le 21/12/2017

La campagne à la ville ou la (re) découverte du bail rural

Code Rural et de lapêche maritime - Article L411-1

De nombreuses collectivités possèdent dans leur patrimoine, outre des immeubles, des terrains nus destinés à accueillir des aménagements, des terres agricoles.

Souvent oubliées, elles sont aujourd’hui redécouvertes et font l’objet de toutes les attentions.

En effet, ces terres représentant une richesse participant à l’équilibre d’un territoire, au bien-être de ses habitants.

Dans ces conditions, beaucoup de collectivités s’interrogent aux fins de savoir comment assurer la pérennité d’une activité agricole sur leur territoire tout en s’assurant que la production locale bénéficiera en partie à sa population qui pourra cueillir, ramasser, acheter des fruits et légumes directement sur leur lieu de production.

Le bail rural semble être l’outil idoine.

I-             Le régime juridique du bail rural

L’activité agricole est une activité réglementée.

Le bail rural a été créé par le Législateur pour assurer la pérennité des exploitations agricoles.

C’est un statut d’ordre public, il est donc interdit d’y déroger.

L’article L. 411-1 du Code rural définit le bail rural comme « toute mise à disposition à titre onéreux d’un immeuble à usage agricole en vue d’y exploiter pour y exercer une activité agricole définie par l’article L.311-1 est régie par les dispositions du présent titre, sous les réserves énumérées à l’article L.411-2 ».

Ainsi, trois critères sont indispensables pour que le bail puisse être qualifié de rural :

–       il s’agit tout d’abord d’une mise à disposition d’un bien à titre onéreux. En effet, la mise à disposition doit comporter une contrepartie. A défaut, en cas de gratuité, il s’agit d’un prêt à usage. Le loyer n’est pas libre. Il doit s’inscrire dans une fourchette de prix fixée par arrêté préfectoral.

–       par ailleurs, l’immeuble mis à disposition à tire onéreux doit avoir une destination agricole.

–       enfin, le preneur doit avoir l’intention d’y exercer une activité agricole. Ainsi, il ne suffit pas que les biens aient un usage agricole, encore faut-il que le preneur ait l’intention de les exploiter. Ainsi, il n’y a pas de bail rural si le preneur conclut un contrat pour exercer une activité agricole dérivée mais non une activité agricole de production. Tel serait le cas d’un camping sur une partie duquel serait installé des chevaux (Cass., 3ème civ., 23 mars 2005, n° 04-11.345).

Selon l’article L. 411-5 du Code rural, la durée du bail ne peut être inférieure à 9 ans. Le bail peut donc avoir une durée supérieure.

Toutefois, il convient de noter que si la durée du bail excède douze années, il doit être publié au service de publicité foncière.

Le preneur a droit au renouvellement de son bail (L.411-46 du Code Rural). Cette disposition est d’ordre public.

Le droit au renouvellement emporte conclusion d’un nouveau contrat aux mêmes conditions que l’ancien. Les parties fixent le prix du bail renouvelé. Si elles n’y parviennent pas amiablement, le prix sera fixé par le Tribunal paritaire des baux ruraux.

Le renouvellement étant un nouveau contrat, il se trouve soumis aux règles applicables lors de ce renouvellement (Cass., 3ème civ., 19 septembre 2007, n° 06-17267).

Cependant, le bailleur peut s’opposer au renouvellement du bail. Il n’a toutefois pas un droit discrétionnaire à le faire. En effet, les causes du non renouvellement sont strictement définies.

Il s’agit du non-respect des conditions d’exploitation, l’âge du fermier (atteinte de l’âge de la retraite), reprise du bien par le bailleur pour construire (L. 411-57 du Code rural).

En cas de non renouvellement, le bailleur doit, par acte d’Huissier, notifier le congé au preneur 18 mois avant la fin du bail.

Le fermier dispose d’un délai de 4 mois pour le contester devant le Tribunal paritaire des baux ruraux. A défaut de notification du congé dans les délais légaux, le bail est renouvelé.

Enfin, le bail peut être résilié à tout moment à l’amiable ou de manière judiciaire dans des cas limitativement prévu par le code.

II-            L’intérêt pour la collectivité de conclure un bail rural

Dès lors, il est établi que la collectivité en concluant un bail rural assure la pérennité de la destination agricole des terres dans la mesure où ainsi qu’il vient d’être vu, il est difficile d’y mettre fin à partir du moment où la destination agricole est respectée.

Plus encore, la collectivité, en concluant un bail rural, pourra s’assurer que ce « poumon vert » au cœur de la ville bénéficiera à ses habitants.

En effet, la collectivité, en sa qualité de bailleresse, pourra négocier et inclure dans ce bail rural des clauses aux termes desquelles le fermier s’engagera à vendre une partie de sa production sur le marché local, à fournir la restauration scolaire, à prévoir des ateliers pédagogiques, de sensibilisation à la nature, voir même de la formation pour adultes.

Dès lors, conclure un bail rural permet à la collectivité de participer au développement de son territoire, d’encourager l’ancrage territorial, de favoriser la production et la commercialisation des produits agricoles, de contribuer à la protection de la santé publique, et de promouvoir l’emploi de proximité.

Claire-Marie DUBOIS SPAENLE – Avocat Associé

Hakim ZIANE – Avocat à la Cour