Le Conseil d’État rejette le recours d’usagers contre le décret approuvant la conclusion d’un avenant à une concession autoroutière

À l’heure où les séries ont le vent en poupe, nous serions tentés de dire que la vie des différentes concessions autoroutières s’inscrit dans cette nouvelle tendance puisqu’elle nous offre une longue série de contentieux dont la décision du Conseil d’État en date du 5 juin 2025 est un des derniers épisodes en date.

Pour rappel du contexte, un décret n° 2022-81 du 28 janvier 2022 avait approuvé la conclusion du dix-huitième avenant à la convention liant l’État et la société ASF qui avait pour objet d’acter de la réalisation d’un nouveau tronçon d’autoroutes, d’une longueur de 6,2 km, permettant le contournement par l’ouest de Montpellier et reliant les autoroutes A 750 et A 709. Toutefois, les parties à l’avenant n’avaient pas convenu des modalités de financement de ce tronçon d’autoroutes et avaient renvoyé à nouvel avenant le soin de déterminer ces dernières. C’était précisément l’objet du décret du n° 2023-1313 du 28 décembre 2023 approuvant le vingtième avenant à la convention passée entre l’Etat et la société Autoroutes du Sud de la France (ASF) pour la concession de la construction, de l’entretien et de l’exploitation d’autoroutes et au cahier des charges annexé.

Aux termes de ce décret, la réalisation du nouveau tronçon d’autoroutes est financée par des suppléments de péage acquittés par les usagers de l’autoroute A 709 franchissant les barrières de Baillargues et de Saint-Jean-de-Védas, ainsi que par les usagers empruntant l’autoroute A 9 au droit de Montpellier. Plusieurs usagers de ces segments d’autoroute ont toutefois perçu d’un mauvais œil cette augmentation tarifaire. Ils ont donc décidé, conformément à la jurisprudence constante du Conseil d’État qui juge que les clauses tarifaires sont qualifiables de clauses règlementaires dont les usagers du service public sont fondés à demander devant le juge de l’excès de pouvoir[1], d’introduire un recours en excès de pouvoir pour demander l’annulation du décret n° 2023-1313 du 28 décembre 2023.

Les requérants soutenaient tout d’abord que la Commission nationale du débat public aurait dû être saisie pour avis dès lors que le tronçon d’autoroutes tombait dans le champ des projets d’aménagement ou d’équipement pour laquelle la saisine de cette commission est obligatoire. Cependant, le Conseil d’État rappelle à bon droit que l’objet du décret attaqué n’était pas d’approuver la réalisation du tronçon mais de préciser les modalités de son financement. Partant, ce moyen ne pouvait qu’être rejeté.

Les requérants soutenaient ensuite que cette hausse tarifaire violait l’article L. 122-4 du Code de la voirie routière qui encadre les modalités de modification des péages. Les requérants affirmaient que la hausse tarifaire n’était pas proportionnée au service rendu aux usagers dès lors, d’une part, que 86 % des usagers acquittant ces péages n’emprunteront pas le nouveau tronçon et, d’autre part, que le choix d’amortir intégralement le coût du nouveau tronçon sur la période de douze années restant à courir jusqu’au terme de la concession actuelle plutôt que de prévoir un amortissement plus long avec le versement d’une soulte au concessionnaire en fin de concession, fait peser sur les usagers des douze prochaines années la charge financière d’un ouvrage qui bénéficiera aux usagers au-delà de 2036.

Le Conseil d’État rejette cette argumentation aux motifs qu’il résultait d’un avis de l’Autorité de régulation des transports que la création du nouveau tronçon, dont l’objet même est de réduire la congestion du trafic local, permettra à l’ensemble des usagers de l’A 709 et de l’A 9 de réaliser des gains de temps sur leur trajet, de sorte que les suppléments de péage qu’ils acquittent trouvent leur contrepartie directe dans une prestation rendue. En outre, le Conseil d’État notait « si la mise à contribution des usagers circulant sur l’A 709 et l’A 9 entre 2024 et 2036 n’est pas strictement proportionnelle à la valeur du service qui leur est spécifiquement rendu, la distorsion tarifaire en cause est d’ampleur limitée eu égard au faible montant du supplément de péage, qui est en moyenne de 18 centimes par trajet ». Enfin, le choix de ne pas créer un péage dédié à ce nouveau tronçon trouve sa justification dans un motif d’intérêt général de fluidité du trafic.

Le Conseil d’État en conclut que les requérants n’étaient pas fondés à soutenir que la hausse tarifaire ne respecterait pas « la règle de proportionnalité entre le montant du tarif et la valeur du service rendu résultant de l’article L. 122-4 du Code de la voirie routière et serait contraire au principe d’égalité des usagers devant le service public et, en tout état de cause, au principe d’égalité devant les charges publiques. »

Parmi les autres moyens soulevaient par les requérants figuraient notamment un moyen tenant à une violation de la prohibition des aides d’État puisque ces derniers considéraient que l’augmentation des tarifs constituait un avantage sélectif et caractérisait une aide d’État. Cependant, le Conseil d’État souligne à bon droit qu’une des conditions à la qualification d’aide d’État est l’origine étatique des ressources. Or, en l’espèce, la clause tarifaire litigieuse ne prévoyait aucun dispositif de compensation financière de la société ASF par l’État mais uniquement une hausse des péages autoroutiers lesquels sont acquittés par les usagers du service. Partant, elle ne pouvait pas être regardée comme une aide accordée par l’Etat ou au moyen de ressources d’Etat au sens des stipulations de l’article 107 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et ce moyen ne pouvait donc qu’être rejeté.

Les autres moyens n’appellent pas de commentaires particuliers et n’ont pas davantage prospéré si bien que le Conseil d’État a rejeté les requêtes introduites à l’encontre du décret litigieux.

______

[1] CE Ass., 10 juillet 1996, Cayzeele, n° 138536 ; CE, 9 février 2018, Communauté d’agglomération Val d’Europe agglomération, n° 404982.

Transposition de la directive sur l’efficacité énergétique : le rôle exemplaire des bâtiments des organismes publics confirmé

Pour rappel, par une directive 2023/1791 en date du 13 septembre 2023 relative à l’efficacité énergétique et modifiant le règlement (UE) 2023/955, le Parlement européen et le Conseil ont procédé à une véritable refonte de la directive 2012/27/UE qui a rendu nécessaire l’introduction d’un chapitre V dans le Code de l’énergie intitulé « La performance énergétique des organismes publics » et donnant un rôle moteur au secteur public en matière de réduction de la consommation d’énergie finale.

A ce titre, l’article L. 235-1 du Code de l’énergie indique que sont soumis au dit chapitre :

  • L’Etat, les opérateurs de l’Etat, les collectivités territoriales et leurs groupements ;
  • Les entités, publiques ou privées, répondant à l’ensemble des critères suivants :
  • Elles ont été ou sont créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général n’ayant pas de caractère industriel ou commercial ;
  • Elles sont majoritairement et directement financées par l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ;
  • Plus de la moitié des membres de leur organe d’administration, de direction ou de surveillance sont désignés par au moins une par l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements, à l’exclusion des opérateurs de l’Etat.

Nous relevons que cette définition des organisme publics soumis à ce chapitre est très similaire à celle des pouvoirs adjudicateurs à l’article L. 1211-1 du Code de la commande publique, de sorte qu’elle est susceptible d’intégrer des entités privées (ex : SEM, SPL, SEMOP) dès lors qu’elles respectent les trois critères cumulatifs. A ce titre, l’étude d’impact du projet de loi a souligné que cette définition, qui transpose fidèlement la directive, exclut notablement les établissements publics de santé du champ des organismes publics car leur financement est majoritairement lié à leur activité.

Conformément à l’article 5 de la directive, l’article L. 235-2 du Code de l’énergie prévoit que la consommation d’énergie finale cumulée des organismes publics susmentionnés doit diminuer d’un volume représentant au moins 1,9 % de leur consommation d’énergie finale cumulée de l’année 2021.

Il convient de préciser cependant que, dans le respect de la directive, cette obligation ne couvre pas, jusqu’au 31 décembre 2026, la consommation d’énergie des collectivités territoriales et de leurs groupements[1] de moins de 50.000 habitants ainsi que de leurs établissements publics. Il en va de même jusqu’au 31 décembre 2029, des collectivités territoriales et de leurs groupements de moins de 5.000 habitants ainsi que de leurs établissements publics.

Est par ailleurs exclue de cette obligation la consommation d’énergie des transports publics et des forces armées.

A ce titre, le législateur a renvoyé à un décret pour définir les règles de la transmission annuelle par chaque organisme public des données relatives à sa consommation annuelle d’énergie, et en particulier le service de l’Etat ou l’organisme désigné pour les recevoir, les modalités de calcul de l’objectif de réduction de leur consommation énergétique, le contenu et les modalités de transmission des données relatives à leur consommation énergétique finale, ainsi que les modalités selon lesquelles l’évaluation et le constat du respect de l’objectif de réduction des consommations d’énergie finale seront établis chaque année.

De même, conformément à l’article 6 de la directive, l’article L. 235-3 du Code de l’énergie confère un rôle exemplaire aux bâtiments des organismes publics en imposant qu’au moins 3 % de la surface cumulée de leurs bâtiments soit rénovée chaque année afin de réduire leur consommation d’énergie et leurs émissions de gaz à effet de serre. A l’issue de cette rénovation, les bâtiments concernés doivent atteindre un haut niveau de performance énergétique qui sera ultérieurement défini par arrêté des ministres chargés de la Construction et de l’Energie.

