Géothermie de minime importance : identification des modalités de certification

Arrêté du 29 mai 2024 modifiant l’arrêté ministériel du 25 juin 2015 relatif aux prescriptions générales applicables aux activités géothermiques de minime importance et l’arrêté ministériel du 25 juin 2015 relatif à l’agrément d’expert en matière de géothermie de minime importance

Deux arrêtés publiés au Journal officiel en date du 19 juin 2024 ont complété le cadre règlementaire applicables aux projets de géothermie de minime importance.

1°) Le premier fixe, conformément à l’article L. 164-1-1 du Code minier, les modalités de certifications des travaux de forage s’attachant à l’ouverture des travaux d’exploitation ainsi qu’à la remise en état lors de la cessation d’activité. Sont ainsi identifiés le processus de certification, les exigences pour les organismes de certification, les modalités de transfert de la certification, etc.

2°) Le second arrêté a quant à lui modifié les prescriptions applicables aux activités géothermiques de minime importance. On peut notamment noter que :

  • L’arrêté précise les mesures à mettre en œuvre lors de la réalisation de l’installation, ses modalités de surveillance et d’entretien ainsi que celles relatives à l’arrêt d’exploitation ;
  • Il prévoit également la possibilité de recourir à des échangeurs géothermiques fermés inclinés et définit leurs conditions d’implantation.

Autorisation environnementale : appréciation de l’intérêt à agir des communes

Dans quelles conditions une commune peut-elle se voir reconnaitre un intérêt à agir à l’encontre d’une autorisation environnementale ? Il s’agit de la question sur laquelle la Cour administrative d’appel de Lyon a été amenée à se pencher au sein d’un arrêt du 6 juin 2024.  Dans cette affaire, plusieurs requérants dont deux communes sur le territoire desquelles le projet devait être implanté, contestaient le permis de construire valant autorisation environnementale accordé pour l’exploitation d’un projet relatif à un projet de construction d’éoliennes. Ces permis de construire intervenaient en complément de permis initiaux et avaient pour objet de régulariser des vices de légalité externe.

La Cour indique ainsi que, sur le fondement de l’article R. 181-50 du Code de l’environnement, une personne morale de droit public a intérêt à contester une autorisation environnementale lorsque l’autorisation représente des inconvénients ou des dangers pour les intérêts visés à l’article L. 181-3 (dont ceux liés à la protection de l’environnement, de la ressource en eau, des paysages, etc.) qui sont de nature à affecter par eux-mêmes sa situation, les intérêts dont elle a la charge et les compétences que la loi lui attribue. La circonstance que le projet soit implanté sur le territoire d’une commune ou sur celui d’une commune limitrophe ne conduit pas, selon la CAA, a une appréciation différente de l’intérêt à agir d’une commune.

Le juge considère dans cette espèce que, la décision litigieuse ne concernant que la régularisation de vices de légalité externe, l’autorisation en tant que telle n’aggrave pas les effets du projet initial et ne porte donc pas des atteintes au territoire des deux communes requérantes et à leur attractivité touristique susceptibles de les affecter dans leur situation, leurs intérêts ou leurs compétences.

Cette décision reprend ainsi les principes édictés par deux décisions du Conseil d’Etat du 1er décembre 2023 (voir notre article sur le sujet).

Installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) : les pouvoirs du préfet dans l’application de mesures de protection de l’environnement après la cessation d’activité

Par un arrêté en date du 3 mars 2020, le préfet du Val-de-Marne avait prescrit à la société des Pétroles Shell la réalisation de nouvelles investigations relatives à la pollution résiduelle sur le site de son ancien dépôt de pétrole de Choisy-le-Roi. Cet arrêté faisait suite à une visite de l’inspection des installations classées intervenue en janvier 2018 après des plaintes déposées par les voisins du site du fait de la présence d’odeurs d’hydrocarbures survenues à la suite d’une crue de la Seine sur le site en cause.

La Société, qui avait procédé à la cessation de son activité et avait reçu en avril 2005 de la part de l’inspection des installations classées un procès-verbal établissant que la dépollution du site avait été réalisée selon les dispositions de l’arrêté préfectoral de référence, conteste dès lors l’arrêté lui prescrivant la réalisation de mesures complémentaires en 2020.

Le juge administratif réaffirme alors le principe selon lequel les dispositions de l’article L. 511-1 du Code de l’environnement permettent à l’autorité administrative de prendre à tout moment, à l’égard de l’exploitant d’une ICPE, les mesures qui se révèleraient nécessaires à la protection des intérêts énumérés à cet article et ce même si ces mesures concernent des terrains situés au-delà du stricte périmètre de l’ICPE en cause dès lors que ceux-ci présentent des risques de nuisances pour la santé publique ou la sécurité publique ou la protection de l’environnement, se rattachant directement à l’activité présente ou passée de cette installation.

Partant, on retiendra en particulier de cette décision que, dès lors que la société Shell n’a pas produit d’élément permettant d’écarter le lien entre son activité passée et la pollution constatée sur un terrain elle n’était pas fondée à soutenir que les investigations complémentaires qui lui ont été imposées par le préfet n’étaient ni justifiées, ni adaptées, ni efficaces.

Le tribunal conclut dès lors au rejet de la requête de la société.

Débat public : légalité de la décision posant le principe et les conditions de la poursuite du projet

Par deux requêtes distinctes de l’Association Nature Environnement 17 et de la commune de Saint-Pierre-d’Oléron, le juge administratif a dû apprécier la légalité de la décision du ministre de la Transition Écologique posant le principe et les conditions de poursuivre le projet d’implantation de deux parcs éoliens en mer au sein d’une zone de 300 km2 située au large de l’île d’Oléron, étendue par la suite pour atteindre une superficie de 743 km².

Cette décision a été adoptée sur le fondement de l’article L. 121-13 du Code de l’environnement aux termes duquel, « lorsqu’un débat public a été organisé sur un plan, programme ou projet, le maître d’ouvrage du projet ou la personne publique responsable de l’élaboration du plan ou du programme décide, dans un délai de trois mois après la publication du bilan du débat public, par un acte qui est publié, du principe et des conditions de la poursuite du plan, du programme ou du projet ».

La Haute juridiction pose d’abord le principe selon lequel un tel acte a pour seul objet de tirer les conséquences du débat public et que s’il acquiert le caractère d’une décision dès lors, notamment qu’une fois qu’il est devenu définitif, aucune méconnaissance des articles L. 121-8 à L. 121-12 du Code de l’environnement ne peut plus être invoquée, « il ne peut, eu égard à son objet, être contesté que sur le fondement de moyens tirés de vices propres dont il serait entaché et de l’irrégularité du débat public au regard de ces mêmes dispositions, à l’exclusion, notamment, de toute contestation du bien-fondé de l’opération dont il est décidé de poursuivre les études, celui-ci ne pouvant être mis en cause qu’à l’occasion des actes qui, au titre des différentes législations applicables, en autorisent la réalisation ».

C’est ainsi notamment que le juge rejette le moyen des requérantes tiré de ce que la décision exclurait la pratique de la pêche et affecterait la sécurité maritime dans la zone d’implantation des projets mais également de ce qu’elle méconnaitrait les dispositions de la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages ainsi que l’article L. 414-1 du Code de l’environnement, dans la mesure où, précisément, il s’agit ici d’apprécier le bien-fondé de la décision. Concernant les autres moyens, ils sont également rejetés un à un au motif :

  • que la personne responsable du projet dans le cas présent, au sens de l’article L. 121-13 du Code de l’environnement, est le ministre de la Transition Énergétique quand bien même le Premier ministre aurait saisi la commission nationale du débat public ;
  • que le dossier soumis au débat examinait bien des solutions alternatives et notamment l’hypothèse dans laquelle le projet ne se ferait pas ;
  • que l’article L. 121-8-1 du Code de l’environnement, dans sa version applicable au projet, n’envisageait pas la consultation des communes situées sur le littoral de la façade maritime concernée par le projet et qu’en tout état de cause plusieurs communes du littoral ont ultérieurement été invitées par la commission particulière du débat public à formuler un avis sur le projet, conformément aux mêmes dispositions ;
  • que la décision de la commission nationale du débat public sur la suite donnée à sa saisine a été publiée au Journal officiel conformément à l’article R. 121-6 du Code de l’environnement et qu’une telle publication ne s’imposait pas à l’avis par lequel la commission s’est prononcée sur la prise en considération, par le maître d’ouvrage, du compte-rendu du débat public ;
  • que la circonstance que la décision prévue à l’article L. 121-3 précité ait été publiée deux jours après l’expiration du délai de trois mois prévu par le même article est sans incidence sur sa légalité ;
  • et que la zone d’étude du débat public n’était pas trop restreinte de sorte que le principe de participation du public a été respecté.

