La légalité du refus de l’EPCI de rétablir la collecte de déchets en porte à porte

Dans six décisions en date du 13 mars 2025, le Tribunal administratif de Bordeaux s’est prononcé sur la légalité des refus de rétablir la collecte de déchets en porte à porte opposés par un syndicat mixte compétent en matière de service public de collecte des déchets.

Le raisonnement du juge se fonde sur l’article R. 2224-24 I. du Code général des collectivités territoriales (ci-après, CGCT), en vertu duquel, dans les zones agglomérées groupant plus de 2.000 habitants permanents, les ordures ménagères résiduelles sont collectées au moins une fois par semaine en porte à porte.

Une collecte en apport volontaire reste néanmoins possible en vertu du IV. de l’article R. 2224-24 du CGCT mais ne peut être mise en place qu’à la condition d’offrir un niveau de protection de la salubrité publique et de l’environnement ainsi qu’un niveau de qualité de service à la personne équivalents à ceux de la collecte en porte à porte.

En l’espèce, le syndicat mixte départemental des déchets de la Dordogne, compétent en matière de collecte et de traitement des déchets, avait rejeté les demandes de plusieurs personnes tendant au retrait des points d’apport volontaire et au rétablissement de la collecte en porte à porte.

Ces personnes ont alors saisi le tribunal administratif de demandes d’annulation des décisions de rejet. Elles soutenaient que les collectes en points d’apport volontaire ne respectaient pas les niveaux de protection et de qualité requis.

Le tribunal a d’abord rappelé que l’illégalité d’un refus opposé par l’administration à une demande tendant à ce qu’elle prenne des mesures pour faire cesser la méconnaissance d’une obligation légale lui incombant n’est constituée :

« que s’il apparaît au juge qu’au regard de la portée de l’obligation qui pèse sur l’administration, des mesures déjà prises, des difficultés inhérentes à la satisfaction de cette obligation, des contraintes liées à l’exécution des missions dont elle a la charge et des moyens dont elle dispose ou, eu égard à la portée de l’obligation, dont elle devrait se doter, celle-ci est tenue de mettre en œuvre des actions supplémentaires. ».

Sur les territoires des communes d’Escoire (décision n° 2202890), Saint-Léon-sur-l’Isle (n° 2202891), Neuvic (n° 2202892) et Chancelade (n° 2202894), le Tribunal administratif de Bordeaux a estimé qu’il n’était pas démontré que les collectes en points d’apport volontaire ne respecteraient pas les exigences règlementaires et a donc rejeté les requêtes.

En revanche, sur le territoire de la commune de Menesplet (n° 2202902, 2203137, 2202895), le tribunal a constaté une situation d’insalubrité et un manque d’accessibilité des points de collecte au regard notamment de la présence de nombreux déchets jonchant le sol ou encore de l’instabilité de la borne de collecte qui présentait un caractère dangereux. Cette situation résultant des conditions insatisfaisantes dans lesquelles le service public de collecte des ordures était exécuté.

Pour cette commune, le tribunal a annulé le refus et enjoint au syndicat de rétablir la collecte en porte à porte, sauf si cette autorité modifie, par des mesures prises avant le 10 septembre 2025, les modalités de collecte des ordures dans les points d’apport volontaire de manière à ce que le niveau de service soit satisfaisant.

S’agissant des autres communes et de l’ensemble du département de la Dordogne, même si le tribunal a constaté des dysfonctionnements du système de collecte des déchets ménagers en points d’apport volontaire sur certaines parties du territoire, il a considéré que les requérants n’apportaient pas les pièces suffisantes afin de démontrer une insuffisance générale du système de collectes sur l’ensemble du territoire du département.

Ainsi, le tribunal a jugé que les insuffisances relevées ne suffisaient pas à faire regarder la décision de refus attaquée comme entachée d’illégalité au regard de l’article R. 2224-24 du Code général des collectivités territoriales et a donc rejeté les requêtes.

Enfin, les requérants soutenaient que le refus opposé par le syndicat méconnaissait le principe d’égalité et le principe de non-discrimination en raison des inconvénients présentés par la collecte des ordures en points d’apport volontaires liés à l’éloignement et l’inaccessibilité des points notamment pour les personnes âgées.

Le tribunal a rejeté ce moyen en considérant que le nombre de points d’apport volontaire sur le territoire du département était suffisant et que des mesures avaient été prises pour renforcer leur accessibilité.

 

Le pouvoir de police spéciale conservé par le maire en matière de collecte de déchets ne comprend pas le choix dans le mode et la fréquence des collectes

Le Tribunal administratif de Poitiers s’est prononcé sur la possibilité, pour le maire d’une commune, de choisir le mode et la fréquence des collectes des déchets lorsque celui-ci a décidé de conserver ses pouvoirs de police spéciale en matière de collecte des déchets.

Pour rappel, les EPCI à fiscalité propre sont compétents de plein droit en matière de collecte et de traitement des déchets ménagers et assimilés.

En vertu du deuxième alinéa du A. du I. de l’article L. 5211-9-2 du Code général des collectivités territoriales (ci-après, CGCT), les maires transfèrent au président de l’EPCI les pouvoirs de police permettant de règlementer cette activité.

Ces pouvoirs de police spéciale consistent, sur le fondement de l’article R. 2224.26 du CGCT, en la fixation des « modalités de collecte des différentes catégories de déchets ». Il s’agit plus précisément d’adopter le règlement de collecte.

Néanmoins, en application du III. de l’article L. 5211-9-2 du CGCT, les maires peuvent s’opposer au transfert de ces pouvoirs.

Dans ce cas, peuvent intervenir dans le domaine des déchets :

–           L’EPCI, au titre de sa compétence en matière de collecte des déchets ;

–           Le maire de la commune, au titre des pouvoirs de police spéciale.

En l’espèce, la Communauté de communes du Mellois en Poitou avait prévu que la collecte des déchets ménagers se ferait une fois tous les quinze jours en points d’apport volontaire au moyen de bacs collectifs de regroupement. Le Maire de la commune d’Aigondigné, qui s’était opposé au transfert de ses pouvoirs de police, avait quant à lui prévu que la collecte des déchets serait assurée en porte à porte une fois par semaine.

Or, le tribunal a considéré qu’il appartenait à la communauté de communes de prendre, par ses délibérations, des mesures d’organisation du service public et de choisir le mode de collecte et la fréquence des collectes.

En conséquence, il a décidé que le règlement de collecte des ordures ménagères et de tri sélectif de la commune annexé à l’arrêté du maire devait être annulé.

 

La condamnation de l’Etat à réparer le préjudice moral d’anxiété des victimes exposées au chlordécone en Guadeloupe et en Martinique

Dans un arrêt en date du 11 mars 2025, la Cour administrative d’appel de Paris, saisie par près de 1.300 requérants se prévalant d’avoir été exposés au chlordécone et par l’association Vivre Guadeloupe, l’association Conseil représentatif des associations noires (CRAN) et le collectif Lyannaj pou Depolye Matinik, a reconnu la responsabilité de l’Etat à raison du préjudice moral d’anxiété subi par certains insulaires.

La Cour administrative d’appel de Paris a jugé que l’Etat avait commis plusieurs fautes de nature à engager sa responsabilité, découlant :

  • Des renouvellements, en 1974 et en 1976, des autorisations provisoires de vente du chlordécone. En effet, le juge considère que si l’Etat n’avait pas commis de faute en 1972 en délivrant l’autorisation provisoire de vente du produit en raison de l’absence de certitudes scientifiques quant aux effets de celui-ci sur l’environnement et sur la santé humaine, la situation était différente lors des renouvellements postérieurs. Les troubles neurologiques développés en 1975 par les ouvriers de l’usine de production du chlordécone de la société Life Sciences Products située aux Etats-Unis et la pollution environnementale aux abords de l’usine constituaient des preuves de la toxicité de ce produit. En outre, la société titulaire de l’autorisation refusait de transmettre les résultats du contrôle des résidus de ce pesticide dans les bananes. Ces éléments auraient dû conduire l’Etat à refuser les renouvellements de l’autorisation ;
  • De la délivrance d’autorisations provisoires de vente en 1981 et de l’homologation du produit en 1986 permettant son utilisation jusqu’en 1993 sans disposer des études techniques et biologiques nécessaires afin d’évaluer la toxicité de ce produit et de s’assurer de son innocuité au regard, encore une fois, des faits exposés ci-dessus témoignant de la dangerosité du produit ;
  • Du retard de l’Etat dans la prise en charge du reliquat de chlordécone en métropole après l’interdiction de l’utilisation de ce produit. En effet, la Cour a considéré que si les distributeurs et les propriétaires de bananeraies détenteurs des stocks de ce produit étaient responsables de l’élimination de ces déchets dans un centre de stockage des déchets industriels spéciaux, cette élimination ne pouvait avoir lieu sur place en l’absence d’un tel centre. Ainsi, il appartenait à l’Etat d’établir un plan pour assurer cette élimination et d’organiser la collecte et le transport de ce reliquat en métropole ;
  • De la tardiveté de la mise en place des contrôles par l’Etat afin de rechercher la présence éventuelle de traces de chlordécone dans l’environnement et dans la chaîne alimentaire ;
  • De l’information tardive délivrée à la population de la Guadeloupe et de la Martinique quant aux dangers présentés par ce produit ;
  • Enfin, de la gestion des archives du ministère de l’agriculture en raison la disparition des avis de la commission d’études de la toxicité des produits antiparasitaires à usage agricole et des produits assimilés et des rapports du comité d’homologation des produits antiparasitaires à usage agricole et des produits assimilés.

S’agissant des préjudices, la Cour a reconnu comme établi le préjudice moral d’anxiété de certains requérants personnes physiques.

Ce préjudice provient de l’angoisse de voir se réaliser, pour les hommes, le risque de développer un cancer de la prostate ou de récidive, et, pour les femmes, le risque de prématurité en cas de grossesse et de troubles neurodéveloppementaux chez l’enfant.