De manière alternative, cet objectif pourra être réputé atteint si les organismes publics réduisent chaque année leur consommation d’énergie finale, planifient les rénovations de leurs bâtiments et les réalisent.

Cette obligation ne s’impose toutefois pas à certains organismes tels que les logements sociaux faisant l’objet d’une convention au titre de l’aide personnalisée au logement (APL) et appartenant aux organismes d’habitation à loyer modéré (HLM) ou les logements sociaux non conventionnés des organismes d’habitations à loyer modéré.

A l’instar de la transmission des données relatives à sa consommation annuelle d’énergie, le législateur a renvoyé à un décret pour la définition des modalités de calcul de la surface de bâtiments devant faire l’objet de la rénovation, des conditions alternatives permettant de réputer atteint l’objectif de rénovation des bâtiments publics relatives au niveau de performance énergétique, des conditions dans lesquelles un bâtiment peut faire l’objet de dérogations[2], ainsi que des modalités selon lesquelles l’évaluation et le constat du respect de l’objectif de rénovation de bâtiments sont établis.

En outre, l’article L. 235-4 du Code de l’énergie énonce qu’afin de constituer un inventaire national des bâtiments publics, les organismes publics transmettent, tous les deux ans et selon des conditions précisées par décret, à l’Etat ou à un organisme désigné par lui, les données relatives à la performance énergétique de leurs bâtiments.

Le législateur a indiqué que ces dispositions entrent en vigueur le 1er octobre 2025 et a prévu que, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, puis tous les deux ans, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’estimation de la trajectoire financière, pour les organismes publics, de l’atteinte de l’objectif de réduction de leur consommation d’énergie ainsi que de l’objectif de rénovation de leurs bâtiments et des mesures alternatives, en recensant notamment les difficultés auxquelles ils font face pour atteindre cet objectif.

L’enjeu est effectivement de taille dès lors qu’un groupe de travail piloté par la direction de l’immobilier de l’État a estimé que l’objectif de 3 % de surfaces rénovées porte sur douze millions de mètres carrés par an, soit un investissement annuel de cinq milliards d’euros pour le seul patrimoine de l’État[3] et au moins dix milliards d’euros pour les collectivités locales[4] – étant rappelé que, d’après l’étude d’impact du projet de loi, seulement un peu « plus de 3,8 milliards d’euros ont été investis pour rénover près de 4.000 bâtiments de l’État depuis 2019, dont 2,7 milliards d’euros dans le cadre du plan France Relance ».

Or, le parc immobilier détenu par l’ensemble des organismes publics représente plus de 400.000 bâtiments, pour une surface totale de plus de 500 millions de mètres carrés, soit 47 % du parc immobilier tertiaire. Ainsi, de manière compréhensible au regard de la difficulté de mise en œuvre des dispositions précitées, il peut être relevé que le dispositif institué n’est assorti d’aucune sanction pour les organismes publics en cas de manquement à l’atteinte des objectifs de réduction de consommation d’énergie ou de rénovation énergétique.

Enfin, le Gouvernement a été habilité à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025, toute mesure relevant du domaine de la loi nécessaire à la transposition notamment de l’article 7 de la directive (UE) 2023/1791 qui prévoyait en particulier que :

  • les pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices ne peuvent acquérir que des produits, services, bâtiments et travaux à haute performance énergétique (sous réserve que cela soit techniquement faisable), conformément aux exigences en matière d’efficacité énergétique énoncées à l’annexe IV de la directive, lorsqu’ils concluent des marchés publics et des contrats de concession d’une valeur égale ou supérieure aux seuils européens de procédure en droit de la commande publique , à moins que cela ne soit pas faisable techniquement ;
  • les pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices doivent faire application du principe de primauté de l’efficacité énergétique;
  • les Etats membres doivent éliminer toute entrave réglementaire ou non réglementaire qui dissuadent d’effectuer des investissements visant à améliorer l’efficacité énergétique et de recourir à des contrats de performance énergétique et à des instruments de financement par des tiers sur une base contractuelle de longue durée.

*

Si ces nouvelles dispositions donnent à juste titre un rôle moteur au secteur public en matière de réduction de la consommation d’énergie finale, en soumettant les organismes publics à des objectifs ambitieux, elles devront être accompagnées d’un soutien accru au regard des efforts budgétaires qu’elles emportent.

______

[1] Au sens de l’article L. 5111-1 du Code général des collectivités territoriales, à savoir « les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes, mentionnés aux articles L. 5711-1 et L. 5721-8, les pôles métropolitains, les pôles d’équilibre territoriaux et ruraux, les agences départementales, les institutions ou organismes interdépartementaux et les ententes interrégionales ».

[2] En effet, en vertu du paragraphe 2 de l’article 6 de la directive UE 2023/1791 du Parlement européen et du Conseil du 13 septembre 2023 relative à l’efficacité énergétique et modifiant le règlement (UE) 2023/955, les Etats membres peuvent appliquer des exigences moins strictes – qui seront précisées par arrêté des ministres chargés de la Construction et de l’Energie – à certaines catégories de bâtiments en raison de leur valeur historique ou architecturale, de leur appartenance aux forces armées ou s’ils servent de lieu de culte et à la défense nationale.

[3] Rapport sur le projet de loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes (n° 529), n° 631 déposé le mercredi 27 novembre 2024.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/opendata/RAPPANR5L17B0631.html

[4] Voir l’étude d’impact, page 395.

Précisions réglementaires sur le dispositif succédant à l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH)

La Commission de régulation de l’énergie (ci-après, CRE) a été saisie d’un projet de décret relatif au partage des revenus de l’exploitation des centrales électronucléaires historiques.

Ainsi que nous l’indiquions dans notre précédent focus (disponible ici), le législateur est récemment intervenu pour définir les contours du dispositif qui prendra la suite de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique.

Si le cadre légal est désormais connu, de nombreuses dispositions doivent faire l’objet de précisions par le pouvoir réglementaire. C’est précisément l’objet du projet de décret qui a été soumis à l’avis de la CRE, ici commenté.

Par une délibération du 11 juin 2025 portant avis sur le projet de décret pris en application de l’article L. 336-16 du Code de l’énergie, la CRE a émis un avis défavorable sur ledit projet de décret.

Pour rappel, aux termes de l’article L. 336-16 du Code de l’énergie, un décret pris en conseil d’Etat doit préciser :

1° Les principes méthodologiques régissant les évaluations mentionnées à l’article L. 336-3 ainsi que les conditions dans lesquelles elles sont régulièrement mises à jour ;

2° Les périodes d’évaluation des revenus de l’exploitation des centrales électronucléaires historiques mentionnées à l’article L. 336-9 ;

3° Les périodes infra-journalières pertinentes d’injection d’électricité dans le système électrique mentionnées à l’article L. 336-11, les produits représentatifs mentionnés au même article L. 336-11 et les conditions dans lesquelles les prix de ces produits sont calculés et constatés ;

4° La régularité, les échéances et les conditions de communication aux ministres chargés de l’Economie et de l’Energie des estimations mentionnées à l’article L. 336-15 et les conditions dans lesquelles le public est informé de ces estimations et du montant de la minoration du prix de fourniture applicable le cas échéant.

En premier lieu, le projet de décret analysé par la CRE précise la période de réalisation des transactions mentionnée à l’article L. 336-9 du Code de l’énergie, qui détermine la granularité temporelle à laquelle la CRE constate les revenus d’EDF en application de la comptabilité appropriée.

Aux termes du projet de décret, la période de réalisation des transactions est égale à une semaine. Par ailleurs, en cas de demande d’EDF, cette période peut être étendue à un mois.

La CRE accueille favorablement cette nouvelle disposition.

En deuxième lieu, l’article L. 336-9 du Code de l’énergie prévoit la définition d’un seuil de quantités d’électricité à partir duquel les transactions font l’objet d’une constatation explicite.

Ce seuil est défini à l’article D. 336-45 du projet de décret comme l’équivalent du produit d’un mégawatt multiplié par la durée de la période d’injection du produit de couverture correspondant. L’article R. 336-2 du projet de décret détermine la période de réalisation des transactions applicable si les quantités d’électricité sont inférieures à ce seuil.

Là encore, la CRE accueille favorablement le projet de décret en soulignant que « le seuil d’un mégawatt en ruban est pertinent pour débuter la constatation des revenus d’EDF ».

En troisième lieu, l’article L. 336-11 du Code de l’énergie prévoit un traitement spécifique dans la comptabilité appropriée des transactions en temps réel ou quasi-réel, c’est-à-dire des transactions très proches de la livraison.

L’article R. 336-3 du projet de décret précise cette disposition en :

  • définissant la période infrajournalière pertinente pour l’injection dans le système électrique, mentionnée à l’article L. 336-11 du Code de l’énergie, comme l’unité de temps du marché organisé français de l’électricité ;
  • précisant les catégories de produits considérées comme des transactions en temps réel ou quasi réel, qui s’entendent comme celles se rapportant à une livraison d’électricité ou à un instrument dérivé portant sur une livraison d’électricité au cours d’une période ne pouvant excéder une semaine ;
  • définissant les prix de marché utilisés comme référence pour la valorisation des transactions en temps réel ou quasi réel comme le prix de la zone de livraison française issu du couplage journalier européen.

