Loi Duplomb : censure partielle du Conseil constitutionnel

Par une décision en date du 7 août 2025 et sur la saisine de plus de 60 sénateurs et députés, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la conformité à la Constitution de la loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, dite loi Duplomb ou loi « contraintes » (cf. notre article sur le sujet).

Cette décision a censuré la mesure qui introduisait une dérogation à l’interdiction des produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes. Le Conseil constitutionnel juge en effet que cette possibilité de dérogation n’était pas assez encadrée, dès lors que le texte permettait une dérogation pour toutes les filières agricoles sans cibler précisément celles pour lesquelles aurait été identifiée une menace particulière dont la gravité compromettrait la production agricole, que la dérogation était accordée sans limitation de durée et qu’elle permettait le recours à des techniques de pulvérisation, présentant un risque de dispersion plus élevé. Ce faisant, cette disposition n’était pas conforme aux exigences de l’article 1er de la Charte de l’environnement consacrant le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. Cela implique donc que le législateur pourrait, dans un futur texte, réintroduire cette dérogation à l’interdiction des néonicotinoïdes en l’assortissant des garanties mentionnées par le Conseil constitutionnel.

Au contraire, ont été validées les mesures suivantes :

  • La modification des modalités de consultation du public sur certains projets d’élevage soumis à autorisation environnementale. Le Conseil constitutionnel estime en effet que ces dispositions ne méconnaissent pas le principe d’égalité dès lors que, si elles instaurent une différence de traitement entre les exploitants selon l’installation qu’ils exploitent, cette différence de traitement est fondée sur une différence de situation en rapport avec l’objet de la loi puisque « le législateur a pu considérer que les installations destinées à ces types d’élevages se distinguent des autres exploitations». Le moyen fondé sur le droit de participation aux décisions environnementales est également écarté ;
  • La possibilité de soumettre à enregistrement, et non à autorisation, les installations classées de protection de l’environnement en matière d’élevage, au regard du pouvoir de police que détient également le préfet sur ces installations et à qui il peut imposer des prescriptions ;
  • La création d’une présomption d’intérêt général majeur des ouvrages de stockage d’eau à finalité principalement agricole, le Conseil relevant que si ces ouvrages peuvent porter atteinte à l’environnement, la disposition poursuit un motif d’intérêt général et est suffisamment encadrée pour ne pas méconnaitre l’article 1er de la Charte de l’environnement. Il relève toutefois que cette disposition ne saurait être interprétée comme permettant la réalisation de prélèvements d’eau au sein de nappes inertielles, ni comme instituant une présomption irréfragable, et qu’il demeure en tout état de cause nécessaire que les autres conditions de la dérogation espèces protégées soient réunies pour que celle-ci soit accordée.

La loi n° 2025-794 du 11 août 2025 visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur a ainsi été publiée au Journal officiel le 12 août 2025.

PFAS (substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées) : campagne de mesures en entrée et sortie des stations d’épuration

Un arrêté du 3 septembre 2025 fixe les modalités d’analyse des substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) en entrée et sortie des stations de traitement des eaux usées urbaines.

Une campagne de mesure est ainsi imposée aux stations de traitement des eaux usées urbaines de capacité nominale supérieure ou égale à 10.000 équivalent-habitants.

La campagne doit porter sur les substances suivantes :

  • Les PFAS annexés à l’arrêté (l’annexe comportant 22 substances : les vingt substances relevant du contrôle sanitaire de l’eau et deux substances utilisées dans les mousses à incendie) ;
  • Les PFAS quantifiés dans les rejets aqueux des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) ayant fait l’objet d’une campagne d’analyses PFAS au titre de l’arrêté du 23 juin 2023 et qui sont raccordées au réseau d’assainissement. Les maitres d’ouvrage des stations de traitement disposent d’un délai de 3 mois pour identifier ces ICPE et les substances.

Cette campagne doit consister en trois mesures, espacées d’au moins un mois, en entrée et en sortie de traitement de la station et doit être terminée au plus tard le 31 décembre 2026. Les prélèvements entrée/sortie doivent être réalisés le même jour et les analyses doivent permettre de quantifier les concentrations moyennes de PFAS sur vingt-quatre heures.

Les modalités de prélèvements et de transmission des données sont également précisées par l’arrêté.

Géothermie : finalisation de la réforme du Code minier

Arrêté du 27 août 2025 fixant les modalités selon lesquelles sont établies les demandes portant sur les titres de géothermie

Une réforme du Code minier a été entamée par la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi climat et résilience, laquelle a été complétée par les ordonnances n° 2022-536 du 13 avril 2022 modifiant le modèle minier et les régimes légaux relevant du Code minier et n° 2022-1423 du 10 novembre 2022 portant diverses dispositions relatives au Code minier.

Dans ce cadre, quatre décrets ont été publiés au Journal officiel du 28 août 2025 pour compléter cette réforme, dont le décret n° 2025-852 relatif aux activités de recherche et d’exploitation de géothermie. Ce décret abroge celui du 28 mars 1978 qui régissait jusqu’à présent les titres de recherches et d’exploitation de géothermie.

Parmi les modifications apportées par le nouveau décret, les éléments suivants relatifs aux aspects environnementaux de la procédure d’octroi d’un titre de géothermie peuvent être mis en avant :

1°) L’article 11 du décret précise le contenu de l’analyse environnementale, économique et sociale devant être réalisée préalablement à l’octroi d’un titre de géothermie. Sur le plan environnemental, le décret renvoie à l’article R. 122-20 du Code de l’environnement qui fixe le contenu du rapport environnemental produit dans le cadre de l’évaluation environnementale des plans et programmes. Côté économique et social, l’analyse devra porter notamment sur l’intérêt de l’exploitation du gîte géothermique et ses principaux impacts directs économiques et sociaux ainsi que sur la contribution à la décarbonation des territoires et aux objectifs nationaux énergétiques. L’étude doit également préciser les éventuelles actions d’information et de concertation organisées préalablement au dépôt de la demande.

2°) Les modalités de saisine pour avis sur l’analyse environnementale, économique et sociale sont fixées aux articles 31 et suivants du décret. Doivent ainsi être consultés la formation d’autorité environnementale de l’IGEDD et le Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies, qui ont un délai de deux mois pour se prononcer. D’autres consultations sont prévues à l’article 35 du décret (collectivités, agence régionale de santé, etc.).

3°) Conformément à l’article 34 du décret, la demande de permis exclusif de recherche est soumise à une procédure de participation du public (celle de l’article L. 123-19 du Code de l’environnement). Une enquête publique est nécessaire pour les autorisations de recherche et les permis d’exploitation.

4°) L’autorisation de recherches ou le permis d’exploitation doit être précédé d’une évaluation environnementale lorsqu’ils définissent le cadre de projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement (article 21 du décret).

D’autres modifications sont également apportées au régime des titres de géothermie (délai de 45 jours au lieu de 30 pour déposer une candidature concurrente à la demande de titre, ajout de la géothermie aux servitudes d’utilité publique annexées au Code de l’urbanisme, etc.).

Le décret ne s’applique pas aux demandes présentées avant le 1er juillet 2024.

Enfin, l’arrêté du 27 août 2025 fixant les modalités selon lesquelles sont établies les demandes portant sur les titres de géothermie définit le contenu exact de la demande de titre géothermique devant être déposée.

Présentation du décret de simplification du droit de l’environnement

Le décret n° 2025-804 du 11 août 2025 porte diverses mesures dites de « simplification du droit de l’environnement ».

1°) Tout d’abord, il apporte une nouvelle définition des ouvrages composant un système d’endiguement. Ainsi, si l’article R. 562-13 du Code de l’environnement mentionnait auparavant qu’« une ou plusieurs digues » ainsi que les ouvrages autres que des barrages, qui, eu égard à leur localisation et à leurs caractéristiques, complètent la prévention, pouvaient composer le système d’endiguement, il est aujourd’hui prévu que ce dernier comprend une ou plusieurs digues ou ouvrages contribuant à la prévention des inondations et les ouvrages nécessaires à son efficacité et à son bon fonctionnement.

L’article R. 214-125 du Code de l’environnement concernant la surveillance des ouvrages hydrauliques en cas d’évènement ou évolution les concernant est également modifié. Seul le « responsable d’ouvrage » est désormais mentionné et non le propriétaire, l’exploitant ou le gestionnaire du système d’endiguement.

2°) Le décret introduit également un nouvel article R. 411-21-4 au Code de l’environnement, lequel fixe une durée de validité de cinq ans des inventaires faune flore réalisés pour l’évaluation des incidences d’un projet. L’autorité compétente pourra néanmoins demander des compléments ou actualisations notamment si des enjeux écologiques nouveaux apparaissent. Un inventaire peut être utilisé pour la description de l’état initial d’un autre projet situé sur la même zone d’inventaire voire pour l’évaluation des incidences notables des projets s’ils sont susceptibles d’avoir des incidences similaires.

3°) D’autres dispositions apportent des précisions rédactionnelles sur la cessation d’activité des ICPE soumises à autorisation et enregistrement, afin de bien identifier l’attestation qui doit être produite en cas de demande de maintien d’une zone de pollution concentrée (articles R. 512-39-3 et R. 512-46-27 du Code de l’environnement).

En outre, à compter du 1er janvier 2026, les déclarations et rapports d’incident ou d’accident survenus au sein des ICPE devront être transmis sous forme dématérialisée d’une téléprocédure, sauf pour les informations susceptibles de porter atteinte à des intérêts protégés et les installations relevant de la défense.

