Offices publics de l’habitat : un décret « toilette » les règles relatives au conseil d’administration

Pour mémoire, depuis l’entrée en vigueur du décret n° 2022-706 du 26 avril 2022 relatif à la gouvernance des offices publics de l’habitat (OPH), l’effectif du conseil d’administration est librement fixé par la collectivité territoriale ou l’établissement public de coopération intercommunale de rattachement de l’Office, dans la limite de 35 membres (art. R. 421-4 du CCH). Le décret n° 2024-177 du 6 mars 2024 apporte des précisions bienvenues.

En premier lieu, le décret précise que le nombre de membres peut être modifié :

  • lors de chaque renouvellement du conseil d’administration ;
  • à l’issue d’un changement de collectivité territoriale de rattachement ;
  • à l’issue d’une fusion avec un autre OPH.

En second lieu, la composition du conseil d’administration peut être modifiée :

  • lors de chaque renouvellement de l’organe délibérant de la collectivité territoriale de rattachement ;
  • à l’issue d’un changement de collectivité territoriale de rattachement ;
  • à l’issue d’une fusion avec un autre OPH.

Enfin, rappelons que l’article L. 421-8 du CCH fixe deux règles relatives à la composition du conseil d’administration :

  • les membres désignés par la collectivité territoriale ou l’établissement public de rattachement disposent de la majorité des sièges ;
  • les représentants des locataires disposent d’au moins un sixième des sièges.

Sur ce second point, le décret précise que cette règle s’applique également au sein des offices résultant de la fusion de plusieurs OPH et ceci, quelles que soient la taille et la composition du conseil d’administration.

Loi de finances pour 2024 : loyer plafond des conventions d’aides personnalisées au logement

L’article 71 II de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 modifie plusieurs dispositions du Code de la construction et de l’habitation (CCH), dont l’article L. 353-9-2, auquel a été ajouté un nouvel alinéa disposant que :

« Les loyers et redevances maximaux des conventions conclues en application de l’article L. 831-1 du présent code peuvent être augmentés par avenant, dans des conditions fixées par décret, pour tenir compte de l’amélioration de la performance énergétique et environnementale des logements à l’issue de travaux réalisés dans les conditions prévues à l’article 1384 C bis du code général des impôts. Le décret fixe notamment le taux maximal d’augmentation par avenant des loyers et redevances ».

Auparavant, les travaux de réhabilitation réalisés par un bailleur social dans un logement conventionné ne permettaient, sous certaines conditions, d’augmenter le loyer y afférent (« loyer pratiqué ») que dans l’hypothèse où ces travaux avaient une incidence sur le détail de la surface corrigée ou utile sur la base de laquelle est calculé le montant du loyer. Le loyer maximal de la convention des aides personnalisées au logement (APL), exprimé par m² de surface corrigée ou utile, restait inchangé. Ainsi, dans une fiche n° 5 (« travaux à l’initiative du bailleur dans les logements locatifs sociaux occupés (sauf démolition) », DHUP, août 2019) consacrée aux travaux à l’initiative du bailleur réalisés dans les logements locatifs sociaux conventionnés occupés, la Direction de l’Habitat, de l’Urbanisme et des Paysage (DHUP) précisait que :

« Si les travaux entraînent une modification des surfaces, il convient de faire un avenant au descriptif du programme dans la convention APL pour en tenir compte, ce qui peut avoir pour effet de modifier les loyers maximums des logements concernés. En revanche, le loyer maximal de la convention, élément essentiel de celle-ci, ne doit pas être changé ».

Désormais, les travaux d’amélioration de la performance énergétique et environnementale réalisés par le bailleur pourront permettre de revoir à la hausse, par avenant à la convention APL, le montant du loyer maximal. Du fait du renvoi à l’article 1384 C bis du Code général des impôt, les travaux concernés sont des travaux de réhabilitation lourde de logements achevés depuis plus de 40 ans, permettant de faire passer les logements de l’étiquette énergétique E, F ou G à l’étiquette A ou B. Un décret doit néanmoins venir préciser les conditions et modalités d’application de ces dispositions, qui entrent en vigueur au 1er septembre 2024 (art. 71 X B de la loi du 29 décembre 2023).

Précision sur la possibilité de production des œuvres de l’esprit par un agent public

L’article L. 123-2 du Code général de la fonction publique dispose que « la production des œuvres de l’esprit par un agent public, au sens des articles L. 112-1, L. 112-2 et L. 112-3 du code de la propriété intellectuelle, s’exerce librement, dans le respect des dispositions relatives au droit d’auteur des agents publics et sous réserve des articles L. 121-6 et L. 121-7 du présent code ».

Elle permet donc à un agent de produire des œuvres et d’en tirer une rémunération parallèlement aux fonctions pour lesquels il est employé. Un tel cumul ne nécessite pas d’autorisation ou de déclaration : si l’activité relève bien de ce régime, il peut l’exercer librement.

Pour relever de cette dérogation, qui bénéficie de plein droit aux agents publics, sans déclaration préalable, l’activité doit toutefois pouvoir effectivement relever de la qualification de production d’œuvre de l’esprit. C’est à cette notion dont la Cour administrative d’appel de Lyon a, il y a quelque mois, précisait la portée en montrant de quelle façon le critère doit être examiné. Le droit de la propriété intellectuelle ne rend en effet pas les choses aisées. Le Code de la propriété intellectuelle ne définit en effet pas la notion d’œuvre de l’esprit, et la jurisprudence s’est toujours abstenue d’instituer une définition unique de l’œuvre. Elle a seulement précisé que, pour avoir le caractère d’une œuvre, la production de l’auteur doit être originale[1]. Pour avoir ce caractère, l’œuvre doit faire état de la marque de la personnalité et du talent de l’auteur[2]. La jurisprudence analyse notamment, à cette fin, l’existence de choix, dans la réalisation de l’œuvre, qui permet de constater la réalité de l’expression de l’auteur et donc son originalité[3]. Ces définitions excluent donc, notamment, les textes purement techniques, dont la forme et la teneur sont uniquement dictées par leur destination, à l’exclusion de tout choix de l’auteur. La requête d’un avocat n’est ainsi pas protégée par le droit d’auteur[4]. La Cour administrative d’appel de Lyon s’est donc approprié cette jurisprudence, s’agissant de la question du cumul d’activité.

En l’espèce, elle a confirmé le caractère illégal de l’activité d’un agent public, qui se prévalait des dispositions précitées, pour cumuler ses fonctions avec celles de correspondant de presse locale. La Cour a considéré que l’activité ne pouvait pas être qualifiée de production d’œuvres de l’esprit, en considération du fait que ses productions n’allaient pas au-delà de la mission de « collecte et de transmission de l’information qu’exerce un correspondant local de presse », et ne reflétait donc pas « sa personnalité par une analyse ou un traitement de l’information ».

Les agents qui envisagent donc de se prévaloir de cette dérogation sont donc appelés à la prudence : s’ils veulent s’assurer de la légalité de leur activité parallèle au regard des règles sur le cumul d’activité, et ainsi s’éviter les risques financiers et disciplinaires qu’ils encourent, il sera toujours plus sage de se faire confirmer par son administrative qu’elle relève bien du champ d’application de ces dispositions. D’autant plus que, dans le cas contraire, il sera souvent possible d’exercer l’activité sous un autre régime de cumul.

 

[1] Cass. 1ère Civ., 11 février 1997, n° 95-13.176

[2] CA Paris, 4e ch., 20 sept. 1994 : RIDA 2/1995, p. 367

[3] Cass. 1ère Civ., 12 mai 2011, n° 10-17.852.

[4] Cass. Crim,, 16 juin 2009, n° 08-87.193

Légalité d’une sanction de révocation prononcée en l’absence de rappel à l’ordre préalable

Précisions sur l’appréciation du caractère proportionné d’une sanction de révocation à l’encontre d’un fonctionnaire.

Par une décision très récente, le Conseil d’Etat est venu préciser qu’une sanction de révocation, sanction la plus élevée sur l’échelle des sanctions (sanction du 4ème groupe), n’a pas à être précédée d’un rappel à l’ordre pour pouvoir être prononcée à l’encontre d’un fonctionnaire. En l’espèce, un praticien hospitalier titulaire s’était vu infliger par son employeur une sanction de révocation compte tenu d’une part, des relations difficiles qu’il entretenait avec ses collègues et de son comportement parfois agressif à leur égard, et d’autre part, des dysfonctionnements du service occasionnés par son comportement.

La Cour administrative d’appel de Versailles, dans un arrêt du 5 avril 2022, avait annulé la sanction de révocation prise en juillet 2017 en se fondant sur le seul motif tiré de ce que depuis la sanction de blâme qui lui avait été infligée en octobre 2013 (sanction du 1er groupe), l’intéressé n’avait pas fait l’objet de rappel à l’ordre. On rappellera qu’un rappel à l’ordre, qui se distingue de l’avertissement et du blâme, n’est pas une sanction disciplinaire (cf. Article L533-1 du code général de la fonction publique). Au soutien de sa requête, l’administration employeur invoquait l’erreur de droit qu’aurait ainsi commise la Cour. Le Conseil d’Etat a accueilli ce moyen après avoir dégagé un considérant de principe en vertu duquel « aucun texte ni aucun principe n’impose que le prononcé de la sanction de révocation soit précédé d’un rappel à l’ordre de l’intéressé ».

La Haute juridiction a non seulement retenu l’erreur de droit commise par la Cour mais également relevé qu’il ressortait des pièces du dossier que l’agent avait été plusieurs fois convoqué par sa hiérarchie pour évoquer les difficultés causées par son comportement. L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Versailles a donc été annulé, et l’affaire renvoyée devant cette même juridiction. Cette décision inédite présente le mérite de rappeler la liberté (sous le contrôle du juge administratif) dont dispose les employeurs publics dans l’appréciation de la proportionnalité d’une sanction à la faute commise par les agents publics. Certaines fautes justifient ainsi, compte tenu des circonstances propres de chaque espèce (nature de la faute, fonctions de l’agent, conséquences sur la collectivité…), le prononcé d’une sanction du 4ème groupe, y compris à l’encontre d’agents sans antécédents disciplinaires ou n’ayant pas fait l’objet de rappels à l’ordre ou de sanction disciplinaire depuis plusieurs années.

Attention à la notification du droit de se taire dans les procédures disciplinaires

Le fonctionnaire faisant l’objet de poursuites disciplinaires ne peut être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu’il soit préalablement informé du droit qu’il a de se taire.