Si le traitement différencié des transactions en temps réel ou quasi-réel et la référence de prix utilisée pour ces transactions sont validées par la CRE, elle recommande toutefois de modifier la définition des catégories de produits considérées comme des transactions en temps réel ou quasi-réel.

En quatrième lieu, l’article R. 336-4 du Code de l’énergie introduit par le projet de décret prévoit les modalités de communication des estimations des paramètres permettant de déterminer le versement universel aux ministres chargés de l’Economie et de l’Energie ainsi que les conditions dans lesquels ils sont rendus publics.

Au regard de l’incertitude résultant des prévisions de production d’EDF, la CRE propose un rythme de communication différencié à mesure que l’incertitude sur les revenus totaux estimés diminue, contrairement au projet de décret.

Pour cette raison, la CRE émet un avis défavorable sur le projet de décret, notamment en raison du calendrier de communication et de publication des revenus issus de la comptabilité appropriée ainsi que du tarif unitaire prévisionnel de la minoration.

Conséquence de l’entrée en vigueur du TURPE 7 : proposition d’évolution des tarifs réglementés de vente d’électricité de la Commission de Régulation de l’énergie

CRE, Délibération du 19 juin 2025 portant proposition des tarifs réglementés de vente d’électricité pour les consommateurs souscrivant une puissance inférieure ou égale à 36 kVA en France métropolitaine continentale et pour tous les consommateurs en zones non interconnectées

CRE, Délibération du 19 juin 2025 portant proposition des tarifs de cession de l’électricité aux entreprises locales de distribution

La Commission de Régulation de l’énergie (ci-après, CRE) a publié des propositions d’évolution des tarifs réglementés de vente d’électricité (ci-après, TRVE) pour les consommateurs de plus de 36 kVA et de moins de 36 kVA.

Ces propositions font suite à l’évolution du tarif d’utilisation des réseaux publics de distribution d’électricité applicables à compter du 1er août 2025 et pour les quatre prochaines années (dit « TURPE 7 HTA/BT » pour les réseaux publics de distribution) qui a été publié le 13 mars 2025 par la CRE, et que nous avions déjà commenté (retrouvez nos brèves ici et ).

Les TRVE sont en effet construits selon une méthode dite d’empilement des coûts qui consiste à faire la somme de plusieurs variables (articles L. 337-6 et R. 337-19 du Code de l’énergie). Le TURPE influant ces variables, sa modification entraine mécaniquement une modification des TRVE.

Concernant les TRVE pour les consommateurs souscrivant une puissance supérieure à 36 kVA en France métropolitaine continentale (Délibération n° 2025-156), la CRE propose de modifier les composantes suivantes desdits TRVE :

  • Les coûts d’acheminement, évalués à partir des tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE) applicables au 1er août 2025 ;
  • La rémunération normale de l’activité de fourniture définie par la délibération du 16 janvier 2025 comme 2,5 % du tarif hors taxes et hors rattrapages.

Concernant les TRVE pour les consommateurs souscrivant une puissance inférieure ou égale à 36 kVA en France métropolitaine continentale et pour tous les consommateurs en zones non interconnectées (Délibération n° 2025-155), la CRE propose les modifications suivantes des composantes de ces TRVE :

  • À partir du 1er août 2025, le taux réduit de TVA de 5,5 % sur l’abonnement des clients dont la puissance souscrite est inférieure ou égale à 36 kVA sera supprimé. Le taux applicable de TVA sera de 20 % pour tous les clients de France métropolitaine continentale.
  • L’accise sur l’électricité baisse au 1er août 2025 pour les clients dont la puissance souscrite est inférieure ou égale à 36 kVA de 33,70 €/MWh à 29,98 €/MWh. Ce montant résulte de l’addition du tarif normal prévu par la loi de finances 2025 et de la nouvelle majoration prévue à l’article L. 312-37-1 du Code des impositions sur les biens et les services au titre du financement des missions de service public dans les zones non interconnectées.

Enfin, du fait de l’évolution des TRVE à venir, la CRE a également publié une délibération portant proposition d’évolution des tarifs de cession de l’électricité aux entreprises locales de distribution (Délibération n° 2025-157).

Les tarifs de cession permettent aux entreprises locales de distribution (ELD) de s’approvisionner en électricité pour la fourniture de leurs clients aux tarifs réglementés de vente d’électricité (TRVE) et, pour celles desservant moins de 100.000 clients, pour la fourniture de leurs pertes réseau.

En application de l’article L. 337-10 du Code de l’énergie, la CRE a pour mission de proposer ces tarifs aux ministres chargés de l’Energie et de l’Economie.

La proposition de la CRE entraîne une évolution moyenne de -0,01 €/MWh HT du tarif de cession par rapport à sa proposition tarifaire du 15 janvier 2025, soit – 0,02 % HT. Cette évolution est la conséquence de la mise à jour de la composante de gestion des clients au tarif de cession par EDF en cohérence des propositions de modification des TRVE de la CRE précitées.

Espèces protégées : Le Conseil constitutionnel retoque des présomptions de non-intentionnalité jugées imprécises

Saisi de la loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture, le Conseil constitutionnel, dans une décision en date du 20 mars 2025, a censuré la version de l’article L. 415-3 du Code de l’environnement qui instituaient des présomptions d’absence d’intention applicables au délit d’atteinte aux espèces protégées, à leurs habitats naturels ou à des sites d’intérêt géologique.

*

Pour mémoire, l’article L. 415-3 du Code de l’environnement, issu de la loi du 26 mars 2025, punit de trois ans d’emprisonnement et de 150.000 € d’amende le fait de porter atteinte à la préservation des espèces protégées, en violation, d’une part, des interdictions ou prescriptions prévues par l’article L. 411-1 du même code, et d’autre part, des règlements ou décisions individuelles de dérogation pris en application de l’article L. 411-2.

La loi susvisée instaurait deux présomptions de non-intentionnalité, rendant beaucoup plus simple l’inapplication de ce délit.

La première présomption de non-intentionnalité résidait dans la commission de faits en exécution d’une obligation légale ou réglementaire, ou de prescriptions prévues par une autorisation administrative.

Le Conseil constitutionnel a considéré cette disposition inconstitutionnelle au motif que le Législateur a institué une présomption simple sans définir clairement la nature de l’obligation permettant au justiciable d’en bénéficier, ni le lien entre cette obligation et les faits reprochés, et a fait dépendre une partie du champ d’application de la loi pénale sur une décision administrative dépourvue de précisions.

La seconde présomption de non-intentionnalité résidait dans la mise en place de mesures pour éviter ou réduire les atteintes, accompagnées de garanties d’effectivité pour diminuer le risque pour les espèces.

Le Conseil constitutionnel a considéré que les activités concernées et leurs conditions d’exercice se bornent à faire référence à des « mesures pour éviter ou pour réduire les atteintes » aux espèces protégées et à des « garanties d’effectivité » sans apporter toutefois de précision.

Par une décision en date du 20 mars 2025, le Conseil Constitutionnel a censuré les présomptions de non-intentionnalité sur le fondement du principe de légalité des délits et des peines, considérant que le Législateur n’en a pas suffisamment défini les contours pour exclure l’arbitraire.

Modification des seuils d’éligibilité et des types d’installations éligibles à l’obligation d’achat et au complément de rémunération

Un décret du 5 juin 2025 a modifié les valeurs de plafond d’éligibilité à l’obligation d’achat et au complément de rémunération pour les technologies d’énergies renouvelables concernées.

Ainsi, d’une part, le décret modifie l’article D. 314-15 du Code de l’énergie relatif à l’obligation d’achat en introduisant les évolutions suivantes :

  • Il ajoute parmi les installations pouvant bénéficier d’un contrat d’obligation d’achat « les installations au sol utilisant l’énergie solaire photovoltaïque équipées soit de modules photovoltaïques fixes, soit d’un dispositif de suivi de la course du soleil, d’une puissance crête inférieure ou égale à 200 kilowatts »
  • En revanche, il abaisse de 500 à 400 kilowatts le plafond d’éligibilité à l’obligation d’achat des installations utilisant l’énergie hydraulique des lacs, des cours d’eau et des eaux captées gravitairement. A compter du 1er janvier 2026, ce seuil sera encore abaissé à 200 kilowatt (art. 2)
  • A compter du 1er janvier 2026, le seuil d’éligibilité des installations utilisant l’énergie solaire photovoltaïque implantées sur bâtiment, hangar ou ombrière passera de 500 kilowatts à 200 kilowatts
  • Il plafonne également à 25 mégawatts les installations de production d’énergie renouvelable en mer, notamment celles de production d’énergie osmotique et marémotrice, désignées lauréates d’un appel à projets de l’Etat ou européen éligibles à l’obligation d’achat ;

D’autre part, s’agissant du complément de rémunération visé par l’article D. 314-23 du Code de l’énergie, le décret du 5 juin 2025 définit deux nouvelles catégories d’installations éligibles :

  • « Les installations au sol utilisant l’énergie solaire photovoltaïque équipées soit de modules photovoltaïques fixes, soit d’un dispositif de suivi de la course du soleil, d’une puissance crête strictement supérieure à 200 kilowatts et inférieure ou égale à 1 mégawatt » (2°)
  • « Et les installations de production d’énergie renouvelable en mer, notamment celles de production d’énergie osmotique et marémotrice, désignées lauréates d’un appel à projets de l’Etat ou européen d’une puissance installée comprise entre 200 kilowatts et 25 mégawatts. » (4°)

Les modifications résultant de ce décret ont pour objet de mettre en conformité avec le droit de l’Union européenne la réglementation française.

