Œuvre d’art : le Tribunal judiciaire de Lille reconnaît la contrefaçon du blockhaus miroir « Réfléchir » par des collectivités

Le Tribunal judiciaire de Lille a rendu le 1er septembre 2024 un jugement condamnant une communauté urbaine, une Commune, un office de tourisme et une agence de développement économique, en contrefaçon de droits d’auteur.

En l’espèce, un artiste a réalisé en 2014 une œuvre appelée « Réfléchir », en recouvrant d’éclats de miroirs l’un des blockhaus historiques situé sur des plages du débarquement.

Reprochant aux différentes collectivités, office de tourisme et agence de développement économique, d’avoir exploité commercialement son œuvre en la reproduisant sur des supports de communication entre 2015 et 2020, l’artiste les a mis en demeure, le 11 août 2020, de payer une somme indemnitaire de 300.000 euros, avant de saisir le juge des référés.

Ce dernier estimant n’y avoir lieu à référé, a renvoyé les parties à se pourvoir au fond. L’artiste a ensuite assigné les défendeurs devant le Tribunal judiciaire de Lille aux fins de condamnation en réparation du préjudice du fait de l’exploitation illicite de l’image de son œuvre.

 

1. Sur le fond, le Tribunal judiciaire a tout d’abord reconnu l’originalité de l’œuvre considérée comme empreinte de la personnalité de son auteur, et ainsi sa protection au titre du droit d’auteur.

Le Tribunal a rappelé que la protection du droit d’auteur dépend du seul caractère original de l’œuvre, et non de son caractère licite, tout en rappelant également que la jurisprudence reste attentive aux circonstances entourant la création notamment lorsque l’artiste ne dispose pas des autorisations nécessaires pour réaliser son œuvre. Sur ce point, le Tribunal a relevé que le maire de la Commune sur laquelle est située l’œuvre « Réfléchir » ne s’était pas opposé au principe de son installation, émettant de simples réserves en matière de sécurisation du site et de régularisation d’une déclaration de travaux.

 

2. Pour se défendre, les collectivités, l’office de tourisme et l’agence de développement économique, se sont prévalues de deux exceptions à l’autorisation de l’auteur requise pour toute exploitation de son œuvre :

  • L’exception d’exploitation de l’œuvre dans un but exclusif d’information immédiate et en relation directe avec cette dernière, sous réserve d’indiquer le nom de l’auteur (article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle) ;
  • L’exception jurisprudentielle d’exploitation d’une œuvre lorsqu’elle est accessoire au sujet principal traité.

Le Tribunal a rejeté la première exception car les représentations de l’œuvre sur les supports de communication des défendeurs ne s’inscrivent pas dans un but d’information immédiate mais dans une démarche de promotion du territoire.

Il a rejeté la seconde exception soulevée par les défendeurs, au motif que l’œuvre représentée sur les supports de communication litigieux n’apparaissait pas comme accessoire, étant au contraire mise en avant.

 

3. Les différents éléments pris en considération en matière d’évaluation du préjudice dans le cadre d’une contrefaçon de droit d’auteur, rappelés par l’article L. 331-3 du Code de la propriété intellectuelle, sont les suivants :

  • Les répercussions économiques sur l’auteur (pertes et manques à gagner) ;
  • Le préjudice moral de l’auteur ; Et
  • Les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte.

En l’espèce, le Tribunal judiciaire de Lille, soulignant les heures de travail passées par l’artiste à la création de son œuvre et le succès de cette dernière, a ainsi condamné les défendeurs à payer chacun une somme distincte, située entre 3.000 et 10.000 euros.

Ce jugement rappelle que ce n’est pas parce qu’une œuvre se situe sur le territoire d’une collectivité que celle-ci peut librement éditer des cartes postales la représentant. Pour ce faire, si l’œuvre est originale et n’est pas tombée dans le domaine public, il est nécessaire d’obtenir l’autorisation de son auteur ou de ses ayants droit. Comme tant d’autres, ce jugement ne permet en revanche pas d’appréhender de manière suffisamment précise les méthodes de calcul de préjudice en la matière.

Procédure d’information – consultation du CSE : un accord informel peut prolonger le délai légal de consultation

Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le CSE dispose, sauf exception, d’un délai d’un mois pour rendre son avis lorsqu’il est consulté sur un projet de l’employeur (art. R. 2312-6 du Code du travail).

Ce délai court à compter de la transmission ou mise à disposition par l’employeur des informations sur le projet consulté (art. L. 2312-15 du Code du travail).

Parfois, le CSE peut estimer que l’employeur ne lui a pas communiqué d’informations suffisantes pour rendre un avis pertinent.

Dans ce cas, il peut saisir le Président du tribunal judiciaire, selon la procédure dite « accélérée au fond », afin d’obtenir la communication des informations manquantes.

Cependant, le délai dont il dispose pour rendre son avis n’est pas suspendu par la saisine du juge.

Ainsi, la saisine du juge intervenant en dehors de ce délai doit être déclarée irrecevable, ce qui anéanti l’action du CSE.

 

Dans l’hypothèse d’un contexte où l’employeur et le CSE conviennent de manière informelle d’une prorogation du délai de consultation, que vaut un tel aménagement en cas de contentieux ?

C’est à cette question que vient répondre la chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 26 juin 2024 (pourvoi n° 22-24.488).[1]

En l’espèce et comme cela arrive souvent en pratique, l’employeur et le CSE étaient convenus de proroger, de manière purement informelle, le délai d’un mois dont ce dernier disposait pour rendre son avis sur un projet de réorganisation.

Plus particulièrement, la première réunion plénière d’information du CSE avait eu lieu le 16 décembre 2020.

Après une série de réunions qui s’était tenues en janvier 2021, la Direction avait convenu avec son CSE que le délai de consultation était prolongé, pour requérir l’avis du CSE lors d’une réunion du 19 mars 2021.

S’estimant insuffisamment informé pour rendre son avis, le CSE a saisi le Président du tribunal judiciaire, selon le placement d’une assignation du 5 février 2021, pour qu’il lui soit communiquées les informations qu’il estimait manquantes.

En réponse, l’employeur opposait que l’action du CSE était irrecevable, faute d’avoir saisi la juridiction dans le délai initial d’un mois dont il disposait pour rendre son avis.

Et pour cause, l’article R. 2312-6 du Code du travail ne prévoit que la possibilité de proroger les délais dont dispose le CSE pour rendre son avis par accord formel.

Cependant, la Cour de cassation avait déjà admis, en dépit de ce texte, que l’employeur pouvait proroger ce délai tacitement avec le CSE (Cass. soc., 8 juillet 2020 n° 19-10.987 FS-PBI).

C’est ainsi que dans l’arrêt ci-commenté, la haute juridiction a tranché le litige en faveur du CSE : le délai de saisine du juge est également prorogé en cas d’accord tacite avec l’employeur prorogeant le délai dont dispose le CSE pour rendre son avis.

Cette solution, qui peut, sur le plan strictement juridique, paraître surprenante de prime abord, pourrait trouver son fondement dans le principe de faveur et dans l’article L. 2312-4 du Code du travail qui dispose, de manière large :

« Les dispositions du présent chapitre ne font pas obstacle aux dispositions plus favorables relatives aux attributions du comité social et économique résultant d’accords collectifs de travail ou d’usages. »

La chambre sociale de la Cour de cassation ne vise cependant pas cet article dans les arrêts précités, de sorte qu’il semble s’agir d’une tolérance purement prétorienne.

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[1] https://www.courdecassation.fr/en/decision/667baff1eee23a0a3f11d2f6

Bail commercial et procédure collective : pas de résiliation de plein droit du bail en cas de non-paiement des loyers pendant trois mois

L’article L. 622-14 du Code de commerce prévoit, dans l’hypothèse où un preneur à bail commercial fait l’objet d’une procédure collective, que le bailleur peut demander « la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture, le bailleur ne pouvant agir qu’au terme d’un délai de trois mois à compter dudit jugement ».

L’alinéa 4 du même article précise que « si le paiement des sommes dues intervient avant l’expiration de ce délai [de trois mois], il n’y a pas lieu à résiliation ».

Dans l’arrêt commenté, la Cour de cassation s’est prononcée sur le fait de savoir si cette résiliation était de plein droit, ou si la situation pouvait faire l’objet d’une régularisation après l’expiration du délai de trois mois et avant que le juge-commissaire ne statue sur cette résiliation.

En l’espèce, une société preneuse d’un bail commercial est placée en redressement judiciaire le 28 avril 2020.

Le 10 septembre suivant, son bailleur saisit le juge-commissaire d’une requête aux fins de voir constater la résiliation du bail, faute de paiement des loyers depuis l’ouverture du redressement judiciaire.

La veille du dépôt de cette requête, les sommes dues par le preneur depuis le jugement d’ouverture sont versées entre les mains du bailleur.

Le bailleur est débouté de sa demande par le juge-commissaire puis par le Tribunal de commerce. En cause d’appel, il persiste à demander que soit constatée la résiliation de plein droit du bail à compter du 28 juillet 2020, terme du délai de trois mois à compter du jugement d’ouverture, faute de paiement avant cette date des loyers échus postérieurement au jugement d’ouverture. La Cour d’appel ne fait pas droit à ses demandes et confirme le jugement rendu par le Tribunal de commerce.

Par arrêt du 12 juin 2024, la Cour de cassation rejette le pourvoi dont elle est saisie :

« Le juge-commissaire, saisi par le bailleur d’une demande de constat de la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture, doit s’assurer, au jour où il statue, que des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture demeurent impayés.