Pour la première fois, le juge administratif annule une sanction prise contre un fonctionnaire en méconnaissance de son droit de garder le silence en matière disciplinaire. Dans un arrêt en date du 2 avril 2024, la Cour administrative de Paris a en effet annulé la sanction disciplinaire d’exclusion temporaire de fonctions dont avait fait l’objet un agent public hospitalier au motif que cette sanction est intervenue au terme d’une procédure irrégulière. Elle a estimé que dans la mesure où l’intéressé n’avait pas été informé du droit qu’il avait de se taire lors de la procédure disciplinaire, cette circonstance l’a privé d’une garantie. La Cour fonde cette décision sur le droit de se taire, lequel découle du droit de ne pas s’auto-incriminer, lui-même résultant du principe de la présomption d’innocence garanti par l’article 9 de la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen[1].

Il s’agit ici de la première déclinaison, en droit de la fonction publique, d’une jurisprudence récente en matière de droit disciplinaire. A l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) transmise par la Cour de cassation relative à la conformité d’une ordonnance encadrant la discipline des notaires et de certains officiers ministériels, le Conseil constitutionnel avait récemment élargi le champ d’application du droit au silence au-delà de la procédure pénale « à toute sanction ayant le caractère d’une punition, y compris dans les procédures disciplinaires » (Décision n° 2023-1074 QPC du 8 décembre 2023). Les Sages ont retenu que « le professionnel faisant l’objet de poursuites disciplinaires ne [peut] être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu’il soit préalablement informé du droit qu’il a de se taire ».

La Cour administrative de Paris s’est ainsi clairement approprié ces motifs en reconnaissant à « un fonctionnaire faisant l’objet de poursuites disciplinaires » le droit de se taire, et son corollaire, celui d’être informé du droit à garder le silence[2]. Si cette décision bouleverse largement la pratique des procédures disciplinaires, rappelons toutefois que le Conseil d’État, saisi de la question quelques mois avant la décision du Conseil constitutionnel, a refusé de renvoyer une QPC relative à l’absence de notification aux magistrats de leur droit de se taire lors d’une procédure disciplinaire en considérant que « ce principe a seulement vocation à s’appliquer dans le cadre d’une procédure pénale » (CE, 23 juin 2023, n° 473249). Le risque d’annulation sur ce fondement est donc désormais bien réel, pour les sanctions disciplinaires des fonctionnaires. Reste à voir quelle sera la portée que la jurisprudence lui accordera, notamment lorsque le Conseil d’Etat en sera de nouveau saisi. L’annulation sera-t-elle systématique, chaque fois que l’administration aura omis ce rappel de principe, ou nuancera-t-elle la portée de l’irrégularité en considération de l’espèce et du grief qu’il a pu causer à l’agent mis en cause ?

En tout état de cause, afin de se prémunir de tout risque, il est désormais vivement conseillé aux employeurs publics de notifier à l’agent poursuivi le droit de se taire dès le courrier l’informant de l’ouverture de la procédure disciplinaire[3].

 

[1] Article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789  » Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi « .

[2] « Ces exigences s’appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition. Elles impliquent que le fonctionnaire faisant l’objet de poursuites disciplinaires ne puisse être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu’il soit préalablement informé du droit qu’il a de se taire ».

[3] Article 4 du décret n° 89-677 du 18 septembre 1989

Précisions sur les antennes relais soumises à permis de construire ou déclaration préalable

Par un avis en date du 21 mars 2024 (req. n° 490536), le Conseil d’État a apporté des précisions sur les formalités la méthode de calcul de l’emprise au sol des antennes relais comportant des locaux et installations techniques, afin de déterminer si elles sont soumises à autorisation d’urbanisme, déclaration préalable, ou exemptées de toute formalité.

Le 28 décembre 2023, le Tribunal administratif de Rennes a saisi le Conseil d’Etat pour avis, sur le fondement des dispositions de l’article L. 113-1 du Code de justice administrative, s’agissant de l’application des c) et j) de l’article R. 421-9 du Code de l’urbanisme, résultant du décret n° 2018-1123 du 10 décembre 2018, relatif à l’extension du régime de la déclaration préalable aux projets d’installation d’antennes-relais de radiotéléphonie mobile et à leurs locaux ou installations techniques au titre du code de l’urbanisme. Rappelons que les dispositions de l’article R. 421-1 du Code de l’urbanisme prévoient que les constructions nouvelles doivent être précédées d’un permis de construire à l’exception des constructions mentionnées aux articles R. 421-2 à R. 421-8 (dispensées de toute formalité) et aux articles R. 421-9 à R. 421-12 (soumises à déclaration préalable). A ce titre, l’article R. 421-9 du code de l’urbanisme :

« En dehors du périmètre des sites patrimoniaux remarquables, des abords des monuments historiques et des sites classés ou en instance de classement, les constructions nouvelles suivantes doivent être précédées d’une déclaration préalable, à l’exception des cas mentionnés à la sous-section 2 ci-dessus : […]

    1. c) Les constructions répondant aux critères cumulatifs suivants :

– une hauteur au-dessus du sol supérieure à douze mètres ;

– une emprise au sol inférieure ou égale à cinq mètres carrés ;

– une surface de plancher inférieure ou égale à cinq mètres carrés.

Toutefois, ces dispositions ne sont applicables ni aux éoliennes, ni aux ouvrages de production d’électricité à partir de l’énergie solaire installés au sol, ni aux antennes-relais de radiotéléphonie mobile ; […]

    1. j) Les antennes-relais de radiotéléphonie mobile et leurs systèmes d’accroche, quelle que soit leur hauteur, et les locaux ou installations techniques nécessaires à leur fonctionnement dès lors que ces locaux ou installations techniques ont une surface de plancher et une emprise au sol supérieures à 5 m² et inférieures ou égales à 20 m² ».

En premier lieu, le Conseil d’Etat a rappelé que la modification de l’article R. 421-9 du Code de l’urbanisme par le décret du 10 décembre 2018, suscité, notamment en y insérant un j), avait pour objet d’étendre la procédure de déclaration préalable aux projets créant une surface de plancher et une emprise au sol supérieures à 5 m² mais inférieurs à 20m².

Dans ces conditions, le Conseil d’Etat a précisé que les dispositions des c) et j) doivent être lues comme soumettant à la procédure de déclaration préalable :

    • Les antennes-relais, leurs accroches et leurs locaux techniques dont la surface de plancher et l’emprise au sol sont supérieures à 5 m² et inférieures ou égales à 20 m² ;
    • Les antennes-relais, leurs accroches et leurs locaux techniques dont la hauteur excède 12 mètres lorsque la surface de plancher et l’emprise au sol créées sont inférieures ou égales à 5 mètres carrés.

Il a, ensuite, indiqué que les antennes d’une hauteur inférieure ou égale à 12 mètres et entraînant la création d’une surface de plancher et d’une emprise au sol inférieures ou égales à 5 mètres carrés restent dispensées de toute formalité en application des dispositions de l’article R. 421-2. Les antennes-relais excédant ces seuils sont donc, par suite, soumises à permis de construire.

En second lieu, le Conseil d’Etat a précisé que pour l’appréciation des seuils applicables à ces projets de constructions, seules la surface de plancher et l’emprise au sol des locaux et installations techniques doivent être prises en compte, et non l’emprise au sol des pylônes.

Contentieux de l’accès aux documents administratifs : le Conseil d’Etat applique sa jurisprudence Czabaj

Par son arrêt n° 488227 en date du 11 mars 2024, le Conseil d’Etat fait application de sa jurisprudence Czabaj au contentieux de l’accès aux documents administratifs et précise le point de départ du délai raisonnable en la matière. Dans cette affaire, la société CCM Benchmark Group avait demandé, les 15 et 16 septembre 2020, au ministre de l’Education nationale de lui communiquer les résultats des évaluations des acquis des élèves. Faute de réponse, la société a saisi la CADA, le 27 octobre 2020. Celle-ci a rendu un avis favorable à la communication le 10 décembre 2020. Entre-temps, le 9 novembre, le ministère, par un courriel ne mentionnant pas les voies de recours, a opposé un refus explicite à la société.

La société requérante avait saisi le Tribunal administratif de Paris du refus de communication des documents administratifs, dans un délai d’un an à compter de l’avis de la CADA (et non la décision explicite de refus opposée par le ministère). Le Tribunal administratif a fait droit à sa demande en faisant application de la jurisprudence Czabaj au litige et en fixant le point de départ du délai raisonnable à la naissance d’une décision implicite de refus deux mois après la saisine de la CADA. Ce jugement contre lequel le ministre s’est pourvu en cassation est annulé par le Conseil d’Etat qui n’a validé qu’une partie du raisonnement suivi par les premiers juges.

D’abord, la Haute juridiction a confirmé l’application de sa jurisprudence Czabaj au contentieux de l’accès aux documents administratifs. Il a ainsi jugé que : « le demandeur dispose d’un délai de deux mois à compter de la notification de la confirmation du refus de communication de documents administratifs qu’il a sollicités pour en demander l’annulation au tribunal administratif compétent, sous réserve qu’il ait été informé tant de l’existence du recours administratif préalable obligatoire devant la CADA et des délais dans lesquels ce recours peut être exercé que des voies et délais de recours contentieux contre cette confirmation. En l’absence de cette information, le demandeur peut demander l’annulation pour excès de pouvoir de cette décision dans un délai raisonnable à compter de la date à laquelle il en a eu connaissance. Sauf circonstance particulière, que ne constitue pas la notification de l’avis de la CADA, ce délai ne saurait excéder un an ».

En revanche, le Conseil d’Etat n’a pas suivi le Tribunal quant à la fixation du point de départ du délai de recours. Les premiers juges avaient considéré, en substance, que la décision pouvant faire l’objet d’un recours contentieux n’intervenait qu’après l’avis de la CADA ; la décision de l’administration devant être éclairée par l’avis de la CADA. Le Conseil d’Etat a, au contraire, estimé que « lorsque l’administration, saisie d’une demande de communication de documents administratifs, oppose un refus au demandeur postérieurement à la saisine de la CADA, cette décision doit être regardée comme la confirmation du refus de communication, susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, qui fait obstacle à la naissance d’une décision implicite à l’expiration du délai de deux mois mentionné à l’article R. 343-5 » du Code des relations entre le public et l’administration.