Renforcement des obligations et des garanties applicables aux mandataires de perception de fond dans le cadre du dispositif « MaPrimeRénov’ »

Par un décret du 16 juin 2025, le Gouvernement a renforcé le cadre règlementaire applicable aux mandataires de perception de fonds intervenant dans le cadre de la prime de transition énergétique « MaPrimeRénov’ » en modifiant le décret n° 2020-26 du 14 janvier 2020.

Adopté dans un contexte marqué par la suspension temporaire du dépôt de dossier, du 1er juillet à mi-septembre, pour le « parcours accompagné » du dispositif, ce décret introduit de nouvelles obligations et garanties applicables aux mandataires dans l’exercice de leur mission de perception de fonds pour le compte des demandeurs de subvention.

Pour rappel, aux termes de l’article 5 du décret n° 2020-26 du 14 janvier 2020 relatif à la prime de transition énergétique : « Seul le demandeur peut créer son compte lui permettant de s’identifier personnellement. Après création du compte, les demandes de prime de transition énergétique, de versement du solde ainsi que de perception de fonds peuvent être déposées par le demandeur lui-même ou par l’intermédiaire d’une personne de son choix à laquelle il confère un mandat. Dans ce cas, le mandataire s’identifie auprès de l’Agence nationale de l’habitat et lui communique les documents dont la liste est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés du Logement, de l’Energie, de l’Economie et du Budget. ».

Par l’introduction d’un article 5 bis au décret initial du 14 janvier 2020, le décret du 16 juin 2025 impose désormais aux mandataires, qui s’identifient auprès de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) de :

  • Justifier ne faire l’objet d’aucune condamnation pénale, ni de sanction civile ou administrative de nature à leur interdire de gérer, d’administrer ou diriger une personne morale et, s’il s’agit d’un commerçant, de nature à lui interdire d’exercer une activité commerciale ;
  • S’engager à reverser à l’ANAH les primes indument perçues pour le compte de leur mandant ;
  • S’engager à exécuter leur mandat conformément à la règlementation applicable à la prime de transition énergétique.

En outre, lorsque le mandataire de perception de fonds est une personne physique non professionnelle ayant reçu plus de trois mandats de perception de fonds, ou une personne physique professionnelle, ou une personne morale, il doit s’engager auprès de l’ANAH à :

  • Mettre en œuvre une politique de contrôle de qualité de son activité de mandataire et à en justifier sans délai et à tout moment sur demande de l’ANAH ;
  • Disposer, à tout moment, de la capacité financière pour exécuter les mandats confiés et à communiquer sans délai sur demande de l’Agence nationale de l’habitat tout document permettant d’attester de celle-ci. Les documents permettant d’attester de la capacité financière sont définis par arrêté conjoint des ministres chargés du Logement, de l’Economie, du Budget et de l’Energie.

A défaut de respect de ces engagements, les mandataires concernés ne pourront plus se voir désignés en cette qualité pour de nouveaux dossiers de demande de subvention, tant que leur situation n’est pas régularisée, dans un délai maximum de 3 mois, prorogeable à titre exceptionnel.

Enfin, ces nouvelles dispositions entreront en vigueur à compter du 1er juillet 2025, et ne s’appliqueront pas aux mandats signés antérieurement à cette date.

Création d’un programme de location sociale de voitures électriques dans le cadre du dispositif des certificats d’économies d’énergie

Par un arrêté du 20 juin 2025, entré en vigueur le 21 juin, le Gouvernement a institué le programme PRO-INNO-85, « Location sociale de voitures électriques », éligible au dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE).

Adopté à la suite d’un avis favorable du Conseil supérieur de l’énergie, et d’une consultation publique, ce texte vise à contribuer à atteindre les objectifs nationaux et européens de réduction des consommations d’énergie et d’émissions de gaz à effet de serre, tout en prenant en compte les enjeux d’équité territoriale et sociale.

Ce programme, porté par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), a pour objectif d’accompagner financièrement la location longue durée de voitures 100 % électriques au bénéfice des ménages modestes.

Il a été adopté conformément à l’article L. 221-7 du Code de l’énergie, qui prévoit que des certificats d’énergie peuvent être délivrés dans le cadre de la contribution à des programmes d’accompagnement, notamment à « des programmes d’information, de formation ou d’innovation favorisant les économies d’énergie ou portant sur la logistique et la mobilité économes en énergies fossiles ».

L’objectif du programme est de soutenir financièrement la location d’au moins 50.000 véhicules particuliers électriques à destination des ménages modestes, dont au moins 5.000 véhicules particuliers électriques pour les personnes résidant ou travaillant dans des zones à enjeu pour la qualité de l’air.

Le programme s’adresse exclusivement à des ménages en situation de précarité énergétique, et repose sur un système de contributions financières des acteurs éligibles au dispositif CEE, en échange de certificats délivrés dans la limite de 41 TWh cumac, sur la période 2025-2030, conformément à l’arrêté du 4 septembre 2014[1].

Les conditions de mise en œuvre du programme, et notamment la liste des communes concernées et les voitures particulières éligibles, seront détaillées dans une convention tripartite signée entre l’Etat, l’ADEME, et des financeurs sélectionnés à l’issue d’un appel à projet.

Par ailleurs, le soutien accordé dans le cadre de ce programme n’est pas cumulable avec d’autres dispositifs, notamment le bonus écologique[2], ou les incitations prévues par les fiches d’opération standardisées TRA-EQ-114 (acquisition de véhicules particuliers électriques) et TRA-EQ-117 (location de véhicules électriques).

______

[1] Arrêté du 4 septembre 2014 fixant la liste des éléments d’une demande de certificats d’économies d’énergie et les documents à archiver par le demandeur

[2] Prévu à l’article D. 251-1 du Code de l’énergie

Compensation carbone de vols intérieurs : prolongation du délai pour le financement ex-ante de projets européens

Un décret du 23 juin 2025 prolonge au 1er janvier 2031 le délai dans lequel les crédits afférents aux projets de réduction ou de séquestration d’émission de gaz à effet de serre peuvent être pris en compte pour satisfaire aux obligations de compensation.

Pour rappel, l’article 147 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (dite « loi climat et résilience ») introduit une obligation de compensation des émissions de gaz à effet de serre des vols effectués à l’intérieur du territoire national.

En amont, les exploitants d’aéronefs sont chargés d’élaborer des projets de compensation prévoyant des réductions et séquestrations d’émissions de gaz à effet de serre (Art. L. 229-55 du Code de l’environnement).

Des crédits carbones leur sont ensuite délivrés pour financer ces projets (Art. L. 229-58 du Code de l’environnement).

Un décret n° 2022-667 du 26 avril 2022 précise les conditions et modalités d’application de l’obligation de compensation prévue par ces dispositions.

A cet égard, l’article 1 du décret précise que les réductions et séquestrations d’émissions prévues par les projets de compensation sont contrôlées et validées, pour chaque projet de compensation, par une personne physique ou morale indépendante, dotée des compétences requises (2° de l’article L. 229-102-1 du Code de l’environnement).

Son article 2 prévoit toutefois que les crédits carbones afférents aux projets de compensation situés dans l’Union européenne peuvent être pris en compte pour satisfaire aux obligations de compensation, sans qu’il soit besoin de procéder à ces contrôles et validations, s’ils sont prévus dans un contrat conclu à cette fin entre l’exploitant d’aéronefs et le responsable du projet avant le 1er janvier 2026.

L’article 1er du décret n° 2025-572 du 23 juin 2025 modifie ce délai et le rallonge au 1er janvier 2031.

Ambition France Transports : des conférences et ateliers pour une refonte du modèle de financement des mobilités à l’horizon 2040

Dans un contexte de réseaux vieillissants, de fracture territoriale persistante et d’urgence climatique, le Gouvernement a lancé en mai dernier la conférence de financement des mobilités « Ambition France Transports », dédiée à la refonte du financement des infrastructures de transport.

Le rapport final de la conférence devra être rendu le 8 juillet prochain et transmis au Ministre auprès du ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, chargé des Transports[1].

Les trois défis affichés de cette conférence sont les suivants :

  1. Régénérer et moderniser les réseaux pour éviter leur dégradation (ferroviaire, routier, fluvial) et pour résorber la « dette grise » ferroviaire, routière et fluviale ;
  2. Accroître l’offre : mieux desservir les territoires périurbains, ruraux et d’outre-mer, soutenir les services express régionaux métropolitains (« SERM »), développer le transport à la demande… ;
  3. Décarboner : accompagner la transition notamment à travers le soutien aux modes massifiés (fret ferroviaire/fluvial), l’électrification, la multimodalité, et l’adaptation des infrastructures au changement climatique.

Dans ce cadre, cette démarche regroupe 50 acteurs en quatre groupes (l’Etat, les collectivités territoriales, les opérateurs, les usagers, des experts, etc.) afin de tracer les perspectives du financement des mobilités à l’horizon 2040.

Le choix a été fait d’articuler cette conférence autour de trois journées ciblées « Sociétés civiles », « Nouveaux financements » et « Innovation » ainsi que de quatre ateliers thématiques, sur lesquels les acteurs peuvent apporter leur contribution en déposant leur « cahier » directement sur la plateforme participative en ligne dédiée[2] :

  • Le financement des mobilités du quotidien par les autorités organisatrices des mobilités (« AOM ») dans les territoires et le financement des SERM. L’enjeu pour ces dernières étant de développer une offre de transports décarbonés (bus, cars, métro, tramways, train, vélo) ;
  • Le financement des infrastructures routières dans un contexte où les contrats historiques des concessions autoroutières prendront fin entre 2031 et 2035 ;
  • Le financement des infrastructures et services de transport ferroviaire afin de les regénérer et les moderniser ;
  • Le financement du verdissement du transport de marchandise qui représente environ 13 %[3] des émissions nationales de gaz à effet de serre.

