le 22/01/2015

Candidature des personnes publiques à un contrat public : nouvelles précisions

CE, 30 décembre 2014, Sté Armor SNC, n° 355563

Le Département de la Vendée avait attribué un marché public portant sur le dragage d’un estuaire au Département de la Charente-Maritime. Saisi par un candidat évincé de la légalité de la décision de la commission d’appel d’offres portant sur le choix de l’attributaire et de la délibération du Conseil général autorisant son Président à signer la convention, les juges du fond avaient rejeté cette demande.

Ces décisions ont été contestées par la société requérante, notamment au motif, non dénué de pertinence, que le Département de la Charente-Maritime ne disposait pas de la compétence pour déposer régulièrement, sans se prévaloir d’un intérêt public local, une offre dans le cadre d’un marché exécuté en dehors de ses limites territoriales.

Par un arrêt rendu en formation plénière, le Conseil d’Etat rappelle, d’une part, que les compétences dont disposent les collectivités locales doivent s’exercer en vue de satisfaire un intérêt public local et, d’autre part, qu’aucun texte ou principe n’interdit à une collectivité de se porter candidate à l’attribution d’un contrat de la commande publique dès lors qu’un intérêt public local le justifie.

C’est dans la définition de la notion d’intérêt public local que le Conseil d’Etat apporte d’importantes précisions. Il considère en effet que la candidature à un contrat public est justifiée par un intérêt public si cette candidature « constitue le prolongement d’une mission de service public dont la collectivité ou l’établissement public de coopération a la charge, dans le but notamment d’amortir des équipements, de valoriser les moyens dont dispose le service ou d’assurer son équilibre financier, et sous réserve qu’elle ne compromette pas l’exercice de cette mission ». En d’autres termes, l’intervention de la personne publique en dehors de ses compétences territoriales peut être admise à raison d’un intérêt financier.

Il s’agit d’une consécration importante mais qui sera probablement minorée en pratique : il reste en effet difficile à admettre, et surtout à prouver, qu’une collectivité utilise les moyens de ses services pour assurer des prestations en dehors de ses limites territoriales pour un seul motif financier. Le Conseil d’Etat renvoie à la Cour administrative d’appel de Nantes le soin de trancher cette question au cas d’espèce.

En outre, le Conseil d’Etat confirme qu’une fois admise dans son principe, la régularité de cette intervention demeure liée à la preuve de ce que la concurrence n’est pas faussée. Plus précisément, les juges se fondent classiquement sur la notion de coût incrémental, en rappelant que « le prix proposé par la collectivité territoriale ou l’établissement public de coopération doit être déterminé en prenant en compte l’ensemble des coûts directs et indirects concourant à sa formation, sans que la collectivité publique bénéficie, pour le déterminer, d’un avantage découlant des ressources ou des moyens qui lui sont attribués au titre de ses missions de service public et à condition qu’elle puisse, si nécessaire, en justifier par ses documents comptables ou tout autre moyen d’information approprié ».

Le Conseil d’Etat précise enfin que ces règles s’appliquent « sans préjudice des coopérations que les personnes publiques peuvent organiser entre elles », permettant ainsi la prise en compte des optimisations issues des mutualisations de service entre collectivités.

Il conviendra de suivre attentivement les applications pratiques et les premières décisions rendues par les juges du fond sur la base de cet arrêt.