Ayant constaté que la société X avait payé, le 9 septembre 2020, les loyers échus postérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective, que ce paiement avait été reçu le 10 septembre 2020 par le bailleur, qui, le même jour, avait saisi le juge-commissaire d’une demande de constatation de la résiliation de plein droit, l’arrêt retient exactement que la créance de loyers postérieurs à l’ouverture de la procédure collective étant éteinte pour avoir été acquittée par le preneur, la requête du bailleur doit être rejetée. »

Le non-paiement des loyers postérieurs au jugement d’ouverture pendant trois mois ne peut donc entrainer la résiliation de plein droit du bail, et le juge-commissaire doit se prononcer au regard de la dette au jour où il statue sur cette demande de résiliation.

Baux commerciaux : en cas de cession irrégulière, le cédant reste débiteur de l’indemnité d’occupation

Une société, preneuse à bail commercial cède son droit au bail à une autre société le 30 septembre 2015.

Le bailleur assigne la cédante pour cession irrégulière et obtient la résiliation du bail ainsi que son expulsion et celle de tout occupant de son chef et sa condamnation au paiement d’une somme au titre de loyers et d’indemnités d’occupation.

La cessionnaire restitue les locaux et assigne la cédante en indemnisation de son préjudice sur le fondement de la garantie d’éviction.

La cédante sollicite reconventionnellement le remboursement des loyers et indemnités d’occupation qu’elle a été condamnée à verser au bailleur.

La cédante étant déboutée en appel, elle se pourvoit en cassation et invoque l’occupation par la cessionnaire des locaux pendant la période litigieuse.

La troisième chambre civile rejette le pourvoi sur le fondement de la garantie d’éviction de l’article 1630 du Code civil, en retenant que : « lorsque le cédant est tenu de garantir sur le fondement de l’article précité, le cessionnaire de l’éviction du bail dont il souffre du fait que le bailleur lui dénie la qualité de locataire en raison de l’inopposabilité de la cession, il ne peut obtenir du cessionnaire évincé le remboursement des loyers et indemnités d’occupation qu’il a payés au bailleur pour la période où le cessionnaire a occupé sans faute les locaux. »

Selon la Cour de cassation, la cédante étant seule et entièrement responsable de l’éviction de la cessionnaire et qu’elle devait l’en garantir et la cessionnaire ayant libéré les lieux le 30 octobre 2018 après signification le 17 octobre 2018 de la décision rendue dans l’instance opposant la bailleresse à la cédante.

Société coopérative d’intérêt collectif par actions simplifiée à capital variable : La seule stipulation insérée dans une clause statutaire privant l’associé de son droit de vote est réputée non-écrite

La Chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu le 29 mai 2024 plusieurs arrêts intéressant le droit de sociétés, dont un relatif à la privation d’un associé faisant l’objet d’une exclusion de son droit de vote.

Les faits portent sur une association, l’association Mecen’coop, exclue par une décision des associés de la société coopérative d’intérêt collectif par actions simplifiée à capital variable (SCICAS), dénommée Médicoop Provence Méditerranée, sans que cette association puisse prendre part au vote, bien que présente à l’assemblée générale. Aux termes de l’article 14-1 des statuts de la SCICAS, il était prévu qu’un associé puisse être exclu par décision collective des associés. L’associé dont l’exclusion est susceptible d’être prononcée ne participe alors pas au vote relatif à son exclusion. L’association Mecen’coop, soutenant que cette exclusion est entachée d’irrégularité, a décidé d’en poursuivre l’annulation.

L’association s’est vue déboutée de sa demande en appel, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence retenant que les statuts de la société peuvent valablement stipuler que l’associé dont l’exclusion est envisagée ne participe pas au vote, de sorte que la décision d’exclusion de l’assemblée générale était régulière. La Cour d’appel considère à la lecture de l’article L. 227-9 du Code de commerce que « les statuts des sociétés par actions simplifiées peuvent déroger au principe selon lequel tout associé dont l’exclusion est discutée participe au vote ». Cette liberté est à analyser au regard de l’article 7 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération qui dispose à propos des statuts des coopératives qu’ils « fixent les conditions d’adhésion, le cas échéant d’agrément, de retrait, de radiation et d’exclusion des associés ».

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel et considère, au visa des articles 1844 et 1844-10 du Code civil et L. 227-16 du Code de commerce, qu’à la lecture combinée de ces textes, « si les statuts d’une société par actions simplifiée peuvent prévoir l’exclusion d’un associé par une décision collective des associés, toute stipulation de la clause d’exclusion ayant pour objet ou pour effet de priver l’associé dont l’exclusion est proposée de son droit de voter sur cette proposition est réputée non écrite ».

En conséquence, peut donc être réputée non écrite la seule stipulation de la clause privant l’associé dont l’exclusion figure à l’ordre du jour de son droit de vote.

Accroitre le financement des entreprises et l’attractivité de la France : Vers une dématérialisation accrue de la tenue des assemblées générales et réunions des organes sociaux

Le 14 juin dernier est publiée au Journal officiel la loi n° 2024-537, promulguée le 13 juin 2024, visant à accroitre le financement des entreprises et l’attractivité de la France.

Cette loi, initialement appelée « loi Pacte II », a fait l’objet d’une consultation publique afin d’ouvrir aux citoyens, et plus particulièrement aux chefs d’entreprises, l’opportunité de proposer des mesures de nature à faciliter le fonctionnement des TPE et PME.

La proposition de loi visant à accroitre le financement des entreprises et l’attractivité de la France a été enregistrée le 12 mars 2024 à la Présidence de l’Assemblée nationale, avant de faire l’objet d’une procédure accélérée. Après avoir fait l’objet d’un consensus en commission mixte paritaire le 28 mai 2024, la proposition est définitivement adoptée le 3 juin au Sénat et le 5 juin à l’Assemblée nationale.

L’objectif principal de cette loi est de favoriser la croissance des petites, moyennes et grandes entreprises, autour de trois axes principaux :

  • Renforcer les capacités de financement des entreprises (titre I) ;
  • Faciliter la croissance à l’international des entreprises par la dématérialisation des titres transférables (titre II) ;
  • Moderniser, simplifier et renforcer l’attractivité du droit en faveur de l’économie française (titre III).

Cette brève va plus spécifiquement s’intéresser à l’article 18 (lequel figure dans le titre III) en ce qu’il modifie les règles applicables à la tenue des assemblées générales et réunions des organes sociaux dans les sociétés anonymes.

S’agissant de la tenue des réunions des conseils d’administration et des conseils de surveillance :

Il est désormais possible de tenir les réunions des conseils d’administration et des conseils de surveillance par tout moyen de télécommunication, à condition que les statuts ou le règlement intérieur ne prévoient pas de disposition contraire. Il n’est plus nécessaire que le règlement intérieur prévoit en amont la faculté d’organiser ces réunions de manière dématérialisée. Les exceptions prévues par le troisième alinéa de l’article L.225-37 du Code de commerce (« sauf lorsque le conseil est réuni pour procéder aux opérations visées aux articles L. 232-1 et L. 233-16 ») sont supprimées et n’apparaissent plus dans sa nouvelle rédaction. Ainsi, en dehors de l’hypothèse où les statuts excluraient explicitement le recours à un moyen de télécommunication, le Conseil d’administration pourra donc procéder à l’arrêté des comptes  annuels de manière dématérialisée. L’éventail des moyens technologiques auxquels il est possible de recourir est lui aussi élargi, le législateur remplaçant les termes « moyens de visioconférence ou de télécommunication » par un simple « moyen de télécommunication ».

Sous réserve de prévoir que tout membre du conseil peut s’opposer à ce qu’il soit recouru à cette modalité, les statuts peuvent également prévoir que certaines décisions du conseil d’administration ou du conseil de surveillance soient adoptées par consultation écrite, y compris par voie électronique. Il conviendra alors de prévoir statutairement en amont les modalités et délais encadrant cette procédure.

Certaines limites demeurent toutefois à cette dématérialisation. Les statuts peuvent déterminer que certaines décisions sont insusceptibles d’être adoptées lors d’une réunion tenue de manière dématérialisée ou encore un droit d’opposition au profit d’un nombre déterminé de membres du conseil.

S’agissant de la tenue des assemblées générales extraordinaires, ordinaires et spéciales :

Les assemblées générales, qu’elles soient extraordinaires, ordinaires ou spéciales, peuvent également se tenir par un moyen de télécommunication permettant l’identification des actionnaires. Cette faculté n’a plus à être prévue en amont par les statuts. Toutefois en cas d’assemblées générales exclusivement tenues de manière dématérialisée, les statuts doivent alors explicitement le prévoir préalablement.

Il est nécessaire que l’avis de convocation fasse figurer le recours au moyen de télécommunication auquel il est fait recours.

Un encadrement de la dématérialisation est néanmoins prévu pour les assemblées générales extraordinaires appelées à statuer sur les modifications statutaires. Un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 25 % du capital social peuvent s’opposer à ce qu’il soit recouru exclusivement à la procédure susmentionnée.

Les dispositions de l’article 18 de la loi n° 2024-537 du 13 juin 2024 dite loi « attractivité » comportant l’ensemble des modifications présentées ci-dessus entreront en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’Etat (non encore adopté), et au plus tard 3 mois après la promulgation de la présente loi, soit une entrée en vigueur de ces dispositions prévue au plus tard au 14 septembre 2024 (art. 29, II de la loi n° 2024-537).