4°) Il est précisé que le périmètre des servitudes visant à protéger des accidents à cinétique rapide doit être fixé en prenant en compte la nature et l’intensité des risques technologiques décrits dans les études de dangers et des mesures de prévention mises en œuvre.

5°) Enfin, concernant l’accélération des grands projets de décarbonation industrielle, il est précisé que le silence du ministre vaut rejet de la demande de dispense d’évaluation environnementale à l’expiration d’un délai de 3 mois à compter du dépôt de la demande.

Dérogations espèces protégées : appréciation de la complétude des espèces visées

Par une décision en date du 18 juillet 2025, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur les moyens pouvant être soulevés à l’encontre d’une dérogation espèces protégées.

Dans cette affaire, le Département du Loiret avait obtenu une déclaration d’utilité publique, une autorisation « loi sur l’eau », ainsi qu’une dérogation espèce protégée, fondée sur l’article L. 411-2 du Code de l’environnement, pour la réalisation d’une déviation d’une route départementale et pour la création d’un pont.

Une association contestait cette dernière décision, en arguant notamment du fait que la dérogation espèces protégées ne portait pas sur l’ensemble des espèces affectées par le projet. La Cour administrative d’appel de Versailles avait écarté ce moyen qu’elle avait considéré inopérant.

Le Conseil d’Etat censure toutefois ce raisonnement et expose qu’il est possible de soulever, à l’encontre d’un arrêté portant dérogation espèces protégées, un moyen tiré du fait qu’elle ne porte pas sur l’ensemble des espèces affectées par le projet. Le juge doit alors apprécier la légalité de la dérogation espèces protégées à la date à laquelle elle a été adoptée et au regard des pièces produites par les parties, mais en prenant en compte toute éventuelle dérogation modificative accordée postérieurement.

Le juge relève en l’espèce qu’une dérogation modificative a été accordée pour couvrir l’ensemble des espèces protégées pour lesquelles le projet représente un risque suffisamment caractérisé.

Il estime également que la dérogation accordée remplie l’ensemble des conditions posées par l’article L. 411-2 du Code de l’environnement. Notamment, il indique que le projet du Département du Loiret répond à une raison impérative d’intérêt public majeur dans la mesure où le projet va améliorer le cadre de vie des habitants des communes traversées, renforcer la sécurité des usagers, développer les capacités d’évacuation des populations en cas de crue importante de la Loire et améliorer les conditions de circulation dans l’Est de l’agglomération d’Orléans.

PPE 3 (Programmation pluriannuelle de l’énergie) : Adoption de la proposition de loi Gremillet en deuxième lecture par le Sénat sans moratoire sur les projets de production d’énergie renouvelable

La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) est un document de programmation prévu et encadré par les articles L. 141-1 à L. 141-6 du Code de l’énergie.

Ainsi, que nous avions pu l’exposer dans une précédente brève, la proposition de loi Gremillet, qui devait servir de véhicule législatif pour permettre l’adoption de la PPE pour la période 2025 à 2035 (PPE 3) par le Parlement, a été rejetée par l’Assemblée nationale en première lecture le 24 juin 2025.

La navette parlementaire suivant son cours, cette proposition de loi est donc revenue devant le Sénat en deuxième lecture, qui l’a à nouveau adoptée le 8 juillet 2025.

Cette nouvelle version du texte ne contient pas de moratoire sur le développement de nouvelles installations de production d’électricité utilisant l’énergie photovoltaïque et éolienne, dont l’introduction par amendement lors de l’examen du texte par l’Assemblée nationale avait inquiété les acteurs du secteur des énergies renouvelables et contribué au rejet du texte par les députés.

Le texte adopté par le Sénat prévoit, à son article 5, l’introduction du terme d’énergie décarbonée, incluant à la fois les énergies renouvelables et l’énergie nucléaire, et la fixation d’un objectif de porter la part de cette énergie décarbonée à 58 % au moins de la consommation finale brute d’énergie en 2030. Soit une production de 560 térawattheures en métropole continentale, dont au moins 200 térawattheures devront être issus de sources renouvelables.

Le texte prévoit également, à son article 3, le maintien en fonctionnement de l’ensemble du parc nucléaire historique et l’objectif de tendre vers 27 gigawatts de nouvelles capacités installées de production d’électricité d’origine nucléaire à l’horizon 2050.

Enfin, s’il avait été indiqué par le ministre de l’Industrie et de l’Énergie, que le Gouvernement souhaitait publier un décret PPE3 avant septembre afin de ne pas avoir à attendre la fin des débats parlementaires, et si un communiqué de presse est venu annoncer la publication imminente du décret pour le 1er août, à ce jour, aucun décret approuvant PPE 3 n’a été publié.

Entrée en vigueur du nouveau mode de financement du financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale (FACE)

Ce 1er août, la réforme du mode de financement du dispositif de financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale (FACE), tel que prévu par l’article 20 de la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025, est entrée en vigueur.

Pour rappel le dispositif FACE, a pour objet d’apporter une aide financière aux autorités organisatrices de la distribution d’électricité (AODE) dans leurs travaux de restructuration des réseaux, de maîtrise de la demande en électricité et de production d’énergie renouvelable en sites isolés en en milieu rural.

Ce soutien financier était jusqu’à présent permis par une contribution des gestionnaires de réseau public de distribution d’électricité, calculée en fonction du nombre de kilowattheures distribués à partir des ouvrages exploités en basse tension au cours de l’année précédente.

Le dispositif incluait un mécanisme de péréquation territoriale, par lequel les réseaux desservant des communes de plus de 2.000 habitants se voyaient imposer un niveau de contribution plus élevée.

La justification de cette contribution plus importante des réseaux urbains était d’assurer un soutien aux territoires ruraux souffrant le plus des défauts de tenue de tension et de continuité d’alimentation.

Comme le prévoit l’article 7 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011, tel que modifié par l’article 20 de la loi de finances pour 2025, cette contribution est désormais supprimée et le financement du dispositif FACE se base à présent sur un versement d’une fraction du produit de l’accise sur l’électricité.

Ce versement a été fixé pour 2025 à un montant 377 millions d’euros et il est également prévu que ce montant soit indexé sur l’inflation et évolue donc annuellement de manière automatique.

La ministre en charge des Comptes publics, Mme Amélie de Montchalin, a indiqué, à l’occasion de sa réponse à une question au gouvernement n° 0446S en date du 3 avril 2025, que les motivations de cette réforme étaient de mettre en conformité le dispositif FACE avec le droit européen et de le renforcer financièrement en l’indexant sur l’inflation.

Cette modification des sources de financement du dispositif FACE est sans impact sur les règles relatives aux modalités d’attribution des aides, qui ont déjà fait l’objet d’un réforme en fin d’année dernière par un décret analysé dans une précédente brève.

Assainissement : le Gouvernement serre la vis

Le 4 juillet 2025 pas moins de quatre ministres (ministres des Outre-Mer, de l’Intérieur, de l’Aménagement du Territoire et de la Transition écologique) ont signé une instruction adressée aux préfets visant à renforcer l’adoption des mesures pour inciter les collectivités à respecter les exigences réglementaires relatives à la collecte et au traitement des eaux usées urbaines.

Dans le prolongement de l’instruction du 18 décembre 2020 relative à la collecte et au traitement des eaux urbaines résiduaires (NOR TREL2007176J), que la présente instruction abroge, le Gouvernement revient sur la situation critique de l’assainissement en France. Il se fonde à cette fin sur la dernière condamnation de la France par la CJUE le 4 octobre 2024, pour manquements aux obligations de la DERU de 1991 concernant 78 agglomérations d’assainissement mais également sur les condamnations antérieures ou encore sur le rapport de mars 2023 établi par la mission conjointe IGEDD/IGA.

Cette instruction a pour objectif de rappeler que la gestion de l’assainissement collectif revient aux collectivités compétentes et demande aux préfets une nouvelle mobilisation de leur part pour accentuer leurs interventions au titre de leurs pouvoirs de police et assurer ainsi le respect de la réglementation en vigueur en matière de collecte et de traitement des eaux usées.

L’annexe 1 de l’instruction fait l’inventaire des procédures contentieuses dirigées contre la France par la Commission européenne ainsi que des condamnations financières qui ont été prononcées à son encontre et à l’encontre d’autres Etats membres.

Elle rappelle par ailleurs la « co-responsabilité » de l’Etat et des collectivités territoriales face aux condamnations communautaires ainsi que l’action récursoire ouverte à l’Etat depuis la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe) désormais codifiée à l’article L. 1611-10 du Code général des collectivités territoriales (CGCT).

A cet égard, et dans la perspective de consolider les argumentaires de l’Etat auprès des instances européennes, l’instruction invite les préfet qui sont aujourd’hui en lien avec les maîtres d’ouvrage à « rester en contact étroit avec ces collectivités afin de les informer régulièrement de leur situation (a minima une fois par an et chaque fois que des informations sont adressées à la Commission européenne) et de recueillir auprès d’elles toutes les informations utiles et les plus récentes possibles pour rendre compte de l’avancement de la mise en conformité ».

L’annexe 2 rappelle quant à elle les différents pouvoirs de police à mobiliser par les préfets pour inciter les collectivités à respecter les dispositions qui leur incombent en matière d’assainissement. L’instruction les incite alors à constater les manquements administratifs et appliquer les mises en demeure puis, en tant que de besoin, les sanctions administratives.

Le Gouvernement rappelle encore les leviers législatifs et réglementaires permettant aux préfets d’intervenir dans ce domaine : la possibilité de veiller à ce qu’une autorisation d’urbanisme ne puisse intervenir que lorsque les conditions de collecte ou de traitement des eaux usées sont conformes à la réglementation en vigueur, le contrôle de légalité des actes d’urbanisme ou encore l’instruction des documents d’urbanisme dans les cas où cette fonction revient aux services de l’Etat. L’instruction identifie également les moyens d’action de l’Etat au cours de la procédure de révision des PLU(i).