En d’autres termes, la décision administrative que le requérant doit attaquer devant le Tribunal administratif est la première décision prise sur la demande de communication qu’il a formulée (qu’elle soit implicite ou explicite), la décision intervenant postérieurement à la saisine de la CADA n’étant qu’une décision confirmative. Au regard de cette analyse du Conseil d’Etat sur la notion de décision confirmative, il s’ensuit que le délai raisonnable d’un an court à compter de la première décision de refus de communication d’un document administratif et non à compter de la décision confirmative de rejet. Ainsi que le résume Monsieur Laurent DOMINGUO, rapporteur public, « en l’espèce, en jugeant que la décision à attaquer n’était pas celle explicite du 9 novembre 2020, que le ministère a prise quelques jours après la saisine de la CADA, mais celle, implicite, survenue deux mois après cette saisine et après l’avis de la CADA du 10 décembre 2020, le tribunal a, comme le soutient le ministre, commis une erreur de droit sur le point de départ du délai de recours contentieux ». En l’occurrence, le recours de la société requérante était ainsi tardif et donc irrecevable.

Lutte contre l’habitat dégradé : une avancée législative majeure

Le 27 mars dernier, le Parlement a définitivement – et à l’unanimité – adopté le projet de loi relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement, porté par plusieurs collectivités impactées par ce fléau, et principalement par la commune de SAINT-DENIS.

Ces nouvelles dispositions visant à renforcer l’arsenal juridique préexistant ont vocation à permettre la mise en œuvre de procédures concrètes et opérationnelles pour protéger les occupants face au risque de dégradations des copropriétés, en sollicitant davantage l’intervention des pouvoirs publics.

Plusieurs mesures préventives ou curatives peuvent désormais être mises en œuvre pour rénover l’habitat dégradé en permettant une accélération et une simplification des actions de lutte contre la dégradation de l’habitat et le développement stratégique des opérations d’aménagement.

I – Renforcement des outils préventifs

A / Prévenir l’habitat dégradé

1/ L’instauration d’un prêt global collectif

 L’article 4 de la loi prévoit à destination de toutes les copropriétés un prêt global collectif, pour la réalisation des travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble et à la santé et la sécurité des occupants, ainsi que des travaux de rénovation énergétiques. Ce prêt collectif qui se veut plus souple dans sa souscription permettra une accélération dans la réalisation de travaux, pouvant se révéler couteux et importants afin d’éviter une accélération de la dégradation du bâti des copropriétés.

Le texte prévoit que les sommes empruntées seront versées sur un compte bancaire séparé, réservé à cet effet ainsi qu’au versement des subventions publiques accordées au syndicat des copropriétaires pour le financement des travaux. Ces sommes étant, par ailleurs, insaisissables.

Aux termes des nouvelles dispositions, il est prévu un élargissement de l’actuel fonds de garantie de la rénovation énergétique (FGRE) à l’ensemble des travaux de rénovation des copropriétés en difficulté. Ce fonds permettra ainsi de garantir la souscription du prix global collectif. Toutefois, des interrogations demeurent concernant le fonctionnement et l’alimentation de ce fonds, qui devraient être levées par voie réglementaire.

2/ Le renforcement des permis louer et de diviser

Le permis de louer et le permis de diviser sont des outils existants dont le principe est plébiscité par les collectivités, beaucoup d’entre elles ont instauré des secteurs de mise en œuvre de ces permis. Ces outils sont toutefois d’un usage perfectible et la loi de rénovation de l’habitat dégradé propose de renforcer permis.

Tout d’abord, l’article 8 de la loi crée un fondement juridique pour l’exercice d’un droit de visite confié au président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ou au maire, dans le cadre de l’instruction du permis de louer. Cette mise en œuvre du droit de visite dans le cadre du permis de louer n’était pas très claire, il s’agit donc d’une disposition intéressante car sécurisante.

Ensuite, l’article 23 permet aux maires de prononcer directement les amendes relatives aux infractions au permis de louer, et modifie l’article L. 635-7 du Code de la construction et de l’habitation pour permettre l’attribution du bénéfice de ces amendes aux communes ou EPCI compétents.

Enfin, l’article 33 instaure, à titre expérimental pour une durée de cinq ans, la faculté pour le président de l’EPCI ou le maire de rejeter la demande de permis de louer. L’application au logement, et non à chaque locataire, des normes de décence pour les colocations à baux multiples, a permis à certains marchands de sommeil de procéder à des divisions informelles d’appartements. Afin que les maires aient les moyens de s’opposer à des telles dérives, la collectivité peut fixer des exigences de décence plus fortes que celles inscrites à l’article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 pour les colocations à baux multiples, et le permis de louer peut ainsi être refusé lorsque ces normes de décence ne sont pas suffisantes.

3/ L’étoffement des missions de l’ANCT au service des petites collectivités et moyennes collectivités

Le texte est par ailleurs porteur d’un accompagnement renforcé des petites et moyennes communes, afin de favoriser une meilleure prise en main de la lutte contre l’habitat dégradé. En effet, les enjeux de la lutte contre l’habitat dégradé ne sont pas circonscrits aux grosses collectivités mais touchent également ces communes qui ne disposent pas ou peu de moyens d’ingénierie appliquer les outils destinés à prévenir et traiter efficacement les cas d’insalubrité ou d’insécurité des logements, et plus généralement l’habitat dégradé. Ainsi sur l’initiative du Sénat, il a en particulier été décidé, ainsi que le prévoit le tout premier article de la loi, d’intégrer aux missions de l’Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) une activité de conseil et soutien au profit des collectivités au titre de la conception, définition et mise en œuvre de leurs projets de rénovation de l’habitat dégradé.

4/ L’introduction d’un diagnostic structurel des immeubles collectifs situés dans des secteurs à risque

L’une des mesures phares de ce texte en matière de prévention des dégradations définitives de l’habitat est par ailleurs la mise en place d’un mécanisme attendu destiné à améliorer la détection de graves désordres structurels et par là même de situations dramatiques telles que les effondrements d’immeubles. Le texte ainsi adopté prévoit la création dans le Code de la construction et de l’habitation d’une section complète venant s’insérer à la suite les dispositions sur l’entretien des bâtiments en exploitation, et destinée à encadrer l’établissement d’un diagnostic structurel des immeubles collectifs situés dans des secteurs d’habitat dégradé, mais également des centres villes dits “anciens”.

La délimitation des secteurs dans lesquels l’établissement de ce diagnostic structurel s’impose aux bâtiments d’habitation collectif, est toutefois laissée à l’appréciation des communes, le législateur précisant seulement à ce stade que « peuvent entrer » dans le périmètre des secteurs « les zones caractérisées par une proportion importante d’habitat dégradé » et « les zones présentant une concentration importante d’habitat ancien dans lesquelles les bâtiments sont susceptibles de présenter des fragilités structurelles du fait notamment de leur époque de construction, de leurs caractéristiques techniques et architecturales, des matériaux de construction employés ou de l’état des sols ». Le dispositif créé n’est pas sans rappeler à certains égards celui destiné à assurer le ravalement régulier des façades sur le territoire de certaines communes, le législateur prévoyant ici l’obligation de réalisation d’un diagnostic structurel « à l’expiration d’un délai de quinze ans à compter de la réception des travaux de construction du bâtiment et au moins une fois tous les dix ans ». Le contenu du diagnostic est d’ores et déjà précisé. Ainsi, il devra comprendre une description des « désordres observés qui portent atteinte à [la solidité du bâtiment] et évaluant les risques qu’ils présentent pour la sécurité des occupants et celle des tiers ».

Des gardes fous seront apportés par décret pour déterminer les personnes qui auront qualité pour établir ces diagnostics, le texte précisant déjà qu’ils devront justifier d’une assurance couvrant la responsabilité encourue du fait de l’exécution desdites missions. Il est néanmoins prévu que pour les immeubles à destination totale ou partielle d’habitation soumis au statut de la copropriété, l’élaboration du projet de plan pluriannuel de travaux satisfait à l’obligation d’établissement du diagnostic structurel, sous réserve que la personne ayant élaboré ledit plan justifie mêmes compétences que celles prescrites pour le « diagnostiqueur ».

Il est enfin prévu qu’en cas de défaillance du propriétaire ou du syndic dans la transmission du diagnostic ou le cas échéant du projet de plan pluriannuel de travaux à la commune, le maire peut en solliciter la production dans le cadre des pouvoirs de police spéciale qui lui sont dévolus en matière de sécurité et salubrité des immeubles, et à défaut de transmission sous un mois, procéder à la réalisation d’office du diagnostic en lieu et place « du propriétaire ou du syndicat des copropriétaires et à ses frais ».

B/ Prévenir l’aggravation des situations remédiables

1/ Renforcement des outils de maîtrise foncière

1.1/ Création d’une nouvelle procédure d’expropriation pour les « immeubles indignes à titre remédiable »

L’article 9 crée une nouvelle procédure d’expropriation pour les immeubles indignes à titre remédiable. Cette procédure viendra en renfort des dispositifs existants en matière de police de la sécurité et de la salubrité des immeubles, locaux et installations pour faire cesser les dangers résultant de l’état de certains immeubles. Cette nouvelle expropriation permet de prévenir une situation conduisant à une interdiction définitive d’habiter ou un ordre de démolition en offrant la possibilité aux collectivités publiques d’engager les travaux nécessaires pour éviter la dégradation d’immeubles connaissant des désordres importants avant qu’ils ne deviennent irrémédiables. Elle pourra être mise en œuvre en cas de carence persistante des propriétaires à exécuter les mesures prescrites, de travaux nécessaires de prévention de la dégradation attestés par un rapport des services techniques ou un expert et, pour les biens à usage d’habitation, en cas de garantie prévue pour la protection des occupants.

La déclaration d’utilité publique (DUP) sera prononcée par l’autorité compétente de l’Etat par dérogation aux règles générales du code de l’expropriation. Et cette même autorité pourra, s’il y a lieu, prescrire, par arrêté, une interdiction temporaire d’habiter ou d’utiliser. La dérogation tiendra, notamment, au fait que la décision de l’autorité compétente de l’Etat emportera, à la fois, DUP, cessibilité, fixation du montant des indemnités provisionnelles dues aux intéressés et détermination d’une date de prise possession des biens expropriés après paiement ou, en cas d’obstacle au paiement, après consignation des indemnités provisionnelles.

Enfin, point essentiel, l’indemnité d’expropriation due au propriétaire sera, de prime abord, fixée par référence à des mutations portant sur le même secteur et dans un état de dégradation ou d’insalubrité comparable et, si cela n’est pas possible, par l’application d’un abattement correspondant au montant des travaux et autres mesures propres à remédier à la situation ayant justifié la prescription des travaux non exécutés. Et, en cas d’interdiction d’habiter ou d’utiliser, ladite indemnité sera réduite du montant des frais de relogement ou d’hébergement des occupants si le propriétaire n’y a pas procédé.