Affaire à suivre prochainement pour connaître les résultats de cette conférence…

______

[1] Philippe Tabarot

[2] https://conference-ambition-france.transports.gouv.fr/cahiers-dacteur-deposes

[3]https://conference-ambition-france.transports.gouv.fr/quels-sont-les-enjeux-et-thematiques-du-financement-des-mobilites

Modification des prestations réalisées à titre exclusif par les gestionnaires des réseaux de distribution de gaz naturel et d’électricité

CRE, Délibération du 19 juin 2025 portant décision sur les prestations réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de réseaux de distribution de gaz naturel

Par deux délibérations du 19 juin 2025, la Commission de Régulation de l’Énergie (ci-après, CRE) a adopté de nouvelles décisions relatives aux prestations réalisées à titre exclusif par les Gestionnaires des Réseaux de Distribution (GRD) d’électricité et de gaz naturel.

Pour mémoire, en complément de la prestation d’acheminement du gaz naturel ou d’électricité, c’est-à-dire la distribution à proprement parler, il existe des prestations annexes réalisées à titre exclusif par les GRD, à la demande et au bénéfice des fournisseurs, des producteurs ou des consommateurs finals. Ces prestations figurent dans le catalogue des prestations de chaque GRD.

Conformément aux dispositions des articles L. 452-2 et L. 452-3 du Code de l’énergie pour les réseaux de distribution de gaz naturel et L. 134-1 et L. 341-3 du Code de l’énergie pour l’électricité, la CRE est compétente pour connaître des méthodes de tarification de ces prestations ainsi que de l’évolution desdites prestations.

Ainsi, pour ce qui concerne les GRD de gaz, la délibération de la CRE prévoit les évolutions suivantes pour les prestations annexes :

  • «introduire une prestation « Étude d’adéquation poste de livraison/besoins client » dans la perspective de la facturation par les GRD de gaz du terme de débit normalisé à compter du 1er juillet 2026 ;
  • modifier certaines prestations, compte tenu de l’arrêt progressif de la relève à pied par GRDF et des modalités de relève résiduelle introduites dans la délibération ATRD7 de GRDF4 (« Collecte d’un index auto-relevé à la suite de l’absence client », « Relevé cyclique des compteurs » et « Relevé spécial (hors changement de fournisseur) ») ;
  • supprimer la prestation « Annonce passage releveur », compte tenu de l’arrêt progressif de la relève à pied par GRDF ;
  • introduire une prestation expérimentale « Passage au pas horaire pour les clients en fréquence MM/JJ » ».

Ces évolutions doivent entrer en vigueur au 1er juillet 2025 pour les GRD monoénergie et les GRD biénergie qui ont choisi l’alignement des tarifs sur ceux de GRDF et au 1er août 2025 pour les GRD biénergie qui ont choisi l’alignement des tarifs sur ceux des prestations en électricité.

La délibération entérine également une évolution positive des tarifs des prestations annexes de 1,8 % afin de tenir compte de l’effet de l’inflation, cette augmentation prendra effet au 1er août 2025.

Quant à ce qui concerne les GRD d’électricité, la délibération de la CRE prévoit les évolutions suivantes pour les prestations annexes :

  • « pour les consommateurs :
    • l’adaptation de la prestation de « relevé spécial », dans le cadre de l’entrée en vigueur de la délibération TURPE 7 HTA-BT2 et de la nouvelle composante additionnelle pour comptage non communicant ;
    • la pérennisation de la prestation expérimentale « Analyse de la qualité d’alimentation électrique », permettant aux consommateurs de demander un rapport d’analyse à Enedis en cas de perturbation ou d’interruption de l’alimentation ;
  • pour les producteurs :
    • la création d’une prestation « Raccordement anticipé des producteurs BT>36 kVA » visant à faire contribuer financièrement les producteurs en raccordement anticipé au réseau BT pour la gestion par le GRD des contraintes réseaux qu’ils engendrent, à savoir les limitations d’injection des autres producteurs dans le cadre de l’équilibrage du réseau ;
    • la reconduction de la prestation expérimentale « Téléaction sous IP » dans les mêmes conditions financières et techniques pour un an de plus ;
  • pour les responsables d’équilibre :
    • la reconduction de la prestation expérimentale consistant à transmettre au responsable d’équilibre, de manière anticipée et en RecoTemp, des Bilans détaillés par sous-profil et par fournisseur/acheteur » ;

La délibération entérine également une évolution positive des tarifs des prestations annexes de 1,8 % afin de tenir compte de l’effet de l’inflation.

L’ensemble de ces évolutions doivent entrer en vigueur au 1er août 2025.

 

Hydrogène décarboné, les objectifs de l’État remis en question par la Cour des comptes

La Cour des comptes a récemment mis en ligne ses observations relatives à la stratégie de soutien au développement de l’hydrogène décarboné mise en œuvre par l’État.

Ce rapport s’avère particulièrement sévère avec la stratégie de l’Etat, puisqu’il conclut que ce dernier a péché par optimisme en prévoyant des objectifs jugés « irréalistes ».

L’institution constate en effet que la stratégie nationale hydrogène publiée en 2020 prévoit un objectif de 6,5 GW de capacités de production d’hydrogène électrolytique installées à l’horizon 2030 et que le projet de deuxième stratégie nationale hydrogène non encore publiée au moment de la rédaction des conclusions de la Cour (publiée le 16 avril 2025) prévoyait non seulement de confirmer cet objectif, mais également d’y adjoindre un second objectif de 10 GW de capacité de production d’ici à 2035.

Pourtant, la Cour des comptes estime que les dispositifs de soutien mis en place par l’État pourraient, au mieux, permettre la mise en place de 0,5 GW à 3,1 GW d’ici 2030. Sur ce point, le Premier ministre indique dans sa réponse à la Cour que la seconde stratégie nationale publiée le 16 avril 2025 a pris en compte cet élément en réduisant l’objectif de capacité de production à 4,5 GW en 2030 et 8 GW en 2035, ce qui reste néanmoins optimiste au regard des estimations de la Cour des comptes.

La Cour des comptes pointe également une place disproportionnée accordée à la mobilité routière dans les dispositifs de soutien public, ce secteur se voyant accorder près de 50 % des dépenses déjà engagées par les pouvoirs publics. En revanche les magistrats estiment que la question des infrastructures de transport et de stockage d’hydrogène nécessiterait d’être davantage traitée.

L’institution constate l’importance du soutien public déployé en faveur de cette industrie, et estime que le coût global des dispositifs de soutien en faveur de l’hydrogène s’établirait entre 9,6 milliards d’euros et 13 milliards d’euros en incluant le coût de certains avantages profitant aux producteurs d’hydrogène tels que la compensation carbone, la tarification réduite pour l’usage des réseaux d’électricité et l’exonération d’accises sur l’électricité.

La Cour des comptes s’inquiète toutefois que ce large soutien public engendre des coûts importants pour la collectivité si la production d’hydrogène restait à long terme non compétitive, puisque les pouvoirs publics compensent par leur soutien financier cet écart de compétitivité. En effet, les magistrats estiment que, si les objectifs de la stratégie nationale en termes de capacité de production devaient être atteints, le coût du soutien à la filière hydrogène pour les pouvoirs publics se situerait entre 3,5 et 8,6 milliards d’euros par an.

Dans sa réponse à la Cour en date du 23 mai 2025, le Premier ministre indique que le soutien public n’a pas pour objectif de financer toute la capacité de production nécessaire à l’atteinte des objectifs, mais uniquement de soutenir les premières étapes de déploiement de cette technologie et que les « mécanismes de marché » assumeront une part significative de ce soutien dès 2030 par l’effet du règlement Refuel EU.

Afin de résoudre les problématiques identifiées, la Cour des comptes formule les quatre recommandations suivantes :

  • Assurer un suivi statistique de la production et de la consommation d’hydrogène incluant l’ensemble des sources et des usages.
  • Fixer dans les documents de planification énergétique des trajectoires de consommation et de production d’hydrogène réaliste au regard des perspectives de développement et de compétitivité de la filière.
  • Mettre en œuvre et contrôler l’exclusion effective de la production d’hydrogène à destination du raffinage de tout bénéfice du mécanisme budgétaire de soutien à la production.
  • Procéder à une évaluation des soutiens déjà apportés aux projets de mobilité routière afin de redéfinir la place de ces usages dans la stratégie nationale hydrogène.

 

Programmation pluriannuelle de l’énergie : toujours pas d’accord sur un texte

La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) est un document de programmation prévu et encadré par les articles L. 141-1 à L. 141-6 du Code de l’énergie.

Ainsi, que nous avions pu l’exposer dans une précédente brève, le gouvernement avait fait le choix de faire adopter la 3ème PPE par une loi (complétée d’un décret) en s’appuyant sur une proposition préexistante nommée proposition de loi Gremillet du nom de son rapporteur. L’objectif était alors de permettre aux parlementaires de discuter de la PPE et de soumettre au débat démocratique ce document d’importance stratégique pour le pays.