Dans son annexe 3, l’instruction identifie enfin le travail et les missions à conduire par les services de police de l’eau, les DREAL, les agences, les offices de l’eau et l’Office français de la biodiversité et notamment le contrôle des installations d’assainissement ou encore l’animation et la coordination des services départementaux de police de l’eau.

Trait de côte : la stratégie nationale en consultation

Le 1er septembre dernier s’est ouverte la consultation du public relative au projet de stratégie nationale de gestion du trait de côte.

La définition d’une telle stratégie nationale du trait de côte résulte de la loi Climat et Résilience du 22 août 2021. Aux termes de l’article L. 321-13 A du Code de l’environnement, elle « constitue le cadre de référence pour la protection du milieu et la gestion intégrée et concertée des activités au regard de l’évolution du trait de côte à l’échelle d’une cellule hydro-sédimentaire et du risque qui en résulte. Elle est mise en œuvre dans le respect des principes de gestion intégrée et concertée des activités liées à la mer et au littoral prévue aux articles L. 219-1 à L. 219-6-1 ainsi qu’en cohérence avec la stratégie nationale de gestion des risques d’inondation définie à l’article L. 566-4. ».

Le projet de stratégie a vocation à fixer un cadre pour la période 2025-2030.

Elle se décline en neuf principes communs :

  • limiter l’artificialisation de la bande côtière et l’urbanisation de secteurs soumis au recul du trait de côte,
  • planifier la recomposition spatiale du littoral,
  • restaurer les écosystèmes détériorés en favorisant les solutions fondées sur la nature,
  • prendre en compte les enjeux liés à ce recul dans l’ensemble des politiques publiques existantes sur les territoires littoraux,
  • appréhender les territoires de manière globale pour définir des stratégies coordonnées et cohérentes,
  • élaborer un projet territorial associant les populations concernées basé sur une approche systémique, transversale et pluridisciplinaire,
  • anticiper les évolutions liées à l’augmentation des évènements climatiques,
  • partager les connaissances et les données avec l’ensemble des acteurs du littoral et de la population.

Et huit recommandations :

  • améliorer la connaissance des phénomènes littoraux,
  • mettre à la disposition des porteurs de projet des connaissances et des outils d’évaluation,
  • déterminer les échelles temporelles et spatiales d’action cohérentes pour la recomposition des territoires,
  • développer une gestion territoriale cohérente en concertation avec les acteurs locaux et la population,
  • baser les choix opérationnels de gestion de la bande côtière sur l’analyse de différentes trajectoires d’adaptation et au regard d’une évaluation globale des impacts,
  • réserver les opérations de fixation du trait de côte aux zones à forts enjeux,
  • privilégier le développement des solutions fondées sur la nature,
  • évaluer l’impact hydrogéologique des effets du recul du trait de côte sur la ressource en eau.

Pour répondre à l’ensemble de ces problématiques, la stratégie définit alors cinq axes, lesquels définissent les actions envisagées pour le partage des connaissances, l’engagement des territoires dans la trajectoire d’adaptation, la mobilisation des outils utiles à l’adaptation, la sensibilisation des acteurs pour obtenir leur implication et les enjeux financiers.

La consultation est ouverte jusqu’au 23 septembre prochain permettant ainsi à toute personne intéressée de prendre connaissance de la stratégie envisagée et, le cas échéant, soumettre des propositions permettant de renforcer ou modifier la stratégie à définir.

Péages ferroviaires : Publication du Rapport IGF-IGEDD dans un contexte tendu entre Régions et SNCF Réseau

CE, 5 mars 2024, n° 472859

Le rapport sur les péages ferroviaires établi par l’Inspection générale des finances (IGF) et l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) a enfin été publié le 4 septembre dernier, plus d’un an après sa finalisation.

Aux termes de ce document, les rédacteurs formulent 13 propositions, notamment celle de précéder la fixation de la tarification par un dialogue entre SNCF Réseau et les régions sur le coût complet du réseau que ces dernières exploitent. L’acceptabilité de la redevance de marché (RM) par les autorités organisatrices suppose de :

  • justifier la redevance au premier euro sur des bases objectives liées à l’infrastructure en elle-même afin d’envoyer un signal économique clair ;
  • valoriser la circonstance que la performance du réseau n’est pas la même selon les régions ;
  • tenir compte du fait que les régions n’ont pas l’usage exclusif des infrastructures.

Parmi les autres propositions formulées figurent également celles d’allonger le cycle tarifaire à cinq ans permettant de donner de la prévisibilité aux entreprises ferroviaires et de plafonner la hausse maximale des redevances par segment de marché dans le contrat de performance conclu entre l’Etat et SNCF Réseau, si besoin en référence à l’inflation.

La publication de ce rapport s’inscrit dans un climat tendu entre SNCF Réseau et les régions. En effet, on rappellera que sept régions et Ile-de-France Mobilités ont obtenu l’annulation, par le Conseil d’Etat, de la tarification d’utilisation du réseau ferré national pour 2024, laissant ainsi sept mois à SNCF Réseau pour relancer une nouvelle procédure de fixation de ces redevances. Et, selon le média l’Informé[1], plusieurs régions auraient été à l’initiative d’un nouveau recours contentieux devant la juridiction administrative afin de contester l’augmentation significative des péages ferroviaires pour 2025-2026.

A suivre, donc.

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[1] TER : sept régions repartent en guerre contre les tarifs de la SNCF, Thierry Mestayer, 2 septembre 2025

Vers une modification des modalités de résiliation anticipée des contrats d’obligation d’achat d’électricité

Les installations produisant de l’électricité à partir de biogaz et, le cas échéant, de la chaleur en cogénération bénéficient au titre de l’article L. 314-1 du Code de l’énergie d’un dispositif d’obligation d’achat d’électricité par la société EDF ainsi que les entreprises chargées de la fourniture d’électricité.

Suivant la date de signature du contrat d’achat et la typologie des installations de production d’électricité en cause, différents arrêtés viennent fixer les conditions d’achat de l’électricité produite.

Ainsi, l’arrêté du 13 décembre 2016 dit arrêté « BG16 » (modifié par les arrêtés du 29 décembre 2023 et du 3 décembre 2024) vient fixer les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant à titre principal le biogaz produit par méthanisation de déchets non dangereux et de matière végétale brute d’une puissance installée strictement inférieure à 500 kW pour les contrats d’achat signés à partir du 14 décembre 2016.

Les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations qui valorisent le biogaz au titre de contrats d’achat signés entre le 21 mai 2011 et le 13 décembre 2016 étaient quant à elles fixées en leur temps l’arrêté du 19 mai 2011 (dit « BG11 »), avant qu’il ne soit abrogé par l’arrêté du 13 décembre 2016 susvisé.

La CRE a été saisie le 24 juin 2025 d’un projet d’arrêté visant à modifier l’arrêté tarifaire BG16 et les modalités contractuelles des installations titulaires d’un contrat d’achat conclu en application de l’arrêté tarifaire BG11.

En substance, ce projet d’arrêté prévoit d’exempter, pour l’ensemble des contrats d’obligation d’achat conclus en vertu de l’arrêté BG16 et pour certains contrats conclus en vertu de l’arrêté BG11, le paiement d’indemnités en cas de résiliation anticipée du contrat lorsque producteur arrête définitivement la production d’électricité à partir de biogaz au profit :

  • de l’injection du biométhane produit par méthanisation de déchets non dangereux et de matière végétale brute dans le réseau de gaz naturel ou dans un point d’injection distant
  • ou de la valorisation du biométhane produit par méthanisation de déchets non dangereux et de matière végétale brute en tant que carburant alternatif ;
  • ou encore de la valorisation du biogaz pour la production de chaleur.

Dans sa délibération du 24 juillet 2025, la CRE rend un avis favorable à cette modification qui permettra selon elle de concourir à l’atteinte de l’objectif de décarbonation de la consommation de gaz naturel fixé dans la PPE.

Elle considère toutefois – dès lors que la conversion des installations en cause à l’injection (à l’origine de la résiliation des contrats d’obligation d’achat) pèse en grande partie sur les consommateurs via le TURPE – qu’il est nécessaire de conditionner ces dispositifs pour s’assurer de la réalité des projets d’injection et leur état d’avancement.

Rappel sur la responsabilité des gestionnaires de réseau de distribution du fait des dommages causés aux tiers par leurs ouvrages

Par un arrêt du 3 juillet 2025, la Cour administrative d’appel de Lyon a rappelé les contours de la responsabilité du gestionnaire du réseau de distribution de gaz (ici la société GRDF) du fait des dommages causés aux tiers par les ouvrages dont il a la garde.

Dans cette affaire, une explosion de gaz provoquée par l’embrasement d’un local technique avait le 13 mai 2018 partiellement détruit le pont Albertin, situé sur le territoire de la commune de Grignon. Cet ouvrage public du département de la Savoie supporte une route départementale ainsi que le réseau de distribution de gaz exploité par la société GRDF.

Le département de la Savoie et l’un de ses assureurs ont alors introduit un recours indemnitaire contre la société GRDF en réparation des préjudices qu’ils ont subis du fait de cet évènement. Dans le même temps, la société GRDF a elle-même demandé au Tribunal administratif de Grenoble la condamnation du Département ainsi que de ses assureurs en réparation des préjudices que la catastrophe aurait causée à son réseau.

