le 15/03/2018

Attaques diffamatoires contre un élu de la République – conditions d’une sanction judiciaire pénale et civile

Cass., crim., 23 janvier 2018, n° 16-85.316

Dans cet arrêt, la chambre criminelle de la Cour de cassation rappelle les conditions dans lesquelles les attaques diffamatoires portées contre un élu de la République seront sanctionnées par une décision de condamnation pénale et civile, nonobstant le moyen de défense habituel tiré du débat de polémique politique et du débat d’intérêt général (article 10 de la convention européenne – droit à la liberté d’expression politique) :

« Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de diffamation envers un citoyen chargé d’un mandat public, la cour d’appel a, d’une part, exactement apprécié le sens et la portée des propos incriminés, lesquels, reprochant à M. Didier X… la pratique » le clientélisme » « le favoritisme », d’acheter, avec l’argent public, le silence de la presse » et de  » dilapider l’argent public pour aller en Amérique, Australie ou aux Seychelles », constituaient des faits précis, susceptibles de donner lieu, à l’audience, à débat contradictoire, et portaient atteinte à son honneur et sa considération et a retenu, ainsi, à bon droit, qu’ils comportaient des imputations diffamatoires visant M. Didier X…, en sa qualité de président de la région de […] , dépositaire de l’autorité publique, d’autre part, a refusé au prévenu le bénéfice de la bonne foi, après avoir estimé que celui-ci était « mu par une animosité personnelle« , qu’il avait « manqué de prudence dans ses propos » et que « ses accusations » … » dépassaient le cadre de la polémique politicienne » et « ne reposaient sur aucune base factuelle »; ».

Ces critères sont certes stricts et souvent délicats à mettre en œuvre, mais leur admission par la Cour de cassation démontre qu’une condamnation pénale et civile n’est pas impossible.

Par ailleurs, pour les lecteurs plus éclairés, la Cour de cassation rappelle un principe procédural d’importance mais établi de longue date : la Cour d’appel est tenue, quoique saisie sur le seul appel de la partie civile (dont l’effet dévolutif ne s’attache qu’aux intérêts civils), d’évoquer (pouvoir d’évocation intégrale) à la fois les intérêts pénaux et les intérêts civils de l’affaire, lorsqu’elle infirme un jugement de premier instance ayant fait droit à la nullité des actes de poursuites (nullité de la citation directe). La Cour d’appel est donc en mesure d’assortir sa décision de condamnation du chef de diffamation d’une peine pénale, au-delà de l’allocation de dommages et intérêts.

Ce pouvoir d’évocation intégrale n’est toutefois pas reconnu à une Cour d’appel qui infirme un jugement de première instance ayant fait droit à l’exception de prescription de l’action. Dans ce cas, l’appel de la partie civile ne saisira la Cour que des intérêts civils ; la Cour d’appel ne sera pas en mesure d’assortir sa décision de condamnation du chef de diffamation d’une sanction pénale ; seule la question des dommages et intérêts sera évoquée.

Restera à comprendre pourquoi la chambre criminelle opère une telle distinction.