Le processus d’adoption de ce texte rencontre toutefois de nombreuses difficultés à tel point que la loi a finalement été rejetée par l’Assemblée nationale en première lecture le 24 juin 2025. Ce rejet fait suite à l’adoption de plusieurs amendements, dont l’amendement n° 486 prévoyant un « moratoire sur le développement de nouvelles installations de production d’électricité utilisant l’énergie photovoltaïque et éolienne » qui a soulevé une levée de boucliers de la part de tous les professionnels du secteur, mais également de la part des acteurs publics.

La proposition de loi a donc été renvoyée au Sénat afin que ce dernier examine cette dernière en deuxième lecture avant de revenir à l’Assemblée nationale.

Toutefois, comme nous l’avions exposé dans une précédente brève, la PPE peut être adoptée sous la forme d’un simple décret, conformément à ce que prévoit le Code de l’énergie.

Dès lors, face à ces difficultés, le ministre de l’Industrie et de l’Énergie, Marc Ferracci, a indiqué que le gouvernement avait l’intention de publier le décret sur la PPE 3 avant la rentrée et sans attendre la fin des débats parlementaires.

Ce changement de stratégie est justifié par le ministre par une volonté de ne pas remettre en question « le principe d’un mix électrique équilibré, reposant sur les énergies renouvelables et le nucléaire ».

Pollution de l’eau aux nitrates : l’Etat est responsable du décès d’un joggeur breton

Le 24 juin dernier, la Cour administrative d’appel de Nantes a reconnu la responsabilité de l’Etat pour le décès de M. C… provoqué par l’inhalation des gaz toxiques dégagés par les algues vertes dans l’estuaire du Gouessant.

Pour rappel, les proches de M. C… avaient recherché la responsabilité de l’Etat, de la Communauté d’agglomération de Saint-Brieuc et de la Commune d’Hillion après que ce dernier a trouvé la mort alors qu’il pratiquait la course à pied dans l’estuaire du Gouessant. Le Tribunal administratif de Rennes, alors saisi de cette affaire, avait rejeté ces demandes au motif qu’il n’avait pas été établi que le décès de la victime avait été causé par l’inhalation d’un gaz toxique, l’hydrogène sulfuré, provenant de la décomposition d’algues vertes accumulées sur place.

A l’occasion de l’appel de ce jugement devant la Cour administrative d’appel de Nantes, seule la responsabilité de l’Etat est remise en cause.

A cet égard, le juge d’appel reconnaît la faute de l’Etat du fait de sa carence dans la mise en œuvre des mesures nécessaires au respect de la Directrice Nitrates du 12 décembre 1991 (Directive 91/676/CEE), d’une part, et de la Directive Eaux brutes du 16 juin 1976 (Directive 75/440/CEE), d’autre part.

Le juge rappelle d’abord la jurisprudence communautaire reconnaissant la responsabilité de l’Etat du fait du non-respect des directives précitées (CJCE, 8 mars 2001, aff. C-266/99 et CJCE 13 juin 2013, aff. C-193/12).

Il reproche ensuite à l’Etat une insuffisance dans les politiques publiques menées pour faire respecter ces directives, en estimant, d’une part, qu’elles n’avaient pas respecté les principes définis par le législateur pour préserver la ressource en eau des pollutions diffuses d’origine agricole et, d’autre part, que l’inapplication de la législation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement, de même que la régularisation massive, sans fondement légal, des exploitations agricoles existantes et l’insuffisance des contrôles ont eu pour conséquence la dégradation continue des cours d’eau et des nappes aquifères par l’activité agricoles.

Le juge se fonde encore sur différents rapports faisant état de « l’absence de résultats visibles de diminution des phénomènes de marées vertes » ou encore de la « faiblesse et la lenteur des progrès mesurables sur les milieux aquatiques » devant conduire le législateur à repenser les politiques publiques mises en place. Le juge retient par ailleurs qu’en 2018, « 100 % des surfaces agricoles bretonnes [étaient] toujours classées en « zones vulnérables » » et que « la plupart des masses d’eau souterraines [étaient] en mauvais état pour le paramètre nitrates et que de nombreux territoires [étaient] concernés par des problèmes d’eutrophisation pour les masses d’eau souterraines ».

Le juge écarte en revanche le moyen des appelants tendant à faire reconnaître la carence de l’Etat du fait de la publication tardive d’une étude réalisée par les services de l’Etat identifiant les vasières à risque. Il considère en effet que le défaut d’information du public sur les dangers représentés par la prolifération des algues vertes, allégué par les requérants, n’était pas établi.

Puis la Cour administrative d’appel examine de manière très précise le lien de causalité entre les fautes incombant à l’Etat et le décès de M. C… Il établit l’existence de ce lien en considérant, en substance, que :

  • la prolifération des algues vertes n’aurait pas connu une telle ampleur si l’Etat n’avait pas fait preuve de carence dans la mise en œuvre de ses différentes politiques publiques ;
  • le décès de M. C… a été causé par une asphyxie rapide liée à un œdème évoquant une intoxication par inhalation d’un gaz dangereux ;
  • la décomposition des algues vertes est à l’origine d’émissions d’hydrogène sulfuré ;
  • les analyses réalisées ont révélé des concentrations d’hydrogène sulfuré susceptibles de provoquer une intoxication mortelle (le niveau d’hydrogène sulfuré à proximité de la zone où M. C… a trouvé la mort atteignait à plusieurs reprises 1 000 ppm).

Par cet arrêt, la responsabilité de l’Etat est donc engagée. Le juge l’atténue néanmoins au motif que M. C… aurait fait preuve d’imprudence en traversant, lors de sa session sportive, la filière du Gouessant, qu’il n’avait pas l’habitude d’emprunter, « dans la mesure où il connaissait les risques d’envasement et d’intoxication à l’hydrogène sulfuré liés à la présence d’algues vertes dans la vasière ».

Proposition de loi visant à renforcer et sécuriser le pouvoir préfectoral de dérogation afin d’adapter les normes aux territoires

Aujourd’hui consacré par le décret n° 2020-412 du 8 avril 2020, le pouvoir de dérogation des préfets de région et de département est accordé dans des matières limitativement définies : subventions, concours financiers et dispositifs de soutien en faveur des acteurs économiques, des associations et des collectivités territoriales ; aménagement du territoire et politique de la ville ; environnement, agriculture et forêts ; construction, logement et urbanisme ; emploi et activité économique ; protection et mise en valeur du patrimoine culturel ; activités sportives, socio-éducatives et associatives.

Ce pouvoir porte sur les normes arrêtées par l’administration de l’Etat et doit répondre aux conditions suivantes :

  • être justifié par un motif d’intérêt général et l’existence de circonstances locales ;
  • avoir pour effet d’alléger les démarches administratives, de réduire les délais de procédure ou de favoriser l’accès aux aides publiques ;
  • être compatible avec les engagements européens et internationaux de la France ;
  • ne pas porter atteinte aux intérêts de la défense ou à la sécurité des personnes et des biens, ni une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé.

Or selon le Rapport d’information n° 346 (2024-2025) intitulé Le pouvoir préfectoral de dérogation : des solutions concrètes pour adapter les normes aux territoires, le dispositif actuel ne serait pas suffisamment mis en œuvre.

Face à ce constat, une proposition de loi, déposée au Sénat le 27 mars 2025, est en discussion devant les assemblées parlementaires.

Dans la version du texte adopté par le Sénat et transmis à l’Assemblée nationale le 11 juin dernier, le pouvoir de dérogation est renforcé et précisé.

Le texte ne précise, d’abord, plus de manière limitative les domaines dans lesquels le pouvoir de dérogation peut s’exercer. L’article 1er fixe en revanche les conditions dans lesquelles la mise en œuvre de ce pouvoir est possible :

  • le préfet peut déroger à des normes arrêtées par l’administration de l’État pour des motifs d’intérêt général et pour tenir compte des circonstances locales,
  • il peut porter sur des décisions relevant soit de sa compétence, soit de celle des services et des établissements publics de l’État ayant un champ d’action territorial ;
  • la dérogation doit avoir pour objet d’alléger les démarches administratives, d’adapter les délais de procédure ou de favoriser l’accès aux aides publiques.

Il peut également, dans les mêmes conditions, prévoir des « adaptations mineures » à ces mêmes règles en vue de faciliter la réalisation de projets locaux ou le développement des territoires.

Ces dérogations et adaptations doivent répondre aux conditions suivantes :

  • elles sont compatibles avec les engagements européens et internationaux de la France ;
  • elles ne portent pas atteinte aux intérêts de la défense ou à la sécurité des personnes et des biens, ni une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé.

Ensuite, la proposition de loi crée de nouveaux régimes spécifiques de dérogation, qui s’ajoutent au régime général, dans des domaines bien précis (financement de la maîtrise d’ouvrage des opérations d’investissement, sport, éducation…).

Parmi les hypothèses citées, on notera ici plus particulièrement la possibilité pour le préfet de département ou de région de déroger aux obligations résultant des articles L. 214-17 et L. 214-18 du Code de l’environnement, régissant l’implantation et la gestion des ouvrages en vue de garantir la continuité écologique des cours d’eau (notamment les moulins). La dérogation à ces obligations pourrait être accordée lorsque :

  • le respect des obligations en cause est de nature à remettre en cause l’usage actuel ou potentiel de l’ouvrage ou à fragiliser l’équilibre économique de son exploitation ;
  • la dérogation ne porte pas une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé ;
  • la dérogation se fonde sur l’existence de circonstances locales ;
  • la dérogation est compatible avec les engagements européens et internationaux de la France.