Ainsi, il est opportun d’ores et déjà de vérifier les stipulations prévues dans les statuts et le règlement intérieur afin de les mettre en conformité avec ces nouvelles dispositions législatives et le cas échéant s’assurer qu’il n’existe aucune contrariété avec ces nouvelles dispositions, à défaut il conviendra de procéder à la modification ou la suppression de la clause contradictoire inscrite dans les statuts ou le règlement intérieur.

Contrariété entre les stipulations du contrat constitutif et du règlement intérieur d’un GIE

La Cour d’appel de Paris a rendu le 1er février 2024 (CA Paris, 1er février 2024, n° 22/17877) un arrêt relatif à la force obligatoire du règlement intérieur à l’égard des membres du groupement d’intérêt économique (GIE).

En l’espèce, le GIE a poursuivi l’un de ses membres en paiement de plusieurs factures correspondant à un projet adopté par l’assemblée générale des membres. Face au refus du membre de procéder au règlement de ces factures, le GIE réitère sa demande en soutenant qu’aux termes de son contrat constitutif, les décisions régulièrement adoptées par l’assemblée s’imposaient aux membres du GIE.

Pour s’opposer au paiement, le membre concerné invoquait les stipulations du règlement intérieur du GIE selon lesquelles chaque membre du GIE était libre d’adhérer ou non à chacun des projets proposés par le GIE ; or, il n’avait pas adhéré au projet objet du litige.

Pour rejeter la demande en paiement des factures du GIE, la Cour d’appel a relevé que le contrat constitutif doit contenir un certain nombre de stipulations obligatoires conformément à l’article L. 251-8 du Code de commerce et que les membres du GIE peuvent par ailleurs établir un règlement intérieur, non publié et par voie de conséquence inopposable aux tiers, mais qui a toutefois force obligatoire à l’égard des membres du GIE.

En effet, comme le relève la Cour d’appel « l’article 1er du contrat de groupement stipule que le groupement est régi par le présent contrat y compris le règlement intérieur, ce dont il se déduit qu’il n’existe aucune primauté normative du contrat de groupement sur le règlement intérieur.

Par ailleurs, la Cour d’appel observe « une contrariété entre, d’une part, l’article 1er du règlement intérieur qui pose le principe de libre adhésion par les membres du groupement à chacun des projets pris individuellement et, d’autre part, l’article 10-4 du contrat de groupement dont il résulte que les décisions régulièrement prises en assemblée générale s’imposent aux adhérents ». Face à la contradiction entre les stipulations du contrat constitutif et du règlement intérieur, la Cour procède à l’interprétation des clauses litigieuses en recherchant la commune intention des parties conformément à l’article 1188 du Code civil et considère que «  l’intention des parties était de privilégier le principe – prévu au règlement intérieur – de la liberté d’adhésion au projet par chaque membre du GIE, en ce que ce principe figure à l’article 1er  du règlement intérieur établissant ainsi la prévalence que les membres du GIE ont entendu donner à ce principe ».

Par conséquent, en raison du défaut d’adhésion individuelle du membre concerné, les décisions litigieuses de l’assemblée générale lui sont inopposables.

La composition du conseil d’administration de la société publique locale : rappels

La société publique locale (SPL) revêt la forme de société anonyme dont l’actionnariat est exclusivement composé de collectivités territoriales et/ou de leurs groupements, conformément aux dispositions du premier alinéa de l’article L. 1531-1 du Code général des collectivités territoriales.

La SPL est soumise au livre II du Code de commerce régissant les sociétés anonymes (art. L. 1531-1 du CGCT) ainsi qu’au titre II du livre V de la première partie du Code général des collectivités territoriales relatif aux sociétés d’économie mixte locales.

La composition du conseil d’administration de la SPL est régie par l’article L. 225-17 du Code de commerce aux termes duquel le conseil d’administration doit être composé entre 3 et 18 membres.

Sous réserve du respect de cette obligation légale, certaines dispositions particulières aux sociétés d’économie mixte locales également applicables aux SPL sont prévues dans le Code général des collectivités territoriales.

Conformément au premier alinéa de l’article L. 1524-5 du Code général des collectivités territoriales, les représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements actionnaires au sein du conseil d’administration de la SPL sont désignés par les assemblées délibérantes de ces mêmes collectivités et groupements actionnaires.

Cette disposition législative constitue une dérogation à certaines règles de droit commun des sociétés commerciales décrites ci-après :

(1) Dans les sociétés anonymes de droit commun, la nomination des administrateurs relève de la compétence de l’assemblée générale ordinaire conformément au premier alinéa de l’article L. 225-18 du Code de commerce.

Cette disposition législative n’est pas applicable à la SPL dès lors que les membres siégeant au conseil d’administration sont des représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements devant être obligatoirement désignés par les assemblées délibérantes concernées.

(2) Les dispositions relatives à la cooptation prévues à l’article L. 225-24 du Code de commerce permettant au conseil d’administration, en cas de vacance par décès ou par démission d’un ou de plusieurs sièges administrateurs, de procéder entre deux assemblées générales à des nominations à titre provisoire ne sont pas non plus applicables à la SPL dès lors que seules les assemblées délibérantes des collectivités territoriales ou de leurs groupements actionnaires de la SPL sont compétentes pour procéder à la désignation de leurs représentants au sein du conseil d’administration.

Transfert de salariés dans les organismes publics, comment gérer ?

Les reprises d’activités confiées à des entités privées par des personnes publiques demeurent une source abondante de questions et d’incertitudes pour les Directions juridiques confrontées à l’arrivée de salariés au sein de leur administration.

Les exemples sont nombreux de services gérés par des associations ou des entreprises privées qui sont repris par des entités ou des administrations publiques.

Des collectivités peuvent ainsi internaliser des activités liées à la petite enfance, les centres de loisirs, les écoles de musique, ou encore la gestion de l’eau et l’assainissement.

Les développements qui suivent sont consacrés à la gestion de l’arrivée de ces salariés qui sont repris dans le cadre d’un transfert de leur activité auprès d’un organisme publique.

Il sera ainsi identifié au préalable si le projet de reprise implique le transfert des contrats de travail (I) et comment s’organise le maintien de ce contrat de travail de droit privé au sein d’une entité publique.

 

I) L’identification d’un transfert de salariés au sein d’une entité publique

Un transfert de personnel peut découler :

  • De la loi, en cas application automatique de l’article L. 1224-1 du Code du travail : il s’agira alors d’un transfert automatique des contrats de travail, sans que les parties ne puissent s’y opposer et sans avoir à recueillir l’accord du salarié (sauf démission du salarié ou licenciement pour cause réelle et sérieuse) ;
  • Ou d’une convention collective, le transfert des salariés s’imposerait à l’ancien titulaire du contrat et au repreneur mais l’accord de chaque salarié sera alors nécessaire, le transfert ne pourra être imposé au personnel ;
  • Ou d’un contrat tripartite, en application volontaire de l’article L. 1224-1 du Code du travail, l’accord du salarié et des entités impliquées dans le transfert seront alors nécessaires.

L’hypothèse du transfert volontaire dans le cadre d’une convention tripartite dépendant notamment de la volonté des parties, il ne sera abordé que la question du transfert légal qui s’impose à l’autorité administrative.

 

1. Sur l’opposabilité de l’article L1224-1 du Code du travail

L’article L. 1224-1 du Code du travail dispose que lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.

Depuis un revirement de jurisprudence de la Cour de cassation de 2002, établi sous l’impulsion d’un arrêt de la CJUE de 2000[1], il est établi que l’article L. 1224-1 (anciennement L. 122-12) du Code du travail est bien applicable aux transferts d’entités économiques autonomes entre une personne morale de droit privé et une personne morale de droit public chargée d’un service public administratif.

A titre d’illustration, la chambre sociale de la Cour de cassation a approuvé une cour d’appel d’avoir appliqué l’article L.1224-1 du Code du travail à une commune qui a repris, dans le cadre d’un service public administratif, l’activité d’une association placée en liquidation judiciaire[2].

Pour savoir si un transfert de personnel sera effectué sur le fondement de l’article L. 1224-1 du Code du travail, il convient de déterminer si une entité économique autonome sera reprise, et poursuivie en maintenant son identité.

Il s’agit donc d’apprécier les critères posés par la jurisprudence de la Cour de cassation concernant l’identification d’une entité économique autonome qui imposera le transfert des contrats de travail.

 

2. Sur les conditions du transfert de personnel

Le Code du travail dispose en son article L. 1224-1, l’obligation d’assurer le transfert du personnel d’une entité si les conditions posées par cet article sont là, sans que les parties, entités de droit privé, leurs salariés et l’entité publique d’accueil ne puissent s’y opposer.

Le salarié pourra toujours démissionner avant ou après la reprise du contrat de travail, mais il ne pourra pas refuser le principe même du transfert. Ainsi, le contrat de travail du salarié non démissionnaire sera transféré, même si celui-ci refuse le transfert.

L’employeur (cédant ou cessionnaire) pourra licencier le salarié pour un motif de droit commun du travail, sans que le licenciement ne puisse être justifié par le transfert du contrat de travail ou le refus du salarié, sauf si une rupture est effectuée pour éluder l’application de l’article L.1224-1 du Code du travail, ce qui pourra entrainer la nullité du licenciement du fait de son caractère frauduleux.

Pour savoir si un transfert de personnel sera effectué sur le fondement de l’article L. 1224-1 du Code du travail, il convient de déterminer si une :

  • entité économique autonome (étape 1) sera reprise,
  • et poursuivie en maintenant son identité (étape 2).

Selon une jurisprudence constante, constitue une entité économique, « un ensemble organisé de personnels, d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre ».