1.2/ Elargissement du droit de préemption urbain à de nouveaux objectifs

L’article 22 prévoit l’insertion d’un nouvel article L. 211-2-4 dans le Code de l’urbanisme qui élargit le droit de préemption urbain à trois nouveaux objectifs :

1°) La réalisation d’une opération programmée d’amélioration de l’habitat prévue à l’article L. 303-1 du Code de la construction et de l’habitation ;

2°) La réalisation d’un plan de sauvegarde prévu à l’article L. 615-1 du Code de la construction et de l’habitation ;

3°) La réalisation d’une opération de requalification de copropriétés dégradées prévue à l’article L. 741-1 du Code de la construction et de l’habitation.

2/ Création de la possibilité de réalisation d’office par le maire de mesures ou travaux en présence d’un risque certain pour la sécurité ou la santé affectant les constructions, installations, aménagements contraires aux règles d’urbanisme

En outre, et probablement dans un souci de rationalisation des polices administratives, l’article 13 du projet de loi prévoit désormais la possibilité pour les maires, en présence d’un « risque certain pour la sécurité ou pour la santé » consécutif de travaux réalisés en infraction aux règles d’urbanisme, de réaliser d’office, aux frais du propriétaire, les mesures prescrites aux termes de la mise en demeure prévue à l’article L. 481-1 du Code de l’urbanisme d’avoir à mettre en conformité la construction, l’aménagement l’installation ou les travaux irréguliers.

3/ Un accroissement de la protection des copropriétés en difficulté et dégradées

Le traitement des copropriétés en difficulté et dégradées est une véritable préoccupation avec d’importants enjeux en termes de sécurité, de salubrité et de dégradation du bâti, de sorte que l’intervention des pouvoirs publics peut se révéler nécessaire. Toutefois, les mesures existantes permettant une intervention des pouvoirs publics peuvent être particulièrement longues et n’être mobilisables que dans des circonstances spécifiques, alors que la situation est parfois déjà compromise et irréversible. La loi relative à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement adopté le 27 mars dernier a vocation notamment à simplifier certaines mesures afin d’anticiper le traitement des copropriétés en difficulté et dégradées.

3.1. Elargissement des conditions de désignation d’un mandataire ad hoc et sanction des syndics défaillants

Faisant le constat que certaines mesures tendant à aider les copropriétés en difficulté ne sont que très peu mobilisées, notamment par les syndics, les nouvelles dispositions de l’article 18 la loi tendent à élargir les conditions d’application de la procédure aux fins de désignation d’un mandataire ad hoc prévue à l’article 29-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. Jusqu’alors, un mandataire ad hoc pouvait être désigné, lorsqu’à la clôture des comptes de l’exercice, les impayés atteignaient 25 % des sommes exigibles (15 % pour les copropriétaires de 200 lots). Il sera désormais possible de recourir à cette mesure, soit lorsque la copropriété est dépourvue de syndic, soit en l’absence de vote de l’assemblée générale sur l’approbation des comptes depuis au moins deux ans.

A cet égard, il sera rappelé que dans le cadre de cette procédure, le syndic, s’il existe, a un rôle proactif dans la mesure où il doit informer le conseil syndical et solliciter lui-même la désignation d’un mandataire ad hoc. Les nouvelles dispositions tiennent ainsi à sanctionner les syndics professionnels négligents ou défaillants en introduisant la possibilité pour le juge d’imputer les frais de l’administrateur provisoire qui serait désigné afin de redresser la copropriété au syndic, s’il n’a pas introduit la procédure aux fins de désignation du mandataire ad hoc.

3.2.  Création du syndic d’intérêt collectif pour un meilleur accompagnement des copropriétés en difficulté

Afin de renforcer l’intervention des pouvoirs publics dans le traitement des copropriétés en difficulté et dégradées, l’article 18 créé « le syndic d’intérêt collectif » qui aura pour mission, d’une part, de gérer les copropriétés accompagnée d’un mandataire ad hoc, ou d’assister l’administrateur provisoire désigné pour redresser la copropriété.

Afin d’accomplir ses missions, le syndic d’intérêt collectif devra faire l’objet d’un agrément délivré par le préfet, pour une durée de cinq ans, et ce au regard notamment de sa capacité et de ses compétences à assurer cette mission. Les organismes d’habitation à loyer modéré pourront, à leur demande, se voir reconnaître syndic d’intérêt collectif, sans recourir à la procédure d’agrément. Il est prévu qu’un décret d’application viendra déterminer les modalités d’application de ce texte.

3.3. L’extension des acteurs ayant qualité à solliciter la scission d’une copropriété

Afin de remédier aux difficultés rencontrées par les copropriétés en difficulté, d’une taille parfois trop importante, il peut être décidé de procéder à la scission ou à la division du syndicat des copropriétaires, en syndicats secondaires. Jusqu’alors la procédure de scission était instituée à l’article 28 et l’article 29-8 de la loi du 10 juillet 1965 et seuls les copropriétaires, en assemblée générale, ou l’administrateur provisoire pouvait recourir à la scission ou à la division du syndicat des copropriétaires, à l’exclusion de toute autre personne.

L’article 43 de la loi tend à permettre aux opérateurs d’une opération de requalification des copropriétés dégradées (ORCOD) de solliciter auprès du syndic l’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée générale le projet de scission ou de création de syndicats secondaires. Plus encore, à défaut d’approbation de ce projet en assemblée générale, l’opérateur pourra saisir le Juge afin qu’il désigne un expert aux fins d’obtenir la scission de la copropriété ou la constitution d’un ou plusieurs syndicats secondaires. Ces nouvelles dispositions permettront ainsi aux pouvoirs publics d’intervenir aux fins de solliciter la scission ou la division du syndicat des copropriétaires, si cette solution permet un redressement de la copropriété.

3.4. L’insaisissabilité des sommes versées au titre de l’administration provisoire.

La loi tend à protéger les copropriétés déjà fragilisées et qui se trouvent sous administration provisoire et dont un mandataire ad hoc a été désigné.

En effet, l’article 17 de la loi prévoit qu’aucune procédure d’exécution n’est recevable sur les sommes qui ont été versées à la Caisse des dépôts et de consignations au titre des missions accomplies dans le cadre de l’administration provisoire. Cette mesure permet ainsi une insaisissabilité par les créanciers de la copropriété des sommes qui sont versées par les pouvoirs publics aux fins de redressement des copropriétés en difficulté

4/ Le relogement :

Les problématiques de l’hébergement et de relogement sont très fortes dans le cadre des politiques de prévention et de lutte contre l’habitat dégradé. 90 % des maires ayant répondu à la consultation sur ce sujet ont soulevé les difficultés tenant à l’hébergement et au relogement. La loi approuvée par le Parlement le 27 mars dernier participe à améliorer

Tout d’abord, l’article 24 de la loi modifie l’article L. 341-2 et ajoute un nouvel article L. 421-5-3 au Code de l’urbanisme afin d’organiser une dispense d’autorisation d’urbanisme pour les constructions temporaires destinées à l’hébergement temporaire des occupants dans le cadre d’opérations de lutte contre l’habitat dégradé ou insalubre ou de renouvellement urbain. L’article dispense d’autorisation d’urbanisme les constructions temporaires ayant vocation à assurer le relogement des habitants évincés lors d’opérations de résorption de l’habitat indigne ou dégradé. Cette dispense vaut pendant la durée de l’opération et la date de fin de l’implantation doit cependant figurer dans l’accord donné par le maire, afin d’éviter que le relogement temporaire se prolonge au-delà des nécessités de l’opération.

Par ailleurs, les dispositifs existants sont enrichis afin de prévoir une information efficace sur la mise en place d’une procédure de police de mise en sécurité ou salubrité, conforter les garde-fous destinés à protéger les premiers d’un détournement du droit à l’hébergement ou au relogement, ou encore à lutter contre la défaillance des propriétaires à réaliser les travaux prescrits pour mettre fin à l’insalubrité ou l’insécurité.

Ainsi, le texte prévoit tout d’abord des mécanismes d’information renforcée sur l’existence des procédures de mise en sécurité ou salubrité grevant les immeubles, au moyen de différents leviers qui devraient permettre de préserver les droits des occupants au titre tant de la suspension des loyers que de l’hébergement ou relogement :

  • L’article 18 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ainsi que les articles L. 511-10 et L. 511-12 du Code de la construction et de l’habitation sont complétés afin de prévoir une obligation d’information par le syndic non seulement des copropriétaires mais encore des occupants sur la mise en œuvre de telles procédures ;
  • Il est en outre désormais explicitement prévu une information obligatoire des occupants du démarrage de la procédure contradictoire par l’autorité administrative à l’initiative de la procédure de mise en sécurité ou traitement de l’insalubrité par courrier, remise contre signature ou affichage ;
  • Notons également qu’en cas de vente de l’immeuble en tout ou partie, le dossier de diagnostic technique prévu à l’article L. 271-4 du Code de la construction et de l’habitation devra désormais comprendre les arrêtés pris au titre de la police de sécurité et de la salubrité des immeubles, locaux ou installations régis par le Code.

En outre, l’arsenal du dispositif de lutte contre les congés abusifs au moyen de sanctions à l’encontre des propriétaires indélicats qui tenteraient d’échapper à l’obligation d’hébergement ou relogement est étendu, et trouvera désormais à s’appliquer dès que la procédure contradictoire prévue à l’article L. 511-10 du Code de la construction et de l’habitation sera initiée, et non plus à la seule édiction de l’arrêté de mise en sécurité ou traitement de l’insalubrité.

Enfin, en cas de défaillance du propriétaire à faire réaliser les travaux nécessaires au traitement de l’insalubrité ou de l’insécurité des immeubles entrainant une éviction des occupants depuis plus de trois ans, l’article 10 du projet de loi définitivement adopté vient ajouter au dispositif de l’article L. 521-3-1 du Code de la construction et de l’habitation, portant régime des obligations d’hébergement et relogement en matière d’immeubles faisant l’objet d’une interdiction temporaire ou définitive d’habiter ou d’utiliser, ou lorsque les travaux prescrits rendent le logement temporairement inhabitable. Toute éviction supérieure à trois ans entraîne ainsi un basculement d’office du régime de l’obligation de l’hébergement vers le régime du relogement, et donc l’obligation pour le propriétaire d’assurer le relogement définitif des occupants.

5/ Diverses mesures propices à la fluidification des opérations de rénovations

Le texte prévoit ensuite diverses mesures tendant à faciliter, encourager, les opérations de rénovations.