Partant, le Conseil d’Etat a prononcé le rejet des recours en annulation.

Déchets : la qualité d’exploitant des installations classées pour la protection de l’environnement de fait

Dans l’espèce examinée, le juge s’est prononcé sur la légalité d’un arrêté préfectoral mettant en demeure la Société Foncière Industrie au titre de la législation sur les Installations classées pour la protection de l’environnement (ici les ICPE), soit de déclarer la cessation définitive de son activité de transit et regroupement de déchets non dangereux et de procéder à l’évacuation des déchets stockés dans l’entrepôt dont elle était locataire à Brignais soit de régulariser cette activité.

Dans les faits, la Société Foncière Industrie louait à la Société Collectors un terrain, cette dernière y exploitant une activité de stockage de déchets. A la fin de la période d’exploitation la Société Collectors devait engager la procédure de cessation d’activité. Toutefois, dans la perspective de vendre son terrain, c’est la Société Foncière Industrie qui a procédé à l’évacuation des déchets présent sur le site en les entreposant sur un autre terrain situé à Brignais. Pour faire cesser cette situation, le préfet a dès lors pris des mesures à l’encontre de la Société sur le fondement de la législation ICPE, considérant que l’entreprise s’était illégalement vouée à une activité de transit et regroupement de déchets non dangereux.

Alors que les deux premiers degrés de juridiction se sont prononcés en faveur de l’annulation des arrêtés adoptés par le préfet à l’encontre de la Société Foncière Industrie, le Conseil d’Etat revient sur ces décisions au motif que la société Foncière Industrie devait être regardée comme « exerçant, de fait, sur le site qu’elle avait retenu à Brignais, une activité de transit et de regroupement de déchets lui conférant la qualité d’exploitant d’une installation relevant de la rubrique 2714 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement, distincte de l’installation située à Mornant et faisant l’objet de la mise en demeure antérieure de remise en état du site adressée par le préfet à la société Collectors ».

Fixation des dotations définitives au titre du Fonds de Péréquation de l’Electricité (FPE) pour l’année 2024

Délibération n° 2024-98 du 13 juin 2024

Délibération n° 2024-99 du 13 juin 2024

Délibération n° 2024-100 du 13 juin 2024

A la différence de l’Accès des Tiers au Réseau de Distribution de gaz naturel (ici ATRD) en matière de distribution de gaz[1], le tarif d’utilisation du réseau public d’électricité (ici le TURPE) – visant à couvrir les coûts supportés par les gestionnaires de réseaux de distribution (ici les GRD) pour l’exploitation du réseau – fait l’objet d’une péréquation nationale. Il est ainsi identique quel que soit le gestionnaire en cause et déterminé à partir du niveau prévisionnel de charges supporté par Enedis, gestionnaire historique. Pourtant, ces coûts sont différents d’un gestionnaire à l’autre, notamment en raison des particularismes locaux du réseau de distribution en cause. Pour pallier l’hétérogénéité des conditions d’exploitation de ces réseaux, a été introduit un fond de péréquation de l’électricité (FPE) prévu par l’article L. 121-29 du Code de l’énergie.

Ces dispositions permettent ainsi aux gestionnaires desservant plus de 10.000 habitants ou desservant des zones non interconnectées (ici les ZNI) et considérant que la formule de péréquation nationale ne permet pas de prendre en compte leurs coûts d’exploitation, de solliciter une péréquation de leurs coûts adaptée à leur situation.

Il revient ensuite à la CRE de procéder à l’analyse de leurs coûts pour déterminer les montants à percevoir. C’est ainsi que la Commission saisie de demandes en ce sens de la part de plusieurs gestionnaires, est venue fixer, par quatre délibérations du 13 juin 2024, les montants des dotations prévisionnelles qui leur seraient versées au titre du FPE pour l’année 2024. Elles sont respectivement des montants suivants :

 

[1] Pour plus de détails, nous vous invitons à consulter notre brève relative aux récentes évolutions de l’ATRD.

La Commission de Régulation de l’Energie fait évoluer plusieurs tarifs d’utilisation des réseaux de distribution publique de gaz naturel

CRE, Délibération n° 2024-111 du 13 juin 2024

CRE, Délibération n° 2024-112 du 13 juin 2024

L’Accès des Tiers au Réseau de Distribution de gaz naturel (ici les ATRD) est le tarif d’utilisation des réseaux de distribution de gaz naturel payé par les utilisateurs des réseaux de distributions visant à couvrir les coûts de développement, d’exploitation et d’entretien du réseaux supportés par les gestionnaires de réseaux de distribution (ici les GRD).

A la différence du tarif d’utilisation du réseau public d’électricité (ici le TURPE) en matière d’électricité et en raison de la structure particulière du marché de la distribution de gaz, l’ATRD ne fait pas l’objet d’une péréquation nationale. Il ne vaut ainsi qu’à l’intérieur de la zone de desserte d’un opérateur (GRDF ou entreprise locale de distribution – ici ELD, ces dernières disposant pour certaines d’un tarif commun et pour d’autre de tarifs spécifiques).

En parallèle, les nouveaux réseaux de distribution publique de gaz naturels dont l’exploitation est confiée à un GRD après mise en concurrence (article L. 423-6 du Code de l’énergie) ne font pas l’objet de péréquation tarifaire. Ils disposent quant à eux d’un tarif propre à chacun d’entre eux (article L. 452-1-1 du Code de l’énergie).

L’ensemble de ces tarifs suit toutefois une structure tarifaire commune et il revient à la CRE d’en fixer la méthode d’établissement (articles L. 452-2 et L. 452-3 du Code de l’énergie).

Dans ce cadre, par deux délibérations du 15 février 2024 commentées dans notre précédente lettre d’actualités, la Commission de régulation de l’énergie (ici la CRE) était venue publier le nouveau tarif péréqué d’utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel de GRDF à compter du 1er juillet 2024. La CRE vient désormais porter des évolutions aux tarifs péréqués applicables aux ELD et aux tarifs non péréqués applicables à plusieurs réseaux publics de distribution. Plus précisément, par trois délibérations du 13 juin 2024 la CRE :

  • fixe deux nouveaux tarifs non péréqués d’utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel concédés à GRDF en prévision du déploiement des compteurs évolués Gazpar sur ceux-ci à compter du 1er juillet (Délibération n° 2024-112 du 13 juin 2024).

Modifications du cahier des charges de l’appel d’offres de la Commission de Régulation de l’Energie relatif à l’autoconsommation d’électricité

La Commission de régulation de l’énergie (ci-après, CRE) a publié une délibération portant avis sur le projet de cahier des charges modifié de l’appel d’offres portant sur la réalisation et l’exploitation d’installations de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables, en autoconsommation et situées en métropole continentale. A titre liminaire, il convient de rappeler le cadre applicable à cet appel d’offres.

De première part, aux termes de l’article L. 311-10 du Code de l’énergie, lorsque les objectifs de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (ci-après, PPE) ne sont pas atteints, l’autorité administrative peut recourir à une procédure de mise en concurrence, prenant la forme d’appels d’offres, pour encourager le développement de certaines technologies en proposant aux lauréats des tarifs d’achat de leur électricité avantageux. En application de l’article précité, la ministre chargée de l’énergie a lancé sept appels d’offres au cours de l’année 2021 portant sur la réalisation et l’exploitation d’installations de production d’électricité renouvelable en métropole continentale. Ces appels d’offres sont désignés sous le terme « AO PPE2 ». L’un de ces appels d’offres concerne les installations dont au moins 50 % de la production est autoconsommée au sens des articles L. 315-1 ou L. 315-2 du Code de l’énergie, dont le cahier des charges modifié est ici commenté.

De seconde part, l’autoconsommation désigne la situation dans laquelle un producteur consomme en tout ou partie l’énergie produite par son installation. L’énergie qui n’est pas consommée, appelée surplus, est cédée à un tier. En répondant à l’appel d’offres AO PPE2 Autoconsommation, le producteur participant à une opération d’autoconsommation peut céder son électricité dans le cadre prévu par le cahier des charges de l’appel d’offres à la société EDF OA.

La délibération de la CRE ici commenté porte avis sur le projet de modification du cahier des charges de l’AO PPE2 Autoconsommation. Les principales modifications relevées par la CRE sont les suivantes.