Ainsi, pour être caractérisée, l’entité économique doit comprendre plusieurs éléments :

  • des moyens corporels (matériel, outillage, marchandises mais aussi bâtiments, ateliers, terrains équipements…) ou incorporels (clientèle, droit au bail, brevets d’invention, licences, dessins et modèles industriels, droits de propriétés industriels, littéraires ou artistiques…) ;
  • du personnel propre.

Lorsqu’une entité économique autonome a été reconnue en application des critères présentés ci-dessus, il faut en outre que cette entité économique soit transférée à un repreneur qui poursuive la même activité.

Une entité économique autonome est ainsi transférée lorsque des « éléments d’exploitation significatifs et nécessaires à la poursuite de l’activité son transmis, directement ou indirectement au nouvel exploitant ».[3]

Il y a également un transfert d’une entité économique autonome lorsque l’activité est reprise dans les mêmes locaux avec le même matériel[4].

Concernant la reprise de l’activité d’une école de musique exerçant sous forme d’association et sous liquidation judiciaire, la Cour de cassation a précisé, que la reprise d’actifs significatifs nécessaires à la poursuite de l’activité de l’association entraînait le transfert de contrat de travail chez le repreneur de ladite activité[5].

Tel est également le cas, lorsqu’une Commune reprend à son compte des installations portuaires et la gestion d’un port de plaisance jusqu’alors assurée par une société dans le cadre d’une concession[6].

A l’inverse, la seule reprise d’une activité d’une association par une mairie à la suite d’une cessation de subvention ne constitue pas de transfert d’entité économique autonome, s’il n’est pas également constaté une reprise d’actif significatifs[7].

Une fois établie le transfert d’une entité économique autonome question du sort des contrats de travail des salariés transférés au sein de l’entité publique.

 

II) Les modalités de transfert du personnel

Dans le cadre du transfert identifié de la reprise d’une entité économique autonome, la relation contractuelle avec les salariés dépendra de la nature de la poursuite de l’activité, soit dans le cadre d’un Service public industriel et commercial (SPIC) (1), soit dans le cadre d’un cadre d’une SPA (2).

 

1. Sur l’hypothèse de la poursuite d’activité dans le cadre d’un SPIC

Si l’activité se poursuit dans le cadre d’un SPIC, les contrats de travail, en cours affectés à l’entité économique autonome cédée, seront maintenus à l’identique chez le repreneur.

Il est ici important de souligner que c’est le même contrat de travail qui sera maintenu auprès de repreneur, sans qu’il soit nécessaire de formaliser un avenant.

Tous les salariés affectés à l’entité économique et dont le contrat est en cours ou dont le préavis ne s’est pas terminé à la date du transfert seront concernés, sans exception (y compris les agents publics mis à disposition (des formalités spécifiques pouvant être prévues pour ces derniers)).

La jurisprudence précise, de plus, selon l’énoncé suivant, que les contrats de travail doivent être maintenus dans les mêmes termes qu’auparavant[8] :

« Attendu qu’il résulte de ce texte qu’en cas de modification dans la situation juridique de l’employeur, les contrats de travail en cours subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise dans les conditions mêmes où ils étaient exécutés au moment de la modification ». 

Ainsi, à titre d’illustration, l’administration devra tenir compte de l’ancienneté du salarié acquise chez l’ancien employeur, de sa rémunération, (ce qui ne l’empêchera pas par la suite de proposer dans un second temps une éventuelle modification du contrat de travail soumis à l’accord du salarié).

Le repreneur pourra également se prévaloir d’une faute disciplinaire commise par le salarié auprès de l’ancien employeur, dès qu’il aura connaissance de celle-ci pour le sanctionner (sous réserve que l’engagement des poursuites de cette faute ne soit pas prescrit dans le cours délai de deux mois).

En tout état de cause, les contrats de travail ne pourront être rompus du seul fait du transfert.

 

2. Sur le cas de la poursuite d’activité dans le cadre d’un SPA

Si l’activité se poursuit dans le cadre d’un service public administratif, l’administration aura l’obligation de proposer aux salariés concernés un contrat de travail de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires, dans le cadre de l’article L. 1224-3 du Code du travail.

Cet article L. 1224-3 du Code du travail dispose ainsi :

« Lorsque l’activité d’une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d’un service public administratif, il appartient à cette personne publique de proposer à ces salariés un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires. 

[…]

En cas de refus des salariés d’accepter le contrat proposé, leur contrat prend fin de plein droit. La personne publique applique les dispositions relatives aux agents licenciés prévues par le droit du travail et par leur contrat. »

Depuis lors, une jurisprudence abondante de la Cour de cassation fait une application combinée des articles L.1224-1 et L.1224-3 du Code du travail dans ces situation[9].

Aux termes de cet article, le contrat de droit public que devra proposer le cessionnaire devra reprendre les clauses substantielles du contrat dont les salariés transférés sont titulaires, en particulier celles qui concernent la rémunération.

Le contenu du contrat à proposer demeure délicat à déterminer pour la personne publique car, selon la jurisprudence du Conseil d’Etat [10] :

« Sauf disposition légale ou conditions générales de rémunération et d’emploi des agents non titulaires de la personne publique contraires, le contrat qu’elle propose reprend les clauses substantielles du contrat dont les salariés sont titulaires, en particulier celles qui concernent la rémunération »,

Pour autant, la personne publique ne saurait être autorisée [11] :

« à proposer aux intéressés une rémunération inférieure à celle dont ils bénéficiaient auparavant au seul motif que celle-ci dépasserait, à niveaux de responsabilité et de qualification équivalents, celle des agents en fonctions dans l’organisme d’accueil à la date du transfert »

Ainsi, il appartient à la personne publique [12] :

« de rechercher si des fonctions en rapport avec ses qualifications et son expérience peuvent lui être confiées et de fixer sa rémunération en tenant compte des fonctions qu’il exerce, de sa qualification, de son ancienneté et de la rémunération des agents titulaires exerçant des fonctions analogues »

En outre, les services accomplis au sein de l’employeur de droit privé seront assimilés à des services accomplis au sein de la personne publique d’accueil.

En d’autres termes, l’ancienneté acquise par le salarié au sein de son employeur de droit privé sera reprise au sein de l’administration mais les éléments de rémunération pourront être adaptés à la grille de rémunération de la fonction territoriale.

Face à la nécessité de proposer un nouveau contrat de droit public, le salarié transféré est dans ce cadre là autorisé à refuser de conclure ce nouveau contrat de droit public.

 

  • Les conséquences d’un refus du contrat de droit public proposé

En cas de refus des salariés d’accepter le contrat de droit public proposé, leur contrat prend fin de plein droit.

Il en résulte, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, que l’autorité administrative devra appliquer les dispositions légales et contractuelles relatives à la rupture du contrat de travail comme s’il était une entité de droit privée.[13]

Le seul refus par le salarié du contrat de droit public proposé constitue une cause réelle et sérieuse du licenciement sui generis. Il ne s’agit pas d’une faute du salarié ou d’un motif économique. [14]

Ce refus entraîne la rupture de plein droit du contrat de travail. En pratique, une lettre de licenciement devra être établie et notifiée aux salariés.

Cependant, la jurisprudence précise qu’il n’est pas nécessaire de le convoquer à un entretien préalable. [15]

Ne sont pas non plus applicables les dispositions du Code du travail interdisant à l’employeur de licencier un salarié durant la suspension du contrat de travail en raison d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, sauf à justifier d’une faute grave de l’intéressé ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie.[16]

Néanmoins, l’autorité administrative devra obtenir l’autorisation de l’inspection du travail pour la rupture du contrat des salariés protégés par un mandat spécifique (représentant du personnel, etc.), si ces derniers refusent le contrat proposé. [17]

La proposition de contrat de droit public sera ainsi examinée par l’Inspection du travail pour autoriser ou non le licenciement.

En cas de refus du contrat de travail, l’organisme publique en sa qualité de repreneur devra donc les licencier et leur régler le solde de tout compter en conformité avec leur statut de salarié de droit privé :

  • L’indemnité de licenciement de droit privé
  • Le préavis prévu au contrat de travail
  • Le solde des congés payés du salarié.

Tant que les salariés repris au sein d’un organisme public n’auront pas refusé le contrat de droit public proposé, le cessionnaire de l’activité sera tenu de leur payer leur rémunération en qualité de salarié avec les charges et cotisations afférentes.

 

  • Sur la gestion de la formalisation du contrat de droit public et le retour du salarié

Le dispositif apparait donc clairement établi, lorsque le salarié refuse le contrat proposé.

Cependant, il peut y avoir une source de difficulté si à la suite du transfert, le salarié ne se voit pas proposer de contrat de droit public ou tarde à formaliser son acceptation ou refus.

Le législateur n’a en effet pas encadré les délais de procédure pour l’organisation du passage des contrats de droit privé au contrat public.

Dans ce contexte où le salarié est transféré mais sans proposition de contrat public, la Cour de cassation a récemment lourdement sanctionné une commune pour son inertie.

Ainsi une Commune n’avait pas proposé de contrat public à une salariée transférée au motif qu’elle ne disposait pas des diplômes et expériences assimilés et requis pour occuper les mêmes fonctions sous contrat de droit public[18].

La Commune estimait ne pas être tenue de proposer un contrat de droit public aux salariés qui ne disposent pas de la qualification et/ou du diplôme réglementairement exigé, sauf à lui « imposer de proposer un contrat de travail irrégulier » dans la mesure où «un tel contrat aurait nécessairement méconnu les obligations réglementaires applicables ».

La Juridiction n’a pas été sensible à cette argumentation et a estimé que la reprise d’activité de l’association ayant été transférée de plein droit à la Commune, celle-ci était tenue de payer les salaires à compter de la date du transfert.

