le 15/03/2018

Application dans le temps des dispositions de l’ordonnance du 29 janvier 2016 relatives à l’indemnisation du titulaire d’un contrat de concession annulé par le juge.

CE, 9 mars 2018, société GSN-DSP, req. n° 406669

Par un arrêt en date du 9 mars 2018, le Conseil d’État est venu préciser que les dispositions de l’article 56 de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relatives à l’indemnisation des frais financiers pour les contrats de concession ne s’appliquent que lorsque l’annulation, la résolution ou la résiliation d’un contrat résulte d’une décision juridictionnelle intervenue à compter du 31 janvier 2016, lendemain du jour de la publication de l’ordonnance.

Pour rappel, la commune de Nice a confié à un groupement d’entreprise, le 18 janvier 2006, un contrat de concession portant sur la conception, la construction, la maintenance et l’exploitation d’un stade de football pour une durée de trente ans. A la suite du transfert de ce contrat à la société GSN-DSP, société de projet, le Tribunal administratif de Nice, saisi d’un déféré du préfet des Alpes-Maritimes, a annulé la délibération autorisant la signature du contrat ainsi que le contrat, par un jugement du 22 décembre 2006 devenu définitif.

La société GSN-DSP a ensuite saisi le même Tribunal d’une demande tendant à la condamnation de la commune à l’indemniser de son préjudice lié à l’annulation du contrat et a obtenu la somme de 1 504 590 euros par un jugement du 18 juillet 2014. Saisi de l’appel de la commune de Nice contre ce jugement, la Cour administrative d’appel de Marseille a porté la condamnation à la somme 2 454 210 euros par un arrêt du 7 novembre 2016. Considérant que cet arrêt ne faisait droit que partiellement à ses conclusions d’appel, la société GSN-DSP a formé un pourvoi devant le Conseil d’Etat.

A ce titre, le Conseil d’Etat a rappelé les conditions d’indemnisation précisées dans sa décision Société Decaux (CE, 10 avril 2008, req. n° 244950) aux termes de laquelle le co-contractant de l’administration dont le contrat a été annulé par le juge peut prétendre au remboursement, sur un terrain quasi-contractuel, de ses dépenses qui ont été utiles à l’administration et qu’il peut, en outre, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l’administration ayant conduit à l’annulation du contrat, sous réserve cependant du partage de responsabilités découlant, le cas échéant, de ses propres fautes.

Surtout, et c’est l’apport essentiel de l’arrêt, le Conseil d’Etat a jugé que « si le régime juridique applicable à l’indemnisation des frais financiers a été précisé par les dispositions du I de l’article 56 de l’ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession » – qui prévoient, pour rappel, qu’en « cas d’annulation, de résolution ou de résiliation du contrat de concession par le juge, faisant suite au recours d’un tiers, le concessionnaire peut prétendre à l’indemnisation des dépenses qu’il a engagées conformément au contrat dès lors qu’elles ont été utiles à l’autorité concédante, parmi lesquelles figurent, s’il y a lieu, les frais liés au financement mis en place dans le cadre de l’exécution du contrat y compris, le cas échéant, les coûts pour le concessionnaire afférents aux instruments de financement et résultant de la fin anticipée du contrat » –, il ressort toutefois « de l’article 78 de la même ordonnance que ces dispositions ne s’appliquent que lorsque l’annulation, la résolution ou la résiliation d’un contrat résulte d’une décision juridictionnelle intervenue à compter du 31 janvier 2016, lendemain du jour de la publication de l’ordonnance ».
Ainsi, le Conseil d’Etat a retenu que ces dispositions ne pouvaient être appliquées puisque le contrat litigieux avait été annulé par un jugement rendu plus de neuf années avant le 31 janvier 2016.

Enfin, le Conseil d’Etat a jugé que « s’agissant d’une délégation de service public, le co-contractant de l’administration peut prétendre, sur le terrain quasi-contractuel, au remboursement des dépenses d’investissement qu’il a effectuées relatives aux biens nécessaires ou indispensables à l’exploitation du service, à leur valeur non amortie évaluée à la date à laquelle ces biens font retour à la personne publique, ainsi que du déficit d’exploitation qu’il a éventuellement supporté sur la période et du coût de financement de ce déficit, pour autant toutefois qu’il soit établi, au besoin après expertise, que ce déficit était effectivement nécessaire, dans le cadre d’une gestion normale, à la bonne exécution du service public et que le coût de financement de ce déficit est équivalent à celui qu’aurait supporté ou fait supporter aux usagers le délégant ».

Et, le Conseil d’Etat a relevé l’erreur de droit commise par la Cour qui, pour rejeter la demande indemnitaire présentée par la société au titre de la responsabilité quasi-délictuelle de la commune, ne pouvait pas juger comme non utiles les frais qu’elle avait engagés pour assurer l’exécution du contrat en s’abstenant de rechercher, au préalable, si ces dépenses correspondaient au coût de financement d’un déficit d’exploitation.