En première instance, les demandes d’indemnisation des requérants avaient été rejetées faute d’éléments suffisants permettant de justifier ce préjudice. Leur seule présence en Martinique et en Guadeloupe ne suffisant pas à établir l’existence de tels éléments. La Cour a cette fois retenu que les requérants avaient fait état d’éléments personnels et circonstanciés résultant notamment de leur durée de présence sur l’île, mais aussi de leur résidence dans une zone où la culture de la banane est importante et de la quantité de chlordécone présente dans leur sang.

La Cour a jugé qu’il existait un lien de causalité entre les fautes commises par l’Etat et ce préjudice moral. Notamment, elle a jugé que l’absence de collecte des stocks de chlordécone a contribué à la pollution de l’environnement et de la chaîne alimentaire.

Seul le lien de causalité entre le dysfonctionnement dans la conservation et la gestion des archives du ministère de l’agriculture et le préjudice des requérants n’a pas été reconnu comme établi. La pollution rémanente par le chlordécone de l’environnement et de la chaîne alimentaire ne résultant pas de manière directe et certaine de ce dysfonctionnement.

Par ailleurs, la prescription quadriennale à laquelle est soumise toute créance sur l’Etat ne pouvait être opposée par l’Etat. En effet, le juge précise que le préjudice d’anxiété naît de la conscience prise par la victime qu’elle court le risque élevé de développer une pathologie grave. Or il retient que les victimes n’ont pu mesurer exactement l’ampleur de leurs préjudices qu’après la publication de différentes études sur les risques présentés par ce produit à compter de 2018. Leurs réclamations, reçues par l’Etat à compter de 2019, n’étaient donc pas tardives.

En conséquence, l’Etat a été condamné à verser entre 5.000 et 10.000 euros d’indemnisation aux différents requérants.

Réutilisation des eaux usées au sein des installations classées pour la protection de l’environnement

Arrêté du 14 mars 2025 relatif à l’utilisation d’eaux impropres à la consommation humaine pour des usages domestiques au sein des installations classées pour la protection de l’environnement

Un décret et un arrêté du 14 mars 2025 parus au Journal officiel du lendemain ont modifié le cadre applicable à la réutilisation des eaux usées traitées et des eaux pluviales pour des usages non domestiques, et notamment au sein des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).

Le décret du 14 mars 2025 permet ainsi l’utilisation d’eaux impropres à la consommation humaine pour certains usages domestiques, en remplacement de l’eau potable, lorsque la qualité de ces eaux n’a aucune influence, directe ou indirecte, sur la santé des usagers. Si ce décret réécrit la partie règlementaire du Code de l’environnement relatif à cette réutilisation, il n’en modifie pas profondément les principes.

L’arrêté du même jour fixe quant à lui plus précisément les conditions dans lesquelles les eaux pluviales et les eaux usées traitées peuvent être réutilisées au sein d’une ICPE, qu’elle soit soumise à autorisation, enregistrement ou déclaration. Il est ainsi notamment précisé que :

  • Cet arrêté rend possible et encadre la réutilisation des eaux impropres à la consommation humaine pour les usages suivants : le lavage du linge, le lavage des sols intérieurs, l’évacuation des excreta, l’alimentation de fontaines décoratives non destinées à la consommation humaine, le nettoyage des surfaces extérieures, l’arrosage des espaces verts à l’échelle des bâtiments, l’arrosage des jardins potagers ;
  • Le système d’utilisation d’eaux impropres à la consommation humaine doit demeurer complètement séparé et distinct des réseaux d’adduction et de distribution d’eau destinée à la consommation humaine ;
  • Les normes de qualité à respecter sont fixées en annexe ;
  • L’exploitant doit définir et mettre en œuvre une surveillance du bon fonctionnement du système d’utilisation d’eaux impropres à la consommation humaine, mais également s’assurer de la bonne application des traitements prévus et de la détection, le cas échéant, de tout dysfonctionnement du système ;
  • Le système d’utilisation d’eaux impropres à la consommation humaine doit faire l’objet d’un plan de prévention, d’entretien et de maintenance.

Les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS) : Parution d’une nouvelle instruction

Une instruction ministérielle du 19 février 2025, à destination des services de l’Etat (ARS et préfets) et des fournisseurs d’eau potable, a précisé les recommandations nationales pour la gestion des risques sanitaires liés à la présence de PFAS dans les eaux destinées à la consommation humaine.

Il est ainsi prévu que :

  • Les ARS devraient s’attacher à procéder à des contrôles sur la présence de PFAS d’ici mi-2025, c’est-à-dire en anticipation de l’entrée en vigueur au 1er janvier 2026 de l’obligation d’inclure la surveillance des PFAS au contrôle sanitaire de l’eau ;
  • Le signal de non-conformité devrait être caractérisé à la limite de qualité fixée par les textes (0,1 µg/L pour la somme de 20 PFAS) par la réalisation d’une campagne d’analyses comprenant au moins dix résultats analytiques répartis sur deux saisons consécutives (maximum 3 à 4 mois en tout) et si la médiane des valeurs mesurées dépasse la limite de qualité ;
  • Sur la gestion des situations de non-conformité, les mesures suivantes sont présentées par l’instruction : le raccordement de la ressource impactée à une autre ressource en eau (total ou par dilution), une interconnexion avec une autre unité de distribution (UDI) délivrant une eau conforme pour une alimentation complète ainsi que la mise en œuvre de traitements de potabilisation. Le fournisseur d’eau devra définir un calendrier précis de mise en œuvre de ces mesures.

Et l’instruction mentionne que des restrictions de consommation pourront être adoptées si des solutions ne peuvent rapidement être mises en place en cas de pollution aux PFOA et le PFOS1.

  • Sur la gestion des sources de pollution, il est indiqué que les préfets devront travailler à l’identification des sources de pollution et à leur réduction ;
  • Concernant spécifiquement le TFA, non encadré par les textes à ce stade, la valeur sanitaire indicative de 60µg/L pourrait être retenue, tout comme la définition d’une trajectoire de réduction vers une concentration inférieure à 10µg/L.

Inondations : le risque lié à la présence de la digue doit être pris en compte

Le 25 mars 2025, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la légalité de la décision du Préfet des Pyrénées orientales de s’opposer à la déclaration préalable formulée par la Société Aménagement 66 en application de l’article L. 214-3 du Code de l’environnement relative à un projet de lotissement.

 

Les articles L. 214-1 et suivants posent les règles applicables aux installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) susceptibles d’avoir un impact sur la ressource en eau. Si certaines de ces IOTA sont soumises à autorisation, d’autres peuvent être mises en œuvre après une simple déclaration préalable dans les conditions énoncées à l’article L. 214-3 du Code de l’environnement.

Tel était le régime applicable au projet de lotissement envisagé par la Société Aménagement 66 auquel le Préfet des Pyrénées orientales s’était opposé.

Alors que la décision du préfet a été annulé par la Cour administrative d’appel, le Conseil d’Etat adopte une position différente.

En effet, la Haute Cour, qui rappelle l’obligation de compatibilité entre le projet et les dispositions du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) ou du schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) ainsi qu’avec les objectifs de protection de la ressource en eau énoncés à l’article L. 211-1 du Code de l’environnement, précise de quelle manière doit être apprécié le risque inondation présenté par la présence d’un ouvrage de protection. A cet égard, il indique que les risques d’inondation pesant sur le terrain situé derrière un ouvrage de protection, doivent être appréhendés non seulement au regard de la protection qu’un tel ouvrage est susceptible d’apporter mais aussi du « risque spécifique qu’un tel ouvrage est susceptible de créer en cas de sinistre d’une ampleur supérieure à celle pour laquelle il a été dimensionné ou en cas de rupture, dans la mesure où la survenance d’un tel accident n’est pas dénuée de toute probabilité ».

Le juge apprécie par ailleurs les risques pour les intérêts mentionnés à l’article L. 211-1 du Code de l’environnement. Il revient alors sur l’appréciation de la Cour administrative d’appel qui, pour apprécier ce risque, s’était fondée sur ce que la crue de référence de l’Agly en 2013 était de nature « centennale » alors qu’il était établi que cette crue était « d’occurrence comprise entre vingt et cinquante ans et que son débit maximal avait alors été estimé à un niveau inférieur de plus de 50 % au débit d’un évènement centennal ».

Le juge annule ainsi l’arrêt de la Cour administrative d’appel qui avait prononcé l’annulation de la décision du Préfet des Pyrénées orientales.

GeMAPI (gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations) : une proposition de loi pour renforcer l’action des collectivités

Le 10 mars dernier, la proposition de loi GeMAPI a été déposée devant le Sénat.

A ce stade, les propositions d’évolution tiennent en quatre articles.

L’article 1er donne la possibilité aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre de déléguer tout ou partie de la compétence GeMAPI au département.

Les articles 2 et 4 portent quant à eux plus spécifiquement sur la gestion des eaux pluviales.

L’article 2, d’abord, prévoit d’intégrer au zonage d’assainissement prévu à l’article L. 2224-10 du Code général des collectivités territoriales (ci-après, CGCT) des mesures visant à lutter contre le ruissellement et l’érosion des sols. Ces nouvelles mesures sont rattachées à la compétence « eaux pluviales urbaines » dès lors que la nouvelle disposition vient compléter l’article L. 2226-1 du CGCT.

A ce jour, le zonage d’assainissement intègre déjà les problématiques liées aux eaux pluviales puisqu’il doit identifier, outre les zones d’assainissement collectif et non collectif, les zones où des mesures doivent être prises pour limiter l’imperméabilisation des sols et pour assurer la maîtrise du débit et de l’écoulement des eaux pluviales et de ruissellement, d’une part, et celles où il est nécessaire de prévoir des installations pour assurer la collecte, le stockage éventuel et, en tant que de besoin, le traitement des eaux pluviales et de ruissellement lorsque la pollution qu’elles apportent au milieu aquatique risque de nuire gravement à l’efficacité des dispositifs d’assainissement. L’évolution apportée par la proposition de loi vise donc à compléter ce dispositif de mesures plus large de gestion des eaux de ruissellement.