L’inertie de l’employeur public est ainsi sanctionnée par une résiliation judiciaire qui ouvre droit à la salariée au paiement des indemnités de licenciement, préavis mais également des dommages et intérêts pour une résiliation requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il apparait essentiel de prioriser la proposition d’un contrat public qui soit ajusté au cadre réglementaire de la fonction publique ou à défaut d’organiser un licenciement sur l’impossibilité règlementaire de pouvoir proposer un contrat de droit public reprenant les clauses essentielles du contrat de droit privé.

Si le salarié refuse le contrat arguant de l’absence du respect des clauses substantielles, il pourra saisir la juridiction prudhommale afin de contester son licenciement qui suivrait son refus de souscrire au contrat public.

Par exemple, il a été jugé que c’est à bon droit qu’une collectivité territoriale n’a pas proposé aux salariés un emploi permanent d’agent contractuel, dès lors que les fonctions en cause correspondaient à un cadre d’emploi existant de catégorie B et que l’intégration sans concours ne pouvait être opérée que dans un cadre d’emploi de catégorie C[19].

A ce contentieux prud’homal, il peut arriver que le juge judiciaire constate que l’offre ne reprend pas les clauses substantielles du contrat dont le salarié était titulaire et que la personne publique soulève une contestation sérieuse en se prévalant de dispositions régissant l’emploi des agents publics ou de conditions générales de leur rémunération faisant obstacle à leur reprise. Le cas échéant, il doit surseoir à statuer.

Il sursoit jusqu’à ce que la question préjudicielle relative au bien-fondé des motifs invoqués par la personne publique soit tranchée par la juridiction administrative, à moins qu’il apparaisse manifestement, au vu d’une jurisprudence établie, que ces motifs sont ou ne sont pas fondés[20].

Il est donc primordial pour l’employeur public de formaliser la proposition du contrat d’agent public ajusté au cadre réglementaire de droit public et d’organiser la rupture du contrat en cas de refus du salarié. Il est également possible de formaliser un licenciement dans le cadre d’une impossibilité réglementaire dument justifiée de proposer un contrat public.

L’essentiel est d’éviter la sanction d’une résiliation judiciaire du contrat d’un salarié transféré liée à l’inertie de l’employeur public.

 

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[1] en ce sens : CJCE, 26 sept. 2000, aff. C-175/99, Mayeur c/ Assoc. Promotion de l’Informatique Messine (APIM) ; Cass. Soc. 25 juin 2002, no 01-43.467 ; Cass. Soc. 17 déc. 2003, nos 02-44.358 à 02-44.442 ; Cass. Soc. 3 mai 2007, no 05-45.722 ; Cass. Soc. 23 oct. 2007, no 06-45.289 ; Cass. soc. 10 mars 2010, no 08-44.636…).

[2] Soc. 10 mars 2010, no 08-44.636

[3] Cass. Soc. 13 mai 2009, n°07-45516

[4] Cass. Soc. 12 octobre 1999, n°97-42850

[5]Cass. Soc., 24 octobre 2012, 11-22.206

[6] Cass. Soc., 14 janvier 2003, Commune de Théoule-sur-Mer

[7] Cass. Soc. 31 mai 2017 n°15-29.123

[8] Cass. Soc. 24 janvier 1990 n° 86-41.497

[9] Soc., 19 novembre 2014, n°13-13.936, Soc., 9 avril 2014, 13-12.079)

[10] CE, 25 juillet 2013, Centre hospitalier de Lonjumeau, n° 355804,

[11]Ibid,

[12]Ibid,

[13] Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 janvier 2017, 15-14.775

[14] Cass. soc., 2 décembre 2009, n° 07-45.304,

[15] Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 janvier 2017, 15-14.775

[16] Cass., 1er février 2017, n° 15-18.481

[17] CE, 6 juin 2018, n° 391860

[18] Cour de cassation, Chambre sociale, 6 mars 2024, 22-22.315, Publié au bulletin

[19] Cass. Soc., 8 décembre 2016, n°15-17.176

[20] (Tribunal des conflits, 3 juillet 2017 – n° 4091, CA de Paris, 30 janvier 2019, RG 10/07005 et RG 17/07000).

Rappel (manifestement) nécessaire : la fin de détachement sur un emploi privé, même à l’initiative de l’employeur, ne donne pas droit à une indemnité de licenciement

Un fonctionnaire en détachement auprès d’un employeur dont le personnel est régi par le droit privé (société commerciale, association, établissement public industriel et commercial), est placé dans une situation essentiellement équivalente à celle d’un salarié. Il est lié par un contrat de travail de droit privé avec l’organisme d’accueil, et il est régi par le droit du travail. Ce principe connaît une exception, souvent ignorée, y compris, manifestement, par certaines juridictions prud’homales : en cas de licenciement, même si le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, il n’a droit à aucune indemnité légale de licenciement, ni à aucune indemnité, réglementaire ou conventionnelle prévoyant une indemnisation ce titre. C’est la portée de l’article L. 513-3 du Code général de la fonction publique.

Malgré cette règle, relativement claire, un établissement public industriel et commercial, qui avait sollicité la fin de détachement d’un fonctionnaire qu’il employait, avait été condamné par le conseil de prud’homme, au versement d’une indemnité de licenciement. En appel, la sagesse qu’on aurait pu attendre d’une Cour d’appel, n’a pas marqué la décision rendue : elle a confirmé la condamnation de l’établissement au versement d’une indemnité de licenciement. Il a fallu que l’établissement se pourvoi en cassation, pour obtenir l’application du droit : elle juge que « en statuant ainsi, alors que le statut des fonctionnaires territoriaux interdit le versement au fonctionnaire détaché de toute indemnité de licenciement, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».

Pour éviter ces situations, il pourra donc être utile à tous les organismes employant des fonctionnaires en détachement de rappeler cette particularité du droit dans le contrat de travail de l’agent : la stipulatio n’est pas juridiquement nécessaire, mais elle aura le mérite d’informer l’agent que ses demandes en ce sens seront, à terme du moins, vaine. La stipulation pourra, également, recevoir utilement l’attention de magistrats peu connaissance du droit de la fonction publique.

Suppression de l’obligation pour les professeurs d’université d’informer leur administration de l’exercice d’une profession libérale découlant de la nature de leurs fonctions

Par un arrêt en date du 24 juillet 2024, le Conseil d’Etat, statuant en premier et dernier ressort, a annulé la circulaire du 22 août 2022 de la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche relative à la mise en œuvre du régime de déclaration préalable pour certaines activités accessoires en tant qu’elle prévoyait que l’exercice d’une profession libérale par les professeurs d’université était soumis à une obligation d’information de leur administration. En l’espèce, un professeur des universités en droit public de l’Université d’Angers a saisi le Conseil d’Etat d’un recours en excès de pouvoir dirigé contre cette circulaire.

Le Conseil d’Etat a d’abord rappelé les dispositions de l’article L. 123-1 du Code général de la fonction publique (CGFP) selon lesquelles « l’agent public ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit sous réserve des dispositions des articles L. 123-2 à L. 123-8 ». Il a toutefois rappelé que, par exception, l’article L. 123-3 du CGFP dispose que « l’agent public membre du personnel enseignant, technique ou scientifique des établissements d’enseignement ou pratiquant des activités à caractère artistique peut exercer les professions libérales qui découlent de la nature de ses fonctions ».

La Haute juridiction a en outre souligné la distinction entre les conditions d’exercice par les personnels enseignants d’une activité libérale découlant de la nature de leurs fonctions et celles d’une activité accessoire. Ainsi, elle a relevé que contrairement à « l’exercice, par un agent public membre du personnel enseignant, technique ou scientifique des établissements d’enseignement, d’une profession libérale découlant de la nature de ses fonctions [qui] n’est soumis à aucune déclaration ou autorisation préalable, ni à aucune autre formalité […] l’exercice d’une activité accessoire par les personnels de l’enseignement supérieur et par les personnels de la recherche relève, selon les cas, soit d’un régime de déclaration préalable prévu par l’article L. 951-5 du code de l’éducation et l’article L. 411-3-1 du code de la recherche, soit d’un régime d’autorisation préalable, en application de l’article L. 123-7 du code général de la fonction publique et du décret du 30 janvier 2020 relatif aux contrôles déontologiques dans la fonction publique ».

La circulaire litigieuse du 22 août 2022 de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche comportait – « curieusement », pour reprendre les termes de Monsieur le rapporteur public de Montgolfier dans ses conclusions sous cet arrêt – un paragraphe consacré aux « activités libres », lequel, tout en rappelant l’exception prévue à l’article L. 123-3 du CGFP précité, précisait que ces derniers avaient « l’obligation d’informer l’autorité compétente afin qu’elle puisse être en mesure de vérifier qu’il s’agit bien d’une activité libérale et qu’elle découle effectivement de la nature de leurs fonctions, ce qui correspond au contrôle effectué par le juge ».

Toutefois, le Conseil d’Etat a estimé que « s’il était loisible à la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche de recommander aux agents concernés d’informer l’administration dont ils relèvent quant à l’exercice d’une profession libérale découlant de la nature de leurs fonctions, la circulaire attaquée ne pouvait, sans méconnaître les dispositions de l’article L. 123-3 du code général de la fonction publique, leur imposer une telle obligation d’information de l’autorité compétente ».

Autrement dit, la circulaire ne pouvait ajouter à la loi : l’exercice de cette activité est libre, et il ne pouvait être imposé à ces enseignants d’avertir leur hiérarchie de l’exercice de leur activité.