En premier lieu, le projet de cahier des charges précise les dates de réponses à l’appel d’offres pour la quatrième période. Les candidats à l’appel d’offres ne peuvent répondre que lors de périodes préalablement définies. Pour l’année 2024, elles sont au nombre de quatre et la quatrième et dernière période de réponse s’étendra du 2 septembre au 14 septembre 2024.

En deuxième lieu, le projet de cahier des charges introduit la notion de grappe de projet. Cette introduction permettra à des producteurs participant à une unique opération d’autoconsommation collective de répondre ensemble à l’appel d’offres, quand jusqu’à lors, seul un producteur pouvait y répondre. La grappe de projet est définie comme suit :

« Un lot de plusieurs ensembles de machines électrogènes décrites dans l’offre et bénéficiant chacun d’un contrat d’accès au réseau public, participant à une opération d’autoconsommation collective étendue ».

L’ensemble des installations composant la grappe seront considérées comme une seule et même installation au sens du cahier des charges. Le cahier des charges sera adapté en conséquence pour prendre en compte l’introduction de cette nouvelle configuration.

En troisième lieu, le projet de cahier des charges opère des modifications générales pour mettre en cohérence l’appel d’offres AO PPE2 Autoconsommation avec les autres appels d’offres du ministère de l’énergie en cours.

En conclusion, la CRE, favorable aux modifications apportées, rappelle néanmoins sa position à l’égard de l’appel d’offres AO PPE2 Autoconsommation en recommandant « de ne pas reconduire les appels d’offres dédiés à l’autoconsommation et d’ouvrir la possibilité pour les projets actuellement éligibles à l’ »AO PPE2 Autoconsommation » de candidater aux appels d’offres dits « classiques » (« PPE2 PV Bâtiment « , « PPE2 PV Sol », et « PPE2 Eolien ») via la suppression de la limitation de 10 % de taux d’autoconsommation qui s’applique aux lauréats de ces appels d’offres. ».

Précisions réglementaires sur l’autorisation dont doivent être titulaires les producteurs concluant un contrat de vente directe d’électricité renouvelable.

L’article 86 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, dite loi APER, a consacré en droit interne la notion de contrat d’achat direct d’électricité d’origine renouvelable, mieux connue sous le terme de Power Purchase Agreement ou PPA. En modifiant l’article L. 333-1 du Code de l’énergie, l’article 86 précité a précisé que les producteurs concluant un contrat de vente directe d’électricité avec des consommateurs finals ou des gestionnaires de réseaux pour leurs pertes doivent être titulaires d’une autorisation délivrée par l’autorité administrative. Le décret n° 2024-613 du 27 juin 2024 relatif à l’autorisation de fourniture d’électricité et à l’abattement du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité vient préciser le cadre réglementaire applicable à ces autorisations en modifiant les articles R. 333-1 et suivants du Code de l’énergie, jusque-là relatif à l’autorisation d’achat d’électricité pour revente, soit l’autorisation de fourniture.

En premier lieu, le décret consacre une définition des contrats d’achat directs d’électricité d’origine renouvelable. Aux termes de l’article R. 333-1 du Code de l’énergie modifié :

« Tout contrat ayant pour objet la vente d’électricité, d’un producteur raccordé au réseau métropolitain continental à un consommateur final à des fins de consommation finale ou à un gestionnaire de réseaux pour ses pertes, sans cession ultérieure ».

La distinction avec l’activité de fourniture est donc clairement affirmée, puisque l’objet de ces contrats directs ne peut être la revente ultérieure, écartant de fait les contrats dits financiers ayant pour objet d’acheter l’électricité produite par un producteur pour la revendre ultérieurement à des consommateurs finals. Par cette exclusion le pouvoir réglementaire confirme que la notion de PPA consacrée en droit français s’apparente à la notion de corporate PPA, à l’exclusion des virtual PPA (ou PPA financier).

En deuxième lieu, ainsi que le prévoit l’article L. 333-1 du Code de l’énergie, le producteur concluant un contrat direct d’achat d’électricité renouvelable peut déléguer l’obligation d’être titulaire d’une autorisation. Le décret ici commenté précise le cadre réglementaire de cette délégation. L’article R. 333-1 du Code de l’énergie dispose désormais :

« Dans le cas prévu au 2° du I de l’article L. 333-1, le producteur est dispensé de faire une demande d’autorisation s’il a délégué à un tiers déjà titulaire de l’autorisation la responsabilité d’assumer, à l’égard des consommateurs finals, les obligations incombant aux fournisseurs d’électricité en application du présent code, notamment celles prévues au chapitre V du présent titre et au titre II du livre II. Le producteur en informe le ministre chargé de l’énergie au moins un mois avant la prise d’effet de la délégation. Cette délégation peut être renouvelée périodiquement et confiée à des tiers autorisés successifs différents. ».

Ainsi que le relevait la Commission de régulation de l’énergie dans sa délibération portant avis sur le projet de décret, le producteur se tournera naturellement vers le fournisseur en titre du consommateur final cocontractant. Toutefois, comme le relevait la CRE, des difficultés pourraient apparaitre du fait d’une part, de la différence de durée des contrats (fourniture 3 ans, PPA 20 ans) et d’autre part, du blocage potentiel des fournisseurs traditionnels.

En dernier lieu, le décret commenté adapte les articles R. 333-1 à R. 333-9 du Code de l’énergie pour supprimer la mention des termes « achat d’électricité pour revente » qui prévalait jusqu’à lors dans la mesure où l’autorisation visée par ces articles ne concernait que la fourniture au sens strict, c’est-à-dire l’achat pour revente et non la production pour revente. La modification de ces articles laisse songeur sur la qualification de l’activité de production pour revente. En effet, en soumettant les producteurs d’énergie renouvelable cédant leur production à des obligations similaires à celles des fournisseurs, on pourrait s’attendre à ce qu’ils soient qualifiables de fournisseur.

Un doute avait pu naitre sur le fait de savoir si les producteurs cédant directement leur électricité à des consommateurs finals devait être titulaires de l’autorisation de fourniture, dont les fournisseurs d’électricité doivent être titulaires ou d’une autorisation distincte. Le décret ici commenté met un terme à ce doute en consacrant la nécessité d’une autorisation similaire, avec des particularités propres à ce type de contrat.

Le Conseil d’État annule la procédure de passation d’une délégation de service public au regard de sa méthode de notation irrégulière

Par principe, l’autorité concédante définit librement la méthode d’évaluation des offres dans le cadre de l’attribution d’une délégation de service public (« DSP »). Cette méthode doit néanmoins respecter les principes fondamentaux de la commande publique. Comme le rappelle Lucienne Erstein, « pour que le choix de l’offre auquel elle aboutit soit régulier, la méthode doit éviter deux écueils. D’une part, elle ne doit pas priver les critères retenus de leur portée ou neutraliser leur pondération (marchés publics) ou hiérarchisation (concessions). D’autre part, il convient d’éviter que, pour chaque critère, la meilleure offre ne soit pas la mieux classée ou, pour l’ensemble des critères, que l’offre présentant le meilleur avantage économique global ne soit pas choisie »[1].

Dans cette affaire, la communauté d’agglomération Quimper Bretagne Occidentale avait lancé une procédure de consultation en vue d’attribuer une DSP relative à la gestion des services de mobilités. A l’issue de cette procédure, la communauté d’agglomération a retenu l’offre variante de la société RATP Développement. Or, les sociétés Keolis[2] et Transdev, candidates évincées, ont contesté cette décision d’attribution. Le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes a annulé cette procédure[3]. La communauté d’agglomération et la société RATP Développement ont donc saisi le Conseil d’Etat afin qu’il annule l’ordonnance du juge des référés.

Tout d’abord, le Conseil d’Etat estime que le Tribunal administratif a commis une erreur de droit en estimant que toute irrégularité entachant la méthode de notation lèse nécessairement l’ensemble des candidats, sans rechercher si les sociétés Keolis et Transdev étaient susceptibles de se voir attribuer la DSP.