L’article 4 ensuite fait évoluer la taxe GeMAPI à deux égards :

  • La taxe aurait vocation à financer non seulement la GeMAPI mais également la gestion des eaux pluviales et de ruissellement telle que définie au 4°de l’article L. 211-7 point I du Code de l’environnement
  • Il est également prévu de donner la possibilité à un EPCI à fiscalité propre ou, à défaut, un syndicat ou un département « à qui la compétence a été transférée », de reverser tout ou partie du produit de la taxe à une ou plusieurs communes membres, aux fins de financer les charges de fonctionnement et d’investissement, y compris celles constituées par le coût de renouvellement des installations ainsi que par le remboursement des annuités des emprunts, résultant de l’exercice de la mission la gestion des eaux pluviales et de ruissellement

Enfin, l’article 3 de la proposition de loi prévoit l’obligation pour le Gouvernement de remettre au Parlement dans un délai de 6 mois à compter de la promulgation de la loi, un rapport sur les modalités d’application de la taxe GeMAPI. Ce rapport doit identifier les pistes d’évolution réglementaire permettant une répartition plus équitable de son produit et une harmonisation entre territoires, ainsi que les conditions d’instauration d’un fonds de péréquation de cette taxe à l’échelle des bassins versants.

Refus de l’Autorité organisatrice des transports (ART) de s’opposer à l’ouverture d’un service d’autocars longue distance librement organisé

Avis n° 2025-022 du 6 mars 2025 relatif au projet de décision de la Région Auvergne-Rhône-Alpes d’interdiction du service librement organisé déclaré par la société Comuto Pro sur la liaison entre Grenoble et Les Deux Alpes

Par deux avis rendus le 6 mars 2025 l’Autorité de régulation des transports (ART) s’est prononcée défavorablement sur un projet d’interdiction régionale de deux services routiers librement organisés (SLO) déclarés sur les liaisons Grenoble – Les Deux Alpes et Grenoble – Alpes d’Huez.

Pour rappel, les entreprises de transport public routier de voyageurs peuvent assurer des services réguliers interurbains de manière librement organisée[1].

Lorsqu’ils assurent une liaison dont deux arrêts sont distants de 100 kilomètres ou moins, ces services doivent, préalablement à leur ouverture, faire l’objet d’une déclaration préalable auprès de l’ART[2].

Leur réalisation peut toutefois être interdite ou limitée par avis conforme de l’ART sur saisine des autorités organisatrices des mobilités (AOM) sur le territoire desquelles ces services sont envisagés[3].

C’est précisément le cas lorsque les services déclarés « portent, seuls ou dans leur ensemble, une atteinte substantielle à l’équilibre économique de la ligne ou des lignes de service public de transport susceptibles d’être concurrencées ou à l’équilibre économique du contrat de service public de transport concerné »[4].

C’est dans ce cadre que la région Auvergne-Rhône-Alpes a saisi l’ART de deux projets d’interdiction de SLO déclarés, sur les liaisons Grenoble – Les Deux Alpes et Grenoble – Alpes d’Huez, au motif de l’atteinte portée par ces services à l’équilibre économique de ses propres services conventionnés de voyageurs exploités dans le cadre d’une délégation de service public (DSP).

Par deux avis conformes, l’ART se prononce en défaveur du projet d’interdiction des SLO déclarés sur les deux liaisons.

Pour ce faire, elle analyse dans un premier temps dans quelle mesure les usagers du service conventionné pourraient estimer que le SLO constitue une offre de service alternative au service proposé par la région.

S’agissant du SLO déclaré sur la liaison entre Grenoble et Les Deux Alpes[5], l’ART estime que le parcours du SLO n’est pas substituable au service conventionné car son temps de trajet est plus long et représente un coût généralisé plus élevé. Faute de substituabilité, l’ART a considéré qu’il n’y avait pas lieu de limiter le SLO déclaré sur cette partie de la ligne.

S’agissant du SLO déclaré sur la liaison entre Grenoble et l’Alpe d’Huez[6], l’ART a reconnu la substituabilité des services compte tenu de l’équivalence entre les temps de trajet proposés, les fréquences et les horaires dans le sens « aller » en direction de l’Alpe d’Huez.

Les services étant au moins partiellement substituables, l’ART a ensuite examiné, dans un second temps, l’existence d’une atteinte substantielle à l’équilibre économique du service conventionné.

Et compte tenu des pertes de recettes que pourrait subir la DSP conclue par la région du fait du report de voyageurs vers le SLO dans le sens aller, l’ART a estimé qu’il convenait de prévoir une limitation partielle du service, afin de garantir que l’atteinte à l’équilibre économique du service organisé par la région reste non substantielle.

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[1] Article L. 3111-17 du Code des transports

[2] Article L. 3111-18 du Code des transports

[3] Article L. 3111-19 du Code des transports

[4] Article L. 3111-18 du Code des transports

[5] Avis n° 2025-022 du 6 mars 2025 Relatif au projet de décision de la Région Auvergne-Rhône-Alpes d’interdiction du service librement organisé déclaré par la société Comuto Pro sur la liaison entre Grenoble et Les Deux Alpes

[6] Avis n° 2025-021 du 6 mars 2025 Relatif au projet de décision de la Région Auvergne-Rhône-Alpes d’interdiction du service librement organisé déclaré par la société Comuto Pro sur la liaison entre Grenoble et l’Alpe d’Huez

 

Soutien à la production d’électricité photovoltaïque : l’arrêté tarifaire S21 malheureusement victime de son succès et nouvelle version du projet d’arrêté tarifaire S25 Sol

CRE, Délibération du 6 mars 2025 portant avis sur un projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 6 octobre 2021 fixant les conditions de soutien aux installations photovoltaïques sur bâtiment, hangar ou ombrière d’une puissance crête installée inférieure ou égale à 500 kilowatts et sur un projet d’arrêté fixant les conditions de soutien aux installations photovoltaïques au sol d’une puissance crête installée inférieure ou égale à un mégawatt

Par une délibération du 6 mars 2025, la Commission de régulation de l’Energie (ci-après, CRE) a rendu un avis sur deux projets d’arrêtés tarifaires relatifs à l’énergie photovoltaïque : d’une part, un projet d’arrêté modifiant l’arrêté tarifaire S21, projet d’arrêté qui a été publié dans sa version définitive au Journal officiel au 27 mars 2025 et, d’autre part, un projet d’arrêté fixant les conditions de soutien aux installations photovoltaïques au sol d’une puissance crête installée inférieure ou égale à un mégawatt.

Pour rappel, les producteurs d’électricité peuvent bénéficier d’un soutien public par la conclusion, avec la société EDF OA, d’un contrat d’obligation d’achat ou de complément de rémunération. Ces dispositifs permettent de soutenir les filières de production d’énergie renouvelable en développement. Ils n’ont pas vocation à s’inscrire dans la durée une fois les technologies utilisées devenues matures.

Le producteur peut bénéficier d’un contrat par deux moyens :

  • La réponse à un appel d’offres organisé par la CRE ;
  • Une demande à EDF OA lorsqu’il satisfait les conditions d’éligibilité prévues par arrêté. On parle alors dans ce cas de figure de la procédure du « guichet ouvert ».

Concernant la procédure du guichet ouvert, chaque filière technologique fait l’objet d’un arrêté tarifaire spécifique.

Le premier arrêté ici commenté a porté modification de l’arrêté du 6 octobre 2021 fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations implantées sur bâtiment, hangar ou ombrière utilisant l’énergie solaire photovoltaïque, d’une puissance crête installée inférieure ou égale à 500 kilowatts telles que visées au 3° de l’article D. 314-15 du Code de l’énergie et situées en métropole continentale, dit arrêté tarifaire S21.

Le second arrêté, qui n’est encore qu’au stade de projet, prévoit l’ouverture d’un nouveau guichet ouvert pour les installations de production d’électricité photovoltaïque au sol d’une puissance inférieure à 1 MW.

Ces deux textes seront présentés successivement.

 

1. Sur l’arrêté modifiant l’arrêté tarifaire S21

Le projet de modification de l’arrêté tarifaire S21 avait fait l’objet d’un avis critique du Conseil supérieur de l’énergie (cf. avis du Conseil supérieur de l’énergie du 6 mars 2025). La délibération de la CRE ayant précédé la publication de l’arrêté est plus nuancée.

Par sa délibération du 6 mars 2025, la CRE a d’abord rappelé que la modification de l’arrêté tarifaire S21 était justifiée par le dépassement des objectifs de développement fixés par cet arrêté.

En effet, l’arrêté tarifaire S21 prévoyait un objectif de puissance totale (calculé par addition de l’ensemble des contrats de soutien conclu en application de l’arrêté tarifaire) de 4,8 GWc pour la période fin 2021 à fin 2024. Or, l’addition des puissances des installations ayant demandé à bénéficier de cet arrêté tarifaire sur cette même période a dépassé les 16 GWc.

Dès lors, le gouvernement a fait le choix de réduire le montant des tarifs d’achat fixés par l’arrêté tarifaire S21 pour les différents segments de puissance en publiant l’arrêté du 26 mars 2025, modifiant l’arrêté tarifaire S21. Aux termes de la délibération de la CRE précitée, les modifications apportées sont les suivantes :

  • s’agissant du segment 100-500 kWc : une réduction du tarif d’achat de 105,2 €/MWh à 94,5 €/MWh pour les demandes de contrats déposées à partir du 28 mars 2025, associée à une révision de la dégressivité tarifaire (en particulier : un renforcement de la réactivité du mécanisme à l’avance/retard pris sur les objectifs de développement ainsi qu’une suppression du coefficient d’urgence). Une caution fixe de 10.000 € par projet est par ailleurs introduite afin de limiter le taux de chute de ces projets. Enfin, un critère d’éligibilité en lien avec la résilience des panneaux photovoltaïques est introduit à partir de 2026 ;
  • s’agissant du segment 9-100 kWc : le mécanisme de dégressivité décrit précédemment est appliqué aussi bien au tarif de vente en totalité qu’au tarif de vente en surplus ;
  • s’agissant du segment 0-9 kWc : le mode de valorisation « vente en totalité » et le tarif d’achat associé sont supprimés. Le tarif pour la vente en surplus (schéma d’autoconsommation) est abaissé à 40 €/MWh contre 126,9 €/MWh actuellement. Le niveau de la prime à l’investissement est rendu identique entre les différentes tranches du segment (0-3 et 3-9 kWc) et égal au niveau actuel de la prime pour le segment 0-3 kWc divisé par deux. Le niveau de prime pour ce segment ne fera plus l’objet de la dégressivité tarifaire.