De la nécessité, pour l’agent public sollicitant la protection fonctionnelle, de démontrer que les agissements subis l’ont été à raison de sa qualité

Par un arrêt en date du 15 février 2024, le Conseil d’Etat a rappelé que la protection fonctionnelle n’est due que pour des agissements commis sur la personne de l’agent en sa qualité d’agent public.

L’affaire portait sur la situation d’un sapeur-pompier volontaire au sein du service départemental d’incendie et de secours (SDIS) de la Martinique. En 2017, alors qu’il était en service de nuit, des individus se sont introduits dans les vestiaires du centre dans lequel il était affecté et lui ont dérobé des effets personnels, ainsi que les clés de son véhicule, stationné aux abords du centre, qu’ils ont également volé. L’intéressé a alors sollicité du SDIS l’indemnisation des préjudices subis à raison de ce vol, évalué à un montant de 15.000 euros. Face au rejet de sa demande, l’agent a contesté celui-ci devant le Tribunal administratif de la Martinique puis la Cour administrative d’appel de Bordeaux, lesquels ont rejeté ses prétentions.

Saisi à son tour, le Conseil d’Etat confirme l’arrêt d’appel en ce qui concerne la demande d’indemnisation fondée sur une faute dans la mise en œuvre de la protection fonctionnelle. Il considère en effet qu’il « ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le vol du véhicule personnel et du matériel photographique de M. B… résulterait d’une volonté de lui porter atteinte en sa qualité de sapeur-pompier volontaire, quand bien même ce vol a été commis sur les lieux du service et pendant les heures de service de M. B. ». Il en résulte qu’il appartient à l’agent de démontrer que les agissements commis à son encontre l’ont été à raison de sa qualité, et non pour un mobile indépendant de celle-ci. A défaut d’une telle démonstration, l’administration peut légalement refuser de lui accorder la protection fonctionnelle.

Précisons que cette solution n’est pas nouvelle, bien qu’elle soit ancienne (voir CE, 9 mai 2005, Mme Afflard et Mlle Afflard, n° 260617), et que sa sévérité apparente s’explique par la nature – fonctionnelle – de la garantie ainsi offerte aux agents publics.

Un mécanisme d’incorporation gratuite au domaine public des ouvrages réalisés par un occupant privatif en cas de renouvellement d’une concession domaniale est compatible avec la liberté d’établissement.

Par un arrêt en date du 11 juillet 2024, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) s’est prononcée sur la compatibilité d’une disposition italienne prévoyant l’incorporation au domaine public des ouvrages réalisés par un occupant privatif, même en cas de renouvellement du titre d’occupation. En l’espèce, la Sociétà Italiana Imprese Balneari Srl (SIIB) était titulaire d’une concession d’occupation domaniale conclue avec la commune de Rosignano Marittimo en vue de l’exploitation d’un complexe balnéaire situé sur le domaine public maritime.

Entre l’expiration et le renouvellement de la concession, la commune a décidé, sur le fondement de l’article 49 du Code de la navigation, d’incorporer au domaine public maritime certains ouvrages réalisés par la SIIB qualifiés « d’accessoires au domaine public » du fait de leur caractère difficilement supprimable.

La SIIB a alors décidé de contester la décision de la commune devant le juge administratif italien, considérant que l’article 49 du Code de la navigation relatif au mécanisme d’incorporation des ouvrages au domaine public constituait une entrave à la liberté d’établissement, conformément à l’article 49 du Traité sur le fonctionnement de l’union européenne (TFUE). C’est dans ce cadre que le Conseil d’Etat italien a décidé de sursoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’une question préjudicielle relative à la compatibilité entre lesdites dispositions.

En substance, la Cour considère que le mécanisme d’incorporation ne méconnait pas en tant que tel la liberté d’établissement et ce, même en cas de renouvellement de la concession. D’abord, la disposition de droit italien ne méconnait pas la liberté d’établissement car :

  • Elle est opposable à tous les opérateurs exerçant des activités sur le territoire national (1) ;
  • Elle ne porte pas sur les conditions de l’établissement des concessionnaires du domaine public (2) ;
  • Ses effets restrictifs sur la liberté d’établissement sont trop aléatoires et indirects pour que la disposition puisse être regardée comme étant de nature à entraver cette liberté (3).

Sur ce dernier point, la Cour explique que l’article 49 du Code de la navigation « se borne à tirer les conséquences des principes fondamentaux de la domanialité publique » car « l’appropriation gratuite et sans indemnisation par la personne publique concédante des ouvrages inamovibles construits par le concessionnaire sur le domaine public constitue l’essence même de l’inaliénabilité du domaine public ». Surtout, la disposition n’est pas de nature à entraver la liberté d’établissement dès lors qu’elle prévoit la possibilité de déroger contractuellement au principe d’incorporation immédiate sans aucune indemnité ni remboursement. Ensuite, la Cour estime que cette interprétation vaut même dans l’hypothèse où la concession domaniale a vocation à être renouvelée.

Pour la Cour, « le renouvellement d’une concession d’occupation du domaine public se traduit par la succession de deux titres d’occupation du domaine public et non par la perpétuation ou la prorogation du premier ». Sur ce dernier point, l’interprétation de la CJUE peut être mise en parallèle avec celle du juge français. La France dispose d’un mécanisme équivalent prévu aux articles L. 2122-9 du Code général de la propriété des personnes publiques (pour le domaine public de l’Etat et ses établissements) et L. 1311-7 du Code général des collectivités territoriales (pour le domaine public des collectivités, leurs groupements et de leurs établissements). Conformément à ces dispositions, à l’issue du titre d’occupation, les ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier existant sur la dépendance domaniale occupée doivent être démolis soit par le titulaire de l’autorisation, soit à ses frais, à moins que leur maintien en l’état n’ait été prévu expressément par le titre d’occupation ou que l’autorité compétente ne renonce en tout ou partie à leur démolition.

Dans cette seconde hypothèse, c’est-à-dire, si l’autorité domaniale et l’occupant s’accordent pour que les ouvrages ne soient pas démolis et restent sur le domaine public, la personne publique en devient propriétaire grâce au mécanisme de l’accession. Comme en droit italien, ce mécanisme d’incorporation au domaine public trouve sa source dans le principe d’inaliénabilité du domaine public dont la vocation est de protéger l’affectation du domaine à l’utilité publique.

Pour la Cour, le renouvellement d’une concession d’occupation du domaine public se traduit par la succession de deux titres d’occupation du domaine public et non par la perpétuation ou la prorogation du premier. Cette interprétation diffère de celle du juge administratif français pour lequel le renouvellement se traduit par la continuité du titre et fait obstacle à l’application du mécanisme de l’accession. Autrement dit, en cas de renouvellement, l’occupant conserve la propriété de ses ouvrages (CE, 13 novembre 2013, Union des coopératives agricoles Epis-Centre Nord, n° 351530, CE, 21 novembre 1978, n° 72878).

Le titulaire d’un marché public doit obligatoirement utiliser Chorus Pro quand bien même le cahier des clauses administratives générales ne le prévoyait pas mais sous réserve que l’acheteur le lui rappelle…

Depuis le 1er janvier 2020 et en application de l’article L.2192-1 du Code de la commande publique (« CCP »), les titulaires de marchés publics ont l’obligation de transmettre leurs factures sous forme électronique, en ce compris pour l’établissement du décompte général et définitif, via le portail public de facturation « Chorus Pro »[1]. Par principe, le titulaire ne peut donc pas utiliser un autre moyen pour transmettre ces documents, conformément à l’article R. 2192-3 CCP : « l’utilisation du portail public de facturation est exclusive de tout autre mode de transmission. Lorsqu’une facture lui est transmise en dehors de ce portail, la personne publique destinataire ne peut la rejeter qu’après avoir informé l’émetteur par tout moyen de l’obligation mentionnée à l’article L. 2192-1 et l’avoir invité à s’y conformer en utilisant ce portail ».

La Direction des affaires juridiques de Bercy (« DAJ ») l’a rappelé le 9 septembre 2024 à l’occasion de la publication de son « guide des bonnes pratiques de facturation et de règlement dans les marchés publics de travaux » en faisant référence à l’article 12.6 du CCAG-Travaux 2021 qui rappelle l’obligation d’utiliser le portail de facturation.

Mais quand est-il des marchés publics en cours d’exécution soumis aux anciens CCAG qui ne prévoyaient pas une telle obligation et permettaient la transmission par tout moyen ?

Dans cette affaire, le Syndicat mixte Les Eaux de Mayotte (SMEAM) avait confié en 2017 un marché public de travaux à la société Sogea Mayotte. En décembre 2021, après réception des travaux, cette dernière a transmis son projet de décompte final. En janvier 2023 et en l’absence de réponse du SMEAM, elle a transmis son projet de décompte général par pli recommandé adressé au Président. Estimant que ce décompte était tacitement devenu définitif, elle a réclamé 669 765,02 euros, ce que le SMEAM a rejeté.

La Cour administrative d’appel de Bordeaux rappelle que les dispositions imposant l’utilisation de Chorus Pro s’appliquent aux marchés en cours en vertu de l’article 193 – V de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises et ce, même si l’article 13.3.2 du CCAG ne prévoyait pas explicitement une telle obligation. Cependant, la Cour estime que le décompte général envoyé en pli recommandé reste valide car le SMEAM n’a pas informé la société Sogea Mayotte de son rejet, ni invité à utiliser le portail Chorus Pro. En conséquence, les délais applicables à l’établissement du décompte général et définitif courraient. Le SMEAM ne les ayant pas respectés, un décompte général et définitif tacite est effectivement né.

