaboré un plan d’action pour lutter contre les dépôts et incinération sauvages de déchets qu’à compter de 2016.

Au regard de l’inaction prolongée de l’Etat, la méconnaissance de l’article 2 est donc caractérisée.

Concernant les griefs liés à l’article 8, la Cour relève qu’au regard de ses conclusions sur l’article 2 il n’est pas nécessaire de se prononcer de manière séparée sur ceux-ci.

En conséquence, la Cour énonce que l’Etat italien doit, dans un délai de deux ans, « élaborer une stratégie globale regroupant les mesures existantes et les mesures envisagées en vue de remédier au problème de la Terra dei Fuochi, qu’elle doit mettre en place un mécanisme de suivi indépendant, comptant des membres dépourvus de toute affiliation institutionnelle aux autorités de l’État, et qu’elle doit créer une plateforme unique d’information du public rassemblant toutes les informations pertinentes au sujet du problème de la Terra dei Fuochi ».

Contentieux de l’autorisation environnementale : que peut-on contester dans le cadre d’une régularisation ?

Dans le cadre du contentieux de l’autorisation environnementale, et lorsque le juge met en œuvre les pouvoirs de régularisation qu’il tient de l’article L. 181-18 du Code de l’environnement, est-il possible de soulever de nouveaux moyens lors de l’examen de la validité de la régularisation ? Le Conseil d’Etat s’est prononcé sur cette question par un arrêt du 29 janvier 2025.

Dans cette affaire, le juge avait tout d’abord, par un jugement avant dire droit, constaté l’illégalité d’une autorisation environnementale accordée pour un projet éolien en se fondant notamment sur l’illégalité de l’avis de l’autorité environnementale et sur l’insuffisance des capacités financières de la pétitionnaire. L’article L. 181-18 du Code de l’environnement, sur le fondement duquel le juge peut permettre au pétitionnaire de régulariser l’autorisation environnementale, avait alors été mis en œuvre et le préfet a adopté un arrêté de régularisation.

Lors de l’examen par le juge de la validité ou non de cette régularisation, les requérantes soulevaient des moyens tirés de l’absence de dérogation espèces protégées pour des chiroptères et de l’insuffisance des études sur les chiroptères. La Cour administrative d’appel avait considéré que ces moyens étaient inopérants dès lors qu’elle s’était déjà prononcée sur ces points lors du jugement avant-dire droit.

Le Conseil d’Etat valide son raisonnement, en exposant que seuls les moyens portant sur les vices que la mesure de régularisation a eu pour objet de régulariser ou sur des vices propres à cette mesure peuvent être soulevés contre la mesure de régularisation. Ainsi ne peuvent être soulevés « aucun autre moyen, qu’il s’agisse d’un moyen déjà écarté par la décision avant dire droit ou de moyens nouveaux, à l’exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation ».

Redevances des Agences de l’eau : dernières précisions

La réforme des redevances des Agences de l’eau, qui a notamment créé trois nouvelles redevances sur la performance des réseaux et la consommation d’eau potable (cf. notre article sur le sujet), est entrée en vigueur le 1er janvier 2025. Un dernier arrêté a été publié au Journal officiel du 25 janvier 2025 afin d’apporter des ajustements, notamment :

  • Pour harmoniser les termes utilisés par les textes, la notion de « charge brute de pollution organique » est remplacée par celle de « capacité nominale de traitement» pour les stations d’épuration ;
  • Concernant la sanction de triplement de la redevance, prévue à l’article D. 213-48-12 du Code de l’environnement, pour les redevables de la redevance pour pollution de l’eau par les activités d’élevage, il est précisé que sont concernés les redevables « ayant fait l’objet d’une condamnation pénale» et non d’un « procès-verbal d’infraction » ;
  • Il est également plus prévu que, lorsque la facturation de l’eau et de l’assainissement sont séparées, les agences de l’eau versent à l’exploitant du service chargé de percevoir les redevances pour pollution de l’eau d’origine domestique et pour modernisation des réseaux de collecte mentionnées aux articles L. 213-10-3 et L. 213-10-6 une rémunération distincte par rapport à un service qui ne réaliserait pas de facturation séparée ;
  • Plusieurs corrections liées à la numérotation des articles ou à des valeurs sont également apportées ;
  • Il est également indiqué dans la notice du décret que, dans le cadre d’une demande d’agrément des dispositifs de suivi régulier des rejets auprès de l’Agence de l’eau, le silence de l’Agence dans le délai de deux mois fait naitre une décision implicite d’acceptation. Toutefois nous n’avons pas identifié que le décret modifierait l’article D. 213-48-6 fixant les modalités de délivrance de cet agrément.

Référé pénal environnemental : qui peut agir ?

