le 12/10/2016

Arrêtés « anti-burkini »: le Conseil d’Etat suspend l’arrêté du Maire de Cagnes-sur Mer (référé liberté)

CE, 26 septembre 2016, n° 403578

Ainsi que nous vous le signalions dans la lettre d’actualité juridique du mois de septembre, le Juge des référés du Tribunal administratif de Nice, suivant l’exemple de celui de Bastia (dans le contentieux relatif à l’arrêté pris par le Maire de Sisco) avait rejeté, par une ordonnance du 12 septembre 2016, la suspension de l’arrêté « anti-burkini » du Maire de Cagnes-sur-Mer, jugeant que l’altercation survenue sur la plage de cette commune à l’origine de la mesure de police était de nature à caractériser un risque de trouble à l’ordre public et, par suite, fondait légalement cette décision au regard des dispositions de l’article L. 2212-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales (CGCT).

Par une ordonnance du 26 septembre 2016, le Conseil d’Etat a cependant annulé cette ordonnance considérant, au contraire, que l’altercation verbale ayant eu lieu le 23 août 2016 sur l’une des plages de la commune entre une famille dont deux membres portaient des burkinis et d’autres usagers de la plage, compte tenu de sa nature et de sa gravité limitée, malgré les attentats de Nice et le maintien de l’état d’urgence, n’était pas susceptible de faire apparaître des risques avérés de troubles à l’ordre public de nature à justifier légalement la mesure d’interdiction contestée.

Dans ces conditions, le Conseil d’Etat a donc considéré que le Maire ne pouvait prendre l’arrêté querellé, soit interdire l’accès des plages et à la baignade aux personnes portant des tenues manifestant de manière ostensible une appartenance religieuse, sans excéder ses pouvoirs de police.

Par suite, il a conclu au caractère manifestement illégal de la mesure.

Considérant en outre que cette restriction portait une atteinte grave à la liberté d’aller et venir, à la liberté de conscience et à la liberté personnelle, le Conseil d’Etat a décidé par cette ordonnance, en application des prérogatives résultant des dispositions de l’article L. 521-2 du CJA sur le fondement desquelles il était saisi, de la suspension de cet arrêté.

Il y a donc lieu de retenir que par cette décision, le Conseil d’Etat est venu directement appliquer la solution issue de l’ordonnance rendue le 26 août 2016 sur l’arrêté de police de Villeneuve-Loubet en adoptant exactement le même raisonnement après avoir considéré que l’existence d’une altercation préalable mineure liée au port d’un burkini n’était pas davantage que le contexte post-attentat de nature à caractériser un risque d’atteinte à l’ordre public susceptible de fonder légalement une telle mesure de police.

Les conditions de la suspension d’une mesure dans le cadre d’un référé suspension étant moindres que celles requises en référé liberté, il est des plus probables, en dépit des proportions plus importantes prises par l’altercation survenue sur les plages de Sisco (si tant est que le lien avec le port de tenue de type « burkini » soit reconnu) que le Conseil d’Etat se prononce également (si sa saisine annoncée par la LDH a bien été formalisée) en faveur de l’annulation de l’ordonnance du Tribunal administratif de Bastia.

Une dernière brève relative à ce que l’on pourrait appeler « la problématique juridique de l’été » est donc en principe à suivre.