L’exposé des motifs de la proposition de loi justifie cette mesure comme suit :

« En effet, à titre d’exemple, certains moulins à eau se voient appliquer par la préfecture des prescriptions très lourdes, qui sont soit impossibles à réaliser, soit conduiraient à des frais disproportionnés, à la charge de l’exploitant du moulin. L’article 3 permet au préfet, en pareil cas, de déroger aux règles lorsque l’impact environnemental est dérisoire et que l’application stricte des règles menace l’équilibre économique de l’ouvrage ».

Pesticides : le Conseil d’État confirme l’interdiction nationale de trois substances néonicotinoïdes

Dans une décision en date du 5 juin 2025, le Conseil d’État confirme l’interdiction nationale de trois substances néonicotinoïdes et rejette le recours introduit par le syndicat Phyteis en faveur de l’abrogation de leur interdiction.

Par un décret du 16 décembre 2020, la France a interdit l’utilisation de trois substances actives : l’acétamipride, le sulfoxaflor et la flupyradifurone, en application de l’article L. 253-8 du Code rural et de la pêche maritime en raison de leur dangerosité pour la santé et l’environnement, notamment pour les abeilles.

En juin 2023, le syndicat Phyteis (ex-UIPP) a saisi la Première ministre d’une demande d’abrogation du décret, estimant que des éléments nouveaux (avis scientifiques et décisions européennes) justifiaient son abrogation. Face au refus implicite de l’administration, le syndicat a saisi le Conseil d’État pour obtenir l’annulation de cette décision de rejet.

Il convient de noter que le Conseil d’Etat, a précédemment rejeté les recours présentés par l’Union des industries de la protection des plantes (UIPP) et la société Bayer SAS contre ce décret dans une décision en date du 15 novembre 2022 n° 449776, 449786.

En premier lieu, dans la décision commentée, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur le respect de la procédure fondée sur l’article 71 du règlement (CE) n° 1107/2009 par laquelle un Etat membre peut informer la Commission européenne de la nécessité d’adopter des mesures visant à interdire l’utilisation de certains produits ou certaines substances et, en l’absence de telles mesures, pendre lui-même les mesures conservatoires au niveau national.

Le Conseil d’Etat considère que la procédure d’information de la Commission et des autres États membres ayant été correctement suivie, aucun manquement procédural ne peut être reproché aux autorités françaises.

En deuxième lieu, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur le moyen avancé par le requérant tiré des évolutions scientifiques et règlementaires, justifiant l’abrogation du décret attaqué.

Le Conseil d’État a analysé les éléments nouveaux invoqués pour chaque substance :

  • S’agissant du Sulfoxaflor :

La haute juridiction rappelle que, conformément à l’article 71 du règlement (CE) n° 1107/2009, un État membre peut adopter des mesures conservatoires nationales provisoires lorsqu’il considère qu’un risque grave pour la santé ou l’environnement justifie l’interdiction de certaines substances. Ces mesures peuvent être maintenues jusqu’à l’adoption de mesures communautaires et leur légalité peut être examinée par le juge national.

Ici, la France ayant informé la Commission et celle-ci n’ayant pas pris de mesures contraires depuis, le Conseil d’État estime que la France était en droit de maintenir l’interdiction du Sulfoxaflor.

Ainsi, bien que la Commission européenne ait restreint l’usage de cette substance aux serres permanentes en 2022, cette décision repose sur l’article 21 du règlement (CE) n° 1107/2009, relatif au réexamen de l’approbation d’une substance active, et non sur une procédure d’urgence au sens de l’article 71 du règlement. Elle ne neutralise donc pas la mesure française dès lors que seules les mesures arrêtées par la Commission en application du paragraphe 2 de l’article 71 précité sont susceptibles d’exclure la possibilité, pour l’Etat membre concerné, d’adopter des mesures d’urgence.

Par ailleurs, le Conseil d’Etat a jugé que le maintien de l’interdiction n’est pas illégal, le risque pour les pollinisateurs restant avéré. La circonstance que l’usage du sulfoxaflor reste autorisé, au niveau européen, sous serres permanentes n’est, selon le juge, pas de nature, à démentir l’existence de risques. En outre, aucune autorisation de mise sur le marché n’est en vigueur à ce jour.

  • S’agissant de la Flupyradifurone et de l’Acétamipride :

Le juge retient d’abord que la circonstance que la Commission européenne s’est abstenue, de solliciter l’EFSA puis a engagé un réexamen de l’approbation de ces deux substances actives sans pour autant remettre en cause jusqu’ici leur approbation est sans incidence sur la légalité du décret du 16 décembre 2020. Il en va de même du fait qu’aucun des Etats membres présents ne s’est prononcé, s’agissant de ces substances, en faveur de l’adoption de mesures. Ces éléments ne caractérisent pas plus l’erreur manifeste d’appréciation, de même le fait qu’aucune semence n’est susceptible d’être enrobée avec des produits contenant cette substance, en l’absence d’autorisation de mise sur le marché de ces substances à ce jour.

Le Conseil d’Etat juge par ailleurs, s’agissant plus spécifiquement de la Flupyradifurone que l’avis scientifique de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) de 2022, dont se prévaut le requérant, ainsi que le rapport d’évaluation rendu en mai 2023 par la Grèce, désignée État membre rapporteur, évoquent un risque non écarté pour certaines abeilles et des données insuffisantes pour conclure à une innocuité générale. Le juge considère que ces éléments ne réfutent pas les fondements scientifiques initiaux du décret de 2020.

La haute juridiction considère encore, au sujet de l’Acétamipride que bien que l’EFSA ait estimé dans un avis de 2022, sur lequel s’appuie le requérant, qu’il existait une absence de preuve d’une augmentation du risque par rapport à l’évaluation ayant conduit au renouvellement de l’approbation de de cette substance en 2018, elle a également soulevé des doutes sérieux sur la sensibilité inter-espèces (oiseaux, abeilles).

En outre, dans un avis du 15 mai 2024, l’EFSA a recommandé de réduire la dose journalière admissible, en identifiant un risque pour la santé humaine. L’autorité a également souligné la nécessité de données supplémentaires pour aboutir à une évaluation appropriée des dangers et risques.

Le Conseil d’État en conclut dès lors que le maintien de l’interdiction est justifié et confirme ainsi la légalité du décret attaqué.

Qualité de l’air : la validité du Plan de protection de l’atmosphère des Alpes-Maritimes confirmée

Par une décision en date du 4 juin 2025, le Tribunal administratif de Nice a confirmé la légalité du plan de protection de l’atmosphère (PPA) des Alpes-Maritimes.

Pour rappel, les articles L. 222-4 et suivants du Code de l’environnement (C. envir.) imposent au préfet l’élaboration d’un PPA dans toutes les agglomérations de plus de 250 000 habitants, ainsi que dans les zones où un dépassement des valeurs limites ou des valeurs cibles a été constaté ou risque de l’être (article R. 222-13 C. envir.).

Le PPA détermine des objectifs de réduction des émissions globales d’un ou plusieurs polluants et les mesures pouvant être prises localement permettant d’atteindre ces objectifs (articles R. 222-14 et suivants C. envir.).

En l’espèce, par un arrêté du 5 avril 2022, le Préfet des Alpes-Maritimes a approuvé le plan de protection de l’atmosphère (PPA) du département, fixant des objectifs de qualité de l’air pour l’année 2025.

Deux requérants, M. B. et M. C., ont demandé au Tribunal administratif de Nice d’annuler cet arrêté, estimant que le plan était entaché d’illégalité, notamment en raison de son manque d’ambition et de précision en matière de lutte contre la pollution atmosphérique.

A travers la décision commentée, le Tribunal administratif de Nice rejette l’ensemble des moyens soulevés par les requérants et rappelle la nature juridique ainsi que la portée limitée du PPA.

En premier lieu, le juge inscrit le PPA dans le cadre juridique qui l’impose et en particulier la directive n° 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe définit un certain nombre d’outils applicables aux Etats membres afin de ne pas dépasser les valeurs limites qu’elle fixe. Il reconnaît alors que le PPA constitue l’un de ces outils mais qu’il ne peut, comme les autres outils mis en œuvre par les Etats, à lui seul, garantir le respect des valeurs limites de pollution atmosphérique qui s’imposent.