Le référé pénal environnemental – outil juridique prévu par les dispositions de l’article L. 216-13 du Code de l’environnement – permet, en cas de non-respect de certaines prescriptions environnementales, au juge des libertés et de la détention d’ordonner toute mesure utile – y compris une suspension ou une interdiction des opérations menées – pour mettre un terme ou limiter, à titre conservatoire, les effets d’une pollution.

La constitutionnalité de ce texte a été récemment affirmée par le Conseil constitutionnel dans une décision en date du 15 novembre 2024.

Par son arrêt du 14 janvier 2025, la Chambre criminelle est venue préciser les contours de cette procédure encore peu usitée, dans une affaire concernant le fonctionnement d’une station d’épuration confiée à une Communauté d’agglomération.

Plus précisément, le 5 mai 2022, le juge des libertés et de la détention (JLD) avait ordonné sur requête du Ministère public saisi par une association de protection de l’environnement, des mesures devant être exécutées dans un délai d’un mois assorti d’une astreinte de 1.000 € par jour de retard, pour faire cesser des faits de pollution d’un cours d’eau qui serait en lien avec les dysfonctionnements du système d’épuration géré par la Collectivité.

Le 20 mars 2023, faute d’exécution des mesures par la Communauté d’agglomération, l’association ayant signalé les faits déposait auprès du JLD une requête en liquidation de l’astreinte ; celle-ci était déclarée irrecevable dans son action.

Cette décision d’irrecevabilité était confirmée par la Chambre de l’instruction près la Cour d’appel de RIOM.

Saisie par l’association, la Chambre criminelle rejetait le pourvoi formé, au motif qu’aucun texte ne confère à la requérante la qualité de partie à la procédure de référé environnemental.

Par cette décision, la Chambre criminelle restreint ainsi le champ d’action des associations de protection de l’environnement dans l’utilisation de cet outil et notamment dans l’exécution des mesures ordonnées dans ce cadre – qui relève exclusivement de la compétence du Procureur de la République.

Utiles précisions du Comité de Règlement des Différends et Sanctions (CORDIS) sur la notion de terrain d’assiette au sens de l’ancien article L. 342-11 du Code de l’énergie

Par une décision en date du 2 décembre 2024, le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie (ci-après, CORDIS) a apporté d’utiles précisions sur la notion de « terrain d’assiette » au sens de l’article L. 342-11 du Code de l’énergie, dans sa version antérieure à la loi APER.

Le CORDIS était saisi par une utilisatrice du réseau public de distribution d’électricité, Mme D, qui contestait la proposition qui lui avait été faite à la suite de sa demande de raccordement. La requête de l’utilisatrice comportait deux demandes :

  • présentation par la société Enedis d’une offre de raccordement de référence (ORR) minimisant les coûts de réalisation des ouvrages de raccordement passant par un raccordement par le sud de sa parcelle ;
  • prise en charge des frais d’extension de réseau éventuels par Collectivité en Charge de l’Urbanisme (CCU).

En premier lieu, la demanderesse sollicitait la présentation par Enedis d’une proposition de raccordement passant par le sud de sa parcelle pour limiter les couts de l’extension du réseau de distribution d’électricité.

Le CORDIS rejette cette demande au motif que le permis de construire en vigueur pour la réalisation du projet de Mme D prévoyait un raccordement au réseau public de distribution d’électricité par le nord de sa parcelle.

Rappelant que la société Enedis est liée par le permis de construire accordé, le CORDIS rejette la demande de Mme D en soulignant que seul un permis de construire modificatif aurait permis à la société Enedis de faire droit à sa demande.

 

En second lieu, Mme D demandait au CORDIS que soit enjoint à la société Enedis de mettre à la charge de la commune lui ayant accordé le permis de construire les frais d’extension du réseau public de distribution d’électricité sur le fondement de l’article L. 342-11 du Code de l’énergie dans sa version en vigueur avant la modification apportée par la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023, dite loi APER.

Pour rappel, il résultait de la combinaison de l’article L. 342-11 du Code de l’énergie et de l’article L. 332-15 du Code de l’urbanisme avant la loi APER que les frais d’extension du réseau public de distribution d’électricité rendus nécessaires par un projet ayant donné lieu à autorisation d’urbanisme étaient répartis comme suit :

  • Le demandeur du raccordement était débiteur du coût de l’extension pour la partie située sur le terrain d’assiette de l’opération (article L. 332-15 du Code de l’urbanisme) ;
  • La collectivité ayant accordé l’autorisation d’urbanisme était débitrice du coût de l’extension située en dehors du terrain d’assiette de l’opération (article L. 342-11 ancien du Code de l’énergie).