Tout d’abord, l’article 46 prévoit l’interdiction pour un plan local d’urbanisme d’exiger la réalisation de plus d’une aire de stationnement par logement concerné par une opération de résorption de l’habitat indigne, s’inspirant ce faisant, des exigences pesant sur le logement social.

Ensuite, l’article 21 de la loi créé un nouvel article L. 300-10 dans le Code de l’urbanisme, afin d’introduire la possibilité d’utiliser la concession d’aménagement pour les opérations de réhabilitation ponctuelle. Cet article permet donc à une collectivité publique de confier à un concessionnaire, par un contrat de concession d’aménagement, la réalisation d’opérations de rénovation.

Enfin, et sans être exhaustif, la loi doit permettre une accélération de la mise en œuvre des opérations d’intérêt national (OIN) et la mise en cohérence de la procédure de consultation préalable à la reconnaissance de l’intérêt national d’une ORCOD avec celle de l’opération d’intérêt national (OIN). Plus précisément, l’article rend possible le recours à la procédure de participation du public par voie électronique et autorise la mise en œuvre de la procédure intégrée de mise en compatibilité du document d’urbanisme.

II – Traitement des situations irrémédiables

1/ Clarification de la procédure d’expropriation « des immeubles indignes à titre irrémédiable »

L’article 45 permet de sécuriser l’expropriation réaliser sur le fondement de la « loi Vivien » du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression de l’habitat insalubre. Il étend cette procédure aux locaux commerciaux frappés par une interdiction définitive d’utiliser, en complétant les articles L. 511-1, L. 511-6 et L. 511-11 du Code de l’expropriation. Il apporte, aussi, des précisions sur la définition du caractère irrémédiable des immeubles insalubres afin d’éviter que la prise en compte des coûts de démolition ne fasse obstacle, de manière injustifiée, à la prise d’un ordre de démolir ou d’une interdiction définitive d’habiter.

2/ Possibilité pour les ORCOD de droit commun de bénéficier de la procédure d’expropriation de prise de possession immédiate

L’article 44 permet la mise en œuvre de la procédure de prise de possession immédiate prévue au Code de l’expropriation pour les opérations de requalification des copropriétés dégradées (ORCOD) de droit commun et dont l’acquisition est prévue pour la réalisation d’une opération d’aménagement déclarée d’utilité publique.

3/ Une facilitation du constat de la carence des copropriétés dégradées

L’instauration d’une présomption de gravité des difficultés financières et de gestion d’une copropriété en état de carence – lorsque la situation est irrémédiablement compromise, le Code de la construction et de l’habitation institue la procédure qui tend à faire constater l’état de carence du syndicat des copropriétaires. La carence peut être constatée lorsque, dans un immeuble collectif à usage principal d’habitation, le syndicat des copropriétaires est, en raison de graves difficultés financières ou de gestion et de l’importance des travaux à mettre en œuvre, dans l’incapacité d’assurer la conservation de l’immeuble ou la sécurité et la santé des occupants. Là encore, l’article 49 la loi tend à faciliter le constat de la carence, en instaurant une présomption de graves difficultés financières et de gestion de la copropriété, lorsque les comptes n’ont pas été communiqués à l’expert dans un délai de deux mois à compter de la réception par le syndicat des copropriétaires d’une demande en ce sens.

4/ Pouvoir du maire de faire démolir d’office les ouvrages en infraction avec la réglementation d’urbanisme en présence d’un risque certain pour la sécurité ou la santé

L’arsenal des pouvoirs du maire en présence de constructions, aménagements, installations ou travaux réalisés en infraction à la réglementation d’urbanisme est par ailleurs significativement complété. Ainsi ce dernier est autorisé, lorsque « aucun moyen technique » ne permettrait d’envisager une régularisation des travaux effectués afin d’assurer leur mise en conformité avec la réglementation ou les prescriptions d’une autorisation d’urbanisme, à procéder à la démolition complète et aux frais du propriétaire des installations présentant un « risque certain pour la sécurité ou la santé », après autorisation du juge judiciaire saisi dans les mêmes conditions que celles existant dans le cadre des pouvoirs de police spéciale de la mise en sécurité ou insalubrité.

III – Un renforcement des sanctions pénales à l’encontre des marchands de sommeil

Enfin, un renforcement des sanctions pénales encourues par les bailleurs indélicats est prévu. Ainsi, le délit de soumission de personnes vulnérables à des conditions d’hébergement indigne sera désormais sanctionné d’une peine de sept ans d’emprisonnement encouru – contre cinq actuellement – et d’une amende de 200.000 € – contre 150.000 €. La peine complémentaire pouvant être prononcée à l’encontre des bailleurs reconnus coupables de cette infraction, résidant dans une « interdiction d’acheter un bien immobilier à usage d’habitation ou un fonds de commerce d’un établissement recevant du public à usage total ou partiel d’hébergement ou d’être usufruitier d’un tel bien ou fonds de commerce » pourra désormais l’être pour une durée de quinze ans – contre dix ans actuellement.

Enfin, une modification de l’article 706-10 du Code de procédure pénale permettra la mise à disposition gratuite des collectivités territoriales des biens immobiliers confisqués aux marchands de sommeil. En miroir, l’expropriant aura la possibilité d’informer le procureur de la République de la date à laquelle il procédera au paiement ou à la consignation des indemnités d’expropriation envers une personne mise en cause pour l’une des infractions prévues aux articles 225-14 du Code pénal, L. 511-22 et L. 521-4 du Code de la construction et de l’habitation. Cette information permettra d’anticiper la saisie des fonds dont la confiscation est prévue par l’article 131-21 du Code pénal.

*

Ces nouveaux mécanismes juridiques devraient permettre de faciliter le redressement des copropriétés, d’associer davantage les élus locaux et de renforcer les moyens de lutte contre les marchands de sommeil.

Cette loi tendant à redonner de la dignité aux personnes les plus fragiles et vulnérables offre en effet des outils plus adaptés aux collectivités, aux services de l’Etat, aux bailleurs sociaux mais également à l’institution judiciaire pour lutter plus efficacement contre l’habitat dégradé, indécent et inacceptable.

La société Enedis est tenue d’une obligation de résultat liée au maintien des niveaux de qualité de l’électricité distribuée aux usagers raccordés au réseau de distribution publique d’électricité

Le 19 mars 2024, la Cour d’appel de Besançon a retenu la responsabilité de la société Enedis dans la distribution défectueuse d’énergie au bénéfice d’un exploitant agricole. Le gestionnaire du réseau de distribution avait installé dans des locaux d’exploitation un déshumidificateur et avait, pour ce faire, modifié la puissance du transformateur électrique aérien qui alimentait l’exploitation agricole voisine. Le Tribunal judiciaire de Vesoul avait déclaré la société Enedis responsable des perturbations électriques subies par l’exploitant et l’avait condamnée à procéder aux réparations nécessaires sur le réseau sous astreinte.

La société Enedis a interjeté appel de ce jugement en faisant notamment valoir qu’en sa qualité de gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité, elle n’était pas tenue d’une obligation de résultat mais de moyen s’agissant de la fourniture continue d’énergie et qu’elle n’aurait pu appréhender que l’augmentation de puissance allait générer des perturbations sur le réseau de distribution. Elle précisait en outre ne pas être restée inerte face aux dysfonctionnements intervenus sur le réseau.

La Cour d’appel de Besançon n’a pas fait droit aux arguments exposés par l’appelante, en considérant que si la société Enedis n’était pas à l’origine directe des perturbations subies par l’exploitant agricole, « elle se devait cependant, en sa qualité de gestionnaire du réseau public de fourniture d’énergie et aux titres des obligations auxquelles elle était ainsi tenue en application des articles D. 322-2 et suivants du code de l’énergie, de délivrer une électricité présentant une tension constante et continue à cet utilisateur qu’elle avait raccordé au réseau ».

L’article D. 322-2 du Code de l’énergie dispose sur ce point que « le gestionnaire du réseau prend les mesures qui lui incombent pour que la tension délivrée par le réseau soit globalement maintenue à l’intérieur d’une plage de variation et pour que la continuité de cette tension soit globalement assurée », renvoyant à un arrêté du ministre chargé de l’énergie le soin de fixer les limites, haute et basse, de cette plage de variation ainsi que le nombre et la durée cumulée maximaux des coupures de l’alimentation électrique admissibles dans l’année et de préciser les méthodes statistiques permettant de vérifier si ces seuils sont respectés. C’est l’objet de l’arrêté du 24 décembre 2007 pris en en application du décret n° 2007-1826 du 24 décembre 2007 relatif aux niveaux de qualité et aux prescriptions techniques en matière de qualité des réseaux publics de distribution et de transport d’électricité.

Selon la Cour d’appel, la société Enedis était ainsi redevable à l’égard de l’exploitant agricole d’une obligation de résultat qu’elle n’a manifestement pas remplie. Par sa décision, la Cour confirme donc le jugement de première instance.

Linky « muets » : Le Conseil d’Etat valide la légalité d’une composante supplémentaire au titre du traitement tarifaire par Enedis de la relève résiduelle dans le calcul du TURPE 6 HTA-BT

Par un arrêt rendu le 13 février dernier, le Conseil d’Etat a validé la légalité d’une composante supplémentaire ayant pour objet de couvrir le surcoût résultant de la relève résiduelle à effectuer par Enedis du fait de l’absence de transmission, par les utilisateurs non dotés d’un compteur communiquant (dit compteur Linky), de leur index de consommation. Relève résiduelle dans la mesure où, avec le déploiement des compteurs Linky, les relèves (physiques) de compteurs ne sont plus nécessaires, substituées par des relèves à distance. Plusieurs associations avaient demandé au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir les délibérations n° 2022-82 et n° 2022-158 de la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) du 17 mars et 9 juin 2022. Ces délibérations sont venues introduire, au sein de la composante annuelle de comptage prévue par les Tarifs d’Utilisation des Réseaux Publics de distribution d’Electricité dans les domaines de tension HTA et BT applicables à compter du 1er août 2021 (ci-après, TURPE 6 HTA-BT), une composante spécifique au traitement tarifaire par Enedis de la relève résiduelle dans les conditions susvisées.

A ce titre, le gestionnaire du réseau de distribution publique d’électricité, la société Enedis, perçoit ainsi une rémunération complémentaire permettant de compenser les coûts engagés pour la relève des compteurs des utilisateurs non équipés d’un compteur Linky et de compteurs « muets ». Ces surcoûts engagés seraient de l’ordre de 26 millions d’euros et concernerait environ 500.000 utilisateurs, tel que l’expose le Conseil d’Etat dans l’arrêt commenté. Sont ici visés les utilisateurs n’ayant pas permis à Enedis d’accéder à leur compteur et n’ayant pas mis à disposition d’Enedis leurs index de consommation durant un an, à compter du 1er janvier 2022. Après avoir écarté les moyens d’illégalité externe soulevés par les requérantes, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur le bien-fondé du dispositif.