Le Tribunal administratif de Grenoble a, par deux jugements du 4 juillet 2024, rejeté les conclusions indemnitaires de la société GRDF. Jugements contre lesquels cette dernière interjette appel devant la Cour administrative de Lyon.

Il s’agit donc pour cette dernière d’établir la responsabilité des parties prenantes à cette affaire sur la base du régime de la responsabilité des ouvrages public.

A ce titre, elle rappelle d’abord qu’une collectivité publique telle que le Département de la Savoie ne peut être tenue pour responsable des dommages causés par un ouvrage public à ses usagers dès lors qu’elle démontre son aménagement et son entretien normal (sauf à ce qu’il s’agisse d’un ouvrage exceptionnellement dangereux).

Et en l’espèce, il résulte des expertises menées que l’ouvrage public départemental que constitut le pont Albertin était normalement entretenus. Ainsi, la Cour considère que la société GRDF n’est pas fondée, en sa qualité d’usager du pont, à engager la responsabilité du Département.

En revanche, elle considère que le Département de la Savoie est pour sa part bien fondé à engager la responsabilité du gestionnaire. En effet ce dernier, en sa qualité de maître d’ouvrage, est responsable même sans faute des dommages causés aux tiers (tels que le Département) par les ouvrages dont il a la garde (ici la canalisation à l’origine de l’explosions).

La responsabilité de la société GRDF doit donc ici être retenue à l’égard de la collectivité du fait de l’explosion du réseau de distribution qu’il exploite.

La Cour précise que si le gestionnaire peut s’exonérer de cette responsabilité en cas de faute de la victime et de force majeure, tel n’est pas le cas en présence du fait d’un tiers, même s’il est à l’origine du dommage (cette circonstance ayant été avancée par la société GRDF pour se dégager de sa responsabilité).

Au total, elle rejette donc les requêtes de la société GRDF.

Cette jurisprudence permet de confirmer très explicitement la responsabilité des gestionnaires de réseau de distribution du fait des dommages causés par leurs réseaux, même du fait de tiers.

Entre instabilité politique et constats partagés : que faut-il retenir de la conférence des financements de la mobilité ?

Comme nous vous l’avions annoncé, le Rapport final de la Conférence des mobilités a été transmis au ministre des Transports et a été rendu public à la fin du mois de juillet dernier.

Conscientes que l’heure était bien plus au bouclage des dossiers et des valises qu’à la réflexion sur l’avenir des mobilités, les auteures des présentes lignes ont alors considéré que cela serait le parfait sujet d’un focus de rentrée.

Naïves que nous sommes, c’était sans compter avec les affres de la Vème République !

Ainsi, à l’heure où nous vous écrivons, le Gouvernement actuel vit ses derniers instants en se contentant d’expédier les affaires courantes. Et si nouveau Premier ministre, Monsieur Sebastien Lecornu a été désigné, le nouveau Gouvernement, lui, ne l’est pas encore. Or, le sujet du financement des mobilités ne relève manifestement pas de la gestion des affaires courantes…

La question s’est donc posée. Fallait-il maintenir ce focus ?

Et notre réponse a été sans appel : Oui, absolument.

En effet, quels que soient les gouvernements à venir, ils devront se poser la question de l’avenir des mobilités dans un contexte de réseaux vieillissants, de fracture territoriale persistante et d’urgence climatique.

Or, lorsque plus de cinquante professionnels du secteur (parlementaires, fédérations professionnelles, fédérations d’usagers, experts en transports…) se réunissent pour échanger durant trois mois sur l’avenir de la mobilité et rendent un rapport sur un sujet aussi structurant, on ne peut pas se contenter de remiser le rapport rendu, aussi imparfait soit-il, dans l’armoire des projets avortés.

Il nous parait donc toujours plus d’actualité de l’évoquer, ne serait-ce que pour bien se rappeler les constats partagés et, dans une certaine mesure, pour résumer les solutions envisagées.

Pour rappel la conférence des financements avait institué quatre ateliers :

  • le modèle économique des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) et des services express régionaux métropolitains (SERM) ;
  • l’avenir des infrastructures routières ;
  • les infrastructures et services ferroviaires de voyageurs ;
  • le report modal et le transport de marchandises.

Et, le rapport de synthèse est structuré en trois parties, que nous résumons ici :

  • Le constat partagé d’investissements à réaliser (I)
  • Les solutions à court terme (II), dont on ne peut que constater qu’elles restent très insatisfaisantes
  • Les solutions à moyen terme et la manne des concessions autoroutières (III)

 

I. Les constats : le secteur de la mobilité nécessite un investissement massif

A. La nécessité d’un investissement massif dans les infrastructures de mobilité

Le Rapport final de la conférence fait état d’un besoin supplémentaire de financements de trois (3) milliards d’euros[1] par an jusqu’en 2031 au sein des trois réseaux de transports – ferroviaire, routier et fluvial – en raison de leur dégradation continue.

En pratique, cette dégradation engendre plusieurs conséquences concrètes pour les usagers : une baisse de la qualité de service, des risques pour leur sécurité ou encore la fermeture de certains axes bloquant leur déplacement.

Afin d’inverser cette tendance, les auteurs du rapport estiment que les investissements nécessaires sont les suivants :

Secteur Etat des lieux Objectifs des investissements Coût Durée
Réseau ferroviaire national Un réseau « hors d’âge » entrainant des ralentissements, une dégradation du service et des risques de fermeture de lignes

 

  • La régénération du réseau (augmentation du trafic et adaptation du réseau au changement climatique)
  • Prévoir une revue générale des lignes de dessertes fines du territoire est prévue afin de pouvoir préciser les investissements
Un plancher d’1,5 Md € par an du réseau structurant A partir de 2028
Réseau routier national Sous-investissement chronique : accumulation de la dette grise (estimée à 2,4 milliards d’euros) du réseau routier non concédé[2]
  • Résorber la dette grise[3] en améliorant l’état du réseau et en le modernisant :
    • Réduire l’empreinte environnementale de la route
    • Accueillir les nouveaux usages

Réaliser des travaux de résilience face au changement climatique.

1 milliard par an à court terme sur la période 2026-2031
Fret ferroviaire Nécessité de développer le fret ferroviaire
  • Accroître la performance et la résilience des infrastructures
  • Développer le fret ferroviaire
300 millions d’euros par an à court terme
Fret fluvial accumulation de la dette grise de 1,1 milliard d’euros fin 2023 entrainant une baisse de la qualité de service et un risque d’indisponibilité croissante de certaines voies régénération et la modernisation du réseau fluvial 200 millions d’euros par an à court terme

 

Le rapport fait état également de la nécessité d’investir de manière significative dans les infrastructures de recharge et les poids lourds électriques, correspondant aux ambitions déjà établies par la troisième stratégie nationale bas-carbone (SNCB3)[4].

B. La nécessité du développement d’une offre de transports entre les centres urbains et leur périphérie

L’objectif d’accroître les déplacements en transports collectifs de 25 % d’ici 2030 par rapport à 2019 répond à un enjeu écologique (décarbonation) et un enjeu d’équité sociale (mobilité alternative à la voiture et mobilité professionnelle).

Le rapport met en exergue le fait que cet accroissement passe par le renforcement des liaisons entre les villes-centres et leur périphérie ainsi que des périphéries elles-mêmes. En effet, ces territoires sont densément peuplés et la dépendance à la voiture individuelle est fortement marquée en raison, notamment, de l’absence d’offre de transports collectifs.

Néanmoins, même si le déploiement de services express régionaux métropolitains (SERM) vise à répondre à ces besoins, les objectifs dégagés se heurtent à une dure réalité : ce choc d’offre massif demeure difficile à quantifier en termes d’investissement car cela dépend fortement des différentes configurations locales et des choix politiques locaux mais aussi, comme le souligne le Rapport[5], par le fait que :

  • le modèle d’exploitation des transports publics est en perte d’efficience, avec un déficit d’exploitation par voyage multiplié par 2,2 entre 2003 et 2022, ce qui accroît la pression sur les finances des AOM ;
  • certaines recettes actuelles des AOM, locales et régionales, ont atteint un plafond, notamment concernant le versement mobilité dans les métropoles ;
  • les capacités d’investissement des collectivités locales, qui demeurent importantes, pourraient être réduites par l’enjeu de diminution du déficit et de la dette publics de la France.

 

II. Quelles solutions à court terme ?

A. La création d’un outil, le « ferroscope »

Le ferroscope est un outil dont la création a été proposée par l’atelier « infrastructures et services ferroviaires de voyageurs ».

Il s’agit d’une grille multicritères objectifs et transparents permettant de prioriser les investissements à réaliser.

Plus précisément, il y aurait deux « ferroscopes », l’un pour les investissements d’infrastructures et l’autre pour les projets de développement.

Ce projet intégrant les lignes de desserte fines, d’aucuns peuvent craindre que la mise en œuvre de ces ferroscopes ne soit rien d’autre qu’un moyen d’objectivation de la suppression de ces dessertes.

B. Les leviers de financement à mobiliser

Pour financer les investissements à court terme, sans pour autant tous les quantifier, la conférence a identifié plusieurs leviers qui pourront être mobilisés de façon concomitante jusqu’à 2035.

Levier de financement Stratégie dégagée
Générer des économies Diminuer les dépenses à coût constant :

(1)   Par l’optimisation et la cohérence des différents modes de transports (telle que la mise en place de solutions de cars express ou du covoiturage) ;

(2)   Par l’augmentation de la vitesse commercial des bus ;

(3)   Par l’ouverture à la concurrence (à noter que cette mesure n’est pas une nouveauté issue du Rapport… puisque les AOM procèdent déjà à cette mise en concurrence).