Au cas présent, le CORDIS rejette la demande de Mme D au motif que l’extension est à réaliser intégralement sur le terrain d’assiette de l’opération. Ce faisant, le CORDIS apporte des précisions sur les parcelles à prendre en compte pour déterminer le terrain d’assiette de l’opération au sens des dispositions précitées. La décision du CORDIS dispose :

« Or, il résulte de la combinaison des textes cités plus haut, d’une part, que le terrain d’assiette de l’opération correspond à l’ensemble des parcelles ou voies privées sur lesquelles porte cette opération, y compris celles qu’il est nécessaire de traverser pour atteindre le réseau public existant et, d’autre part, que les frais des travaux d’extension du réseau réalisés sur le terrain d’assiette de l’opération sont à la charge du bénéficiaire de l’autorisation de construire. »

Ainsi, selon le CORDIS, le terrain d’assiette à prendre en compte pour déterminer le débiteur du coût de l’extension du réseau public de distribution d’électricité, pour les permis de construire déposés avant le 10 septembre 2023, est composé :

  • Des parcelles sur lesquelles porte l’opération ;
  • Des voies privées sur lesquelles porte l’opération, y compris celles qu’il est nécessaire de traverser pour atteindre le réseau public existant.

Tarifs réglementés de vente d’électricité : publication des décrets fixant les tarifs réglementés de vente d’électricité (TRVE) pour l’année 2025

Décision en date du 28 janvier 2025 relative aux tarifs réglementés de vente de l’électricité applicables dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental

Décision en date du 28 janvier 2025 relative aux tarifs réglementés de vente de l’électricité Jaunes et Verts applicables aux consommateurs en France métropolitaine continentale

Décision en date du 28 janvier 2025 relative aux tarifs réglementés de vente de l’électricité applicables aux consommateurs non résidentiels en France métropolitaine continentale

Décision en date du 28 janvier 2025 relative aux tarifs réglementés de vente de l’électricité Jaunes et Verts applicables pour les consommateurs souscrivant une puissance supérieure à 36 kVA en France métropolitaine continentale

Décision en date du 28 janvier 2025 relative aux tarifs de cession de l’électricité aux entreprises locales de distribution

 

Par une série de décisions et décrets, reprenant les propositions de la Commission de Régulation de l’Énergie publiées en décembre 2024 (et que nous avions commenté dans une brève de janvier 2025), le ministre chargé de l’Énergie et le Premier ministre ont fixé les tarifs réglementés de vente de l’électricité pour l’année 2025.

Tout d’abord, rappelons qu’aux termes de l’article L. 337-4 du Code de l’énergie, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) propose aux ministres chargés de l’Énergie et de l’Économie les TRVE à partir d’un « empilement » de coûts représentatifs de l’activité de fourniture d’un fournisseur s’approvisionnant sur les marchés de gros :

  • le prix d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique ;
  • le complément d’approvisionnement au prix de marché ;
  • la garantie de capacité ;
  • les coûts d’acheminement ;
  • les coûts de commercialisation ;
  • la rémunération normale du fournisseur.

Pour l’année 2025, les propositions de TRVE faites par la CRE en décembre 2024 ont été suivies par le ministre chargé de l’Énergie.

Ensuite, les travaux de la CRE relatifs aux TRVE de cette année ont été marqués par l’introduction de l’article 2 de la loi n° 2024-330 du 11 avril 2024 visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement qui a supprimé la limite de puissance de 36 kVA inscrite à l’article L. 337-7 du Code de l’énergie.

Si, auparavant, les TRVE étaient réservés aux consommateurs ayant souscrit à une puissance inférieure ou égale à 36 kVA, ce critère n’existe désormais plus et les TRVE seront donc accessibles en France métropolitaine continentale à tous les clients répondant aux caractéristiques suivantes :

  • Les consommateurs finaux domestiques, y compris les propriétaires uniques et les syndicats de copropriétaires d’un immeuble unique à usage d’habitation ;
  • Les consommateurs finaux non domestiques qui emploient moins de dix personnes et dont le chiffre d’affaires, les recettes ou le total de bilan annuels n’excèdent pas 2 millions d’euros.

Le décret n° 2025-49 du 15 janvier 2025 relatif aux tarifs réglementés de vente d’électricité précise les modalités d’application de ces nouvelles dispositions.

Pour les consommateurs souscrivant à une puissance inférieure ou égale à 36 kVA en France métropolitaine continentale et tous les consommateurs en zones non interconnectées, rien ne change et ces derniers bénéficient du tarif Bleu dont on peut toutefois noter la baisse importante cette année :

  • – 22,61 % HT, soit – 48,01 €/MWh HT, pour les tarifs bleus résidentiels ;
  • – 22,67 % HT, soit – 48,46 €/MWh HT, pour les tarifs bleus professionnels.