Ensuite, le Conseil d’Etat rappelle son considérant issu de la jurisprudence commune de Saint-Cyr-sur-Mer[4] :

« Une méthode d’évaluation est toutefois entachée d’irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, les éléments d’appréciation pris en compte pour évaluer les offres au titre de chaque critère d’attribution sont dépourvus de tout lien avec les critères dont ils permettent l’évaluation ou si les modalités d’évaluation des critères d’attribution par combinaison de ces éléments sont, par elles-mêmes, de nature à priver de leur portée ces critères ou à neutraliser leur hiérarchisation et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure offre ne soit pas la mieux classée, ou, au regard de l’ensemble des critères, à ce que l’offre présentant le meilleur avantage économique global ne soit pas choisie. Il en va ainsi alors même que l’autorité concédante, qui n’y est pas tenue, aurait rendu publique, dans l’avis d’appel à concurrence ou les documents de la consultation, une telle méthode d’évaluation ».

En l’espèce, le Conseil d’Etat estime que la méthode d’évaluation utilisée par la communauté d’agglomération était effectivement irrégulière dès lors qu’elle était susceptible de conduire à ce que l’offre présentant le meilleur avantage économique global ne soit pas choisie.

« La méthode d’évaluation mise en œuvre en l’espèce par l’autorité concédante a consisté, conformément aux dispositions du règlement de la consultation, à classer les offres au regard de chacun des critères d’appréciation puis à attribuer à chaque offre une note correspondant à la moyenne des rangs de classement obtenus sur chaque critère, pondérée par le coefficient associé à chaque critère. L’offre retenue est celle ayant obtenu, en application de cette méthode, la note la plus basse. En faisant ainsi le choix, alors même qu’elle n’était en rien tenue de traduire en notes chiffrées l’appréciation qu’elle portait sur la valeur respective des offres, d’un mode d’attribution de la concession litigieuse fondé sur la moyenne pondérée des rangs de classement des offres au regard de chacun des critères d’attribution, alors que le classement ne reflète que très imparfaitement les écarts de valeur entre les offres, l’autorité concédante a retenu une méthode d’évaluation susceptible de conduire à ce que, au regard de l’ensemble des critères, l’offre présentant le meilleur avantage économique global ne soit pas choisie. Dans ces conditions, les sociétés Keolis et Transdev sont fondées à soutenir que la méthode d’évaluation mise en œuvre par l’autorité concédante est entachée d’irrégularité. ».

En conséquence, le Conseil d’État annule l’ordonnance du juge des référés et l’intégralité de la procédure de consultation.

 

[1] Lucienne ERSTEIN, « méthode de notation des offres : la simplicité est un gros défaut », la Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales n° 24, 17 juin 2024, act. 332.

[2] Qui est le concessionnaire sortant

[3] Tribunal administratif de Rennes, 31 octobre 2023, req. n° 2305258

[4] CE, 3 mai 2022, Commune de Saint-Cyr-sur-Mer, req. n° 459678

Différend relatif au paiement de la contribution volontaire exceptionnelle : les sociétés concessionnaires d’autoroutes interjettent l’appel

Les concessions autoroutières constituent une source intarissable de débats et de contentieux et cela depuis la privatisation des sociétés concessionnaires d’autoroutes (ci-après, « SCA »). Le principe même de cette privatisation avait effectivement donné lieu à un important arrêt de section[1] à l’occasion duquel le Conseil d’État avait, entre autres, eu à préciser les notions de monopole de fait et de service public national au sens du neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946. Le différend entre les SCA et l’État quant au refus de paiement par celles-ci de la contribution volontaire exceptionnelle s’ajoute donc à une longue liste des différends relatifs à ces concessions.

Pour rappel du contexte, dans le cadre d’un protocole d’accord signé en 2015 avec l’Etat, les SCA ont accepté de verser annuellement une contribution volontaire exceptionnelle destinée au financement de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (ci-après, « AFITF »), en contrepartie de la stabilité de leurs prélèvements obligatoires.

Cependant, estimant que l’État n’avait pas respecté les engagements souscrits au titre de ce protocole d’accord, les SCA ont contesté, devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, les titres exécutoires émis par l’ATIF pour le recouvrement de cette contribution due au titre des années 2021, 2022 et 2023, pour un enjeu financier de l’ordre de 188 millions d’euros.

Le principal moyen développé par les SCA est que l’Etat s’étend engager à compenser toute augmentation des prélèvements obligatoires à leurs égards, il lui appartenait de compenser l’indexation de la taxe d’aménagement du territoire sur l’inflation. En effet, cette indexation sur l’inflation de la taxe précitée résulte des dispositions de la loi de finances pour 2020. Les SCA soutenaient que cette indexation constitue une hausse qui devait être compensée par l’État au titre du protocole d’accord. Faute pour l’État de respecter cet engagement, les SCA n’étaient pas tenues d’honorer le leur et les créances relatives à la CVE pour les années 2021, 2022 et 2023 n’étaient donc pas certaines et ne pouvaient donc pas être recouvrées par l’émission de titres exécutoires.

Toutefois, par un jugement n° 2202106 du 14 mars 2024, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a relevé que le protocole d’accord conclu entre les SCA et l’État prévoit que dans « les cas où l’Etat procède à une hausse de la taxe d’aménagement du territoire, il est fait application des dispositions de compensation prévues par l’article 37 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 ». Or, les dispositions de l’article 37 de la loi du 4 février 1995 prévoient une prise en compte des conséquences de la taxe d’aménagement du territoire sur l’équilibre financier des SCA et non une compensation de plein droit des évolutions de celle-ci. Partant, dès lors que les SCA ne démontraient pas que l’indexation de la taxe d’aménagement du territoire avait perturbé l’équilibre financier des concessions, leur argument ne pouvait qu’encourir le rejet.

Cette interprétation du protocole d’accord avait déjà été retenue par le Tribunal administratif de Paris dans un jugement n° 2018192 en date du 13 janvier 2023 au terme duquel il avait rejeté la demande formée par la société d’Autoroutes et tunnel du Mont-Blanc à l’encontre de l’État pour obtenir l’indemnisation de la majoration de la taxe d’aménagement du territoire en raison de son indexation à l’inflation.

Nonobstant ces interprétations concordantes, les SCA n’ont pas été satisfaites qu’elle soit retenue par le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise puisqu’elles ont interjeté un appel auprès de la Cour administrative d’appel de Versailles à l’encontre du jugement du 14 mars 2024 précité. Au regard des enjeux financiers importants liés au paiement de la contribution volontaire exceptionnelle, il est sans doute probable que ce différend soit porté devant le Conseil d’État quel que soit le sens de l’arrêt rendu par la cour et le différend paraît donc loin d’être achevé.

 

[1] CE, 27 septembre 2006, M. Bayrou et Association de défense des usagers des autoroutes publiques et du patrimoine autoroutier, n° 290716.

Les compagnies aériennes régionales sollicitent une révision du cadre juridique en matière d’obligations de service public

On rappellera que les Etats membres de l’Union européenne peuvent intervenir sur le marché des transports aériens afin de garantir l’accès aux régions dans lesquelles le libre jeu du marché concurrentiel ne permet pas d’assurer un service de transports acceptable. Dans ces conditions, les Etats membres peuvent tout de même garantir la connectivité des régions isolées ou en développement, en imposant des obligations de service public (ci-après, « OSP »). Lesdites obligations constituent des normes d’exploitation devant être respectées par les transporteurs aériens souhaitant exploiter une liaison dite « vitale ». Ces normes permettent d’assurer une prestation minimale de services aériens réguliers en matière de continuité, de régularité, de prix ou de capacité minimale.

On distingue deux catégories d’OSP : les OSP ouvertes et les OSP fermées. Dans le cadre d’une imposition d’OSP ouvertes, les transporteurs aériens sont libres d’exploiter les lignes sous réserves de se conformer aux OSP, aucune compensation financière n’est octroyée dans ce schéma. Dans l’hypothèse d’OSP fermées, un transporteur exploite en exclusivité la liaison aérienne, éventuellement avec une compensation financière, et ce dans le cadre d’une délégation de service public (ci-après « DSP »). Les modalités de ce cadre juridique sont prévues aux termes du règlement européen (CE) n° 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil du 24 septembre 2008 dont la révision est prévue pour la prochaine mandature.

Cela étant rappelé, l’association des compagnies aériennes régionales européennes (ci-après, « ERA ») a publié, en juin 2024, une étude sur la pratique des obligations de service public dans l’Union européenne. L’Association ERA soutient que les OSP fermées doivent être envisagées avec davantage de flexibilité afin de rendre ces DSP plus viables notamment économiquement :

« Les compagnies aériennes régionales peuvent proposer des solutions aux régions qui soumissionnent pour des contrats OSP, mais elles ne peuvent participer et apporter une valeur ajoutée que si les risques sont gérés et si elles sont correctement rémunérées pour les services fournis. Dans un environnement de volatilité et de risque accrus, comme celui connu avec la récente pandémie de COVID-19 et avec des tensions géopolitiques croissantes à travers l’Europe, il est impératif que les contrats PSO soient flexibles ».