La CRE résume les modifications apportées aux conditions tarifaires dans le tableau reproduit ci-dessous :

 

2. Sur le projet d’arrêté tarifaire S25

Le nouvel arrêté tarifaire S25 Sol concernera les installations utilisant l’énergie solaire photovoltaïque implantée au sol, et plus particulièrement sur terrains dégradés, ou bénéficiant de dispositifs de suivi de la course du soleil sur deux axes, d’une puissance crête installée inférieure à 1 MW.

Le gouvernement a saisi la CRE de deux projets de textes pour mettre en place des dispositifs de soutien pour ces filières.

En premier lieu, les technologies pouvant faire l’objet d’un soutien public sont visées par articles D. 314-15 (obligation d’achat) et D. 314-23 (complément de rémunération) du Code de l’énergie.

Dans leurs rédactions actuellement applicables, les deux articles précités ne citent plus la technologie solaire au sol comme éligible aux dispositifs de soutien. C’est pourquoi le gouvernement a soumis à la CRE, en plus du projet d’arrêté tarifaire S25, un projet de décret visant à modifier les articles précités afin de permettre le soutien par guichet ouvert des installations photovoltaïque au sol.

En second lieu, le projet d’arrêté fixant les conditions de soutien des installations photovoltaïque au sol situées en métropole continentale d’une puissance inférieure ou égale à un mégawatt, dit arrêté tarifaire S25 Sol, avait déjà été soumis à l’avis de la CRE qui s’était prononcée à deux reprises sur le sujet (voir notre brève, sur les délibérations du 16 octobre 2023 et 24 octobre 2024).

Le nouveau projet d’arrêté tarifaire S25 Sol prévoit, comme dans la précédente saisine de la CRE, un objectif de développement ainsi qu’une structure tarifaire unique pour l’ensemble des installations éligibles au guichet ouvert.

Deux formes de soutien seront possibles dès l’entrée en vigueur de l’arrêté :

  • un contrat d’obligation d’achat pour les installations de puissance installée inférieure ou égale à 200 kWc ;
  • un contrat de complément de rémunération pour les installations de puissance installée strictement supérieure à 200 kWc

Le projet d’arrêté tarifaire S25 Sol objet de la délibération du 6 mars 2025 intègre, par cohérence, les évolutions introduites dans l’arrêté modificatif de l’arrêté tarifaire S21, notamment s’agissant du mécanisme de dégressivité tarifaire, ainsi que certaines des recommandations formulées par la CRE dans sa délibération du 24 octobre 2024.

La CRE émet un avis globalement favorable sur le projet d’arrêté et recommande :

  • D’intégrer un coefficient d’évolution tarifaire trimestriel supplémentaire, visant à tenir compte des effets d’apprentissage de la filière (0,25 % par trimestre) ;
  • De modifier le dispositif de la prime à l’excellence environnementale (abaissement du plafond d’attributions, pilotage de la prime à un rythme trimestriel et non mensuel, insertion d’une clause de revoyure dans l’arrêté).

Il reste donc à attendre la publication de ce nouvel arrêté.

Biogaz : publication d’un rapport de la Cour des comptes sur le soutien au développement du Biogaz

Alors que la France s’est fixé l’objectif de ne plus recourir au gaz naturel fossile en 2050, le développement du biogaz constitue un levier majeur pour permettre la neutralité carbone ainsi que pour garantir la sécurité de l’approvisionnement en énergie.

C’est dans ce contexte que la Cour des comptes a publié le 6 mars dernier, un rapport public permettant d’évaluer la politique de soutien au biogaz, dont on commentera ci-après certains aspects.

Pour rappel, le biogaz est un mélange gazeux, composé essentiellement de méthane et de dioxyde de carbone, produit grâce à la méthanisation, c’est-à-dire à la fermentation de matière et de déchets organiques. Le biogaz peut être utilisé pour produire de l’électricité et de la chaleur par « cogénération », ou il peut être injecté dans les réseaux de gaz sous forme de « biométhane » après épuration.

A titre liminaire, dans son rapport, la Cour des comptes souligne que d’importants fonds publics ont permis le développement de cette énergie renouvelable. Cette politique volontariste concerne essentiellement, la production de biométhane injecté sur le réseau de gaz, qui représente notamment 2,5 % du gaz consommé en France, et qui a augmenté de 25 % entre 2022 et 2023.

La Cour des comptes relève ensuite les bienfaits de cette énergie renouvelable, particulièrement pour la transition écologique, la décarbonation de la production d’énergie, la transition agroécologique, et la gestion des déchets.

Le rapport de la Cour a toutefois pour principale finalité d’analyser les objectifs des politiques publiques mises en œuvre par l’État et d’évaluer leurs conséquences sur les finances publiques. Or, à ce titre, la Cour des comptes se montre relativement critique.

 

En premier lieu, la Cour des comptes relève que les objectifs de développement relatifs au biogaz pour l’avenir sont insuffisamment étayés, notamment au regard des incertitudes sur la place future du gaz dans le mix énergétique et, de la disponibilité de la biomasse agricole dans le futur.

A cet égard, la Cour estime que les objectifs de production tiennent insuffisamment compte des conséquences de la baisse future de consommation de gaz naturel. En effet, cette baisse de consommation aura nécessairement des effets sur la gestion des réseaux de gaz, et sur la gestion des pics de consommation énergétique.

Ainsi, selon la Cour, il existe un risque que des tensions sur les approvisionnements émergent, du fait du manque de disponibilité de la biomasse à l’avenir, ce qui pourrait conduire à une augmentation du coût final de production de biogaz.

Par conséquent, la Cour préconise aux autorités compétentes d’actualiser les estimations de la disponibilité des gisements de biomasse, et souligne la nécessité de mettre en place une planification quant à sa mobilisation, en élaborant notamment des scénarios sur le mix énergétique jusqu’en 2050. En outre, la Cour recommande une coopération renforcée entre les gestionnaires du réseau de gaz et d’électricité, pour mieux définir les objectifs de production.

 

En deuxième lieu, la Cour des comptes souligne que le développement de la méthanisation a été financé par l’Etat, au travers de divers dispositifs de soutien public, tels que les tarifs d’achat garantis, des subventions d’investissements, des exonérations d’impôt ciblées sur la méthanisation dite « agricole », ou encore par la prise en charge des coûts de renforcement des réseaux par les consommateurs.

Toutefois, la Cour estime que la multiplicité des mécanismes de soutien rend difficile « l’appréciation de la rentabilité effective des installations » et le « juste calibrage des aides apportées à une filière naissante ». La Cour ajoute également que « les pouvoirs publics ne se sont […] pas suffisamment donné les moyens d’obtenir les informations permettant d’apprécier la rentabilité des installations ».

A cet égard, la Cour recommande un réajustement de ces aides afin qu’elles soient mieux ciblées et plus efficaces, c’est-à-dire adaptées aux exploitations visées, afin de favoriser le développement de la filière.

Par ailleurs, en ce qui concerne les certificats de production de gaz (CPB) récemment crées mais non encore mis en œuvre, la Cour estime que ce nouveau dispositif de soutien est susceptible de faire reposer le coût supplémentaire de production sur les consommateurs de gaz, et non sur le budget de l’Etat. Ce dispositif, similaire aux Certificats d’Economie d’Energie (CEE) impose aux fournisseurs de gaz naturel de prouver chaque année à l’État qu’ils détiennent une certaine quantité de certificats, sous peine de pénalité financière. Ils acquièrent ces certificats soit en assurant la production directe de biométhane, soit en les achetant.

La Cour des comptes préconise la réalisation d’une « évaluation robuste de l’évolution des capacités de production de biométhane susceptibles de recourir à ce dispositif, tenant compte de la répercussion des coûts sur les consommateurs. ».

 

En troisième lieu, la Cour souligne qu’au-delà de la production d’énergie renouvelable, la production de biogaz contribue à la politique publique de transition agroécologique et à la politique de traitement des déchets. En effet, la Cour des comptes note que « en privilégiant le développement de nombreuses installations agricoles, les dispositifs de soutien à la méthanisation ont visé à renforcer la résilience des exploitations agricoles ».

Toutefois, la Cour relève que l’ampleur de ces contributions est mal mesurée et appréciée.

Ainsi, la Cour des comptes préconise aux autorités compétentes d’évaluer avec plus de précision l’effet de la méthanisation sur les pratiques agricoles, sur la base d’une liste d’indicateurs clefs.

 

En définitive, la Cour des comptes relève que le soutien au biogaz en France repose sur un équilibre entre les objectifs des politiques publiques, mais des divergences entre ces objectifs nécessitent une hiérarchisation et une clarification des modes de soutien.

Ainsi, la Cour des comptes souligne, que dans ce contexte d’augmentation de la production de biogaz, il est crucial de maintenir un équilibre entre les enjeux énergétiques, climatiques, agricoles et environnementaux, tout en évaluant les bénéfices réels du soutien apporté.

Proposition d’extension du périmètre des marchés globaux de performance énergétique à paiement différé aux projets d’autoconsommation et prolongation du dispositif jusqu’au 31 décembre 2030

La Commission spéciale de l’Assemblée nationale chargée de l’examen du projet de loi de simplification de la vie économique a adopté le 26 mars dernier un amendement permettant, d’une part, l’extension du périmètre des marchés globaux de performance énergétique à paiement différé (MGPEPD) aux opérations d’autoconsommation et, d’autre part, la prolongation du dispositif pour une durée de 5 ans, à compter de la promulgation de la loi sur la promulgation de la vie économique, soit jusqu’au 31 décembre 2030.