Pour les consommateurs souscrivant une puissance supérieure à 36 kVA en France métropolitaine continentale, afin de prendre en compte la puissance souscrite par les consommateurs, les décisions du ministre chargé de l’Énergie entérinent la renaissance du tarif Jaune et du tarif Vert qui avaient été supprimés en janvier 2016 par la loi dite NOME du 31 décembre 2015 (loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité), et en fixe le barème pour cette année.

Le tarif Jaune s’appliquera aux consommateurs ayant souscrit à une puissance supérieure à 36 kVA et le tarif Vert aux consommateurs dont le site est raccordé en haute tension ; tant que ces derniers répondent aux critères d’éligibilité aux TRVE tels que précédemment décrits.

Enfin, l’évolution des tarifs réglementés de vente d’électricité s’accompagne d’une évolution des tarifs de cession aux entreprises locales de distribution.

Pour rappel, ces tarifs permettent aux entreprises locales de distribution de s’approvisionner en électricité pour la fourniture de leurs clients aux tarifs réglementés et, pour celles desservant moins de 100.000 clients, pour la fourniture de leurs pertes réseaux.

L’évolution du tarif de cession est également à la baisse cette année avec une réduction moyenne de -59,67 €/MWh HT (soit – 44,55 % HT).

Projet de décret prorogeant le dispositif de classement des demandes de raccordement au réseau public d’électricité

Par une délibération du 8 janvier 2025, la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) a adopté un avis sur un projet de décret modifiant le décret n° 2023-1417 du 29 décembre 2023 portant application de l’article 28 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, dite loi APER.

Pour rappel, l’article 28 de la loi APER autorise l’Etat à fixer un ordre de classement des demandes de raccordement aux réseaux électriques des projets d’installations de production et des opérations de modifications d’installations industrielles lorsqu’est constaté pour l’un de ces projets un délai de raccordement supérieur à cinq ans en raison de l’insuffisance de la capacité d’accueil prévisionnelle du réseau public.

Le décret n° 2023-1417 du 29 décembre 2023, que nous avions commenté dans une précédente brève, a détaillé les conditions d’application de ce dispositif. Nous renvoyons autant que de besoin à cette brève (disponible ici). En synthèse, ce décret liste les projets concernés par la possibilité de classement et précise les critères sur lesquels le préfet de région doit obligatoirement se fonder pour fixer l’ordre de classement.

Le projet de décret objet de la délibération de la CRE ici commenté vise à modifier le décret du 29 décembre 2023 sur deux points.

En premier lieu, le projet de décret prévoit de supprimer la caducité des propositions techniques et financières (ci-après, PTF) des gestionnaires de réseau prévues par l’article 11 du décret du 29 décembre 2023.

L’article 11 actuellement en vigueur, dispose :

« Dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision du préfet, le gestionnaire de réseau compétent notifie aux demandeurs concernés une proposition de raccordement qui, le cas échéant, se substitue à la proposition de raccordement précédemment formulée par ce gestionnaire.

La notification par le gestionnaire de réseau emporte la caducité de la proposition de raccordement du demandeur »

Ainsi que le souligne la CRE, Il résulte de ces dispositions que :

  • si le demandeur ne dispose pas encore d’une PTF, à la suite de la décision de classement du préfet, RTE notifie une PTF à ce demandeur ;
  • si le demandeur dispose d’une PTF, une nouvelle PTF tenant compte de la décision de classement du préfet se substitue alors à la précédente. L’ancienne PTF devient donc caduque.

Le projet de décret prévoit que, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision du préfet, le gestionnaire de réseau devra désormais notifier aux demandeurs concernés, soit une PTF pour les utilisateurs qui n’en avaient pas au moment de la saisine du préfet, soit les modifications apportées à la PTF pour les utilisateurs qui disposaient d’une PTF signée au moment de la saisine du préfet.

La CRE accueille favorablement ces évolutions mais recommande toutefois :

  • d’établir de nouvelles PTF afin de mettre en cohérence la solution de raccordement proposée à l’utilisateur avec la date de mise à disposition de son raccordement telle que déterminée par le préfet ;
  • de plafonner les coûts de raccordement dans les PTF réalisées postérieurement à la décision de classement du préfet, aux montants prévus dans les PTF signées avant la décision du préfet. Ainsi, le coût de raccordement sera moindre pour le demandeur si sa nouvelle solution de raccordement est moins coûteuse que celle prévue dans la PTF initiale et, dans le cas contraire, le coût sera identique à celui de la PTF initiale.

En second lieu, l’article 28 de la loi APER prévoit que le dispositif ci-avant présenté est limité à une période de deux ans à compter de la publication de la loi. Dès lors, au 11 mars 2025, le dispositif ne sera plus en vigueur.

Pour faire face à cette difficulté, le projet de décret prévoit la prorogation de deux ans supplémentaires du dispositif, soit jusqu’en mars 2027. Prorogation à laquelle la CRE donne un avis favorable.