L’association ERA rappelle que la crise climatique impose notamment au secteur aérien de se décarboner. Les associations professionnelles de l’aviation se sont d’ailleurs engagées à atteindre l’objectif zéro émission nette de carbone d’ici 2050. L’ERA suggère, à ce titre, une augmentation de la durée des DSP (aujourd’hui limitée à quatre années[1]) pour encourager les investissements. D’autres suggestions sont encore formulées par l’association, notamment en ce qui concerne le droit des passagers aériens en matière de compensation en cas de retard ou d’annulation.

A l’heure où certaines liaisons aériennes sont contraintes de fermer faute de trouver des transporteurs intéressés pour l’exploitation de ces lignes, la révision des règles relatives aux OSP fermées pourrait constituer un levier de stimulation de la concurrence.

 

[1] Cette durée peut être portée à cinq ans s’agissant des régions ultrapériphériques.

Délibération de la Commission de Régulation de l’Energie portant projet de décision sur les prestations réalisées à titre exclusif par les gestionnaires du réseau de distribution d’électricité

La Commission de régulation de l’Energie (CRE) a adopté le 6 juin 2024 une délibération portant projet de décision sur les prestations réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de réseaux de distribution d’électricité. On rappellera qu’en complément de leurs prestations d’acheminement de l’électricité et de gaz naturel, les gestionnaires de réseaux de distribution (GRD) peuvent réaliser des prestations annexes à titre exclusif à la demande des fournisseurs et des consommateurs finals. Ces prestations sont rassemblées dans un catalogue qui est publié par les GRD.

En outre, les GRD d’électricité peuvent, dans le respect du droit de la concurrence, proposer des prestations qui relèvent du domaine concurrentiel et dont ils fixent librement le prix. La délibération du 6 juin 2024 a ainsi pour objet :

  • pour les utilisateurs BT > 36 kVA et HTA :
    • de faire évoluer le tarif de la prestation « séparation des réseaux » afin de tenir compte de la participation croissante du GRD à la contribution aux plans de prévention prévue par l’article R. 4512-7 du Code du travail ;
    • de préciser les règles de prise en charge par Enedis en cas de changement de compteur nécessaire à l’activation d’un calendrier fournisseur dans le cadre d’une prestation de modification de la formule tarifaire d’acheminement ;
    • de faire évoluer le prix des prestations « intervention pour permettre la vérification des protections HTA par un prestataire agréé » ; « intervention pour permettre la vérification des protections de découplage par un prestataire agréé » ; « intervention pour permettre la vérification simultanée des protections HTA et des protections de découplage par un prestataire agréé ».
  • pour les responsables d’équilibre :
    • de faire évoluer la prestation « accès à la plateforme Services aux Responsables d’Equilibre », en y proposant un accès, non facturé, et restreint ;
    • d’ajouter la liste des jeux de données disponibles sur la plateforme à l’annexe du catalogue de prestations.

Publication du décret n° 2024-524 permettant à RTE d’anticiper des raccordements futurs à son réseau

A la suite de l’avis favorable rendu par la Commission de Régulation de l’Energie (CRE), commenté dans notre dernière lettre d’actualité juridique, le décret n° 2024-524 pris pour application des articles L. 342-2 et L. 342-18 du Code de l’énergie a été publié au Journal officiel le 9 juin 2024. On rappellera que ce décret prévoit des dispositions permettant au gestionnaire du réseau de transport d’électricité, la société RTE, d’anticiper les raccordements futurs au réseau en dimensionnant les travaux de raccordement au-delà de ceux strictement nécessaires à une installation donnée. Il porte précisément sur quatre thématiques :

  • la définition de l’extension dans le cadre de travaux anticipés (modification de l’article D. 342-2 du Code de l’énergie) ;
  • la définition de la quote-part (création de l’article D. 342-25) ;
  • la procédure d’autorisation et de mutualisation (création de l’article D. 342-26) ;
  • et le délai d’application de la quote-part (D. 342-27).

Toutes les recommandations de la CRE ont, en substance du moins, été suivies par le Gouvernement. D’abord, c’est le cas des recommandations portant sur la modification de la définition des installations de consommation ou ouvrages du réseau public de distribution d’électricité pouvant bénéficier de la quote-part dont sont redevables les consommateurs et gestionnaires de réseaux de distribution d’électricité qui bénéficient de l’anticipation de travaux de raccordement au réseau de transport d’électricité. Désormais, aux termes de l’article D. 342-215 du Code de l’énergie, le bénéfice de cette quote-part s’étend au-delà des installations de consommation ou poste du réseau public de distribution n’ayant pas encore fait l’objet d’une convention de raccordement aux installations ou ouvrages existants dont le raccordement est modifié.

Il en va de même de la définition des ouvrages d’extension mutualisés. La CRE suggérait une nouvelle rédaction de l’article D. 342-2 du Code de l’énergie afin de permettre à RTE d’anticiper ces ouvrages sans attendre la réception de deux demandes de raccordement. Ainsi, elle proposait d’indiquer que les ouvrages d’extension mutualisés « concourent à l’alimentation de l’installation du demandeur et d’au moins une autre installation de consommation ou d’un ouvrage de réseaux publics de distribution, faisant l’objet de demandes de raccordement au réseau de transport concomitantes ou ultérieures ». Si le décret tel que publié a préféré les termes de « concomitantes ou échelonnées dans le temps », la recommandation de la CRE a, en substance, été suivie.

Enfin, le décret indique expressément, comme le recommandait le régulateur, que le silence gardé par le CRE pendant deux mois sur une demande d’autorisation formulée par RTE vaut décision d’acceptation.

L’adoption d’une nouvelle directive relative à la protection de l’environnement par le droit pénal : le crime d’écocide aux abonnés absents

En bref

Le 11 avril dernier, le Parlement européen a adopté la directive n° 2024/1203 relative à la protection de l’environnement par le droit pénal qui prévoit notamment :

  • Un élargissement des infractions environnementales ;
  • Une précision et un durcissement de leurs sanctions.

Cette directive vient remplacer la directive de 2008 du même nom et la directive de 2009 relative à la pollution causée par les navires. Elle imposera aux États membres d’intégrer dans leur arsenal juridique vingt infractions, contre neuf sous l’égide des précédents textes. Néanmoins, le crime d’écocide ne figure toujours pas parmi les nouvelles infractions instituées.

Cette nouvelle directive, entrée en vigueur le 20 mai 2024, devra être transposée dans les législations nationales de l’ensemble des États membres de l’Union européenne d’ici le 21 mai 2026.

*

Par l’adoption de l’Acte unique européen en 1986, l’Union européenne (UE) – alors dénommée la Communauté économique européenne (CEE) – instaurait la protection de l’environnement dans le droit européen[1]. Depuis, la préoccupation environnementale est devenue un sujet central dans le droit communautaire[2] qui a même développé un arsenal pénal dédié à la protection de ses composantes.

A ce titre, l’Union européenne a adopté une première directive relative à la protection de l’environnement par le droit pénal le 19 novembre 2008[3].

Cependant, cette directive était assez succincte et il ressort des évaluations de la Commission européenne qu’elle a eu peu d’effet en pratique, notamment parce que[4] :

  • Le nombre d’affaires ayant donné lieu à une condamnation est très faible ;
  • Les sanctions imposées étaient trop faibles pour être dissuasives ;
  • Les États membres ont peu ou mal exécuté la règlementation.

Pourtant, le rapport de l’Agence de l’Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale (Eurojust) a révélé que la criminalité environnementale est la quatrième activité criminelle la plus importante dans le monde[5] et qu’elle représente à ce titre l’une des principales sources de financement de la criminalité organisée après le trafic de stupéfiants, le trafic d’armes et la traite des êtres humains[6].

Pour ces raisons, le Parlement européen a donc adopté le 11 avril dernier une nouvelle directive établissant des règles minimales s’agissant de « la définition d’infractions pénales et de sanctions visant à protéger l’environnement de manière plus efficace […] et à faire appliquer efficacement le droit environnemental de l’Union » qui devront être transposées dans les législations nationales des États membres de l’Union européenne d’ici le 21 mai 2026.[7].