D’abord, le Conseil d’Etat a considéré que, dans les termes de l’article L. 341-2 du Code de l’énergie, l’introduction de cette composante tarifaire n’a pas méconnu l’exigence de couverture des coûts du gestionnaire du réseau. Pour mémoire, l’article L. 341-2 du Code de l’énergie prévoit que la rémunération du gestionnaire du réseau de distribution d’électricité doit au moins couvrir ses charges d’exploitation et ses charges d’investissement, prises dans leur ensemble, sous réserve que ces coûts n’excèdent pas ceux d’un gestionnaire de réseau efficace compte tenu des gains de productivité attendus de lui. Selon le Conseil d’Etat, le surcoût, il est vrai conséquent, de 26 millions d’euros correspondant à la relève résiduelle n’excède pas les coûts supportés par un gestionnaire de réseau efficace.

Ensuite, après avoir écarté les différents moyens des requérantes faisant valoir une atteinte portée par le dispositif au principe d’égalité, le Conseil d’Etat a en outre considéré que les délibérations de la CRE susvisés ne portaient pas atteinte au principe de péréquation nationale des tarifs prévu par l’article L. 121-5 du Code de l’énergie, au regard du caractère temporaire et de la limitation du champ territorial de la composante tarifaire aux seuls clients situés sur la zone de desserte exclusive d’Enedis. On retiendra enfin que selon l’analyse du Conseil d’Etat, la CRE n’a pas méconnu la circonstance qu’il n’existe pas d’obligation légale pour les usagers du service public de la distribution d’électricité d’accepter la pose d’un compteur Linky dès lors que la délibération contestée n’a ni pour objet ni pour effet d’imposer une telle pose.

Les usagers non équipés de compteurs Linky, qu’ils aient refusé la pose d’un compteur Linky ou que cette installation ne leur ait pas encore été proposée compte tenu du calendrier de déploiement Linky, devront donc être vigilants sur leur envoi des index de consommation au moins une fois par an, à défaut de quoi ils s’exposeront au paiement de cette tarification supplémentaire. Et les autorités concédantes vigilantes sur la mise en œuvre de cette tarification.

Rénovation énergétique des bâtiments scolaires : diminution de la participation financière minimale des collectivités territoriales pour les projets d’investissement ayant pour objet la rénovation énergétique des bâtiments scolaires

Le parc des bâtiments publics constitue un réservoir d’économies d’énergie dans lequel l’action doit être démultipliée. En effet, les bâtiments des collectivités territoriales correspondent à 280 millions de mètres carrés et les dépenses énergétiques représentent 4,2 % des charges totales de fonctionnement des communes de métropoles, et ce, avant l’augmentation drastique des factures énergétiques constatée depuis 2022. Plus précisément, les bâtiments scolaires représentent 30 % du total du patrimoine public immobilier et la moitié du patrimoine bâti des collectivités territoriales, ainsi que 28 % de la consommation d’énergie des communes liées aux bâtiments municipaux. La rénovation énergétique des bâtiments scolaires est donc un objectif crucial afin de :

  • permettre aux communes de diminuer leurs coûts de fonctionnement liés aux dépenses d’énergie qui, selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), représentent 4,2 % de l’ensemble de leurs dépenses de fonctionnement, soit 44 euros par habitant dont 32,50 euros pour la consommation des bâtiments communaux, parmi lesquels figurent les bâtiments scolaires, propriété des collectivités territoriales ;
  • garantir un confort thermique aux élèves et à la communauté éducative face aux températures amenées à être de plus en plus extrêmes du fait du changement climatique.

En outre, il convient de rappeler que le parc immobilier des collectivités territoriales est soumis au respect des normes « bâtiment basse consommation » (BBC) ou assimilées à l’horizon 2050 et à l’obligation d’une réduction des consommations d’énergie finale d’au moins 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050. Or, l’article L. 1111-10 du Code général des collectivités territoriales, issu de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite loi « NOTRe »), encadre les interventions financières des collectivités territoriales dans l’objectif de limiter la pratique des financements croisés, de mieux responsabiliser les collectivités initiatrices des projets d’investissement et de contribuer à la maîtrise de la dépense publique locale. Il dispose de la sorte :

« III.-A l’exception des collectivités territoriales et groupements de collectivités territoriales de Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Martinique, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, toute collectivité territoriale ou tout groupement de collectivités territoriales, maître d’ouvrage d’une opération d’investissement, assure une participation minimale au financement de ce projet.

Sans préjudice de l’application de l’article 9 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, cette participation minimale du maître d’ouvrage est de 20 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques à ce projet ».

Ainsi, la participation minimale d’une collectivité maître d’ouvrage de travaux de rénovation énergétique d’un bâtiment scolaire ne saurait être inférieure à 20 % du montant total des financements apportés par les personnes publiques au projet, cette obligation ne s’appliquant qu’aux seules dépenses d’investissements. La loi permettra au représentant de l’Etat dans le département d’abaisser de 20 % à 10 % la participation minimale du maître d’ouvrage dans le financement total apporté par des personnes publiques pour des projets d’investissement ayant pour objet la rénovation énergétique des bâtiments scolaires.

En conséquence, les communes les plus fragiles financièrement, notamment, pourront bénéficier d’un soutien accru de la part de l’État via ses dotations d’investissement (dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), dotation de soutien à l’investissement des départements (DSID), la dotation politique de la ville (DPV) et Fonds vert) ou de la part des régions et des départements, au travers de dispositifs de subventions. Toutefois, il est à noter que la dérogation prévue est laissée à l’appréciation du préfet de département qui jugera de manière discrétionnaire du caractère « disproportionné » du montant de la participation de la collectivité maître d’ouvrage par rapport à ses capacités financières.

Assouplissement des règles d’octroi de MaPrimeRénov’ et limitation des crédits dédiés

Arrêté du 21 mars 2024 modifiant l’arrêté du 14 janvier 2020 modifié relatif à la prime de transition énergétique 

A la suite des annonces du Gouvernement du 15 février 2024 dernier sur la simplification du dispositif MaPrimeRénov’, le décret n° 2024-249 du 21 mars 2024 a modifié le décret n° 2020-26 du 14 janvier 2020 relatif à la prime de transition énergétique en prévoyant de :

  • prolonger l’accès au parcours par geste pour les maisons individuelles classées « F » et « G » jusqu’au 31 décembre 2024 en France métropolitaine ;
  • lever jusqu’à cette même date l’obligation de réaliser un geste de chauffage éligible à la prime pour accéder au parcours par geste, le cas échéant ;
  • conditionner l’éligibilité de l’installation d’un système de ventilation mécanique contrôlée double flux autoréglables ou hygroréglables à la réalisation concomitante d’un geste d’isolation éligible à la prime (isolation thermique des parois vitrées, des murs en façade ou pignon, des rampants de toitures et plafonds de combles ou encore des toitures terrasses).

Ces modifications sont directement issues d’échanges entre le Gouvernement et la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) et la Fédération française du bâtiment (FFB), ces derniers souhaitant assouplir – au moins jusqu’à la fin de l’année 2024 – les règles d’octroi des aides « par geste » de rénovations simples au-delà des travaux de rénovations visant à améliorer la performance globale du logement.

De plus, le décret précise que la prime est attribuée dans la limite des autorisations d’engagement annuelles inscrites au budget de l’ANAH. Autrement dit, si le décret vise à « soutenir la dynamique de rénovation énergétique des logements » par un assouplissement des règles d’octroi des aides MaPrimeRénov’, il prévoit également la limitation des crédits dédiés au dispositif. L’arrêté du 21 mars 2024 modifiant l’arrêté du 14 janvier 2020 modifié relatif à la prime de transition énergétique lève quant à lui jusqu’au 31 décembre 2024 l’obligation de fournir un diagnostic de performance énergétique pour toute demande de prime de transition énergétique par geste en France métropolitaine. De même, il autorise la fourniture d’une promesse synallagmatique de vente lors du dépôt d’une demande de prime, la production d’un justificatif de propriété restant requise pour obtenir le paiement de la prime.

Les dispositions du décret et de l’arrêté entrent en vigueur le 15 mai 2024 et s’appliquent aux demandes de primes déposées à compter de cette même date.

Nouveau dispositif d’appel à témoins : « En quête d’indices »

Un nouveau dispositif d’appel à témoins, « En quête d’indices », a été présenté par le ministère de l’Intérieur et des Outre-mer et le ministère de la Justice. Il s’agit de vidéos courtes retraçant des enquêtes à la suite de crimes sériels ou non élucidés suivies par le pôle national et pour lequel les enquêteurs et magistrats cherchent à recueillir des informations auprès du grand public.

Le Pôle national des crimes sériels ou non élucidés (PCSNE), va désormais pouvoir s’appuyer sur ce nouvel outil.

Ces capsules seront diffusées sur le site internet et les réseaux sociaux. Ces vidéos, retraçant les circonstances des faits auront vocation à recueillir de nouveaux témoignages auprès du grand public, dans le cadre d’affaires de crimes sériels ou non élucidés suivis par le PCSNE.

Retrouvez le premier appel à témoin du Pôle national dédié au traitement des crimes sériels ou non élucidés :

Nous nous félicitons de cette initiative qui devrait permettre de recueillir de nouveaux témoignages et de faire avancer les enquêtes.

Nous réitérons notre demande beaucoup plus large de création par la justice d’un site internet dédié aux affaires criminelles non élucidées ou toute personne pourrait apporter son témoignage à la justice.

Retrouvez notre équipe dédiée  à ces affaires  :
Didier Seban, avocat associé, Marine Allali, avocate directrice, Antoine Sauvestre-Vinci, avocat à la Cour, Olivier le Gall, chargé de missions et Maxellende Joulia, élève-avocate.

 

Desserte maritime Corse – continent : les compensations financières versées à Corsica Linéa et La Méridionale remises en cause par la Commission européenne

Le 23 février dernier, la Commission européenne a ouvert une enquête dite « formelle d’examen[1] » concernant la compatibilité au droit européen des aides d’Etat des compensations financières versées aux compagnies maritimes qui desservent la Corse depuis le continent dans le cadre de conventions de délégations de service public.