Ainsi et dans cette hypothèse, le juge considère que l’absence de dépôt sur Chorus Pro n’annule pas le caractère tacite du décompte mais seulement parce que le SMEAM n’a pas informé le Titulaire de son obligation de déposer le décompte via Chorus Pro.

 

[1] Article L2192-5 du Code de la commande publique

Lancement par la CNIL d’une consultation publique relative aux traitements portant mesure de la diversité au travail

Le 9 juillet 2024, la CNIL a publié, sur son site internet un projet de recommandations sur les enquêtes de mesure de la diversité au travail. Ce projet était soumis à consultation jusqu’au 13 septembre 2024. De sorte qu’une version finalisée de recommandations en la matière devrait être publiée sous peu sur le site internet de la CNIL. De telles recommandations sont apparues particulièrement nécessaires pour la CNIL, dans un contexte où pour lutter contre les discriminations, de nombreuses administrations et entreprises souhaitent mesurer la diversité au sein de leurs effectifs.

Si ce type de démarche n’est pas prohibée, la CNIL entend néanmoins via cette consultation et les recommandations à intervenir rappeler la nécessité de porter une attention renforcée au respect de la réglementation inhérente à la protection des données personnelles. Aussi, à ce titre, la CNIL plébiscite fortement le caractère directement anonyme des enquêtes (ce qui suppose néanmoins toute incapacité de réidentification de la personne via les réponses apportées). A défaut d’une telle possibilité, la CNIL formule différentes recommandations pour garantir la conformité des enquêtes de diversité au RGPD, parmi lesquelles :

  • L’établissement claire de la finalité poursuivie par l’enquête, laquelle ne saurait concourir qu’à l’amélioration de l’égalité des chances au travail et non fonder des décisions individuelles ;
  • Le recours à l’intérêt légitime comme base juridique du traitement ;
  • Le caractère facultatif des réponses apportées par les participants ;
  • La limitation des données traitées via notamment une restriction forte des zones libres de commentaire ;
  • Le recours à un tiers de confiance pour favoriser la confidentialité des données recueillies ;
  • Des précautions renforcées en cas de réalisation desdites enquêtes directement par internet (page web dédiée, cloisonnement des environnements, exclusion du recours à des identifiants personnels) ;
  • La consolidation des résultats sous forme anonymisée et la suppression des données personnelle dès leur analyse et leur agrégation.

Au-delà et à l’instar de l’ensemble des activités de traitement de données personnelles, la CNIL exige une information parfaitement transparente des personnes concernées sur cette activité de traitement ainsi qu’une contractualisation conforme aux exigences du RGPD avec les éventuels prestataires ou partenaires associés audit traitement.

Enfin, il sera noté utilement, à ce stade que la CNIL semble privilégier pour ce type de traitement la réalisation préalable d’une analyse d’impact relative à la protection des données (AIPD), laquelle permettra précisément de vérifier que les recommandations précitées ont bien été respectées. Il convient donc de rester en alerte sur la publication prochaine des recommandations définitives de la CNIL sur ce sujet sensible.

La confirmation du caractère interruptif d’un soit-transmis du procureur par la chambre criminelle

La Cour de cassation, par un arrêt récent en date du 10 septembre 2024, confirme sa position concernant l’effet interruptif sur le délai de prescription de l’action publique de soit-transmis rendus par le procureur de la République. En effet, la Chambre criminelle déclare que le soit-transmis par lequel le procureur identifie la procédure et demande aux officiers de police l’état d’avancement de manière urgente et précise constitue un acte interruptif du délai de prescription. En l’espèce, la tutrice d’un majeur protégé déposait plainte pour des faits d’abus de faiblesse, le 2 août 2012.

Par la suite, les enquêteurs rédigeaient deux procès-verbaux d’investigation, le 8 août 2012 et le 21 novembre 2012, ces deux actes étaient interruptifs. Entre le 27 octobre 2012 et le 14 juin 2015, cinq soit-transmis avaient été adressés par le procureur de la République au service enquêteur aux fins de se renseigner sur l’état d’avancement de la procédure ou pour joindre un courrier de relance de l’avocat de la plaignante. Enfin, cette dernière, représentée par sa tutrice, décidait de déposer une plainte avec constitution de partie civile, le 23 décembre 2015.

Le 29 janvier 2016, une information judiciaire était ouverte contre personne non dénommée des chefs d’abus de faiblesse et d’escroquerie. Cette procédure se soldait, le 23 décembre 2022, par une ordonnance de non-lieu pour cause d’acquisition de la prescription, celle-ci était ensuite confirmée par la chambre de l’instruction. En effet, cette dernière juridiction considérait que le délai de prescription de trois ans prévu par l’article 8 du Code de procédure pénale, dans sa version issue de la loi de 2011[1], était écoulé. Dans sa motivation, la chambre de l’instruction constatait qu’entre le dernier procès-verbal datant du 21 novembre 2012 et la constitution de partie civile du 23 décembre 2015, le délai de 3 ans s’était écoulé et partant la prescription de l’action publique était acquise. Cette juridiction estimait que les soit-transmis ne manifestaient, en l’absence d’instruction précise du parquet, aucune volonté de poursuite des faits dénoncés de la part du ministère public.

Ce raisonnement est censuré par la chambre criminelle au visa des articles 7 et 8 du Code de procédure pénale, dans leur version antérieure à la réforme de 2017, en considérant que les 5 soit-transmis susvisés démontrent une « volonté de rechercher des infractions à la loi pénale et d’en assurer la poursuite », puisque « le procureur de la République a enjoint les officiers de police judiciaire de lui rendre compte, précisément et en urgence, de l’état d’avancement de l’enquête en cours ».

Cette solution est une nouvelle déclinaison, en matière délictuelle, de la solution dégagée par un arrêt du 20 février 2002[2], dans l’affaire concernant les disparues de l’Yonne, où le soit-transmis du procureur de la République près le Tribunal de grande instance d’Auxerre avait été considéré comme interruptif de prescription ouvrant ainsi la possibilité aux poursuites d’Emile LOUIS.

 

[1] LOI n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs

[2] C.Cass, Crim. n° 01-85.042, 20 février 2002, Bull.crim 2002, n° 42

La mue en demi-teinte de la garde à vue : une évolution inachevée des droits du mis en cause

Loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027

Par les lois en dates du 20 novembre 2023 et du 22 avril 2024, le législateur a opéré des évolutions limitées dans l’exercice des droits accordés à la personne gardée à vue tout en généralisant la visio-conférence (I°) et en modifiant les conditions d’intervention de l’avocat lors de cette mesure (II°).

I – Sur l’exercice des droits accordés à la personne gardée à vue

  • Le droit d’informer du placement « toute personne»

L’ancienne version de l’article 63-2 du Code de procédure pénale prévoyait ce même droit d’information, appelé dans la pratique « avis famille », mais exclusivement à l’égard des personnes expressément visées par ce texte (concubin, parent, frère/sœur, employeur et, en cas de nationalité étrangère, les autorités consulaires).

Afin de mettre en conformité le droit français avec les articles 5 et 6 de la directive du 22 octobre 2013, le législateur est intervenu pour étendre le droit de communication de la personne gardée à vue avec « toute personne qu’elle désigne », comme le précise le nouvel alinéa 1er de l’article 63-2 du Code de procédure pénale. Pour autant, une limite est immédiatement apportée à ce principe puisque le procureur de la République, le juge des libertés et de la détention ou le juge d’instruction, selon les cas, conserve la faculté de différer ou de ne pas délivrer l’avis au tiers ainsi désigné, dès lors que ce report ou ce refus est motivé « par les nécessités de l’enquête ou la prévention d’une atteinte grave à l’intégrité physique ou à la liberté d’une personne ».

  • Le droit de communiquer avec toute personne

Si un tel avis a bien été délivré, la personne placée en garde à vue peut communiquer avec ledit tiers pendant le temps de la garde à vue, sur autorisation et contrôle de l’enquêteur. L’article 63-2 du Code de procédure pénale, dans sa nouvelle version, est applicable pour toutes les mesures de garde à vue à compter du 1er juillet 2024 et doit être notifié. Des gardes à vue ont d’ailleurs déjà été annulées par les juridictions pénales sur ce fondement en l’absence de notification complémentaire de ces droits.

  • L’introduction de la téléconsultation en cas d’examen médical de prolongation et/ou de recours à un interprète

La visio-conférence, déjà présente, en cas de présentation au magistrat lors de la prolongation de la mesure, gagne un peu plus de place et concerne désormais, dans certains cas, l’examen médical de compatibilité au stade de la prolongation, et même, le recours à l’interprète. Si la mesure de garde à vue est prolongée, le nouvel alinéa 5 de l’article 63-3 du Code de procédure pénale précise que l’examen médical pourra, sur autorisation du procureur de la République, avoir lieu par vidéotransmission ou tout autre moyen de télécommunication audiovisuelle, et ce, même si aucun examen médical n’est intervenu au moment du placement initial en garde à vue.

L’accord exprès de la personne gardée à vue est exigé pour la tenue de l’examen médical à distance dans l’hypothèse où elle a sollicité celui-ci, si l’examen a eu lieu à la demande d’un tiers, ce dernier devra donner son accord. Pour autant, lorsque le professionnel de santé requis estime nécessaire de procéder à un examen physique de l’intéressé, il peut librement refuser ou mettre fin à l’examen à distance, et ce, à tout moment de la vidéotransmission. Cette décision du médecin s’impose à l’officier de police judiciaire et au procureur de la République. L’alinéa 6 de l’article 63-3 détaille les différents cas où la téléconsultation de l’examen médical n’est pas applicable (mineur, personne enceinte, vulnérabilité apparente ou connue).