La création de nouvelles infractions environnementales

L’article 3 de cette récente directive institue vingt infractions que les États membres devront intégrer dans leur arsenal juridique, étant précisé qu’elles en constituent le socle minimal mais que les États membres peuvent, s’ils le souhaitent, prévoir des infractions pénales supplémentaires en vue de protéger l’environnement[8]. On peut citer parmi les nouvelles infractions :

  • La fabrication, le stockage et l’exploitation illégale du mercure (d) ;
  • Le recyclage illégal de composants polluants des navires (h) et le rejet illégal de substances polluantes par les navires (i) ;
  • Le captage et l’exploitation illégale des ressources en eau susceptible de causer des dommages substantiels à l’état écologique des masses d’eau (m) ;
  • L’introduction ou la propagation d’espèce exotiques envahissantes (r) ;
  • La production, l’exploitation ou le rejet de gaz à effet de serre fluorés (t) ;

La directive précise que certains de ces comportements, à l’instar de l’introduction ou la propagation d’espèces exotiques envahissantes[9] ne nécessitent pas de caractère intentionnel et qu’une négligence peut constituer le support du manquement fautif. En outre, elle indique également certains critères que les États doivent prendre en considération[10] :

  • Dans l’appréciation de l’importance des dommages causés tels que leur réversibilité et l’état initial de l’environnement affecté ;
  • Dans l’appréciation du comportement causant le dommage, tels que le non-respect d’une obligation d’autorisation à délivrer pour l’activité concernée ;

Par ailleurs, cette directive impose de prévoir une répression de la tentative de commettre une de ces infractions[11]. Enfin, la directive établit des circonstances aggravantes telles que[12] :

  • La commission par un agent public dans l’exercice de ses fonctions ;
  • Les avantages financiers tirés de l’infraction.

Consciente de l’importance de la réparation des atteintes causées à l’environnement, la directive institue au titre des circonstances atténuantes de la responsabilité pénale, la restauration volontaire de l’environnement dans son état antérieur à l’infraction par son auteur[13].

L’absence d’élaboration d’un crime d’écocide

Notons que la présente directive n’impose toujours pas aux États membres la mise en place d’un crime d’écocide mais introduit, aux termes de son article 3 §3 « une infraction qualifiée » dans l’hypothèse où les comportements infractionnels entraineraient :

  • La destruction d’un écosystème d’une taille ou valeur considérable ou d’un habitat au sein d’un site protégé, ou des dommages étendus et substantiels irréversibles ou durables ;
  • Des dommages étendus et substantiels irréversibles ou durables à la qualité de l’air, du sol ou de l’eau.

De plus, dans son considérant 21, la directive affirme que :

« Ces infractions pénales qualifiées peuvent englober un comportement comparable à un « écocide », qui est déjà couvert par le droit de certains États membres et fait l’objet de discussions dans les enceintes internationales ». 

Le durcissement des sanctions

S’agissant des sanctions pénales apportées aux infractions environnementales, ladite directive entreprend une réelle évolution, afin de remédier à l’absence d’effectivité de la directive précédente – celle de 2008 qui se contentait de préciser sur ce point [14] :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les infractions visées aux articles 3 et 4 soient passibles de sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives ».

Or, la nouvelle directive détaille plusieurs sanctions principales et complémentaires et institue des sanctions minimales en matière d’emprisonnement. A titre illustratif :

  • S’ils causent la mort d’une personne, la fabrication, l’utilisation, le stockage ou l’importation illégale de mercure ou de produits contenant du mercure est passible d’une peine d’emprisonnement maximale d’au moins dix ans ;
  • Si elles causent des dommages substantiels irréversibles ou durables à la qualité du sol ou de l’eau, la captation et l’exploitation des ressources en eaux est passible d’une peine d’emprisonnement maximale d’au moins huit ans.

A ces peines s’ajoutent, pour les personnes morales, des amendes dont le montant est proportionné à la gravité du comportement et à la situation financière de la personne morale concernée – dont la directive prévoit toutefois un montant minimal à mettre en place par les États[15]. S’agissant des peines complémentaires, les personnes physiques encourent notamment :

  • L’exclusion de l’accès à des financements publics ;
  • Le retrait des autorisations d’exploiter ;
  • L’interdiction temporaires de se présenter à des fonctions publiques ;
  • La publication de la décision judiciaire relative à l’infraction pénale.

Tandis que les personnes morales encourent par exemple :

  • L’exclusion du bénéfice d’une aide publique ;
  • L’interdiction d’exercer une activité commerciale ;
  • Le placement sous surveillance judiciaire ;
  • La fermeture de l’établissement ayant servi à commettre l’infraction.

Enfin, la directive prévoit une obligation de restaurer l’environnement dans un délai donné si les dommages sont réversibles et le versement d’une indemnité dans le cas contraire pour les personnes physiques et morales.

Les mesures supplémentaires initiées par la directive

Les États membres doivent, entre autres, organiser dans leur législation nationale :

  • Des délais de prescription minimale[16];
  • Des outils d’enquête efficaces et proportionnés[17];
  • La protection des personnes signalant des infractions pénales environnementales[18];
  • Des mesures de préventions afin de réduire le risque de criminalité environnementale[19];
  • L’organisation d’une formation spécialisée pour les personnes intervenant dans le cadre des enquêtes pénales environnementales[20];

Où en est la France ?

Le droit de l’environnement français contient déjà plusieurs dispositions répressives qui rappellent les infractions mises en place par la directive européenne telle que les infractions concernant :

  • Les déchets[21];
  • La gestion de l’eau[22];
  • La pollution des milieux marins et aériens en violation d‘une obligation de prudence ou de sécurité[23];

De surcroit, depuis la loi « Climat et résilience » [24], l’article L. 231-3 du Code de l’environnement prévoit le délit d’écocide lorsque la pollution illégale des milieux marins ou aériens qui entraîne des effets nuisibles graves et durables sur la santé, la flore ou la faune est commise de façon intentionnelle.

*

Par ailleurs, le Parlement européen (le 24 avril 2024) et le Conseil (le 24 mai 2024) ont également récemment adopté la directive relative au devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité – ou Corporate Sustainability Due Diligence directive (CSDDD) – qui a pour objet la responsabilisation des entreprises quant à leurs incidences négatives sur les droits humains et l’environnement[25].

Notons que la directive 2024/1203 institue justement une obligation de diligence raisonnable comme sanction complémentaire des personnes morales ayant commis une infraction environnementale.

La directive relative au devoir de vigilance prévoit quant à elle des mesures de prévention et des sanctions pour les entreprises ayant employé plus de 1.000 salariés en moyenne et ayant réalisé un chiffre d’affaires net de plus de 450 millions d’euros au niveau mondial en cas d’atteintes ou de risque d’atteintes aux droits de l’Homme et à l’environnement.

Elle sera prochainement publiée au Journal officiel de l’Union européenne et les nouvelles règles s’appliqueront progressivement aux entreprises entre 2027 et 2029[26].

La multiplication de ces textes européens participe à la construction d’un droit européen de l’environnement dans la prolongation du Pacte vert pour l’Europe présenté par la Commission européenne le 11 décembre 2019 et visant à adapter les politiques de l’Union européenne en matière de climat, énergie, transport et fiscalité afin de réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre de 55 % d’ici 2030.

 

Marlène Joubier et Marguerite Saurel

 

[1] Acte Unique européen, 28 février 1986

[2] Article 3 du TUE ; Article 21 du TFUE ; Article 37 de la Charte européenne des droits fondamentaux

[3] Directive 2008/99/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative à la protection de l’environnement par le droit pénal

[4] Commission européenne, Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la protection de l’environnement par le droit pénal remplaçant la directive 2008/99/CE, 15 décembre 2021

[5] Report on Eurojust’s Casework on Environmental Crime, Criminal justice across borders, January 2021

[6]Parlement européen, Communiqué de presse, Criminalité environnementale : liste élargie d’infractions et de sanctions, 27 février 2024

[7] Article premier de la directive 2024/1203

[8] Article 3 paragraphe 5 de la directive 2024/1203

[9] Article 3, paragraphe 4 de la directive 2024/1203

[10] Article 3, paragraphes 6 et 7 de la directive 2024/1203

[11] Article 4 de la directive 2024/1203

[12] Article 8 de la directive 2024/1203

[13] Article 9 de la directive 2024/1203

[14] Article 5 de la directive 2008/99/CE

[15] Article 7 de la directive 2024/1203

[16] Article 11 de la directive 2024/1203

[17] Article 13 de la directive 2024/1203

[18] Article 14 de la directive 2024/1203

[19] Article 16 de la directive 2024/1203

[20] Article 18 de la directive 2024/1203

[21] Article L. 231-2 et L. 541-46 du Code de l’environnement

[22] Article L. 216-6 du Code de l’environnement

[23] Article L. 231-1 du Code de l’environnement

[24] Loi n° 2021-1104, Climat et résilience, 22 août 2021

[25] Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité et modifiant la directive (UE) 2019/1937 : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:52022PC0071

[26] Conseil de l’Union européenne, Communiqué de presse, Devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité : le Conseil donne son approbation définitive, 24 mai 2024

Nouvelles précisions dans le cadre du ZAN : la liste des projets d’envergure nationale ou européenne est publiée

Le pouvoir réglementaire poursuit la mise en place de l’objectif « Zéro Artificialisation Nette » avec la publication au Journal officiel du 9 juin 2024 d’un arrêté apportant certaines précisions utiles sur la notion d’opérations d’envergure nationale ou européenne et ses conséquences au niveau régional.