En décembre 2022, les autorisés corses ont attribué à Corsica Linéa et à La Méridionale cinq conventions de délégations de service public de transport de passagers et de marchandises entre le port de Marseille et les cinq ports corses (Bastia, Ajaccio, Propriano, L’Ile-Rousse et Porto-Vecchio). Ces conventions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2023 et elles expirent le 31 décembre 2029. Corsica Linéa (anciennement SNCM) et La Méridionale sont les deux compagnies maritimes historiques qui desservent la Corse depuis le continent. Elles perçoivent à ce titre des compensations financières en contrepartie d’un certain nombre de sujétions particulières de service public qui leur sont imposées en matière de fréquence, d’horaires, de catégorie de passagers (motif médical, convoyeurs de fret tracté) ou de type de marchandises à transporter (matières dangereuses depuis l’Ile-Rousse). Ces obligations de service public (OSP) sont qualifiées de services d’intérêt économique générale (SIEG) au sens du droit européen[2]. Les compensations financières versées en contrepartie de l’exécution d’OSP ne constituent pas des aides d’Etat si elles respectent les 4 conditions cumulatives posées la Cour de justice des communautés européennes (devenue CJUE) dans son arrêt Altmark du 24 avril 2003[3] :

  • l’entreprise a été expressément chargée d’obligations de service public clairement définies ;
  • des paramètres objectifs de calcul de la compensation ont été établis avant son versement ;
  • il n’y a pas de surcompensation ;
  • la mission de service public a été confiée à l’entreprise à l’issue d’une procédure de marché public permettant de sélectionner celle capable de fournir ce service au moindre coût pour la collectivité ou, en l’absence d’une telle procédure, le niveau de la compensation repose sur une analyse des coûts que pourrait réaliser une « entreprise moyenne, bien gérée ».

En matière de transport maritime, le cadre juridique général applicable aux SIEG doit par ailleurs s’articuler avec le règlement cabotage du 7 décembre 1992 concernant l’application du principe de la libre circulation des services aux transports maritimes à l’intérieur des États membres. Ce règlement a libéralisé le transport maritime dans l’Union européenne mais il permet aux Etats membres d’instituer des obligations de service public en cas de carence du marché. Dès lors qu’il est démontré qu’il existe une demande / un besoin réel exprimé par les usagers pour la fourniture de services de transport maritime qui n’est pas satisfait par les opérateurs en libre marché (carence du marché), il est possible d’instituer des OSP unilatérales ou de conclure un contrat de service public. Le raisonnement est en trois temps :

  • en premier lieu et avant de conclure un contrat de service public de transport maritime impliquant des compensations financières versées par l’autorité délégante, il faut démontrer l’existence d’une demande exprimée par les usagers pour les services de transport maritime (passagers ou marchandises) ;
  • en deuxième lieu, il faut vérifier si le marché peut répondre, en tout ou en partie, à la demande des usagers préalablement identifiée. Si le marché ne peut pas répondre à la demande, il existe une carence de l’initiative privée caractérisant l’existence d’un besoin réel de service public ;
  • enfin, l’autorité publique doit choisir le mode d’intervention qui porte le moins atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur pour répondre à ce besoin de service public, celui qui est le moins restrictif pour la concurrence entre un régime unilatéral d’OSP (sans compensation financière) et le contrat de service public (avec compensations financières).

Cette question avait déjà fait l’objet de deux arrêts du Tribunal de l’Union européen du 1er mars 2017 concernant la desserte maritime Corse – continent[4]. Aujourd’hui, il n’existe toujours pas de « marché totalement libre » dans le domaine des services maritimes entre la France continentale et la Corse. Les services maritimes sont fournis :

  • soit dans le cadre d’un régime d’obligations de service public sans compensations financières (« régime OSP » ou « OSP unilatérales », arts. 2 §4 et 4§2 du règlement cabotage) ;
  • soit dans le cadre d’un contrat de service public avec compensations financières (arts. 2§3 et 4§1 règlement cabotage).

Sur la base d’un « test de marché » et d’études techniques réalisées entre 2021 et 2023, les autorités corses ont conclu que des OSP unilatérales ne suffiraient pas pour satisfaire le besoin de service public identifié pour chaque segment de transport maritime de passagers et de marchandises. Dès lors, elles ont considéré que le recours à des contrats de service public est justifié. L’enquête approfondie ouverte par la Commission européenne le 23 février 2024 doit lui permettre d’apprécier dans quelle mesure les compensations financières qui sont versées à Corsica Linéa et à La Méridionale dans le cadre des cinq conventions de délégation de service public 2023 – 2029 sont compatibles avec les règles européennes en matière d’aides d’Etat (art. 108 Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne), notamment au regard du premier critère Altmark rappelés ci-avant.

La Commission européenne a exprimé un doute sur le fait que les autorités corses ont pu commettre une erreur manifeste d’appréciation sur l’existence d’un véritable SIEG. Le périmètre de service public retenu dans les conventions de délégation de service public 2023-2029 pourrait ne pas être nécessaire et proportionné en tous points par rapport à un besoin réel de service public. Plus précisément, l’inclusion du transport de passagers commerciaux et du transport de marchandises par camions remorques et des convoyeurs dans les délégations de service public ne serait pas justifiée par un besoin de service public compte tenu de la présence sur le marché d’une offre commerciale développée depuis le port de Toulon. Par ailleurs, les OSP en matière de volume de fret (exprimé en mètres linéaires) imposées aux compagnies délégataires pourraient dépasser le besoin de service public.

Enfin, du point de vue des règles de l’Union européenne en matière de marchés publics (4ème critère Altmark), la Commission européenne invite les autorités françaises à clarifier si l’obligation de mobiliser des navires disposant d’une capacité minimale de transport de passagers et de cabines dans les délais de de la mise en concurrence est susceptible de constitue une rupture d’égalité de traitement, et pour clarifier le périmètre des exigences minimales et la conformité des offres retenues en ce qui concerne ces exigences ainsi que les rotations reprogrammables et les rotations supplémentaires. Les autorités françaises doivent à présent répondre aux observations formulées par la Commission européenne. A l’issue de cette phase d’échanges contradictoires entre les autorités françaises et la Commission européenne, cette dernière prendra une décision sur l’existence ou pas d’une aide d’Etat et, le cas échéant, sur sa compatibilité avec le droit européen. La Commission doit, en principe, adopter une décision dans un délai de dix-huit mois à compter de l’ouverture de la procédure.

 

[1] Au sens de l’article 4 § 4 du règlement de procédure (UE) n° 2015/1589 du Conseil du 13 juillet 2015 portant modalités d’application de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

[2] Encadrement SIEG constitué par plusieurs actes Communication de la Commission 2012/C8/02 du 20 décembre 2011 ; Communication de la Commission 2012/C 8/03 du 20 décembre 2011 sur les aides d’Etat sous forme de compensation de services public ; décision d’exemption 2012/21/UE du 20 décembre 2011 relative aux compensations accordées à certaines entreprises chargées de la gestion de SIEG ; règlement (UE) n° 2023/2832 relatif aux aides de minimis SIEG.

[3] CJCE, 24 juillet 2003, Altmark Trans GmbH, C-280/00.

[4] Arrêts du Tribunal, 1er mars 2017, SNCM I, T-366/13 et SNCM II, T-454/13.

Eoliennes : annulation du protocole de mesure de l’impact acoustique

Selon quelle procédure devaient être adoptées les normes régissant les contrôles acoustiques des parcs éoliens terrestres ? Il s’agit de la question tranchée par le Conseil d’Etat au sein d’un arrêt du 8 mars 2024. Plusieurs associations sollicitaient en effet l’annulation de divers instruments règlementaires encadrant l’exploitation des parcs éoliens terrestres.

1°) Il s’agissait notamment de deux arrêtés qui avaient pour objet de modifier les règles relatives à l’implantation, la construction, l’exploitation et le démantèlement des éoliennes, et portaient plus particulièrement sur l’instauration d’un contrôle acoustique systématique dès la mise en service du parc éolien, contrôle devant être conforme à un protocole de mesure acoustique.

Le Conseil d’Etat relève que cette règlementation déterminant les conditions dans lesquelles les projets concrets d’implantation et d’exploitation de sites éoliens terrestres peuvent être autorisés ou mis en œuvre doit être regardée comme constituant des plans et programmes devant être soumis à évaluation environnementale. Une telle évaluation n’ayant pas été menée, le Conseil d’Etat conclut à l’irrégularité de ces deux arrêtés.

2°) Etaient également contestées des décisions ministérielles approuvant le protocole de mesure de l’impact acoustique d’un parc éolien terrestre ainsi que le protocole en lui-même. Le juge expose tout d’abord que les décisions ministérielles approuvant ce protocole lui ont conféré un caractère règlementaire et qu’il s’agit donc d’une décision faisant grief susceptible d’être contestée par la voie de l’excès de pouvoir. Et dès lors qu’il régit des installations classées pour la protection de l’environnement, les décisions l’ayant approuvé doivent être regardées comme des plans et programmes devant être soumis à évaluation environnementale. En outre, le protocole ayant une incidence directe et significative sur l’environnement, les décisions l’ayant approuvé auraient dû être soumises à consultation du public préalablement à leur adoption.

De même que pour les arrêtés ci-avant, le Conseil d’Etat juge donc qu’à défaut d’une telle évaluation, ces décisions doivent être annulées.

Installations, ouvrages, travaux et aménagements (IOTA) : précisions sur l’interdiction du « saucissonnage » des projets

Le Conseil d’Etat a, par un arrêt en date du 8 mars 2024, apporté des précisions sur la notion de projet dans le cadre de la mise en œuvre de la règlementation des installations, ouvrages, travaux et aménagements (IOTA) prévue aux articles L. 214-1 et suivants du Code de l’environnement.

En l’espèce, un exploitant avait réalisé en octobre 2017 une vidange complète d’un étang puis, cette même année, des travaux présentant un caractère d’urgence devant en principe faire l’objet d’une déclaration IOTA. L’autorité administrative lui avait alors respectivement indiqué qu’une déclaration n’était pas nécessaire dès lors que la vidange n’est pas incluse dans la nomenclature IOTA et car il existait une situation d’urgence. En 2018, l’exploitant a déclaré des travaux visant à la destruction de la digue de l’étang, déclaration à laquelle l’autorité administrative ne s’est pas opposée. Une association sollicitait l’annulation de l’ensemble de ces décisions, soutenant que ces différents travaux et interventions auraient dû être réalisés sous la forme d’une procédure unique sur le fondement de l’article R. 214-42 du Code de l’environnement.

