le 12/12/2019

Automatisme de l’enquête en cas de dénonciation de faits de harcèlement

Cass. Soc., 27 novembre 2019, n° 18-10.551

Principe antérieur : L’employeur manquait à son obligation de sécurité dès lors qu’un salarié était victime de faits de harcèlement sur son lieu de travail, peu importe les mesures prises par l’entreprise (Cass. Soc., 3 févr. 2010, n° 08-44.019).

Par la suite, il a été jugé que l’employeur manque à son obligation de protection de la santé des salariés s’il ne justifie pas avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par le code du travail et toutes les mesures immédiates propres à faire cesser le harcèlement dès qu’il a été informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral (Cass. Soc., 1er juin 2016, n° 14-19.702).

 

Evolution jurisprudentielles : Dans un arrêt du 27 novembre 2019, la Cour de cassation affirme que « l’obligation de prévention des risques professionnels, qui résulte des textes susvisés, est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral […] et ne se confond pas avec elle » et censure à ce titre, la solution de la Cour d’appel qui avait débouté une salariée de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité en retenant « qu’aucun agissement répété de harcèlement moral n’étant établi, il ne peut être reproché à l’employeur de ne pas avoir diligenté une enquête et par là-même d’avoir manqué à son obligation de sécurité ».

Portée de l’arrêt : Il ressort de cette décision que la Cour de cassation adopte une solution particulièrement sévère pour les entreprises en considérant que l’employeur qui ne diligente pas une enquête après la dénonciation de faits de harcèlement par un salarié manque à son obligation de prévention, et ce, même si les faits ne sont pas établis.

Autrement dit, même si comme l’avait considéré la Cour d’appel dans cette affaire, l’employeur ne dispose que des seules affirmations du salarié sur l’existence d’une situation laissant présumer un harcèlement moral sans autres éléments matériels à ce titre, il doit diligenter une enquête afin de faire la lumière sur ces agissements.

A défaut, il risque de voir sa responsabilité engagée et partant, d’être condamné au versement de dommages-intérêts pour manquement à son obligation de prévention des risques professionnels peu important qu’in fine les faits allégués par le plaignant soit établis ou non.

 

En pratique : Afin d’éviter tout aléa juridique en cas de contentieux, l’employeur serait donc désormais contraint de diligenter une enquête dès qu’un salarié lui indique être victime de faits de harcèlement moral.

Celle-ci pourra être diligentée en interne ou de préférence selon le cas d’espèce, être confiée à un organisme extérieur.

A l’issue d’une telle enquête dont le résultat devra en tout état de cause, être porté à la connaissance du salarié plaignant, deux hypothèses peuvent se présenter :

  • soit les faits sont avérés et dans ce cas, il conviendra d’envisager une sanction disciplinaire à l’encontre de l’auteur des faits pouvant aller jusqu’à son licenciement ;
  • soit les faits ne sont pas établis et dans ce cas, l’employeur pourra en cas de contentieux, se prévaloir du rapport d’enquête pour démontrer le respect de son obligation de sécurité et justifier l’absence de mise en œuvre de mesures particulières, sous réserve d’autres mesures que le Médecin du travail pourrait l’inviter à appliquer (exemple : éloignement des deux salariés concernés,…).

Par Marjorie Fredin