Pour rappel, la loi n° 2023-222 du 30 mars 2023 visant à ouvrir le tiers financement à l’Etat, à ses établissements publics, et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique, a permis, pour une durée initiale de cinq ans, aux acheteurs publics de recourir à des solutions de financements privés et de déroger à l’interdiction du paiement différé, en concluant des contrats de performance énergétique sous la forme de MGPEPD.

Toutefois, l’article 1er de cette loi prévoit que les acheteurs publics ne peuvent recourir à ce type de marché que pour la mise en œuvre de travaux de rénovation énergétique sur un ou plusieurs bâtiments publics.

Ainsi, à s’en tenir à la lettre de ces dispositions, le champ d’application des MGPEPD est limité, en l’état actuel, aux contrats de performance énergétique, et aux opérations de rénovation énergétique, dont la finalité principale est la diminution des consommations énergétiques d’un bâtiments[1].

Or, et tel que cela ressort de l’exposé des motifs de l’amendement, cette limitation du périmètre des MGPEPD est dommageable, du point de vue des objectifs de la transition écologique visant à lutter contre le réchauffement climatique en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.

L’adoption de cet amendement au sein du projet de simplification de la vie économique permettrait donc de remédier aux écueils de la version actuelle de l’article 1er de la loi n° 2023-222 du 30 mars 2023, en étendant le périmètre des MGPEPD aux opérations d’autoconsommation.

A cet égard, on relèvera que si la modification proposée du texte de la loi du 30 mars 2023 consiste à autoriser le recours à cet outil contractuel pour toute « opération d’autoconsommation définie aux articles L. 315-1 à L. 315-8 du Code de l’énergie », ce qui inclut tant les opérations d’autoconsommation individuelle (art. L. 315-1 du Code de l’énergie) que les opérations d’autoconsommation collective (art. L. 315-2 du même code), l’exposé sommaire des motifs de l’amendement semble viser uniquement les opérations d’autoconsommation individuelle. Cette dichotomie mériterait d’être clarifiée par le législateur.

L’amendement vise, par ailleurs, à proroger pour cinq ans, soit jusqu’au 31 décembre 2030, le dispositif des MGPEPD visant à ouvrir le tiers financement à l’Etat, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique.

Enfin, il propose de reprendre des dispositions des articles L. 2213-6 et L. 2213-7 du Code de la commande publique prévues pour les marchés de partenariat, autorisant des organismes publics, tels que la Caisse des Dépôts et Consignations à prendre une participation majoritaire au capital de la société de projet titulaire du MGPEPD.

La modification de la loi du 30 mars 2023 par cet amendement n° CS1377 s’il figurait dans le texte qui sera adopté par le Parlement serait donc particulièrement favorable au développement de projets d’autoconsommation portés par les acteurs publics.

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[1] Proposition de loi visant à ouvrir le tiers financement à l’État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique, rapport n° 321 de Mme Jacqueline Eustache-Brinio, 9 mars 2023, p. 6

La Commission de Régulation de l’Energie publie sa décision définitive sur les nouveaux tarifs des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité (TURPE 7)

CRE, Délibération du 13 mars 2025 portant décision sur le tarif d’utilisation des réseaux publics de transport d’électricité (TURPE 7 HTB)

Les décisions finales de la CRE sur les Tarifs d’utilisation des Réseaux Publics d’Electricité applicables à compter du 1er aout 2025 et pour les quatre prochaines années (dits « TURPE 7 HTB » les réseaux publics de transport d’électricité et « TURPE 7 HTA/BT » pour les réseaux publics de distribution) ont été publiées le 13 mars 2025.

Elles sont le fruit d’un long processus d’élaboration de la part de la CRE, initié par deux phases de consultations des acteurs du marché de l’électricité (article L. 341-3 du Code de l’énergie) en 2023 (commentée ici) et 2024, d’ateliers thématiques et de tables rondes.

Sur cette base, la CRE a élaboré des projets de décisions publiés le 6 février dernier et commentées ici. Ainsi que le prévoit l’article R. 134-1 du Code de l’énergie, ceux-ci ont été soumis au Conseil supérieur de l’énergie qui a rendu un avis le 6 mars dernier.

C’est ainsi que la CRE a rendu ses décisions définitives sur le TURPE 7, sur lesquelles on formulera les observations suivantes :

 

1/ Concernant le niveau du TURPE, on rappellera qu’avait été décidée – par deux délibérations du 15 janvier dernier (commentées ici) – une évolution exceptionnelle du TURPE 6 à compter du 15 février 2025[1] afin de permettre d’assurer leur stabilité pour l’entrée en vigueur du TURPE 7 le 1er août 2025.

S’agissant du TURPE HTA BT, ce ne sera finalement pas le cas. Le transfert du FACé des charges du TURPE au budget de l’Etat prévu par loi de finances pour 2025 induira en effet une baisse du TURPE de 1,92 % au 1er août 2025. La CRE opère donc une modification sur ce point par rapport à son projet de décision en raison de ce dispositif, entré en vigueur peu après.

Pour ce qui est du TURPE HTB, la CRE confirme que cette hausse exceptionnelle prévue en début d’année sera suffisante pour couvrir l’ensemble des charges prévisionnelles sur le réseau de transport.

 

2/ Concernant la structure des termes tarifaires du TURPE, la CRE :

  • Reconduit pour le TURPE 7 la structure tarifaire prévue pour le TURPE 6 avec seulement des ajustements de méthode mineurs ;
  • Confirme la généralisation progressive des heures creuses l’après-midi en été à partir de l’automne 2025 prévue dans ses projets de décision ;
  • Introduit une composante tarifaire optionnelle transitoire pour les sites d’injection-soutirage.

 

3/ Ces décisions font par ailleurs évoluer les mécanismes de régulations incitatives de RTE et d’Enedis. Est notamment confirmé le dispositif, déjà prévu dans le projet de décision en date du 6 février, de renforcement des incitations à la réduction des délais de raccordement par la société Enedis.

 

On observera par ailleurs que le Ministre dispose d’un délai de deux mois pour demander à la CRE de prendre de nouvelles délibérations s’il estime que celles-ci ne tiennent pas compte des orientations de politique énergétique. C’est ce qu’il avait fait pour la délibération portant l’évolution exceptionnelle du TURPE 6 HTA BT ci-avant commentée (voir notre commentaire ici), mais la CRE avait alors décidé de maintenir sa délibération en l’état.

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[1] +7,70 % concernant le TURPE HTA BT et + 9,61 % pour le TURPE HTB

Clôture par l’Autorité de régulation des transports de la procédure de recherche et de constatation de manquements de la société SNCF Réseau

Par une décision n° 2025-014 en date du 13 février 2025, publiée le 5 mars 2025, l’Autorité de régulation des transports (ci-après, l’ « Autorité ») a clôturé la procédure de recherche et de constatation de manquements de la société SNCF Réseau à ses obligations résultant de la décision de l’Autorité n° 2022-059 en date du 28 juillet 2022.

Pour rappel de la procédure, Le 28 juillet 2022, l’Autorité a adopté la décision n° 2022-059 portant règlement des différends opposant Captrain France, T3M, Europorte France et Régiorail à SNCF Réseau concernant les procédures en lien avec l’allocation des sillons, l’encadrement et l’utilisation des capacités d’infrastructure réservées pour les travaux et les principes et procédures d’indemnisation.

Aux termes de cette décision, l’Autorité avait notamment enjoint à SNCF Réseau de :

« [m]ettre en place, à compter de l’horaire de service 2024, un mécanisme pénalisant la non-utilisation de capacités-travaux non restituées, qui aura été préalablement soumis pour approbation à l’Autorité ».

L’Autorité enjoignait par la même décision à SNCF Réseau de « soumettre une proposition de mécanisme à l’Autorité dans le délai d’un an à compter de la notification de la présente décision ».

Or, SNCF Réseau ne s’était pas exécutée puisque le document de référence du réseau relatif à l’horaire de service 2024, publié le 8 décembre 2023, ne comprenait pas un tel mécanisme. L’Autorité avait donc, par une décision n° 2024-014 en date du 8 février 2024, ouvert une procédure de recherche et de constatation de manquements à l’encontre de SNCF Réseau.

Dans le cadre de cette procédure, l’Autorité a constaté que le mécanisme pénalisant la non-utilisation des capacités-travaux non restituées introduit par SNCF Réseau dans les documents de référence du réseau relatifs à l’horaire de service 2024 et à l’horaire de service 2025, publiés respectivement en septembre et en décembre 2024, était conforme à l’injonction prononcée à son encontre dans la décision n° 2022-059 en date du 28 juillet 2022.

En effet, après l’examen des clauses introduites par SNCF Réseau dans les documents de référence du réseau relatifs à l’horaire de service 2024 et à l’horaire de service 2025, l’Autorité a relevé que le périmètre d’application du mécanisme pénalisant la non-utilisation de capacités-travaux non restituées et les modalités retenues pour définir les pénalités apparaissaient de nature à assurer le caractère incitatif du mécanisme et sa conformité à l’injonction qu’elle avait prononcée dans sa décision n° 2022-059 en date du 28 juillet 2022.

En outre, bien que les documents de référence du réseau précités prévoient des cas d’exonération aux pénalités en cas de non-utilisation de capacités-travaux non restituées, l’Autorité a conclu après analyse de ces derniers d’exonération qu’ils ne remettaient pas en cause l’efficacité du mécanisme.

Par conséquent, au regard de ces éléments, l’Autorité a considéré que SNCF Réseau s’était conformée à son obligation, résultant de la décision n° 2022-059 en date du 28 juillet 2022 susvisée, de mettre en place un mécanisme pénalisant la non-utilisation de capacités-travaux non restituées. L’Autorité en a donc conclu qu’il n’y avait pas lieu de mettre en demeure SNCF Réseau et elle a clôturé la procédure de recherche et de constatation de manquements de la société SNCF Réseau à ses obligations résultant de la décision de l’Autorité n° 2022-059 en date du 28 juillet 2022.