 

En deuxième lieu, le tribunal s’est prononcé sur les différents griefs soulevés par les requérants :

  • Les requérants reprochaient au PPA de ne pas prendre en compte et fixer comme objectifs les lignes directrices de 2021 de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Cependant, le tribunal rappelle, d’abord, qu’aucun texte n’impose l’application de ces seuils, et que le plan s’est en tout état de cause référé à la version de ces lignes directrices en vigueur au moment de sa rédaction (en 2005). Le moyen est donc rejeté.
  • Sur la prétendue incompatibilité du PPA avec le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité (SRADDET), la juridiction considère que le SRADDET ne fait pas parti des documents avec lesquels les PPA doivent être compatibles.
  • Par ailleurs, les requérants dénonçaient l’absence de traitement de l’ozone, des particules ultrafines (PM0,1) et une couverture insuffisante par les capteurs de mesure.
  • Le tribunal rappelle que l’ozone est bien intégré dans le plan (annexe 2) comme polluant secondaire, dont les sources primaires sont déjà ciblées.
  • Quant aux particules ultrafines, leur suivi n’est pas imposé par la réglementation.
  • Enfin, l’emplacement des capteurs n’a pas à être fixé par le plan, et la méthode de surveillance, combinant stations fixes et modélisation, est jugée fiable.
  • Les requérants critiquaient encore le manque d’ambition du plan s’agissant de la réduction de la pollution engendrée par le secteur des transports.
  • D’abord, ils considéraient la zone à faible émission mobilités (ZFE) mal ciblée. Or, le tribunal rappelle que le PPA ne fixe pas le périmètre de la ZFE, laquelle relève d’une autre autorité (la métropole de Nice) et d’un arrêté distinct.
  • En outre, le caractère prétendument insuffisant des actions prévues s’agissant du secteur des transport ne peut être retenu car ces actions n’ont pas à permettre à elles seules d’atteindre le respect des objectifs fixés par le plan
  • Sur l’absence de prise en compte de l’impact de l’extension de l’aéroport de Nice, le préfet a justifié que le projet d’extension n’était pas suffisamment avancé pour pouvoir être évalué lors de la rédaction du plan. Le tribunal admet cet argument, précisant que le PPA fixe des objectifs généraux, et que les mesures concrètes d’application à des projets précis relèvent d’actes ultérieurs.
  • Enfin, sur les critiques relatives aux notions de « neutralité carbone » et de « zéro net émissions » utilisées par l’aéroport, les requérants dénonçaient l’apparition de ces termes dans le plan, jugés trompeurs. Le tribunal répond que le plan ne mentionne pas la neutralité carbone, et n’évoque le concept de « zéro émission nette » que comme un objectif. De plus, les dispositions du Code de la consommation relatives aux pratiques commerciales trompeuses ne sont pas applicables aux décisions administratives.

La révision du Règlement 1008/2008 interviendra en 2026

Lors du congrès annuel de ACI Europe qui s’est tenu le 19 juin dernier à Athènes, Apostólos Tzitzikóstas, le commissaire chargé du transport et du tourisme durables, a confirmé la prochaine révision du Règlement 1008/2008 établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté[1].

A l’occasion de son discours, le commissaire aux transports a rappelé les quatre sujets stratégiques qui feront l’objet d’une attention particulière. Ont, en effet, été évoquées la capacité de l’espace aérien, la compétitivité, la décarbonisation et l’efficacité guidés par un engagement en faveur de l’innovation, l’investissement, les carburants alternatifs durables, la résilience.

Précisément, le commissaire aux transports a indiqué que la révision interviendra au cours de l’année 2026 et portera principalement sur la compétitivité mondiale des transporteurs aériens de l’Union européenne, les intérêts des consommateurs, la préservation d’emplois de haute qualité, l’amélioration de la résilience réglementaire et la capacité collectivité à répondre aux crises.

______

[1] Règlement (CE) n° 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil du 24 septembre 2008 établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté.

Le maire pourrait-il enjoindre le gestionnaire du réseau de distribution de procéder au « déraccordement » définitif d’une parcelle ?

La question du « déraccordement » d’une parcelle du réseau de distribution publique d’électricité occupe souvent les communes et autres les autorités organisatrices de la distribution d’électricité.

Si on le sait, le maire dispose d’un pouvoir de police administrative spéciale lui permettant de refuser le raccordement des installations qui ne respectent pas les dispositions du Code de l’urbanisme relatives à l’utilisation des sols (voir en article L. 111-12 du Code de l’urbanisme et Cass. 15 juin 2017, n° 16-16.838 ; peut-il retirer à postériori le droit d’accès au réseau de distribution d’électricité ?

La Cour administrative d’appel de Marseille semble ici répondre par l’affirmative, à tout le moins lorsque de nombreuses infractions au Code de l’urbanisme telles que celles constatées dans la présente affaire sont retenues contre le propriétaire de la parcelle.

Dans ce litige, le Maire de la commune de Vence avait ordonné à la société Enedis d’effectuer une coupure définitive de l’alimentation électrique, de retirer le compteur et de refuser tout futur raccordement sur une parcelle située en zone naturelle, au sein d’un espace boisé classé. Cette parcelle accueillait notamment des constructions édifiées sans autorisation ainsi que des caravanes et camping-cars entreposés de manière irrégulière.

Une décision annulée en première instance par le Tribunal administratif de Nice à la suite de la requête de la SCI propriétaire.

Saisie d’une requête en appel de la part du Maire de la commune contre le jugement ainsi rendu, la Cour administrative d’appel de Marseille reconnait pour sa part le bienfondé de cette décision en rejetant un à un les moyens soulevés par le propriétaire de la parcelle litigieuse.

Pour l’essentiel :

  • Elle considère que cette décision s’inscrit dans le cadre des dispositions de l’article L. 2212-2 du CGCT, à savoir des pouvoirs de police administratives du maire de la commune, au titre de ses prérogatives en matière de prévention des fléaux calamiteux tels que les incendies (dès lors que la parcelle en cause était concernée par un aléa très fort d’incendies de forêt) ;
  • Elle estime ensuite qu’une telle décision ne peut être considérée comme procédant au retrait irrégulier d’une décision créatrice de droit en méconnaissance de l’article L. 242-1 du Code des relations entre le public et l’administration dès lors qu’elle est prise sur le fondement de ce même pouvoir de police générale du maire ;
  • Elle juge enfin qu’au regard des buts en vue desquels cette injonction a été prononcée, cette décision n’a pas porté d’atteinte disproportionnée au droit respect de la vie privée et familiale consacré par l’article 8 de la CESDH ni aux dispositions de son article 3 relatives aux traitements inhumains ou dégradants. A ce titre la Cour relève que la SCI propriétaire ne peut se prévaloir de la présence d’une maison d’habitation sur cette parcelle alors que cette dernière n’est pas autorisée ;

Si en première lecture le raisonnement de la Cour administratives d’appel de Marseille peut interroger par certains aspects, cet arrêt pourrait ouvrir la voie à de nombreuses décisions de déraccordement.

Implantation irrégulière d’ouvrages électriques sur les terrains privés : il est possible pour le propriétaire de solliciter du juge des référés la désignation d’un expert afin d’apprécier la possibilité de procéder à son déplacement

Le juge administratif est souvent saisi par des propriétaires sollicitant le déplacement ou la suppression d’ouvrages de distribution d’électricité implantés sur leur parcelle en raison des troubles de jouissances qu’entraînent leur présence.

Deux cas de figure sont alors à distinguer :

  • L’ouvrage est régulièrement implanté sur la parcelle en vertu d’une convention de servitude régulièrement conclue ou d’une déclaration d’utilité publique des ouvrages (il devra alors être déplacé si sa présence porte atteinte aux droits de propriété du propriétaire dans les conditions prévues par le cahier des charges de la concession de distribution d’électricité conclue par le gestionnaire du réseau) ;
  • L’ouvrage est irrégulièrement implanté sur la parcelle.

Dans ce deuxième cas, le juge administratif peut ordonner la démolition ou le déplacement de l’ouvrage prétendument implanté de façon irrégulière sous réserve que, conformément à une jurisprudence bien établie, soient réunies les conditions suivantes :

  • le caractère irrégulier de l’implantation de l’ouvrage est établi ;
  • il n’y a pas, le cas échéant, de possibilité de régularisation de cette-dernière ;
  • enfin, il ne résulte pas du déplacement ou de la suppression sollicitée de l’ouvrage une atteinte excessive à l’intérêt général au regard des inconvénients que la présence de l’ouvrage entraîne pour le propriétaire du terrain d’assiette (selon la théorie du bilan « avantages/inconvénients ») (Voir notamment en ce sens CE, 29 janvier 2003, Syndicat départemental de l’électricité́ et du gaz des Alpes Maritimes, n° 245239 ou encore CAA de Nancy, 16 mars 2021, C c/ société Enedis, n° 20NC00531).

Une démonstration qu’il convient de préparer afin d’éviter d’engager les frais et subir les délais de justice inhérents à ce genre de contentieux, sans pour autant obtenir la mesure d’injonction sollicitée.

Et à ce titre, la Cour administrative d’appel de Toulouse vient de rendre un arrêt intéressant.

Elle reconnaît la possibilité à un propriétaire d’un bâtiment de saisir le juge des référés (d’un référé dit « mesures utiles ») afin qu’il prescrive une mesure d’expertise sur le fondement des dispositions de l’article R. 532-1 du Code justice administrative « aux fins d’apprécier la possibilité de déplacer ou de remplacer le transformateur installé sur leur propriété et d’évaluer les préjudices qui résultent de cette présence. »

Dans cette affaire, la Cour a estimé que l’expertise sollicitée constituait une mesure utile, dès lors qu’un désaccord était établi entre le propriétaire et le gestionnaire du réseau de distribution quant aux conséquences dommageables liées à l’implantation d’un poste de transformation sur la parcelle, susceptible de faire l’objet d’un contentieux. Elle a également relevé qu’il n’était pas démontré que les propriétaires étaient en mesure d’apprécier eux-mêmes les effets préjudiciables de cette implantation.

On rappellera en effet que l’utilité de la mesure d’instruction ou d’expertise sollicitée est appréciée, « d’une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d’autres moyens et, d’autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l’intérêt que la mesure présente dans la perspective d’un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher ».

Une telle expertise pourrait permettre à de nombreux propriétaires d’obtenir dans des délais relativement raisonnables les moyens de satisfaire leurs demandes de déplacement d’ouvrage (formulée, le cas échéant, à l’amiable ou devant les tribunaux administratifs).