le 13/09/2016

Arrêtés « anti-burkini » : le Juge des référés du Tribunal administratif de Bastia rejette la demande de suspension de l’arrêté du Maire de Sisco (référé suspension)

TA de Bastia, ordonnance du 6 septembre 2016, n° 1600975

Quelques jours après l’ordonnance du Conseil d’Etat ayant annulé l’arrêté de police du Maire de Villeneuve-Loubet (voir brève dédiée dans la LAJ d’août 2016), la décision du Tribunal administratif de Bastia appelé à se prononcer sur la demande de suspension de l’arrêté « anti-burkini » du Maire de Sisco était particulièrement attendue.

Plusieurs voix s’étaient en effet élevées pour signaler la particularité de la situation de cet arrêté interdisant, jusqu’au 30 septembre 2016, l’accès aux plages de Sisco et à la baignade à toute personne n’ayant pas une tenue correcte, respectueuse des bonnes mœurs et de la laïcité, à raison de la survenance le 13 août 2016 d’une violente altercation sur une plage de la Commune à l’origine de l’arrêté.

Or, rappelons que le Conseil d’Etat, dans l’ordonnance précitée du 26 août 2016, a jugé l’arrêté « anti-burkini » de Villeneuve-Loubet manifestement illégal à raison de l’absence de trouble ou de risque d’atteinte à l’ordre public susceptible de le fonder.

De sorte qu’il est effectivement permis de soutenir juridiquement que, dès lors qu’un risque d’atteinte à l’ordre public à raison du port de ce type de tenue serait effectivement caractérisé, il serait permis à un Juge, sans adopter une position contraire à l’ordonnance du Conseil d’Etat du 26 août 2016, de statuer en faveur de la régularité d’une mesure de police qui serait jugée en outre nécessaire et proportionnée.

C’est en l’occurrence l’option retenue par le Tribunal administratif de Bastia dans l’ordonnance du 6 septembre 2016, lequel a considéré que l’altercation du 13 août 2016 au cours de laquelle plusieurs personnes ont été blessées ainsi que son retentissement ont été de nature à créer un risque de trouble sur les plages de Sisco caractérisé par le port de ce type de tenue, qu’il appartenait au Maire de prévenir.

Le Tribunal a estimé, en outre, que la limitation de cet arrêté dans le temps, en faisait une mesure de police proportionnée.

Par conséquent, il a rejeté la demande de suspension formée par la Ligue des droits de l’Homme, laquelle a d’ores et déjà annoncé interjeter appel de cette décision devant le Conseil d’Etat.

A nouveau, l’ordonnance à venir de la Haute juridiction ne manquera donc pas d’intérêt puisqu’à notre sens, l’ordonnance du Tribunal administratif comporte plusieurs fragilités :

–           la matérialité des faits tout d’abord questionne, le Tribunal administratif relevant d’ailleurs lui-même que la présence d’une personne en burkini au moment de l’altercation n’est que supposée ;

–           la qualification juridique du risque de troubles à l’ordre public à raison du port de cette tenue pourrait également susciter un débat juridique intéressant car il n’est absolument pas évident de justifier de ce que l’émotion suscitée par une tenue permettrait que son port soit à lui seul qualifié de risque de troubles : en d’autres termes, le risque de troubles serait-il inhérent au port du vêtement lui-même ou aux comportements d’autres baigneurs ?

–           enfin, le caractère nécessaire et proportionné de la mesure n’a fait l’objet dans l’ordonnance d’aucune démonstration véritable ; de sorte qu’il y a également encore à notre sens, matière à débat devant la Haute juridiction, d’autant que l’arrêté couvre l’ensemble de la saison estivale.

Il sera signalé au demeurant que le Juge des référés du Tribunal administratif de Nice a rendu ce lundi 12 septembre 2016, deux ordonnances rejetant, selon le même raisonnement que celui retenu par le Tribunal administratif de Bastia, la suspension des arrêtés « anti-burkini » de Cagnes-sur-Mer et Vallauris-Golfe-Juan jugeant également que des altercations sur les plages respectives de ces communes permettraient de caractériser un trouble à l’ordre public de nature à fonder de telles mesures de police.

Les associations ont également d’ores et déjà annoncé leur intention de former un appel contre ces décisions devant le Conseil d’Etat.

Suite et fin de cette saga juridique, dans les prochains jours (à l’heure actuelle, le Conseil d’Etat n’a pas encore communiqué sur la tenue d’une audience sur l’une ou l’autre de ces affaires).