Energie
le 03/04/2025

Biogaz : publication d’un rapport de la Cour des comptes sur le soutien au développement du Biogaz

Cour des comptes, rapport public thématique, le soutien au développement du Biogaz, Mars 2025

Alors que la France s’est fixé l’objectif de ne plus recourir au gaz naturel fossile en 2050, le développement du biogaz constitue un levier majeur pour permettre la neutralité carbone ainsi que pour garantir la sécurité de l’approvisionnement en énergie.

C’est dans ce contexte que la Cour des comptes a publié le 6 mars dernier, un rapport public permettant d’évaluer la politique de soutien au biogaz, dont on commentera ci-après certains aspects.

Pour rappel, le biogaz est un mélange gazeux, composé essentiellement de méthane et de dioxyde de carbone, produit grâce à la méthanisation, c’est-à-dire à la fermentation de matière et de déchets organiques. Le biogaz peut être utilisé pour produire de l’électricité et de la chaleur par « cogénération », ou il peut être injecté dans les réseaux de gaz sous forme de « biométhane » après épuration.

A titre liminaire, dans son rapport, la Cour des comptes souligne que d’importants fonds publics ont permis le développement de cette énergie renouvelable. Cette politique volontariste concerne essentiellement, la production de biométhane injecté sur le réseau de gaz, qui représente notamment 2,5 % du gaz consommé en France, et qui a augmenté de 25 % entre 2022 et 2023.

La Cour des comptes relève ensuite les bienfaits de cette énergie renouvelable, particulièrement pour la transition écologique, la décarbonation de la production d’énergie, la transition agroécologique, et la gestion des déchets.

Le rapport de la Cour a toutefois pour principale finalité d’analyser les objectifs des politiques publiques mises en œuvre par l’État et d’évaluer leurs conséquences sur les finances publiques. Or, à ce titre, la Cour des comptes se montre relativement critique.

 

En premier lieu, la Cour des comptes relève que les objectifs de développement relatifs au biogaz pour l’avenir sont insuffisamment étayés, notamment au regard des incertitudes sur la place future du gaz dans le mix énergétique et, de la disponibilité de la biomasse agricole dans le futur.

A cet égard, la Cour estime que les objectifs de production tiennent insuffisamment compte des conséquences de la baisse future de consommation de gaz naturel. En effet, cette baisse de consommation aura nécessairement des effets sur la gestion des réseaux de gaz, et sur la gestion des pics de consommation énergétique.

Ainsi, selon la Cour, il existe un risque que des tensions sur les approvisionnements émergent, du fait du manque de disponibilité de la biomasse à l’avenir, ce qui pourrait conduire à une augmentation du coût final de production de biogaz.

Par conséquent, la Cour préconise aux autorités compétentes d’actualiser les estimations de la disponibilité des gisements de biomasse, et souligne la nécessité de mettre en place une planification quant à sa mobilisation, en élaborant notamment des scénarios sur le mix énergétique jusqu’en 2050. En outre, la Cour recommande une coopération renforcée entre les gestionnaires du réseau de gaz et d’électricité, pour mieux définir les objectifs de production.

 

En deuxième lieu, la Cour des comptes souligne que le développement de la méthanisation a été financé par l’Etat, au travers de divers dispositifs de soutien public, tels que les tarifs d’achat garantis, des subventions d’investissements, des exonérations d’impôt ciblées sur la méthanisation dite « agricole », ou encore par la prise en charge des coûts de renforcement des réseaux par les consommateurs.

Toutefois, la Cour estime que la multiplicité des mécanismes de soutien rend difficile « l’appréciation de la rentabilité effective des installations » et le « juste calibrage des aides apportées à une filière naissante ». La Cour ajoute également que « les pouvoirs publics ne se sont […] pas suffisamment donné les moyens d’obtenir les informations permettant d’apprécier la rentabilité des installations ».

A cet égard, la Cour recommande un réajustement de ces aides afin qu’elles soient mieux ciblées et plus efficaces, c’est-à-dire adaptées aux exploitations visées, afin de favoriser le développement de la filière.

Par ailleurs, en ce qui concerne les certificats de production de gaz (CPB) récemment crées mais non encore mis en œuvre, la Cour estime que ce nouveau dispositif de soutien est susceptible de faire reposer le coût supplémentaire de production sur les consommateurs de gaz, et non sur le budget de l’Etat. Ce dispositif, similaire aux Certificats d’Economie d’Energie (CEE) impose aux fournisseurs de gaz naturel de prouver chaque année à l’État qu’ils détiennent une certaine quantité de certificats, sous peine de pénalité financière. Ils acquièrent ces certificats soit en assurant la production directe de biométhane, soit en les achetant.

La Cour des comptes préconise la réalisation d’une « évaluation robuste de l’évolution des capacités de production de biométhane susceptibles de recourir à ce dispositif, tenant compte de la répercussion des coûts sur les consommateurs. ».

 

En troisième lieu, la Cour souligne qu’au-delà de la production d’énergie renouvelable, la production de biogaz contribue à la politique publique de transition agroécologique et à la politique de traitement des déchets. En effet, la Cour des comptes note que « en privilégiant le développement de nombreuses installations agricoles, les dispositifs de soutien à la méthanisation ont visé à renforcer la résilience des exploitations agricoles ».

Toutefois, la Cour relève que l’ampleur de ces contributions est mal mesurée et appréciée.

Ainsi, la Cour des comptes préconise aux autorités compétentes d’évaluer avec plus de précision l’effet de la méthanisation sur les pratiques agricoles, sur la base d’une liste d’indicateurs clefs.

 

En définitive, la Cour des comptes relève que le soutien au biogaz en France repose sur un équilibre entre les objectifs des politiques publiques, mais des divergences entre ces objectifs nécessitent une hiérarchisation et une clarification des modes de soutien.

Ainsi, la Cour des comptes souligne, que dans ce contexte d’augmentation de la production de biogaz, il est crucial de maintenir un équilibre entre les enjeux énergétiques, climatiques, agricoles et environnementaux, tout en évaluant les bénéfices réels du soutien apporté.