Le Conseil d’Etat expose alors que le pétitionnaire doit saisir l’administrative d’une demande unique pour les « projets qui forment ensemble une même opération » laquelle, prise dans son ensemble, doit faire l’objet d’une autorisation ou déclaration IOTA. Le juge rappelle le texte sur la notion d’opération : les projets doivent dépendre de la même personne, exploitation ou établissement et concerner le même milieu aquatique, même lorsque leur réalisation est étalée dans le temps et que les projets sont mis en œuvre successivement. Il précise ensuite que pour apprécier l’existence d’une opération devant faire l’objet d’une demande unique ainsi que le régime applicable (autorisation ou déclaration), l’administration « doit se fonder sur l’ensemble des caractéristiques des projets, en particulier la finalité des opérations envisagées et le calendrier prévu pour leur réalisation ».

Dans cette affaire, le juge relève que la vidange a été envisagée ab initio en vue de l’effacement de l’étang et que les autres travaux et interventions poursuivaient également ce même objectif. Il en déduit donc que l’ensemble de ces projets aurait dû être apprécié comme constituant une unique opération. Leur morcellement est donc considéré comme étant irrégulier.

Déchets et filières « responsabilité élargie du producteur » : précision sur l’obligation de consulter la commission inter-filières

Par un arrêt en date du 20 mars 2024, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur les conséquences d’un défaut de consultation de la commission inter-filières de responsabilité élargie des producteurs (CIFREP).

Dans cette affaire en effet, le cahier des charges des éco-organismes de la filière de responsabilité élargie des producteurs pour certains déchets diffus spécifiques (DDS) avait été modifié par arrêté, la modification étant relative au dispositif de majoration des barèmes applicables dans les collectivités des territoires d’outre-mer, sans que la CIFREP ne soit véritablement consultée. En effet, si la CIFREP avait bien été saisie, il ne ressortait pas du compte-rendu de sa réunion qu’elle ait été véritablement consultée. Or, l’article L. 541-10 du Code de l’environnement prévoit que cette instance doit être consultée pour avis sur les projets d’arrêtés portant cahiers des charges impartis aux éco-organismes ou systèmes individuels de chaque filière.

Le Conseil d’Etat prononce donc l’annulation de l’arrêté contenant la modification litigieuse, mais diffère l’effet de l’annulation au 1er janvier 2022 pour la stabilité des situations qui ont pu se constituer et au regard de la précédente annulation ayant frappé le cahier des charges de cette filière (cf. notre brève sur le sujet).

Référé-liberté : le droit à un environnement sain justifie la suspension de travaux en zone naturelle protégée

Le juge des référés du Tribunal administratif de Montpellier a récemment prononcé la suspension d’une décision du préfet des Pyrénées-Orientales délivrant au syndicat mixte de gestion et d’aménagement Tech-Albères (SMIGATA) un récépissé de dépôt de dossier de déclaration pour un projet expérimental d’injection d’eaux brutes et de traitement partielle de la végétation dans une ancienne carrière. Le juge a également suspendu l’exécution des travaux prévus pour la réalisation du projet.

En l’espèce, l’association France Nature Environnement avait introduit une requête sur le fondement de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative, selon la procédure dite du référé-liberté, afin d’obtenir la suspension de travaux devant se tenir du 4 au 15 mars 2024 de débroussaillage mécanisés de la végétation, de terrassement d’une zone humide puis de sa mise en eau sur une superficie de 3,5 hectares. Cet article permet au juge de prendre, dans des situations d’urgence et dans un délai de 48 heures, toute mesure nécessaire à la sauvegarde d’une liberté fondamentale en cas d’atteinte grave et manifestement illégale.

Dans la continuité de la décision du Conseil d’Etat n° 451129 en date du 20 septembre 2022, le juge a d’abord rappelé que « le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, tel que proclamé par l’article premier de la Charte de l’environnement, présente le caractère d’une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative ».

Puis, en premier lieu, il a considéré que l’exécution de la décision contestée était manifestement illégale et susceptible de porter des atteintes graves et irréversibles aux espèces protégées et à la destruction de leur habitat. Il a ainsi souligné que le projet « n’a fait l’objet que d’un dépôt de dossier de déclaration alors même que, compte tenu de son objet, il était soumis à autorisation » au titre de la règlementation des installations, ouvrages, travaux et aménagements (IOTA) et que l’injection d’eaux brutes ne pouvait être regardée « comme constituant une mesure de restauration des zones humides mais relève de la nomenclature relative à la mise en eau ». En outre, le juge a relevé que le projet est situé sur une zone boisée classée Natura 2000 et ZNIEFF types 1 et 2, accueillant de très nombreuses espèces protégées (dont la tortue Emyde Lépreuse) sans qu’aucun « recensement complet et détaillé » n’ait été réalisé au préalable ni d’ailleurs qu’une dérogation espèces protégées n’ait été obtenue. Et si le pétitionnaire fait mention de prescriptions visant à limiter ou réduire l’impact sur ces espèces, le juge estime qu’elles « ne sauraient à elles seules permettre de s’affranchir des obligations précitées prévues par le Code de l’environnement [d’obtenir une autorisation loi sur l’eau et une dérogation espèces protégées] aux fins de conservation d’habitats naturels et d’espèces animales ou végétales protégées ».

Dès lors, au regard des atteintes graves et irréversibles susceptibles d’être causées aux espèces protégées, le juge a en second lieu considéré que l’urgence à ordonner la suspension des travaux était caractérisée et a conclu que toutes les conditions de l’article L. 521-2 du CJA étaient réunies. Il a donc fait droit à la requête de l’association.

Pouvoirs du maire en matière de contrôle des dépôts sauvages sur des terrains privés

Par une décision rendue le 1er février 2024, la Cour de cassation a confirmé que le maire, en tant qu’autorité de police en matière de déchets, pouvait contrôler les dépôts sauvages de déchets situés sur des terrains privés. En l’espèce, le maire d’une commune avait demandé à un particulier de procéder à l’évacuation des déchets qui se trouvaient sur les parcelles dont il est propriétaire. Après l’avoir mis en demeure d’éliminer ses déchets, le maire avait ordonné par arrêté le versement d’une astreinte journalière et ce, jusqu’à ce qu’il y soit satisfait.

Le maire s’était ensuite fondé sur l’article L. 171-2 du Code de l’environnement pour contrôler ces parcelles et saisir le juge des libertés et de la détention à cette fin ; cet article précisant les conditions et modalités de contrôle de certains lieux et installations au titre du Code de l’environnement. Par une ordonnance en date du 22 octobre 2021, le juge avait ainsi autorisé le maire, le maire-adjoint et un responsable technique « à procéder à la visite des parcelles litigieuses ‘’aux fins de vérifier le respect des exigences posées par le Code de l’environnement et l’existence de dépôts de déchets’’ ».Si le requérant contestait cette ordonnance en faisant valoir que le maire ne serait pas un fonctionnaire ou agent habilité à pénétrer dans certains lieux sur autorisation du juge au titre de l’article L. 171-2 du Code de l’environnement, la Cour, elle, n’a pas retenu ce raisonnement. En effet, elle a au contraire considéré que le maire devait être considéré comme un agent pouvant être habilité à procéder à des visites sur le fondement de cette disposition dès lors qu’il est titulaire des pouvoirs de police et « à défaut de dispositions particulières désignant, en matière de police des déchets, les personnes habilitées à procéder aux contrôles administratifs ».

Le maire est donc autorisé à se rendre, sur autorisation du juge, sur une propriété privée pour y contrôler le dépôt de déchets.

Géothermie de minime importance : modification des procédures administratives

Décret n° 2024-232 du 15 mars 2024 portant modifications du dossier de demande d’autorisation environnementale des travaux miniers

Les activités de géothermie de minime importance ont fait l’objet de deux décrets en date du 15 mars 2024. Ils interviennent en application de l’ordonnance n° 2022-1423 du 10 novembre 2022, prise elle-même en application de l’article 81 de la loi du 22 août 2021 dite « Climat et Résilience »

1°) En premier lieu, le décret n° 2024-230 vient modifier le décret n° 2006-649 du 2 juin 2006 relatif aux travaux miniers, aux travaux de stockage souterrain et à la police des mines et des stockages souterrains. Notons dès à présent que des dispositions transitoires sont prévues pour l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions. Le texte oblige désormais les exploitants qui réalisent des prestations de forages de géothermie de minime importance à les faire attester par une entreprise certifiée (et non plus « qualifiée » comme auparavant). Il apporte également des éléments de clarifications en ce qui concerne certaines procédures qui interviennent en amont, en aval ou pendant la phase d’exploitation de l’installation. Il adapte en outre les sanctions applicables au non-respect de certaines dispositions.

Notamment, le préfet peut dorénavant soumettre l’installation de géothermie à évaluation environnementale après un examen au cas par cas, conformément à l’article R. 122-2-1 du Code de l’environnement. Si un tel examen au cas par cas est prévu, l’article 1er du décret prévoit que les travaux ne pourront être mis en œuvre que si « une décision de ne pas prescrire d’évaluation environnementale » est intervenue ou, lorsque la décision prescrit une telle évaluation, si une autorisation a été prise par le préfet, « dans les formes prévues au deuxième alinéa du II de l’article L. 122-1-1 du même code ». Sinon l’exploitant pourra en principe engager les travaux 15 jours après la délivrance de la preuve de dépôt de la déclaration d’ouverture de travaux. En outre, le décret instaure la possibilité de procéder à des modifications de l’exploitation et précise qu’une modification de l’installations de forage « de nature à entraîner un changement notable des éléments du dossier initial de déclaration d’ouverture de travaux d’exploitation, sans toutefois avoir pour effet d’exclure cette installation ou ces travaux du régime applicable aux gîtes géothermiques de minime importance » doit être portée à la connaissance du préfet.

Enfin, dans un délai de deux mois suivant l’achèvement des travaux, l’entreprise de forage certifiée devra remettre à l’exploitant un rapport de fin de forage, dont le contenu doit être précisé par arrêté.

2°) En second lieu, le décret n° 2024-232 a pour objet de définir le contenu du dossier de demande d’autorisation environnementale devant être fourni quand les travaux réalisés sur des installations de géothermie de minime importance sont de nature à relever de ce régime. Le texte vient ainsi modifier le 15° de l’article D 181-15-3 bis du Code de l’environnement portant sur les pièces à joindre au dossier d’autorisation environnementale. Les exploitants concernés devront désormais transmettre, en plus du mémoire relatif aux méthodes de recherches ou d’exploitation envisagées, « la liste et la localisation des forages exploités sous le régime de la géothermie de minime importance destinés à un nouvel usage ».