Augmenter la contribution de certains usagers et clients (1)   Augmenter progressivement la tarification des transports en commun urbains afin de financer un surcroît d’offre

(2)   En revanche, en ce qui concerne le secteur ferroviaire, la marge de manœuvre se révèle être plus restreinte dès lors que des augmentations tarifaire (péages) sont déjà prévues à l’horizon 2026.

(3)   S’agissant des usagers de la route, la conférence propose de progressivement élargir les mécanismes d’écocontribution territoriale sur les poids lourds empruntant certains réseaux routiers locaux très fréquentés

Cependant, le Rapport relève que la mise en place d’autre écocontribution par les Régions supposerait une nouvelle intervention du Législateur et une concertation avec les transporteurs.

Une autre hypothèse de financement se dégage du Rapport : celle de la mise en place de majorations ciblées des péages poids lourds sur les autoroutes concédées qui font face à des congestions importantes, comme le permet une disposition de la directive européenne Eurovignette (encore faudrait-il que cette dernière fasse l’objet d’une transposition en droit français, car à l’heure actuelle, elle n’a pas fait l’objet d’une transposition).

(4)   S’agissant du verdissement du transport de marchandises, le Rapport s’appuie sur un sondage… : 50 % des Français seraient favorables à payer plus chers leurs achats contre la garantie d’un transport plus respectueux de l’environnement[6]. Cette transformation passerait notamment par l’électrification des poids lourds comme évoqué précédemment.

Doter l’AFITF[7] de ressources fiscales pérennes et suffisantes Le Rapport propose de compléter les ressources de l’Agence essentiellement en redirigeant les ressources existantes.

Et la seule ressource véritablement nouvelle proposée est celle d’une nouvelle taxe sur la livraison de colis à domicile en zone urbaine assise sur les grandes entreprises du e-commerce afin de désinciter ces livraisons et lutter contre la congestion urbaine et la pollution de l’air. Cette taxe pourrait rapporter entre 50 et 200 millions par an.

Allouer des ressources directement sans transiter par l’AFIFT (1)   Le maintien du financement du réseau grâce au fonds de concours de la SNCF à hauteur de 500 millions d’euros par an sur les 1,5 milliards d’investissements supplémentaires. Le recours à l’emprunt par le SNCF ou encore la cession de certains actifs sont également des hypothèses émises par le Rapport ;

(2)   L’augmentation de 25 % de la redevance hydraulique pour financer l’entretien et la modernisation du réseau fluvial (ce qui représenterait 40 millions de recettes annuelles supplémentaires) ;

(3)   La mise en place de certificats d’économies d’énergies (CEE) à mobiliser davantage notamment pour les infrastructures cyclables ou l’achat de matériel roulant.

 

Et dans ce contexte, deux scénarii sont envisagés pour le renforcement du modèle économique des AOM et financer le nécessaire choc d’offre :

  • un scénario consistant à poursuivre la tendance historique à la part croissante de financement des transports en commun par le versement mobilité ;
  • un scénario visant à diversifier les ressources (par la création de multiples taxes nouvelles) sur lesquelles sont assises les AOM pour à la fois renforcer leur autonomie financière et leur lien avec les contribuables locaux.

Le Rapport conclu à la nécessité d’inscrire des financements dans un cadre pluriannuel stable et prévisible dès lors que des ressources importantes doivent être mobilisées alors que leur articulation entre elles doit être encore étudiée.

Mais il ne comporte aucune solution claire sur le financement des SERM.

 

III. À moyen terme (horizon 2035), les recettes provenant d’un nouveau système autoroutier à l’issue des concessions historiques permettront de consolider le modèle de financement des transports

Le Rapport rappelle l’échéance : les contrats des principales concessions d’autoroutes prendront fin entre le 31 décembre 2031 et le 30 septembre 2036.

  • Le maintien du niveau des péages

Les intervenants estiment que cela sera susceptible de générer des recettes supplémentaires (estimé en 2037 à environ 2,5 milliards par an) en créant un excédant sur un réseau qui est déjà construit. Ces recettes seraient alors affectées à l’AFITF pour la régénération et la modernisation des 3 réseaux de transports nationaux (routiers non concédés, ferroviaires et fluviaux).

Ils estiment, contrairement au choix effectué par l’Espagne, que la suppression de ces péages entrainerait une perte de 10 milliards par an.

  • Deux scénarii de gouvernance du système autoroutier proposés à l’issue des principales concessions

Excluant la prolongation des concessions actuelles en l’état, le modèle de la régie et la mise en place de sociétés régionales de gestions autoroutières, le rapport propose deux scenarii pour les gestions des autoroutes.

A. L’amélioration du système actuel de concessions avec des concessions de tailles plus petites que les plus grandes concessions actuelles

Hypothèse préférée de la Conférence[8], le Rapport propose de réviser la durée des contrats pour renforcer la prévisibilité sur les bénéfices et en incluant des mécanismes de partage des résultats en cas de rentabilité plus forte qu’anticipée.

Les recettes supplémentaires issues des autoroutes seraient prélevées sous forme de fiscalité affectées à la nouvelle AFITF, afin de financer en priorité la régénération et la modernisation des réseaux routiers nationaux non concédés, ferroviaires et fluviaux.

B. La mise en place d’un établissement public pour la gestion du réseau concédé et, éventuellement, non concédé

Cet établissement se financerait en percevant les péages. Il associerait les acteurs privés la conclusion de contrats de la commande publique. Le Rapport ne s’attarde pas et ne choisit pas le type de contrat en se limitant à évoquer les deux principaux : soit le marché public soit la concession.

 

Au final, le Rapport met en exergue un constat partagé : les investissements à réaliser sont certes d’une ampleur considérable mais ils sont aujourd’hui nécessaires.

Et si les solutions envisagées restaient au stade de l’esquisse, un projet de loi cadre était en préparation pour une présentation en décembre 2025… alors, évidemment, au vu du contexte politique actuel, la tenue de ce calendrier est aujourd’hui pour le moins incertaine.

Espérons toutefois que, quelle que soit la suite de la vie politique, une vision claire et stable de l’avenir des mobilités pourra se dessiner, permettant ainsi des investissements pérennes dans un secteur clé pour l’avenir de notre société.

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[1] en euros constants de 2025.

[2] Contrairement au réseau routier concédé qui présente un bon état général (Rapport, page 12)

[3] Pour rappel la notion de dette grise renvoie à un déficit d’investissement dans les infrastructures publiques.

[4] La SNBC 3 vise à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 et à réduire l’empreinte carbone de la France, en tenant compte des émissions importées : https://concertation-strategie-energie-climat.gouv.fr/les-grands-enjeux-de-la-snbc-3

[5] Page 15

[6] Sondages Toluna Harris interactive, « Les Français et leur perception du secteur des transports », avril 2025, disponible sur le site de la conférence

[7] Agence de financement des infrastructures de transport de France

[8] Tout en précisant, l’intérêt d’un scénario intermédiaire dans lequel des nouvelles concessions mieux régulées réserveraient une part de leur actionnariat à la puissance publique.

Marchés publics d’assurance : le « Roquelaure de l’assurabilité » se met en place

CollectivAssur

Décret n° 2025-613 du 1er juillet 2025 relatif à la modification de la franchise d’assurance applicable aux collectivités territoriales et leurs groupements en matière de catastrophes naturelles

Afin de répondre aux difficultés croissantes rencontrées par les collectivités territoriales en matière d’assurance, le Gouvernement avait présenté, lors d’un séminaire intitulé le « Roquelaure de l’assurabilité » tenu le 14 avril 2025, un plan national d’actions « PACT 25 » (retrouvez-en notre résumé ici).

Ce plan prévoyait notamment trois mesures pour l’été 2025 :

  • la mise à jour d’ici fin juin 2025 du guide pratique de passation des marchés publics d’assurances des collectivités locales datant de 2008,
  • la mise en place d’une cellule d’accompagnement et d’orientation, dénommée « CollectivAssur », placée auprès du Médiateur de l’assurance et financée par France Assureurs,
  • la modification par décret de certaines dispositions du Code des assurances relatives aux franchises d’assurance applicables aux collectivités en matière de catastrophes naturelles.

Ces trois annonces viennent d’être concrétisées.

Conformément à ce qui avait été annoncé, l’Observatoire économique de la commande publique (OECB) vient de faire paraître la nouvelle version du guide pratique sur les marchés publics d’assurance, qui comprend 91 pages (contre 57 dans la précédente version).

Le document s’ouvre sur une synthèse des 21 bonnes pratiques qui y sont détaillées, consacre un chapitre introductif aux définitions, aux notions clés et au rôle des différents acteurs, puis est structuré en trois parties correspondant aux étapes classiques de la vie des contrats, à savoir :

  • Identifier les risques à couvrir et exprimer son besoin d’assurance,
  • La passation,
  • L’exécution.

Les auteurs y ont également joint quatre annexes, qui devraient constituer des ressources utiles pour les acheteurs publics :

  • Un modèle d’inventaire du patrimoine et des compétences exercées,
  • Un modèle de relevé de sinistralité,
  • Un modèle de cahier des clauses particulières,
  • Un rappel des assurances obligatoires.

En parallèle, la cellule « Collectiv’Assur » a été instituée le 1er juillet 2025 et les collectivités peuvent à présent la saisir par un formulaire dédié. Cette cellule, placée sous l’autorité d’Arnaud Chneiweiss, Médiateur de l’assurance, a vocation à constituer un point d’entrée pour les collectivités en situation de blocage assurantiel et de les mettre en relation avec des intermédiaires en assurance en mesure de leur proposer des solutions assurantielles.