Sur le même principe, les nouvelles dispositions de l’article 803-5 du Code de procédure pénale, relatif à l’intervention de l’interprète, permettent aux enquêteurs de recourir à un interprète par un moyen de téléconsultation concernant une personne majeure, qui n’est pas soumis à une mesure de protection, celles-ci ont également vocation à s’appliquer en cas d’audition libre. Ce recours à distance peut intervenir pour l’ensemble des actes qui requiert l’assistance de l’interprète et sans qu’il lui soit nécessaire de justifier d’une impossibilité de déplacement dans les locaux des services de police ou de gendarmerie, la problématique de l’assistance à distance à l’entretien avocat n’est pas réglée pour l’heure. Au-delà de la 48ème heure de garde à vue, le recours à un interprète à distance ne pourra être possible que si deux conditions cumulatives sont réunies : l’impossibilité pour ce dernier de se déplacer et l’autorisation du magistrat en charge de la procédure.

Ces dispositions nouvelles entreront en vigueur à compter du 30 septembre 2024 et un décret en Conseil d’Etat précisera ses modalités d’application. Ce nouveau recours à la visioconférence ne peut qu’inquiéter les professionnels du droit, qui peuvent légitimement craindre des atteintes aux droits de la défense.

II – Sur les modalités renouvelées du droit à l’assistance par un avocat

L’ancienne version de l’article 63-4-2, 1er alinéa du Code de procédure pénale précisait que si la personne gardée à vue exerçait son droit à être assistée par un avocat, aucune audition sur le fond de l’affaire ne pouvait intervenir avant l’expiration d’un délai de carence de 2 heures, délai permettant à l’avocat de se présenter dans les locaux de police ou de gendarmerie après avoir été avisé. En pratique, ce délai était celui laissé à l’avocat pour arriver dans les locaux de police ou de gendarmerie. Ce dernier a été purement et simplement supprimé par la loi nouvelle posant le principe de l’impossibilité pour les enquêteurs de réaliser une audition sur les faits reprochés sans la présence de l’avocat choisi ou commis d’office, sauf renonciation expresse de la personne gardée à vue mentionnée au procès-verbal.

De nouveau, ce principe subit une forte exception puisqu’en cas d’impossibilité pour les enquêteurs de joindre l’avocat choisi par la personne gardée à vue ou si ce dernier ne peut pas se déplacer dans un délai raisonnable, notion subjective dont la jurisprudence future déterminera les limites, l’officier de police judiciaire doit saisir le bâtonnier afin qu’un avocat commis d’office soit désigné en remplacement. En miroir, l’avocat ainsi désigné est dans obligation d’accomplir « les diligences requises pour se présenter sans retard indu ».

En outre, le procureur de la République dispose toujours de la possibilité d’autoriser que cette audition débute sans attente, si cette décision est indispensable soit pour éviter une situation susceptible de compromettre sérieusement une procédure pénale, soit pour prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l’intégrité physique d’une personne.

Expropriation – phase judiciaire : attention au nouveau point de départ du délai pour le dépôt des conclusions en appel !

Peu avant le début de la période estivale, la Cour de cassation a opéré un revirement important concernant le délai laissé à l’appelant pour déposer son mémoire d’appel à la suite de sa déclaration d’appel.

Pour rappel, les dispositions de l’article R. 311-26 du Code de l’expropriation précise qu’« à peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office, l’appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu’il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel ». Restait à connaître le point de départ de ce délai de trois mois. Sur cette question, et jusqu’alors, les procédures en matière d’expropriation faisaient figure d’exception. En effet, il était traditionnellement jugé qu’en matière d’expropriation, le délai de trois mois commençait à courir à compter la réception par le greffe de la déclaration d’appel adressé par lettre recommandée (Cass. Civ., 3ème, 20 octobre 1981, pourvoi n° 80-70.328, Bull. n° 165 ; Cass. Civ., 3ème, 11 mai 2006, pourvoi n° 05-70.020, Bull. 2006, III, n° 121 ; Cass. Civ., 3ème, 22 juin 2023, pourvoi n° 22-15.569). Au contraire, la procédure d’appel ordinaire avec représentation obligatoire prend en compte la date d’expédition de ce courrier (Cass. Civ., 2ème, 9 janvier 2020, n° 18-24.107, publié).

Avec cet arrêt du 4 juillet 2024, la Cour de cassation opère une harmonisation des procédures d’expropriation sur le régime des procédures d’appel ordinaires. Afin de simplifier et de préciser les « charges procédurales pesant sur les parties », l’appelant doit adresser au greffe son mémoire d’appel et les documents qu’il entend produire dans un délai de trois mois à compter de l’expédition de la déclaration d’appel par lettre recommandée avec avis de réception. Cet arrêt opère donc un revirement sur la jurisprudence jusqu’alors en vigueur concernant les procédures d’expropriation, cohérent avec le renvoi opéré par le Code de l’expropriation au Code de procédure civile.

L’article R. 311-26 du Code de l’expropriation prescrivant à peine de caducité le respect de ces délais, il conviendra d’être particulièrement vigilant au respect de ce délai de trois mois. Néanmoins, la Cour de cassation a jugé que cette nouvelle computation de délai ne serait pas applicable aux instances au cours, assurant ainsi le respect du droit à procès équitable et de l’accès au juge aux justiciables ayant déjà interjeté appel.

Absence de désignation d’un Délégué à la Protection des Données : la CNIL liquide une première astreinte prononcée à l’encontre de la Commune de Kourou

Conformément à l’article 37.1. a) du Règlement Général sur la Protection des données (RGPD)[1], toute autorité publique, à l’exception des juridictions agissant dans l’exercice de leur fonction juridictionnelle, est tenue de nommer un Délégué à la Protection des Données (DPO).

Comme expliqué dans une précédente brève, rappelons qu’en juin 2021, à l’occasion d’une opération de contrôle ciblant les communes de plus de 20 000 habitants, la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) a mis en garde, dans un premier temps, puis mis en demeure, dans un second temps, celles qui n’avaient pas encore désigné de DPO. En raison des manquements persistants de la part de la commune de Kourou, celle-ci a fait l’objet d’une procédure de sanction simplifiée en février 2023, puis d’une procédure de sanction ordinaire en décembre 2023.

A cette occasion, la formation restreinte de la CNIL a prononcé une amende de 5 000 euros à l’encontre de la commune, amende qui a été assortie d’une astreinte de 150 euros par jour de retard à l’issu d’un délai de deux mois. En outre, la Commission a enjoint à la commune de Kourou de désigner un DPO. Cependant, durant le délai de deux mois qui lui était imparti, la commune de Kourou n’a transmis aucun élément permettant d’attester de la désignation d’un DPO à la CNIL.

En conséquence, le 22 juillet 2024, la formation restreinte de la CNIL, considérant que la commune n’avait pas satisfait à l’injonction, a prononcé une liquidation de l’astreinte pour un montant de 6.900 euros.

A noter que cette liquidation d’astreinte ne clôture par la procédure, l’injonction courant toujours tant que la commune de Kourou n’aura pas décidé de désigner un DPO. Une nouvelle liquidation d’astreinte pourrait alors être prononcée !

 

[1] Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE

Sécurisation des services publics en ligne : l’Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information lance l’outil MonServiceSécurisé et y intègre des objectifs de conformité RGPD

Afin d’aider l’Etat et les collectivités territoriales à sécuriser leurs services publics en ligne, l’Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information (ANSSI) a mis en place l’outil MonServiceSécurisé. Cet outil intègre notamment des mesures dédiées à la conformité au RGPD, élaborées avec la CNIL.

Le fonctionnement de l’outil MonServiceSécurisé

MonServiceSécurisé est un outil gratuit, accessible en ligne et collaboratif, qui est mis à la disposition des entités publiques et de leurs prestataires par l’ANSSI pour répondre aux risques de cyberattaques susceptibles de porter atteinte aux données des usagers des services publics en ligne. Pour utiliser cet outil, il revient à l’utilisateur, en première étape, de décrire le service en ligne qu’il souhaite faire sécuriser. Pour cela, il lui est demandé de présenter les caractéristiques dudit service.

 A la suite de cela, MonServiceSécurisé propose à l’utilisateur une liste personnalisée de mesures de sécurité à mettre en place, comprenant notamment des mesures proposées par la CNIL. Grâce à cette liste, l’utilisateur peut mettre en œuvre les mesures de sécurité adaptées à son service, afin d’obtenir une évaluation indicative de son niveau de sécurisation, évaluation également appelée « indice cyber ».

Enfin, il est proposé de télécharger le dossier et le projet de décision d’homologation. Cette décision d’homologation permet alors d’attester aux utilisateurs des services en ligne que les risques qui pèsent sur leurs données sont connus et maîtrisés.

Un outil incluant la mise en conformité RGPD

La CNIL et l’ANSSI ont collaboré afin d’intégrer au sein de l’outil une liste de mesures à mettre en œuvre pour rendre les services publics numériques conformes au RPGD. Six mesures prioritaires sont inclues dans l’analyse proposée par MonServiceSécurisé, à savoir :

  • L’inscription au registre des traitements ;
  • La minimisation des données ;
  • La durée de conservation des données ;
  • L’information des personnes ;
  • L’exercice des droits ;
  • L’analyse sur la protection des données.

A noter que chacune de ces mesures s’accompagne d’une explication et d’un mode opératoire concis.  Pour plus d’information, MonServiceSécurisé propose des webinaires de présentation de l’outil.