le 03/05/2018

Autorisation environnementale : les pouvoirs de régulation du juge administratif

CE, 22 mars 2018, n° 415852

Saisie d’un recours en annulation de l’autorisation environnementale accordée pour l’exploitation de la ferme dite « des 1 000 vaches », la Cour administrative d’appel de Douai a interrogé le Conseil d’Etat sur quatre questions concernant les règles contentieuses applicables.

Dans son avis du 22 mars 2018, le Conseil d’Etat interprète les dispositions de l’article L.181-18 du Code de l’environnement, issu de l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale et donne ainsi la portée des pouvoirs dont dispose « le juge de l’autorisation environnementale ». Les dispositions examinées sont les suivantes :

« I.-Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés :

1° Qu’un vice n’affecte qu’une phase de l’instruction de la demande d’autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l’annulation qu’il prononce et demander à l’autorité administrative compétente de reprendre l’instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d’irrégularité ;

2° Qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations.

II.- En cas d’annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l’autorisation environnementale, le juge détermine s’il y a lieu de suspendre l’exécution des parties de l’autorisation non viciées. »

Tout d’abord, concernant le sursis à statuer en vue d’une régularisation de l’autorisation, le Conseil d’Etat précise que le juge administratif peut fixer prononcer le sursis à statuer lorsque le vice constaté entache d’illégalité une partie de l’autorisation ou la totalité, y compris s’il n’affecte qu’une phase de l’instruction, dès lors qu’il est régularisable et définir les modalités de régularisation ainsi que le délai dans lequel cette régularisation doit intervenir (voir considérant 4 et 5). Sur ce point, la Haute juridiction rappelle que le sursis à statuer a pour objet de permettre la régularisation de l’autorisation attaquée et implique donc l’intervention d’une décision complémentaire qui corrige le vice dont est entachée la décision attaquée (voir considérant 6).

Ensuite, le Conseil d’Etat se prononce sur les modalités d’annulation partielle de l’autorisation environnementale. Il se fonde sur les dispositions du 1° du I de l’article L. 181-18 pour indiquer que le juge peut prononcer « des annulations limitées soit à une ou plusieurs des anciennes autorisations désormais regroupées dans l’autorisation environnementale, soit à certains éléments de ces autorisations à la condition qu’ils en soient divisibles » (considérant 7). Il est précisé que l’annulation d’une phase d’instruction est possible dès lors qu’un vice de procédure est constaté. Le juge est alors invité à indiquer expressément quelle phase doit être regardée comme viciée (examen, enquête publique, phase de décision) afin de simplifier la reprise de la procédure administrative (considérant 8). Enfin, pour répondre précisément à la troisième question de la Cour administrative d’appel de Douai, le Conseil d’Etat conclut en indiquant que l’instruction devra déboucher sur une nouvelle décision portant, en cas d’annulation totale, sur l’ensemble de la demande d’autorisation environnementale et, en cas d’annulation d’un élément divisible, sur ce seul élément (voir considérant 9).

La deuxième question de la Cour administrative d’appel portait sur les modalités de suspension de l’autorisation prévue au II de l’article L.181-18 C. env.. Sur ce sujet, le Conseil d’Etat conclut que le juge administratif, lorsqu’il prononce l’annulation d’une partie divisible de l’autorisation peut suspendre l’exécution de la partie non annulée de l’acte dans sa décision d’annulation dans l’attente de la nouvelle décision que l’administration. Il peut également, sur le même fondement, lorsqu’il sursoit à statuer pour permettre la régularisation de l’autorisation, suspendre l’exécution de celle-ci cette suspension pouvant concerner des parties viciées et non viciées. En revanche, lorsque le juge prononce l’annulation de l’autorisation dans son ensemble, ces dispositions sont sans objet puisque l’autorisation attaquée n’existe plus (considérant 12).

Enfin, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur les modalités de la régularisation de l’autorisation attaquée et a indiqué que pour être valide, celle-ci doit appliquer les dispositions en vigueur à la date de la décision attaquée s’il s’agit d’un vice de forme et à la date de la décision de régularisation s’il s’agit d’un vice de fond. Par ailleurs, « lorsque le juge a annulé la décision, que ce soit pour un vice de forme ou de procédure ou un motif de fond, la nouvelle décision doit être prise conformément aux dispositions en vigueur à la date à laquelle elle intervient » (considérant 16). La Haute juridiction précise également qu’une insuffisance du dossier de demande telle que la capacité technique et financière, qui était au nombre des informations à transmettre en vertu de la réglementation applicable à la date de la délivrance de l’autorisation, et qui est soumis à enquête publique, entraîne un défaut d’information du public, qui est susceptible d’entacher la légalité de la décision (considérant 17). Il indique plus précisément sur ce dernier point que « la circonstance que les règles de composition du dossier de demande aient évolué, en l’espèce dans un sens favorable au demandeur, ne dispense pas ce dernier de l’obligation de régulariser le vice de procédure affectant la légalité de l’autorisation attaquée. S’il est établi que l’autorité administrative compétente a reçu, postérieurement à l’autorisation, les éléments justifiant la constitution effective des capacités techniques et financières qui manquaient au dossier de demande initialement déposé, cet élément de la régularisation peut être regardé par le juge comme ayant été accompli. Il demeure néanmoins nécessaire de compléter l’information du public si le caractère incomplet du dossier d’enquête publique a affecté la légalité de la décision. Le juge peut alors fixer des modalités de régularisation adaptées permettant l’information du public, qui n’imposent pas nécessairement de reprendre l’ensemble de l’enquête publique ».