Précisions sur la détermination de l’objectif de réduction de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers pour les régions couvertes par un SRADDET

Pour rappel, en application de l’article 194 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets dite loi « Climat et résilience », il était prévu que la consommation de l’espace soit réduite de moitié pour la période 2021-2031 par rapport à la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers constatée sur la période 2011-2021. Toutefois, le III bis de cet article avait exclu de cette comptabilisation au niveau régional la consommation d’espaces agricoles, naturels et forestiers des projets d’envergure nationale. Plus exactement, il était prévu qu’un forfait national de 12.500 hectares soit fixé dont 10.000 mutualisés entre les régions couvertes par un SRADDET.

Le présent arrêté tire les conséquences de la prise en compte de ce forfait sur la péréquation opérée quant à la détermination de l’objectif régional de réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers. L’article 1 précise ainsi pour la période 2021-2031, la réduction du rythme de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers sera d’au moins 54,5 % de la consommation observée au cours de la période 2011-2021 pour chacune des régions couvertes par un SRADDET.

Sur les opérations d’envergure nationale ou européenne

En application du 8° du III de l’article 194 de la loi du 22 août 2021 « Climat et résilience », le pouvoir réglementaire dresse une liste des opérations d’envergure nationale ou européenne comptabilisées au niveau national (et bénéficiant d’un régime aménagé quant à l’objectif ZAN) quant à la consommation de l’espace naturel, agricole et forestier (annexe I de l’arrêté). Elles sont au nombre de 175. Une deuxième liste est dressée recensant les projets d’envergure susceptibles d’être identifiés à l’occasion de la modification du présent arrêté (annexe II de l’arrêté).

Enfin, l’article 2 de l’arrêté précise que sont exclues au titre des projets d’envergure nationale ou européenne, les opérations de construction ou d’aménagement de postes électriques incluant « les postes de transformation du réseau public de transport d’une tension supérieure ou égale à 220 kilovolts, tant en courant continu qu’en courant alternatif, notamment ceux portés par la société Réseau de transport d’électricité en France métropolitaine continentale et les gestionnaires compétents en Corse et dans les départements et régions en outre-mer, ainsi que les postes de répartition et les stations de conversion lorsqu’ils intègrent un niveau de tension équivalent ».

Communication du dossier médical, le rappel à l’ordre du Conseil d’Etat

Plus de vingt après la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite « loi Kouchner », il n’était sans doute pas inutile que le Conseil d’Etat rappelle le caractère impératif des délais, fixés par la loi, en matière de communication du dossier médical du patient. Nombre d’établissements avaient, semble-t-il, pris quelques facilités avec ces procédures pourtant protectrices des droits des malades et de leurs ayants droit. Ce rappel salutaire est intervenu à l’occasion d’un arrêt rendu par les 5ème et 6ème chambres réunies le 13 février 2024.

Dans cette affaire, une patiente atteinte d’une démence profonde a été hospitalisée au centre hospitalier de Caen, à compter du 29 septembre 2016, pour y recevoir une assistance alimentaire, du fait de la forte dégradation de son état de santé. Le 3 octobre 2016, après plusieurs épisodes importants de régurgitation, elle va subir un examen radiologique à la suite duquel elle sera retrouvée décédée dans sa chambre.

Par jugement du 30 juin 2020, le Tribunal administratif de Caen a rejeté les conclusions de l’époux et des enfants de la défunte tendant à la réparation des fautes commises dans la prise en charge de la patiente. Le 5 novembre 2021 la Cour administrative d’appel de Caen rejettera pareillement l’appel formé par les requérants. C’est dans ces conditions que l’affaire s’est présentée devant le Conseil d’Etat, les demandeurs ayant notamment formé une demande d’indemnisation en raison du préjudice subi par eux du fait de la communication tardive, par le Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Caen, du dossier médical de leur épouse et mère. La Haute Juridiction va, sur ce point, rappeler les dispositions de l’article L. 1111-7 du Code de la santé publique qui prévoit que :

« Toute personne a accès à l’ensemble des informations concernant sa santé détenues, à quelque titre que ce soit, par des professionnels et établissements de santé, qui sont formalisées ou ont fait l’objet d’échanges écrits entre professionnels de santé […]. En cas de décès du malade, l’accès des ayants droit, du concubin, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité à son dossier médical s’effectue dans les conditions prévues au dernier alinéa du V de l’article L. 1110-4 ».

Ledit alinéa étant ainsi rédigé :

« le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, dans la mesure où elles sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès ».

Afin, sans doute, de donner plus de solennité à son rappel des règles de droit applicables en la matière, le Conseil d’Etat va rappeler, qu’aux termes des travaux parlementaires préparatoires à la loi Kouchner, le législateur a entendu autoriser la communication aux ayants droit d’une personne décédée des seules informations nécessaires à la réalisation de l’objectif poursuivi par ces ayants droit. Il en tire la conclusion que « l’absence de communication aux ayants droit des informations nécessaires pour éclairer les causes du décès comme le retard à les communiquer dans un délai raisonnable constituent des fautes et sont présumés entraîner, par leur nature, un préjudice moral, sauf circonstances particulières en démontrant l’absence ».

Dans le cas d’espèce, les ayants droit avaient formé une demande de communication de la feuille de dispensation des médications et de la radiographie effectuée juste avant le décès. Ces demandes ont été formalisées les 10 et 31 octobre 2016 et le CHU de Caen n’y aura fait droit que le 25 mai 2018 pour ce qui concerne la radiographie et le 13 septembre 2018 pour la feuille de dispensation.

Le Conseil d’Etat en tire la conséquence que le CHU de Caen a commis, en l’absence de circonstances particulières, une faute de nature à causer aux demandeurs un préjudice moral. Il va donc infirmer l’arrêt de la Cour administrative d’appel sur ce point, qui avait considéré que les requérants n’établissaient pas que le retard dans la communication des pièces médicales sollicitées leur avait occasionné un préjudice.

Le CHU sera ainsi condamné à verser une somme de 2 000 € à l’époux et chacun des deux enfants de la patiente décédée.

Ce faisant, le Conseil d’Etat a réaffirmé sans ambages ni ambiguïté le principe de transparence des informations médicales dont sont détenteurs les professionnels et établissements de santé, considérant qu’il s’agit de données qui appartiennent d’abord aux patients et à leurs ayants droit. A l’heure du développement exponentiel du numérique en santé, ces principes prennent un relief plus grand encore.

Suspension par le juge des référés d’un refus de protection fonctionnelle sollicité pour un cas non prévu par l’article L. 134-1 du Code général de la fonction publique

Un sous-directeur d’administration centrale au ministère de l’intérieur et des outre-mer s’est vu notifier le 10 octobre 2023 une ordonnance de mise en cause par un magistrat instructeur près la Cour des comptes s’agissant de l’inexécution de décisions de justice par l’Etat en matière de visas. Par une décision implicite du 11 décembre 2023, l’octroi de la protection fonctionnelle a été refusé au requérant, qui a alors saisi le juge administratif d’un référé suspension.

Le 14 mars 2024 le juge des référés du Tribunal administratif de Paris a rendu une décision particulièrement intéressante, et ce à deux égards.

D’abord, il s’agit d’une des très rares décisions où il est admis qu’un refus de protection fonctionnelle fasse l’objet d’une suspension par le juge des référés, la condition d’urgence posée par l’article L. 521-1 du Code de justice administrative y faisant la plupart du temps obstacle. On peut ainsi relever peu de précédents (voir pour l’un des rares d’entre eux : CE, 26 février 2020, n° 436176 qui concernait la protection fonctionnelle de la mère d’un ancien agent des forces armées françaises en Afghanistan dans un contexte de menaces très particulier).