Trois associations demandent l’annulation du contrat de concession portant gestion et exploitation de l’aéroport de Beauvais

Le syndicat mixte gestionnaire de l’aéroport de Beauvais-Tillé (SMABT) a lancé une procédure d’attribution d’un contrat de concession à la fin de l’année 2022 en vue de la désignation du futur exploitant de la plateforme aéroportuaire, hub de la compagnie Ryanair.

En avril 2024, le syndicat mixte a retenu l’offre de la société Bellova (composée des sociétés Egis, Bouygues Construction, Aéroports de la côte d’Azur, Serena Industrial Partners et TIIC) pour la gestion et l’exploitation de l’aéroport de Beauvais, et ce pour une durée de 30 ans à compter du 1er octobre 2024.

Ce nouveau contrat de concession est ambitieux puisqu’il prévoit une hausse du trafic aérien de + de 85 % dès 2030, avec 7,2 millions de passagers attendus et plus de 141 % en fin de concession. Pour ce faire, des travaux de rénovation d’agrandissement des terminaux de l’aéroport ont été prévus.

Dans ce contexte, trois associations de défense des riverains et de l’environnement (les associations Notre Affaire à Tous, Sauvez le Beauvaisis et ADERA) ont un introduit un recours en annulation du contrat de concession auprès du Tribunal administratif d’Amiens. Les associations dénoncent la hausse du trafic projetée et la contradiction avec les objectifs climatiques nationaux. Par ailleurs, les associations relèvent l’exposition importante des riverains aux nuisances sonores et risques sanitaires associés (perturbation du sommeil et troubles auditifs notamment).

 

Raccordement au réseau électrique : parution de deux décrets d’application de la loi APER

Décret n° 2025-203 du 28 février 2025 modifiant le décret n° 2023-1417 du 29 décembre 2023 portant application de l’article 28 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables et fixant les conditions et limites de certaines demandes de raccordement au réseau électrique

 

Deux décrets, objets de la présente brève, ont modifié les conditions d’application des articles 27 et 28 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (ci-après, loi APER).

Le premier décret commenté, en date du 7 mars 2025, prévoit une prorogation de deux ans du délai pendant lequel un projet de raccordement peut bénéficier des dérogations introduites par l’article 27 de la loi APER.

Pour mémoire l’article 27 de la loi APER a introduit plusieurs dérogations pouvant bénéficier aux projets de raccordement d’installations de production ou de stockage d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone, et d’opérations de modifications d’installations industrielles.

Pour rappel, les dérogations prévues par cet article sont les suivantes :

  • Possibilité de recourir à une concertation préalable selon des modalités précisées par le II de l’article 27 de la loi APER en lieu et place des procédures de participation du public prévues par le Code de l’environnement.
  • Dispense de l’obligation de produire une étude d’impact dans le cadre de la procédure d’évaluation environnementale telle que définie à la section 1 du chapitre II du titre II du livre Ier du Code de l’environnement pour les projets d’ouvrage ayant pour objet le raccordement des installations précédemment définies.
  • Dispense de l’obligation d’obtention de l’approbation de l’autorité administrative prévue au 1° de l’article L. 323-11 du Code de l’environnement pour construire des lignes aériennes soumise à autorisation environnementale dès lors qu’une autorisation environnementale ou une déclaration d’utilité publique a déjà été obtenue.
  • En cas de nécessité technique impérative, possibilité de construire des postes électriques dans les espaces identifiés comme remarquables ou caractéristiques et dans les milieux identifiés comme nécessaires au maintien des équilibres biologiques en application de l’article L. 121-23 du Code de l’urbanisme.

 

L’application de ces dérogations était toutefois conditionnée à ce que ces projets aient fait l’objet d’une demande de mise en œuvre d’une ou de plusieurs des dérogations auprès de l’autorité compétente dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi n° 2023-175 le 10 mars 2023.

Le décret prévoit que ce délai est prorogé de deux ans.

Le second décret ici commenté, en date du 28 février 2025, proroge également de deux années supplémentaires la période durant laquelle l’ordre de priorité des raccordements au réseau électrique prévu par l’article 28 de la loi APER peut être modifié. Pour mémoire l’article 28 de la loi APER prévoit que lorsque, dans une zone géographique donnée, l’ensemble des demandes de raccordement au réseau de transport ou de distribution de projets d’installations de production et d’opérations de modifications d’installations industrielles, engendre, pour au moins un de ces projets, un délai de raccordement supérieur à cinq ans en raison de l’insuffisance de la capacité d’accueil prévisionnelle du réseau public de transport de l’électricité dans ce délai, l’autorité administrative compétente de l’État peut, sur proposition du gestionnaire de réseau de transport, fixer, pour le raccordement au réseau de ces installations ou de ces opérations, un ordre de classement des demandes établi selon des conditions et des critères transparents et objectifs. Le décret du 28 février 2025 proroge donc la durée pendant laquelle ce dispositif peut être mis en œuvre.

Le décret modifie également des dispositions du décret n° 2023-1417 relatives aux modalités de prise en compte de l’ordre de classement des demandes fixées par le préfet dans les propositions de raccordement effectuées par le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité pris pour l’application de l’article 28 de la loi APER susmentionné.

Il y ajoute notamment un article 11 prévoyant que le gestionnaire de réseau compétent doit notifier au demandeur, dans un délai de trois mois suivant la notification de la décision du préfet de région fixant l’ordre de classement des demandes, une proposition de raccordement ou des modifications apportées à la proposition de raccordement.

Avis favorable de la Commission de Régulation de l’Energie sur le projet d’arrêté relatif aux critères techniques et économiques des schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3RENR)

Par une délibération en date du 6 mars 2025, la Commission de Régulation de l’Énergie (ci-après, CRE) a rendu un avis favorable sur le projet d’arrêté relatif aux critères techniques et économiques des schémas régionaux de raccordement au réseau d’énergie renouvelable (ci-après S3RENR).

Les S3REnR ont été institués par la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 (dite « Grenelle II ») afin de faciliter et d’organiser le développement des énergies renouvelables en mutualisant une partie des coûts de raccordement aux réseaux de transport et de distribution d’électricité entre producteurs d’une même région. Pour ce faire, les S3RENR définissent les ouvrages à créer ou à renforcer sur le réseau pour atteindre les objectifs de capacité fixés par le préfet de région en matière d’énergies renouvelables ; évaluent le coût prévisionnel de ces ouvrages de réseaux à créer ou renforcer ; permettent la mutualisation d’une partie des coûts des ouvrages à créer, via le paiement d’une quote-part par les producteurs d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable au moment de leur raccordement au réseau.

Dans ce cadre, l’article 29 de la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (dite « APER ») prévoyait qu’un décret devait spécifier les critères sur la base desquels la capacité du S3RENR à assurer la pertinence technique et économique des investissements réalisés par les gestionnaires de réseaux devait être évaluée.

Or si le décret n° 2024-789 du 10 juillet 2024 portant modification de la partie réglementaire du Code de l’énergie relative aux schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables avait apporté des précisions relatives aux S3RENR, il avait en revanche renvoyé la définition de ces critères à un futur arrêté, pris après avis de la CRE, se contentant quant à lui de préciser que ce dernier devrait prévoir un coût unitaire maximum en euros par MW pour les ouvrages à créer pouvant être inscrits au S3RENR (voir notre commentaire au sujet de ce décret).

La délibération de la CRE qui est l’objet de la présente brève se prononce sur le projet d’arrêté soumis par le Gouvernement.

Les critères techniques et économiques prévus par le projet d’arrêté afin de garantir la pertinence des investissements qui seront inscrits dans le S3RENR sont les suivants :

  • La pertinence du point de vue électrique des ouvrages à créer cités à l’article D. 321-14 du Code de l’énergie. Le projet d’arrêté prévoit, à ce sujet, que la méthode d’identification des ouvrages est précisée dans la documentation technique de référence (DTR) du gestionnaire du réseau public de transport ;
  • La limitation du coût unitaire des ouvrages à créer pouvant être inscrits au schéma à un seuil de 500.000 euros par mégawatt de capacité réservée.
  • L’arrêté prévoit également que ce seuil devra être actualisé annuellement selon l’index TP 12a6 « Réseaux d’énergie et de communication hors fibre optique ».

La CRE rend un avis favorable sur l’ensemble de ces mesures sans émettre de réserves.

Elle note notamment au sujet du seuil de 500.000 euros qu’en l’appliquant sur les ouvrages à créer dans les S3REnR révisés, il permet « de valider la grande majorité des ouvrages tout en excluant quelques projets trop couteux pour la collectivité pour un bénéfice limité ».

La CRE note toutefois l’absence d’un critère encadrant les « ouvrages à renforcer » inscrits dans un S3REnR et réitère donc sa recommandation de prévoir un critère technico-économique applicable à ces ouvrages, ce qui n’est pas le cas en l’état du cadre juridique.

Vers une réduction à 5 % de la part minimale de financement par le maître d’ouvrage des projets des communes rurales en matière de rénovation énergétique

Le 11 mars dernier, l’Assemblée nationale a adopté la proposition de loi créant une dérogation à la participation minimale pour la maîtrise d’ouvrage pour les communes rurales.

On rappellera que le texte initialement déposé au Sénat prévoyait une suppression pure et simple de la participation minimale, mais que dans sa version adoptée en première lecture cette suppression avait été remplacée par un abaissement à 5 % au lieu des 20 % actuellement applicables (art. L. 1111-10 III du Code général des collectivités territoriales)

Le Sénat est donc désormais saisi de ce texte qui prévoit dans sa version approuvée par l’Assemblée nationale de baisser à 5 % la participation minimale du maître d’ouvrage pour « les projets d’investissement en matière de rénovation du patrimoine protégé ou non protégé, de rénovation énergétique des bâtiments, d’eau potable et d’assainissement, de protection contre les incendies ou de voirie communale ainsi que pour ceux concernant les ponts et les ouvrages d’art, réalisés par les communes ».