Enfin, le décret visant à modifier la franchise d’assurance applicable aux collectivités territoriales et leurs groupements en matière de catastrophes naturelles a été publié le 1er juillet 2025 sous le numéro 2025-613, est en vigueur depuis le 4 juillet 2025 et applicable aux sinistres survenus à compter de cette date. Ce décret apporte les modifications suivantes :

  • D’une part, le montant de la franchise catastrophe naturelle n’est plus obligatoirement aligné sur le montant de franchise le plus élevé figurant au contrat pour les mêmes biens et, d’autre part, cette franchise est plafonnée pour les petites communes – dont le seuil reste à définir par le Gouvernement – et s’élève par défaut à une fraction du montant des dommages (cf. articles D. 125-5-7 modifié, D. 125-5-7-1 nouveau et D. 125-5-7-2 nouveau du Code des assurances)
  • Il introduit un plafonnement du mécanisme de modulation à la hausse des franchises « catastrophe naturelle », en fonction du nombre de reconnaissances au cours des cinq dernières années pour les biens implantés dans des communes pour lesquelles un plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRNP) a été prescrit mais non approuvé dans le délai de quatre ans et demi (cf. article D.125-5-9 modifié du Code des assurances).

Quant aux autres ajustements normatifs prévus par le « Roquelaure de l’assurabilité » (instauration d’un délai de prévenance de six mois que devront respecter les assureurs avant de pouvoir résilier leur contrat avec une collectivité territoriale, réforme de la dotation de solidarité en faveur de l’équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques), il faudra davantage patienter car ils ne pourront plus passer par de simples décrets mais par la voie législative.

Drapeaux, banderoles et neutralité : les collectivités territoriales et le conflit israélo-palestinien

TA Nice, 25 juin 2025 n° 2503174

TA Besançon, 26 juin 2025, n° 2501261

CE, 21 juillet 2025, n° 506299

En vertu une décision du Conseil d’Etat de 2005, « le principe de neutralité des services publics s’oppose à ce que soient apposés sur les édifices publics des signes symbolisant la revendication d’opinions politiques, religieuses ou philosophiques » (CE, 27 juillet 2005, Commune de Sainte-Anne, n° 259806, à propos de l’apposition sur le fronton d’une mairie d’un drapeau emblème de la Martinique indépendantiste).

A l’inverse, il est admis que les collectivités territoriales et leurs groupements mettent en avant un engagement international de solidarité en apposant un drapeau étranger, dès lors que cet engagement est conforme avec les engagements internationaux de la France. C’est le cas, par exemple, du drapeau ukrainien.

Dans le contexte du conflit israélo-palestinien, cette question du pavoisement revêt une acuité particulière. Cet été, les juges des référés ont, en effet, été amenés à s’interroger, à plusieurs reprises, sur le respect du principe de neutralité via l’apposition, sur le fronton ou le parvis de mairies, de drapeaux israélien ou palestinien, ou de banderoles exprimant un soutien à l’une ou l’autre des populations de ces deux pays.

Il a systématiquement été considéré que le message porté par ces drapeaux et banderoles était politique, en dépit de l’argumentation des collectivités territoriales en faveur d’un soutien à visée purement humanitaire des populations concernées (otages israéliens et habitants de la bande de Gaza).

C’est d’abord le Tribunal administratif de Nice qui a ouvert la marche, le 25 juin dernier (TA Nice, ord., 25 juin 2025 nos 2503369 et 2503174). Saisi d’un référé-suspension (article L. 521-1 du Code de justice administrative) dirigé contre la décision implicite de refus du Maire de Nice de retirer les drapeaux israéliens hissés sur le fronton de la mairie depuis le 7 octobre 2023, le juge des référés a suspendu cette décision et enjoint à l’édile de retirer les drapeaux litigieux.

Malgré l’argument d’un soutien humanitaire aux otages israéliens détenus par le Hamas, le juge a en effet relevé que la persistance du pavoisement, conjuguée au contexte international et à l’ampleur du conflit, traduisait un soutien à l’État israélien, ce d’autant plus que les drapeaux constituent, par eux-mêmes, des symboles politiques d’une autorité étrangère.

Il a alors estimé, compte tenu du contexte international et de l’intensification du conflit, qu’il y avait urgence à suspendre la décision attaquée, tout en retenant l’existence de moyens propres à créer un doute sérieux sur sa légalité, pris, en premier lieu, de la violation du principe de neutralité.

Les préfets se sont également saisis, pour obtenir la suspension de décisions de pavoisement prises par des édiles, du « déféré laïcité » introduit par la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République (prévu à l’article L. 2131-6 du CGCT pour les communes, L. 3132-1 du CGCT pour les départements et L. 4142-1 pour les régions).

Ce type de déféré permet au préfet de solliciter du juge administratif la suspension des décisions qu’il estime de nature à porter gravement atteinte aux principes de laïcité et de neutralité des services publics. Saisi sur le fondement des dispositions susmentionnées, le juge des référés statue dans un délai de quarante-huit heures.

C’est dans ce cadre que le Préfet du Doubs a saisi le Juge des référés du Tribunal administratif de Besançon le 26 juin 2025 (TA Besançon, ord., 26 juin 2025, n° 2501261), afin d’obtenir la suspension de la décision de la Maire de la commune de Besançon d’installer, devant la mairie, un drapeau palestinien aux côtés des drapeaux français, européen et ukrainien.

A l’instar de la Commune de Nice, la Commune de Besançon tirait argument, notamment, des valeurs de solidarité et d’humanité, ainsi que de son jumelage avec un camp de réfugiés palestinien et une ville israélienne. Toutefois, compte tenu des déclarations de l’édile, qui s’était prévalue, tant dans ses courriers adressés au préfet qu’à l’audience, de la conformité de l’action de la municipalité avec la position du Président de la République et de la France en faveur de la reconnaissance d’un État palestinien, le juge a estimé que, dans ces circonstances, l’installation d’un drapeau palestinien sur le parvis de la mairie devait être regardée comme symbolisant la revendication d’une opinion politique.

C’est, finalement, la commune de la Courneuve qui a porté, le 21 juillet dernier, la question du pavoisement des édifices publics devant le Conseil d’État (CE, ord., 21 juillet 2025, n° 506299).

En première instance, le Tribunal administratif de Montreuil, saisi lui aussi d’un « déféré laïcité » par le Préfet de la Seine-Saint-Denis, avait suspendu l’exécution des décisions du Maire de La Courneuve, d’une part, d’apposer sur le fronton de l’hôtel de ville une banderole aux couleurs du drapeau palestinien et sur laquelle figurait l’inscription « Gaza stop au génocide » et, d’autre part, de distribuer des fanions portant le même motif, et lui avait enjoint de retirer ladite banderole et de faire cesser la distribution de fanions (TA Montreuil, ord., 2 juillet 2025 n° 2511099).

Saisi en appel par la Commune, le Conseil d’État a relevé que, en dépit de l’objectif humanitaire invoqué, il résultait du recours aux couleurs du drapeau palestinien, du message inscrit sur la banderole et les fanions ainsi que des propos du maire, sur les réseaux sociaux, pour expliquer cette démarche, que la Commune avait entendu exprimer une prise de position de nature politique au sujet d’un conflit en cours. Il a, par conséquent, rejeté l’appel de la Commune.

 

Depuis cette ordonnance du Conseil d’État, il est cependant utile de noter que le contexte international et national a évolué.
Plus particulièrement, le 24 juillet dernier, le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé la volonté de la France de reconnaître l’État de Palestine en septembre 2025 à l’ONU.
Au cours des dernières semaines, il a également condamné fermement les agissements du gouvernement israélien, encore davantage depuis la reconnaissance par les autorités internationales de l’état de famine à Gaza.
Dans ces conditions, certaines collectivités territoriales ont fait le choix de maintenir ou d’apposer de nouvelles banderoles de soutien aux Palestiniens de Gaza, en considération notamment de ces évolutions.
Les juges des référés des juridictions administratives continuent, par conséquent, d’être saisis et devront à nouveau se prononcer sur ce sujet sensible, pour lequel l’exigence de prise en compte du contexte diplomatique empêche toute application mécanique ou figée de la jurisprudence existante.

La lutte contre les violences routières : adoption par le Senat de la proposition de loi créant l’« homicide routier » et les « blessures routières ».

Le 1er juillet 2025, le Sénat a adopté la proposition de loi créant un nouveau chapitre dans le Titre 2 du Code pénal intitulé « homicide et blessures routiers » contenant d’une part, l’ « homicide routier », et d’autre part, les « blessures routières » avec une distinction entre les blessures ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) de moins de trois mois, et celles ayant entraîné une ITT de plus de trois mois.

En 2024, le bilan de la sécurité routière faisait état de près de 3.500 décès sur les routes[1]. Les victimes d’accidents s’indignaient que les blessures et les homicides soient qualifiés d’« involontaires » alors que, selon eux, un accident routier résulte nécessairement d’un comportement délibérément dangereux du conducteur.

Le 17 juillet 2023, le Comité interministériel de la sécurité routière (CISR) avait déjà proposé, dans sa mesure 10, la création d’un « homicide routier » avec pour objectif de « renforcer la valeur symbolique de l’infraction d’homicide dit involontaire commis à l’occasion de la conduite d’un véhicule terrestre à moteur et permettre une meilleure acceptation sociale d’une telle qualification »[2]. Les auteurs de la proposition considéraient que la qualification « involontaire » d’un accident routier était inadaptée.

C’est dans ce contexte que la proposition de loi créé un nouveau chapitre intitulé « homicide et blessures routiers ».