Dans cette affaire, dans laquelle était donc demandée par un agent mis en cause devant la Cour des comptes la protection fonctionnelle aux fins de bénéficier de la prise en charge des frais d’avocat utiles pour exercer sa défense, le Tribunal considère néanmoins cette condition établie au regard de la particularité du dossier, selon le considérant suivant :

« 4. Il résulte de l’instruction que M. C ne bénéficie actuellement d’aucune assistance pour préparer sa défense alors que, d’une part, il exerce des fonctions chronophages et prenantes de sous-directeur au sein du ministère de l’intérieur et des outre-mer et, d’autre part, la phase d’instruction devant la Cour des comptes a largement été amorcée dès lors que le magistrat chargé de l’instruction l’a déjà auditionné le 8 février 2024. En outre, le coût des honoraires d’un avocat spécialisé dans le domaine de la responsabilité financière des gestionnaires publics devant la Cour des comptes exposerait M. C à des dépenses élevées sans pour autant permettre des recherches importantes de pièces au sein de ses services afin d’assurer sa défense dans un dossier portant sur de très nombreux cas d’inexécution ou de retards d’exécution de jugements. »

Ensuite, alors que les poursuites devant la Cour des comptes ne sont pas des poursuites pénales ni des hypothèses d’ouverture de la protection fonctionnelle visées par le CGFP, le juge des référés a estimé que la mise en cause d’un agent au titre du nouveau dispositif de l’ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022  – qui crée un régime de responsabilité financière unifié des gestionnaires publics avec des infractions financières – est de nature à justifier de l’octroi de la protection fonctionnelle. C’est ainsi qu’après avoir, par une application classique du droit en vigueur, exclut l’existence d’une faute personnelle, le juge a fait droit à la demande de l’agent et suspendu ce refus en enjoignant un octroi provisoire de la protection fonctionnelle.

La décision se fonde sur le fait que les articles L. 134-1 du CGFP n’excluraient pas l’application du principe général du droit à la protection fonctionnelle antérieurement reconnu par la jurisprudence du Conseil d’Etat à des cas non prévus « comme une nouvelle procédure non judiciaire de responsabilité financière prévoyant de lourdes sanctions ».

Ne s’agissant que d’une décision de référé rendue en premier ressort sa portée reste sujette à caution mais son intérêt n’en est pas moins certain en ce que la procédure à laquelle elle étend le bénéfice de la protection fonctionnelle est relativement nouvelle et effectivement lourde de conséquences pour les agents qu’elle vise.

Le dépassement, par un agent territorial, de la durée maximale de six ans en cours de CDD ne donne pas lieu à la transformation tacite en CDI

Par un arrêt en date du 26 février 2024, le Conseil d’Etat a jugé que même si en cours de CDD l’agent contractuel territorial dépasse la durée maximale de six années lui ouvrant droit à un renouvellement en CDI, son CDD n’est pas tacitement transformé en CDI.

En l’espèce, le maire de Sada (Mayotte) a informé M. B., agent recruté à durée déterminée, de son intention de ne pas reconduire son contrat de travail au terme de celui-ci. L’agent, qui avait atteint une ancienneté de six ans avant la fin de son contrat, se prévalait de la transformation de celui-ci en CDI et a sollicité la suspension de cette décision auprès du Tribunal administratif de Mayotte, qui a fait droit à sa demande.

Saisie à son tour, la haute assemblée annule l’ordonnance du juge des référés pour erreur de droit en considérant qu’il résulte des articles L. 332-8 à L. 332-11 du Code général de la fonction publique (CGFP) que si l’agent territorial justifie d’une durée de services publics de six ans au moins auprès de la même collectivité ou du même établissement sur des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique avant l’échéance du contrat, celui-ci ne se trouve pas tacitement transformé en contrat à durée indéterminée. Dans un tel cas, les parties ont la faculté de conclure d’un commun accord un nouveau contrat, à durée indéterminée, sans attendre cette échéance, mais n’ont pas l’obligation de procéder à une telle transformation de la nature du contrat, ni de procéder à son renouvellement à son échéance. Ce n’est qu’en cas de renouvellement de l’engagement que celui-ci ne pourra intervenir que pour une durée indéterminée.

Précisons que par cet arrêt, le Conseil d’Etat réaffirme une solution rendue sous l’empire des dispositions antérieures à l’entrée en vigueur du Code général de la fonction publique (voir en ce sens, CE, 30 septembre 2015, n° 374015).

On relèvera enfin, comme souligné par la Rapporteure publique dans cette affaire, la spécificité sur ce point de la fonction publique territoriale, dans la mesure où les dispositions des articles L. 332-4 et L. 332-17 du CGFP, applicables respectivement en matière de fonction publique d’Etat et de fonction publique hospitalière, prévoient, elles, que lorsque l’agent atteint en cours de contrat une ancienneté de 6 ans dans des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique, son contrat est réputé être conclu à durée indéterminée.

La simple mention « burn-out » sur un certificat médical ne constitue pas un arrêt de complaisance

Par une décision en date du 28 mai 2024, le Conseil d’Etat a apporté un nouvel éclairage sur ce qui caractérise, ou non, un certificat de complaisance contraire à la déontologie médicale.

A l’heure où il est porté une attention particulière à la délivrance des arrêts de travail et à leur fondement, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur un arrêt indiquant l’existence d’un « burn-out », c’est-à-dire d’un syndrome d’épuisement professionnel, en considérant que cette seule mention ne constitue pas une faute déontologique de la part du médecin qui l’établit.

Pour rappel, l’article R. 4127-28 du Code de la santé publique dispose que « la délivrance d’un rapport tendancieux ou d’un certificat de complaisance est interdite ».

C’est sur la base de cet article que dans cette espèce, la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins a confirmé la sanction de l’avertissement qui avait été infligée à une médecin spécialiste, également qualifiée en médecine généraliste, qui avait établi une prolongation d’un arrêt de travail d’une salariée en indiquant comme motif « burn-out ».

Pour justifier la sanction ainsi prononcée, la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins a considéré que l’arrêt de travail ainsi émis avait méconnu les recommandations de bonne pratique de la Haute Autorité de santé. Selon elle, en effet, il appartient au médecin généraliste diagnostiquant un burn-out, d’en échanger préalablement avec le médecin du travail. Le médecin généraliste ne peut donc en principe se fonder sur les seuls dires de la patiente pour établir un tel constat. Toutefois, le rapporteur public sur cette affaire, Monsieur Raphaël Chambon, a d’abord rappelé la jurisprudence du Conseil d’Etat en la matière et en particulier la décision en date du 6 juin 2018 par laquelle il a été considéré que la circonstance qu’un certificat établi par le médecin du travail prenne parti sur un lien entre l’état de santé d’un salarié et ses conditions d’exercice au sein de l’entreprise ne constitue pas un rapport tendancieux au sens des dispositions précitées de l’article R. 4127-28 du Code de la santé publique, sous réserve que le médecin l’ait personnellement constaté et que ces considérations n’aient pas seulement été rapportées par son patient (CE, 6 juin 2018, n° 405453, mentionné aux tables du recueil Lebon).

Ensuite, le rapporteur public a considéré que la caractérisation d’un rapport tendancieux ou d’un certificat de complaisance supposait soit, l’immixtion du médecin dans une situation ou un conflit qui ne le concerne pas, soit que le contenu de l’arrêt délivré s’avère délibérément inexact ou mensonger.

La Haute Juridiction a ainsi estimé que « la seule circonstance que Mme C… ait fait état de ce qu’elle avait constaté l’existence d’un syndrome d’épuisement professionnel sans disposer de l’analyse des conditions de travail du salarié émanant notamment du médecin du travail ne saurait caractériser l’établissement d’un certificat tendancieux ou de complaisance au sens des dispositions de l’article R. 4127-28 du code de la santé publique » et que la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins avait inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis et lui a donc renvoyé l’affaire, après avoir annulé la sanction.

Si cette décision revêt une certaine importance dans la mesure où les médecins – tant généralistes que les médecins du travail – peuvent être fréquemment amenés à être consultés par des agents au motif d’un épuisement professionnel, il doit néanmoins être rappelé que ce constat ne peut être retenu qu’en cas de constatations personnelles de leur part et que ce constat ne permettra pas nécessairement au Juge administratif de considérer qu’il existe un contexte de travail pathogène (en ce sens, par exemple : CAA Bordeaux, 16 novembre 2020, n° 18BX03460).