Ainsi, si ce dispositif était définitivement adopté, les communes rurales pourraient bénéficier d’aides plus importantes dans le cadre notamment de leurs projets de rénovation énergétique.

 

Le référé pénal environnemental : l’outil de l’urgence

Le référé pénal environnemental, codifié à l’article L. 216-13 du Code de l’environnement, est un outil juridique d’urgence qui permet, en cas de non-respect de certaines prescriptions environnementales, au juge des libertés et de la détention d’ordonner toute mesure utile en référé – y compris une suspension ou une interdiction des opérations menées – pour mettre un terme ou limiter, à titre conservatoire, les effets d’une pollution.

Le référé pénal environnemental a été introduit par la « Loi sur l’eau » du 3 janvier 1992[1].

Lors de son entrée en vigueur, il permettait aux collectivités territoriales, à leurs groupements, ainsi qu’aux syndicats mixtes, d’entreprendre l’étude, l’exécution et l’exploitation de tous travaux, ouvrages ou installations présentant un caractère d’intérêt général ou d’urgence, afin notamment de lutter contre la pollution, ou encore de protéger et conserver les eaux superficielles et souterraines.

Codifié à l’article L. 216-13 du Code de l’environnement par l’ordonnance du 21 septembre 2000[2], et modifié encore récemment par loi du 22 aout 2021[3], le référé pénal environnemental est un outil juridique d’urgence aux termes duquel :

« En cas de non-respect des prescriptions imposées au titre des articles L. 181-12, L. 211-2, L. 211-3 et L. 214-1 à L. 214-6 ou des mesures édictées en application de l’article L. 171-7 du présent code ou de l’article L. 111-13 du Code minier, le juge des libertés et de la détention peut, à la requête du procureur de la République, agissant d’office ou à la demande de l’autorité administrative, de la victime ou d’une association agréée de protection de l’environnement, ordonner pour une durée d’un an au plus aux personnes physiques et aux personnes morales concernées toute mesure utile, y compris la suspension ou l’interdiction des opérations menées en infraction à la loi pénale ».

La constitutionnalité de ce texte, dans sa rédaction résultant de la loi Climat et résilience du 22 août 2021[4], a été récemment confirmée par le Conseil constitutionnel dans une décision en date du 15 novembre 2024[5].

*

Outil de prévention et non de répression, le référé environnemental nécessite, pour être mis en œuvre, la démonstration de la violation d’une prescription environnementale (2) au juge des libertés et de la détention (JLD) ou au juge d’instruction par une personne ayant qualité pour agir (1). Le juge compétent auditionnera alors la personne concernée (3) avant de rendre sa décision (4).

1. Une initiative réservée au Parquet de la République

Seuls le juge des libertés et de la détention (en enquête) et le juge d’instruction (en information judiciaire) peuvent mettre en œuvre le référé pénal environnemental à l’encontre de la personne suspectée d’avoir méconnu une prescription environnementale.

Le juge compétent doit être saisi par requête du Procureur de la République faite :

  • D’office ;
  • À la demande de l’autorité administrative ;
  • À la demande de la victime ;
  • À la demande d’une association agréée de protection de l’environnement.

Ainsi, la victime, l’association agréée pour la protection de l’environnement, ou encore l’autorité administrative, ne peuvent pas saisir directement le juge compétent pour faire cesser les effets d’une pollution – mais seulement par le truchement du Procureur.

 

2. Le champ d’application du référé

Le référé pénal environnemental ne peut être mis en œuvre que dans des cas limitativement énumérés par la loi.

Introduit par la loi de 1992 et codifié en 2000, le référé pénal environnemental était réservé à la méconnaissance des règles applicables en matière d’eau. Il ne pouvait initialement être introduit que pour des situations relatives :

  • A la méconnaissance des règles générales liées à la préservation de la qualité et à la répartition des eaux superficielles, souterraines et des eaux de la mer (articles L. 211-2, L. 211-3 du Code de l’environnement).

 

  • Au non-respect des règles relatives aux installations, ouvrages, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques et entraînant par exemple des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines (articles L. 214-1 à L. 214-6 du Code de l’environnement).

 

La loi Climat et Résilience du 22 août 2021 a modifié l’article L. 216-13 du Code de l’environnement en élargissant son champ d’application, permettant au juge de prendre toutes les mesures nécessaires pour d’autres situations relatives :

  • À la méconnaissance d’enregistrement, d’agrément, d’homologation, de certification ou de déclaration requis par le Code de l’environnement (article L. 171-7 du Code de l’environnement).
  • Au non-respect de l’interdiction des recherches et exploitations des hydrocarbures par fracturation hydraulique (article L. 111-13 du Code minier).
  • Au non-respect des autorisations environnementales (article L. 181-12 du Code de l’environnement).

 

Demeure ainsi exclu du champ d’application du référé toute autre atteinte à l’environnement qui n’entrerait pas dans les prescriptions susvisées.

Le champ d’application du référé est considéré comme étant encore trop restreint et mériterait d’être élargi à l’ensemble des atteintes à l’environnement. Une proposition de loi a été déposée en ce sens en 2023 pour intégrer, au champ d’application de l’article L. 216‑13 du Code de l’environnement, l’ensemble des dispositions prévues dans le Code de l’environnement, le Code forestier, ainsi que certains articles du Code rural et de la pêche maritime, du Code minier et de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt[6].

 

3. L’audition obligatoire de la personne mise en cause et facultative de la victime

Selon l’article L. 216-13 du Code de l’environnement, le JLD ou le juge d’instruction doit, avant de prendre sa décision, auditionner ou convoquer à comparaître dans les 48 heures la personne mise en cause dans la procédure. L’autorité administrative, la victime, ou l’association agréée de protection de l’environnement peuvent également être auditionnées si elles en ont fait la demande.

C’est d’ailleurs sur ce point que le Conseil constitutionnel a récemment eu à connaître de la constitutionnalité de cette procédure de référé ; dans une décision en date du 15 novembre 2024, il a confirmé l’inapplicabilité de la notification du droit de se taire à la personne concernée par le référé[7].

Néanmoins, le Conseil constitutionnel[8], et ensuite la chambre criminelle de la Cour de cassation[9], ont pu ajouter que la notification du droit de se taire est obligatoire lorsque, entendue par le JLD, la personne est suspectée ou poursuivie pénalement pour les faits sur lesquels elle est auditionnée. En effet, puisque les déclarations de la personne concernée sont susceptibles d’être portées à la connaissance de la juridiction de jugement, le droit de se taire doit lui être notifié.

 

4. La décision

La procédure du référé environnemental n’est pas conditionnée à la caractérisation d’une faute de la personne concernée, qui serait de nature à engager sa responsabilité pénale[10], mais seulement à la constatation d’une atteinte à l’environnement qui nécessite une action en urgence pour en limiter les effets dommageables sur le milieu naturel.

La décision rendue prend la forme d’une ordonnance – immédiatement exécutoire par provision – aux termes de laquelle plusieurs mesures, y compris la suspension ou l’interdiction d’opérations, peuvent être ordonnées pour une durée d’un an au plus, étant précisé que la décision peut être assortie d’une astreinte fixée par jour de retard.

Concernant l’exécution de la mesure conservatoire, la jurisprudence a très récemment déclaré irrecevable la requête en liquidation d’astreinte déposée par une association de protection de l’environnement ayant signalé les faits dès lors qu’aucun texte ne confère à celle-ci la qualité de partie à la procédure de référé environnemental[11]. La Cour de cassation a rappelé, à l’occasion de cette décision – commentée dans notre précédente LAJEEM -, que seul le procureur de la République est compétent pour saisir le juge des libertés et de la détention afin de prendre toute mesure utile et régler la difficulté d’exécution des mesures conservatoires.

S’agissant de la contestation de ces mesures par le mis en cause ou le procureur de la République, les dispositions textuelles prévoient la possibilité d’un appel de cette ordonnance, dans les dix jours suivant la notification ou la signification de la décision. Cette faculté n’est pas ouverte à la victime et aux associations agréées[12].

*

Ainsi, l’intérêt principal d’une telle procédure réside dans la possibilité de mettre un terme ou de limiter, à titre conservatoire, les effets d’une pollution dans un but de préservation de l’environnement et de sécurité sanitaire. Le prononcé de ces mesures conservatoires n’est pas subordonné à la caractérisation d’une faute de la personne concernée de nature à engager sa responsabilité pénale.

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[1] Loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau – art. 31

[2] Ordonnance n° 2000-914 du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du Code de l’environnement

[3] Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 – art. 284

[4] Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

[5] Décision n° 2024-1111 QPC du 15 novembre 2024

[6] Proposition de loi visant à adapter la procédure des référés aux enjeux environnementaux, n° 1973, déposée le mardi 5 décembre 2023.

[7] CC n° 2024-1111 QPC du 15 novembre 2024, Syndicat d’aménagement de la vallée de l’Indre

[8] CC n° 2024-1111 QPC du 15 novembre 2024, Syndicat d’aménagement de la vallée de l’Indre

[9] Crim. 28 janvier 2025, n° 24-81.410

[10] Crim. 28 janvier 2020, 19-80.091

[11] Crim. 14 janvier 2025, n° 23-85.490

[12] TJ Lyon, JLD, 16 nov. 2023, n° 22 152000076

La décision du Conseil constitutionnel sur les conséquences de l’exécution provisoire de la peine complémentaire d’inéligibilité pour les élus municipaux

Ce 28 mars 2025, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur les conséquences de la peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité assortie de l’exécution provisoire prévue par l’article 131-26-2 du Code pénal.

En substance, aux termes de cette décision, le Conseil constitutionnel affirme l’exigence, pour le préfet, de prendre une décision de démission d’office de l’élu municipal condamné à une telle peine d’inéligibilité assortie de l’exécution provisoire.

Par ailleurs, il souligne la situation différente dans laquelle se trouve les conseillers municipaux et les membres du Parlement – non concernés par cette exigence – indiquant que ces derniers participent à l’exercice de la souveraineté nationale, votent la loi et contrôlent l’action du Gouvernement[1].