Premièrement, pour l’homicide routier, la proposition de loi garde la définition de l’« homicide involontaire » prévue au premier alinéa de l’article 221-6-1 du Code pénal, supprime les alinéas suivants, et crée un « homicide routier » autonome qui se caractérise lorsque l’homicide involontaire s’accompagne de circonstances aggravantes traduisant une conduite délibérément à risque (état d’ivresse, conduite sans permis…).

Les circonstances aggravantes de cette nouvelle infraction sont au nombre de dix avec des ajouts de la proposition de loi comme l’usage du téléphone tenu en main, ou encore l’excès de vitesse supérieur ou égal à 30 km/h.

Le quantum de la peine reste inchangé. L’homicide routier est puni de 7 ans d’emprisonnement et de 100.000 € d’amende ; peine actuelle de l’« homicide involontaire » par conducteur de VTAM avec une circonstance aggravante.

 

Deuxièmement, les blessures involontaires commises par le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur (VTM) deviennent des « blessures routières » lorsqu’elles sont aggravées par l’une au moins des dix circonstances aggravantes prévues par l’article. De la même manière que « l’homicide routier », les quantums de peine encourus ne sont pas modifiés, et la loi ajoute des nouvelles circonstances aggravantes.

*

La proposition de loi divise. Tandis que certains s’interrogent sur l’utilité de réécrire des infractions déjà appréhendées par le Code pénal, les sénateurs évoquent la nécessité d’une prise de conscience collective pour mettre fin aux décès sur la route[3].

Cette loi, bien qu’elle ne réprime pas plus sévèrement des comportements déjà prévus, a pour avantage de tenir compte de situations dangereuses qui n’étaient pas prises en compte par les textes actuels (par exemple l’accident en cas de rodéo urbain mentionné à l’article L. 231-6 du Code de la route).

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[1] https://www.onisr.securite-routiere.gouv.fr/etat-de-linsecurite-routiere/bilans-annuels-de-la-securite-routiere/bilan-2024-de-la-securite-routiere

[2] https://www.info.gouv.fr/upload/media/content/0001/06/e04741c61a12a239a1dcff98f7329d7b78510b3c.pdf

[3] https://www.senat.fr/rap/l24-745/l24-7450.html#toc0

Dommages de travaux publics : l’injonction suppose une indemnisation

Par un avis rendu le 28 mai 2025, le Conseil d’Etat est venu rappeler que des conclusions aux fins d’injonction de faire cesser un dommage ou d’en pallier les effets ne pouvaient être accueillies que sous réserve que les conditions d’engagement de la responsabilité publique soient, elles-mêmes, préalablement remplies et que le requérant subit un préjudice indemnisable.

Plus exactement, le Tribunal administratif de Nîmes interrogeait le Conseil d’Etat quant à la possibilité de faire droit à des conclusions en injonction et ce « en l’absence de préjudice indemnisable » ?

Le Conseil d’Etat répond, logiquement, par la négative.

Avant de s’intéresser à la question posée, l’avis rendu examiné ici est l’occasion pour le Conseil d’Etat de rappeler sa jurisprudence Syndicat des copropriétaires du Monte Carlo Hill au terme de laquelle il avait donné la possibilité au juge administratif de prononcer une injonction à prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à un dommage, s’il constate que ledit dommage perdure à la date à laquelle il statue du fait de la faute que commet la personne publique en s’abstenant de prendre ces mesures (CE, 6 déc. 2019, n° 417167, publié au Recueil).

Par la suite, par un avis de 2022 rendu sur la recevabilité de telles conclusions, le Conseil d’Etat avait précisé que ces conclusions ne pouvaient être que le complément de conclusions indemnitaires y compris dans le cadre d’une recherche de responsabilité sans faute.

Aussi, la recevabilité des conclusions aux fins d’injonction étaient conditionnées à la recevabilité des conclusions indemnitaires (CE, avis, 12 avril 2022, Société La Closerie, n° 458176).

Sur le fond, le présent avis précise que les conclusions visant à ce qu’il soit enjoint à la personne publique de faire cesser les causes du dommage de travaux publics dont il est demandé la réparation ne peuvent être accueillies que si les conditions d’engagement de la responsabilité de la personne publique sont réunies et que le requérant subit un préjudice indemnisable résultant de ce dommage.

Alors, dans l’hypothèse où le comportement fautif de la personne publique responsable du préjudice persiste au jour où est rendu la décision, le Juge administratif pourra faire droit aux conclusions aux fins d’enjoindre la personne publique de faire cesser ce comportement ou d’en pallier les effets.

Contrats de concessions : le Conseil d’État étend le champ des biens de retour aux biens appartenant à une personne tierce au contrat mais étroitement liée au concessionnaire

Codifiant le principe posé par le Conseil d’État dans son célère arrêt Commune de Douai (21 décembre 2012, n° 34278), l’article L. 3132-4 du Code de la commande publique dispose que, « lorsqu’une autorité concédante de droit public a conclu un contrat de concession de travaux ou a concédé la gestion d’un service public : 1° Les biens, meubles ou immeubles, qui résultent d’investissements du concessionnaire et sont nécessaires au fonctionnement du service public sont les biens de retour. Dans le silence du contrat, ils sont et demeurent la propriété de la personne publique dès leur réalisation ou leur acquisition (…) ».

Jusqu’à présent, il était établi que, lorsque les biens utilisés par un concessionnaire appartiennent à une personne tierce au contrat de concession, ils ne peuvent être considérés comme étant des biens de retour (CE 23 janvier 2020, Société touristique de la Trinité, n° 426421).

Par l’arrêt en date du 17 juillet 2025, le Conseil d’État a, à l’invitation du rapporteur public M. Nicolas LABRUNE, certes consacré le principe selon lequel les règles relatives aux biens de retour « ne trouvent pas à s’appliquer aux biens qui sont la propriété d’un tiers au contrat de concession, quand bien même ils seraient affectés au fonctionnement du service public et nécessaires à celui-ci, ». Toutefois, il a, dans le même temps, créé une exception à ce principe.

Dans cette affaire, la commune de Berck-sur-Mer a lancé une procédure de passation d’une concession relative à au renouvellement de l’exploitation d’un casino, dont elle avait cédé, dans le passé le bâtiment au groupe Partouche qui le louait à une de ses filiales, laquelle était le concessionnaire sortant. Du fait de cette cession, la commune demandait aux candidats « de fournir […] un titre de propriété du bâtiment devant abriter l’activité d’exploitation de casino au nom du concessionnaire ou un contrat d’occupation conclu avec un tiers propriétaire ». Après avoir désigné comme attributaire le concessionnaire sortant – seul candidat, une entreprise concurrente a saisi le Juge du référé précontractuel du Tribunal administratif de Lille qui a annulé la procédure, retenant que la commune a méconnu le principe d’égalité entre les candidats en imposant la demande précitée.

La commune s’est pourvue en cassation, estimant que le bâtiment abritant le casino ne lui ferait pas retour au titre du contrat de concession, dès lors qu’il appartient à la société Groupe Partouche, tiers audit contrat.

Le Conseil d’État rejette cependant le pourvoi de la commune. Sensible aux arguments de son rapporteur public quant à la nécessaire conciliation entre, d’une part, le principe d’effet relatif des contrats et le droit de propriété des tiers et, d’autre part, la nécessité de « résoudre les problèmes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de continuité du service public », il rappelle qu’en principe, un bien appartenant à un tiers à un contrat de concession, même nécessaire au fonctionnement du service public, ne peut être qualifié de bien de retour. Toutefois, il admet, au considérant n° 9 de l’arrêt, une dérogation à ce principe en posant deux conditions cumulatives permettant de considérer qu’un tel bien doit revenir à la personne publique concédante :

  • d’une part, lorsqu’il existe des liens étroits entre les actionnaires ou dirigeants du propriétaire du bien et ceux du concessionnaire, de nature à permettre soit une influence décisive de l’un sur les objectifs stratégiques et les décisions importantes de l’autre, soit un contrôle commun exercé par une même entité tierce ;
  • et d’autre part, lorsque le bien est exclusivement affecté à l’exécution du contrat de concession et mis à disposition du concessionnaire à cette fin.

Une telle solution est tout à fait appréciable car il n’est pas rare, surtout depuis la généralisation du recours aux sociétés dédiées à l’exécution des contrats de la commande publique, que les personnes publiques soient confrontées à des montages juridiques faisant intervenir la maison-mère du titulaire du concessionnaire, ou une société sœur, en vue de faire échapper des biens utilisés par ce concessionnaire pour délivrer le service public tout en échappant aux règles relatives aux biens de retour.

Lors de la phase de préparation de la passation d’un contrat de concession, il sera essentiel d’identifier précisément les biens appartenant à des tiers utilisés par le concessionnaire sortant pour l’exécution du service public, puis de prévoir leur intégration explicitement dans le projet de contrat au titre des biens mis à disposition par le concédant.

 

Actualité IA : Nouvelle étape franchie dans la mise en œuvre du Règlement IA

Commission européenne, Avis explicatif et modèle pour le résumé public du contenu de la formation pour les modèles d’IA à usage général

Code de bonnes pratiques de l’IA à usage général

Le début du mois d’août 2025 a marqué une nouvelle avancée dans la mise en œuvre du Règlement IA (« RIA » ou, en anglais, « IA Act »).

La version finale du code de bonnes pratiques pour les intelligences artificielles à usage général évoqué dans la précédente LAJ (n° 167 d’avril 2025[1]) a été présentée le 10 juillet 2025 et approuvée par la Commission européenne et le Comité de l’IA le 1er août 2025[2].

