Projets immobiliers publics privés
le 12/10/2023
Mathilde BLOCKMathilde BLOCK

Bail commercial – Exclusion du droit de préemption pour les locaux à usage industriel et définition de la notion par la Cour de cassation calquée sur celle retenue par le Conseil d’Etat en matière fiscale

Cass. Civ., 3ème, 29 juin 2023, n° 22-16.034, Société SEAC c/ C.

Confirmant que les locaux à usage industriel n’entrent pas dans le champ d’application du droit de préemption conféré au locataire commercial, la Cour de cassation saisit l’occasion de donner, pour la première fois, une définition de la notion de local à usage industriel calquée sur celle retenue par le Conseil d’Etat en matière fiscale.

Le contexte

Une société fabriquant des éléments de construction loue un local en vertu d’un bail commercial. Le bailleur met en vente son local sans mettre en œuvre le droit de préemption au profit de la société locataire, au motif qu’elle n’en bénéficierait pas compte-tenu de son activité industrielle non visée par l’article L. 145-46-1 du Code de commerce. En effet, cet article confère un droit de préemption au locataire qui exerce une activité dans un local « à usage commercial ou artisanal ».

La locataire saisit les juridictions pour solliciter l’annulation de la vente en raison de la violation du droit de préemption, mais la Cour de cassation rejette sa demande et donne raison au bailleur.

Confirmation de l’exclusion du droit de préemption et définition du local à usage industriel selon les critères du Conseil d’Etat

La Cour confirme en premier lieu l’exclusion des locaux à usage industriel du champ d’application du droit de préemption en matière de bail commercial (Cass. Com., art. L. 145-46-1). En l’absence de définition légale de local à usage industriel, la Cour de cassation s’appuie sur les critères dégagés par le Conseil d’Etat en matière fiscale pour caractériser cette notion :

« Le Conseil d’Etat a […] jugé que, au sens des articles 44 septies (CE, 28 février 2007, n° 283441), 244 quater B (CE, 13 juin 2016, n° 380490) et 1465 (CE, 3 juillet 2015, n° 369851) du Code général des impôts, ont un caractère industriel les entreprises exerçant une activité qui concourt directement à la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers et pour laquelle le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre est prépondérant.

  1. Si la définition donnée par le juge administratif relève de la matière fiscale, les critères dégagés sont opérants […] pour délimiter la portée de l’exclusion des locaux à usage industriel du droit de préférence.
  1. Dès lors, au sens de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce, doit être considéré comme à usage industriel tout local principalement affecté à l’exercice d’une activité qui concourt directement à la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers et pour laquelle le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre est prépondérant ».

En l’espèce, la Cour de cassation constate sur ce fondement que le local loué n’est pas à usage commercial mais bien industriel :

  • Les locaux loués sont destinés à la fabrication d’agglomérés ;
  • Les statuts de la société prévoient une activité de « préfabrication de tous éléments de construction à base de terre cuite, plancher murs et autres » ainsi que de « fabrication de hourdis, blocs et pavés béton » ;
  • L’activité de négoce n’est qu’accessoire.

Confirmant le caractère industriel de l’activité et de la destination des locaux dans lequel elle était exercée, la Cour de cassation écarte tout droit de préemption au profit du locataire.

A retenir : c’est la première fois que la Cour de cassation donne une définition du local à usage industriel, en s’inspirant des critères retenus par le Conseil d’Etat en matière fiscale.