Cette décision était particulièrement attendue, dans la perspective notamment du jugement qui sera rendu ce jour dans l’affaire dite des assistants parlementaires du Front national, pour laquelle le Ministère public a notamment requis à l’encontre de Madame Marine LE PEN une peine d’inéligibilité de 5 ans assortie de l’exécution provisoire

 

I. Par application de l’article 131-26 du Code pénal, la juridiction pénale peut prononcer, en tant que peine complémentaire, l’interdiction de tout ou partie des droits civiques, civils et de famille d’une personne tel que son droit d’éligibilité.

S’agissant des condamnations délictuelles, cette interdiction ne peut, en principe, pas excéder une durée de cinq ans ; à moins qu’elle soit prononcée à l’encontre d’une personne exerçant une fonction de membre du Gouvernement ou un mandat électif public au moment des faits[2].

En 2017, la loi pour la confiance dans la vie politique[3] a créé l’article 131-26-2 du Code pénal, qui rend le prononcé de cette peine complémentaire d’inéligibilité obligatoire à l’encontre de toute personne reconnue coupable de certaines infractions telles que, notamment, les infractions de probité et les infractions électorales.

Juridiquement, cette peine doit être considérée comme obligatoire mais pas automatique : le juge répressif peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas la prononcer en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur.

Par ailleurs, conformément aux dispositions de l’article 471 du Code de procédure pénale, le juge répressif peut prononcer l’exécution provisoire – soit l’exécution immédiate malgré l’existence d’un appel – des peines prononcées telle que la peine obligatoire d’inéligibilité, sans qu’une motivation supplémentaire ne soit nécessaire[4].

 

II. Il résulte des dispositions de l’article L. 230 du Code électoral, en jeu dans cette décision du Conseil constitutionnel, que les personnes privées de leur droit électoral ne peuvent pas être conseillers municipaux.

Or, tout conseiller municipal qui, pour une cause survenue postérieurement à son élection, se trouve dans un des cas d’inéligibilité prévus par les articles L. 230, L. 231 et L. 232 est immédiatement déclaré démissionnaire par le préfet [5].

Aussi, les conséquences d’une peine d’inéligibilité – assortie d’une exécution provisoire le cas échéant – portent tout à la fois sur les scrutins à venir et sur les mandats en cours avec, toutefois, une notable différence entre mandats locaux et nationaux :

  • S’agissant du mandat parlementaire, le Conseil constitutionnel rejette les requêtes tendant à la constatation de la déchéance de plein droit des parlementaires par suite d’une peine d’inéligibilité assortie de l’exécution provisoire, en soulignant que celle-ci ne peut être constatée « en l’absence de condamnation définitive».
    Concrètement donc, et s’agissant des mandats nationaux, la peine d’inéligibilité assortie de l’exécution provisoire est « sans effet sur le mandat parlementaire en cours »[6].

 

  • S’agissant de l’élu local en revanche, le Conseil d’Etat a jugé à plusieurs reprises qu’une peine d’inéligibilité assortie de l’exécution provisoire impose au représentant de l’Etat de prendre une décision de démission d’office des mandats en cours[7]:

« Par voie de conséquence, la privation du droit d’éligibilité en vertu d’une condamnation devenue définitive ou d’une condamnation dont le juge pénal a décidé l’exécution provisoire lie le représentant de l’Etat et lui impose, en vertu des dispositions précitées des articles L. 236 et L. 273-4 du code électoral, de prendre une décision de démission d’office des mandats de conseiller municipal et conseiller communautaire qui seraient détenus par l’intéressé. »

Ces deux orientations jurisprudentielles coexistaient jusqu’à présent, le Conseil constitutionnel ne s’étant pas prononcé sur ce qui pourrait apparaître comme une rupture d’égalité.

 

III. C’est dans ces conditions que le Conseil constitutionnel a été saisi le 03 janvier dernier d’une question prioritaire de constitutionnalité sur la conformité des dispositions des articles L. 230 et 236 du Code électoral aux droits et libertés garantis par la Constitution.

  • Ces dispositions tendant à la démission immédiate du conseiller municipal condamné à une peine d’inéligibilité avec exécution provisoire, alors même qu’une décision définitive n’est pas encore pas intervenue, étaient contestée en premier lieu, comme portant une atteinte disproportionnée au droit d’éligibilité[8].A cet égard, le Conseil constitutionnel relève d’abord que ces dispositions garantissent l’effectivité de la décision du juge, l’efficacité de la peine et la prévention de la récidive, l’objectif étant de renforcer l’exigence de probité et d’exemplarité des élus et la confiance des électeurs dans leurs représentants[9].Il ajoute que le juge répressif peut moduler la durée de cette peine d’inéligibilité et décider de ne pas la prononcer et en déduit alors qu’aucune atteinte disproportionnée est portée au droit d’éligibilité.
  • En second lieu, il était reproché à ces dispositions de méconnaitre le droit à un recours juridictionnel effectif.Le Conseil constitutionnel écarte également cet argument au motif qu’un conseiller municipal peut former une réclamation devant le Tribunal administratif et un recours devant le Conseil d‘Etat contre l’arrêté prononçant sa démission d’office, qui aura par ailleurs un effet suspensif sur l’arrêté en question.
  • Enfin, il était également relevé que ces dispositions instituaient une différence de traitement injustifiée entre les élus locaux et les élus nationaux.Sur ce point, le Conseil constitutionnel considère que la différence de traitement contestée est justifiée compte-tenu de la situation particulière des membres du Parlement et des prérogatives qu’ils tiennent de la Constitution.

 

Ce faisant, le Conseil constitutionnel entérine cette dichotomie de portée de la peine d’inéligibilité avec exécution provisoire, selon qu’elle concerne un mandat local ou national.

Ce qu’il ne dit pas en revanche, c’est si cette peine peut avoir un effet immédiat sur l’éligibilité à un futur nouveau mandat national, voire présidentiel.

Toutefois, naturellement, l’affirmation du caractère singulier des membres du Parlement lié aux prérogatives qu’ils tiennent de la Constitution laisse à penser que ce raisonnement pourrait éventuellement être étendu à d’autres scrutins tout autant singuliers[10].

 

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[1] Décision n°2025-1129 QPC du 28 mars 2025

[2] Article 131-26-1 du Code pénal

[3] Loi n°2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique

[4] Cass. Crim., 19 avril 2023, n°22-83.355

[5] Article L. 236 du Code électoral

[6] CC, DC, 16 juin 2022, n°2022-27 pour un membre de l’Assemblée nationale ; CC, DC, 23 novembre 2021, n°2021-26 pour un membre du Sénat

[7] CE, 20 juin 2012, n° 356865 ; CE, 14 avril 2022, n° 456540

[8] Communiqué de presse du 28 mars 2025 sur la décision n°2025-1129 QPC du 28 mars 2025

[9] Décision n°2025-1129 QPC du 28 mars 2025

[10] Titre II de la Constitution du 4 octobre 1958

Sexisme au travail : Rappel à l’ordre des employeurs face au « harcèlement d’ambiance »

Le harcèlement au travail reste un sujet de préoccupation pour l’ensemble des secteurs professionnels et les employeurs ont une responsabilité fondamentale dans sa prévention et sa gestion. Un récent arrêt de la Cour d’appel de Paris en date du 26 novembre 2024, rappelle l’importance de cette vigilance en reconnaissant que même une ambiance de travail sexiste, sans visée directe, peut constituer un harcèlement discriminatoire

Dans cette affaire, une salariée licenciée pour insuffisance professionnelle a contesté son licenciement en se basant sur des faits de harcèlement discriminatoire qu’elle a subis dans son entreprise. Elle précise que ses collègues masculins tenaient des propos dégradants à son égard, la qualifiant avec son binôme féminin l’« équipe Tampax ».

Elle dénonce également l’existence d’un harcèlement d’ambiance, car sans être directement visée, elle avait été confrontée à « une ambiance de travail sexiste » du fait d’un groupe de collègue qui échangeaient, à la vue de tous, des photos de femmes à caractère sexuel dans l’open-space où elle travaillait.

Malgré plusieurs alertes faites à son employeur, à la médecine du travail, ces comportements n’ont pas été sérieusement pris en compte notamment se limitant à une enquête sommaire diligentée par l’employeur et sanctionnée par les Magistrats.

Le cœur de l’affaire réside dans une question cruciale : peut-on considérer un harcèlement sexiste comme discriminatoire s’il découle d’une ambiance générale sur le lieu de travail, sans que la personne soit directement ciblée ? En d’autres termes, est-ce que ce type de harcèlement peut être pris en compte même s’il n’atteint pas directement la salariée en question ?

La Cour d’appel s’est positionnée en faveur de la salariée, estimant que ce genre de harcèlement dit d’ambiance, bien qu’indirect, constitue bien un harcèlement discriminatoire. De fait, la Cour est claire lorsqu’elle précise que le « harcèlement discriminatoire résulte donc d’un agissement lié à un motif prohibé par la loi qui a pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité ou de dégrader l’environnement de travail ».

En outre, l’enquête interne menée par l’employeur a été considérée comme insuffisante. La Cour a critiqué le manque de rigueur de l’enquête interne, qui ne permettait pas d’écarter la possibilité de harcèlement discriminatoire.

Elle a souligné que l’employeur n’avait pas pris les mesures nécessaires après l’enquête, notamment en n’adressant aucun rappel à l’ordre aux salariés concernés. De plus, l’entreprise n’avait pas respecté ses obligations en matière de désignation de référent harcèlement et de saisine de la médecine du travail.

Il apparait ainsi que l’absence de désignation du référent « harcèlement » constitue un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

En résumé, la Cour d’appel renforce les obligations des employeurs à gérer les comportements sexistes de manière proactive : ils doivent désigner un référent harcèlement, mener des enquêtes sérieuses et prendre des mesures concrètes pour garantir un environnement de travail respectueux et sans discrimination.