En outre, et conformément au calendrier de mise en œuvre progressif défini par le RIA, plusieurs de ses dispositions clés ont commencé à s’appliquer dès le 2 août 2025, concernant la gouvernance (chapitre VII), la régulation des modèles d’IA à usage général (chapitre V), les autorités de notification et organismes notifiés (chapitre III, section 4), le principe de confidentialité pour les informations traitées par dans le cadre de l’application du RIA (article 78), la désignation des autorités nationales compétentes (article 70), ainsi que les sanctions applicables (articles 99 et 100).

Pour la présente brève, nous sommes plus particulièrement revenus sur la notice explicative et le modèle du « résumé suffisamment détaillé » qui devra être fourni par tout fournisseur de modèles d’IA à usage général (« IAG ») afin de détailler le contenu utilisé pour la formation de leurs modèles (1) et sur la désignation des autorités nationales compétentes (2).

 

Sur la notice explicative et le modèle de « résumé suffisamment détaillé »

Cette notice explicative et le modèle de résumé, produits par le Comité de l’IA (émanation de la Commission européenne) et publiés le 24 juillet 2025, étaient particulièrement attendus des acteurs des secteurs de la création au vu des enjeux de propriété intellectuelle liés à l’IAG. Ils répondent en ce sens à l’obligation prévue à l’article 53 (1) (d) du RIA qui impose aux fournisseurs d’IAG de « mettre à la disposition du public un résumé suffisamment détaillé du contenu utilisé pour la formation du modèle d’IA à usage général selon un modèle fourni par l’Office AI ».

Pour les fournisseurs ayant mis sur le marché (ou en service) leur modèle de IAG avant le 2 août 2025, le RIA ne leur sera applicable que le 2 août 2027[3].

Le modèle publié le 24 juillet dernier est composé de trois parties, à savoir :

  • les informations générales (principalement pour établir l’identité du fournisseur, de son IA et des données d’entraînement[4]) ;
  • la liste des sources de données avec une description ;
  • et enfin les aspects pertinents du traitement de données (c’est-à-dire les mesures prises pour assurer un traitement éthique, légal et conforme des données utilisées impliquant notamment le respect du droit d’auteur, la suppression des contenus manifestement illicites etc.).

Certaines limites de ce modèle ont d’ores et déjà été pointées. En effet, la notice l’accompagnant limite son exigence en matière d’information détaillée puisque l’obligation de transparence ne doit pas compromettre les secrets commerciaux et les informations commerciales confidentielles (incluant entre autres les techniques spécifiques d’entrainement). En pratique, l’efficacité du modèle pourrait donc s’avérer d’autant plus réduite par le renseignement d’informations faussées ou partielles, et la capacité de vérification de ces informations.

 

Sur la désignation des autorités nationales compétentes

Le 2 août 2025 devait être marqué par la désignation des autorités nationales compétentes, mais aucune autorité n’a été désignée officiellement à ce jour en France[5]. Au vu des derniers arbitrages, il semblerait que de larges compétences soient attribuées à la Cnil, l’Arcom et la DGCCRF, le tout coordonné par la DGCCRF et la DGE (Direction Générale des Entreprises).

La désignation des autorités compétentes est essentielle puisqu’elles sont à la fois l’autorité de notification de l’article 28 du RIA (chargée de mettre en place les procédures nécessaires à l’évaluation, à la désignation et à la notification des organismes d’évaluation de la conformité, ainsi qu’à leur contrôle) et l’autorité de surveillance des marchés évoquée à l’article 3 (ayant directement en charge de contrôler les systèmes d’IA).

Si la date du 2 août 2025 marque une étape concrète dans la mise en œuvre du RIA, une nouvelle échéance est d’ores et déjà fixée au calendrier. Dès le 2 février 2026, les lignes directrices sur la mise en œuvre pratique des règles de classification des systèmes d’IA à haut risque seront disponibles.

______

[1] Gabrielle Lambert, Audrey Lefèvre. (2025, avril 9). Actualité règlement IA : nouvelle version du Code de bonnes pratiques pour les intelligences artificielles à usage général. SEBAN AVOCATS. https://www.seban-associes.avocat.fr/actualite-reglement-ia-nouvelle-version-du-code-de-bonnes-pratiques-pour-les-intelligences-artificielles-a-usage-general/

[2] Élaboration d’un code de bonnes pratiques en matière d’IA à finalité générale. (s. d.). Bâtir L’avenir Numérique de L’Europe. https://digital-strategy.ec.europa.eu/fr/policies/ai-code-practice

[3] Calendrier de mise en œuvre de la loi européenne sur l’intelligence artificielle. (s. d.). https://artificialintelligenceact.eu/fr/implementation-timeline/

[4] « Jeu de données (texte, sons, images, listes, etc.) utilisé lors de la phase d’entrainement / d’apprentissage [pour que] le système s’entraîne sur ces données pour effectuer la tâche attendue de lui. »

[5] Aperçu de tous les plans nationaux de mise en œuvre de la loi sur l’intelligence artificielle | Loi européenne sur l’intelligence artificielle. (s. d.). https://artificialintelligenceact.eu/fr/national-implementation-plans/#:~:text=La%20Commission%20nationale%20pour%20la,la%20loi%20sur%20l’IA.

 

Communication municipale et période préélectorale : annulation d’élections partielles au Chautay

Le 18 mai 2025, la commune du Chautay (Cher) a organisé des élections municipales partielles complémentaires pour pourvoir sept sièges de conseillers municipaux. Ont été proclamés élus les candidats de la liste « Pour un Chautay apaisé », avec pour trois d’entre eux 68 voix et pour les quatre autres 67 voix sur les 124 suffrages exprimés. La candidate en tête de la liste concurrente « Ensemble pour le Chautay », dont les candidats ont obtenu respectivement 57 et 56 voix, a entendu contester ces opérations électorales.

Par sa décision en date du 10 juillet 2025, le Tribunal administratif d’Orléans a fait droit à cette demande en annulant les opérations électorales, estimant que la diffusion d’un bulletin municipal exceptionnel avait pu altérer la sincérité du scrutin.

Au titre des questions préalables, le tribunal a d’abord examiné la fin de non-recevoir qui était opposée en défense par la commune, tirée de tardiveté du recours. C’est l’occasion de rappeler le délai de recours contentieux spécifique (et resserré) qui prévaut en matière électorale : lorsqu’elles ne sont pas consignées au procès-verbal, les protestations électorales doivent être déposées au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit l’élection, à la sous-préfecture, à la préfecture ou directement au greffe du tribunal (article R. 119 du Code électoral). En l’occurrence, la protestation ayant été déposée au tribunal dans la matinée du 23 mai 2025, celui-ci à considérer qu’elle l’avait été en temps utile et a rapidement écarté la fin de non-recevoir.

En ce qui concerne le fond de l’affaire, le tribunal était saisi de la méconnaissance alléguée des articles L. 52-1 et L. 52-8 du Code électoral qui encadrent la communication et l’utilisation des moyens de la collectivité pendant la période préélectorale. Pour rappel, l’article L. 52-1 interdit, durant les six mois précédant l’élection, toute campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une collectivité sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin. Cette disposition vise à empêcher toute forme de promotion directe de l’action des élus sortants et, par voie de conséquence, de contribution à la campagne de ces derniers. L’article L. 52-8 interdit quant à lui à toute personne morale autre qu’un parti politique de consentir des dons ou avantages à un candidat – étant précisé que, compte tenu de la définition particulièrement large de ces notions, des actions de communication institutionnelle en faveur d’un candidat sont également susceptibles de constituer des dons ou avantages prohibés au sens de cet article.

En l’occurrence, était en cause la diffusion par la commune, quelques semaines avant le scrutin, d’un bulletin municipal exceptionnel qui comportait :

  • Un éditorial de la maire annonçant « dans quelques jours» l’élection partielle et mettant en avant la décision municipale de ne pas augmenter les impôts locaux malgré la hausse des charges ;
  • Une liste des maires de la commune depuis 1797, faisant apparaître que, de 1911 à 2014, les ancêtres de la tête de la liste élue, avaient exercé la fonction de maire ;
  • La présentation d’un projet d’agrivoltaïsme, voté en juillet 2024, porté par un membre de la famille du candidat, sans justification de son urgence ou de son caractère nécessaire à porter à la connaissance des habitants à quelques jours du scrutin ;
  • Un entretien avec l’ancien maire de 1983 à 2014 de la commune et père de la tête de liste élue, qui, en sa qualité d’ancien urbaniste, promouvait le cadre de vie du village et, en tant que maire honoraire, rendait hommage à un ancien premier adjoint décédé.

Relevant le caractère exceptionnel de la publication de ce bulletin municipal, sa diffusion auprès des habitants peu de temps avant les élections municipales partielles, et son contenu qui mettait en avant la famille du candidat tête de la liste dont tous les membres ont été élus dès le premier tour du scrutin, le tribunal a considéré qu’il présentait le caractère d’une campagne de promotion publicitaire et d’un avantage consenti à l’une des listes au sens des articles L. 52-1 et L. 52-8 du Code électoral.

Et compte tenu notamment de l’écart entre le nombre de voix recueillies par les candidats élus dès le premier tour de scrutin et la majorité absolue des suffrages exprimés, il a estimé que la diffusion de ce bulletin municipal au cours de la campagne électorale avait été de nature à altérer la sincérité du scrutin.

En procédant à l’annulation des opérations électorales, cette décision constitue un rappel bienvenu des règles encadrant la communication des collectivités territoriales en période préélectorale, à l’approche de celle qui débutera le 1er septembre 2025 dans la perspective des élections municipales de 2026.