le 15/04/2021

Annulation partielle par le Conseil d’Etat du décret du 20 février 2020 portant mise en œuvre du traitement automatisé GendNotes

CE, 13 avril 2021, n° 439360

Par son arrêt n° 439360 du 13 avril 2021, le Conseil d’État va amener le Ministère de l’Intérieur à reconsidérer son projet d’interconnecter avec des fichiers tiers l’application de prise de notes utilisée sur le terrain par la Gendarmerie Nationale – en tout cas jusqu’à des précisions sur les finalités de traitement dont il a relevé l’absence.

Par un décret du 20 février 2020, le Premier ministre a autorisé le ministre de l’intérieur à mettre en œuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Application mobile de prise de notes » (GendNotes). Cette application vise à faciliter d’une part le recueil et la conservation des données collectées par les gendarmes à l’occasion d’actions de prévention, d’investigations ou d’intervention en vue de leur exploitation dans d’autres fichiers et d’autre part la transmission de comptes rendus aux autorités judiciaires.

Plusieurs associations dont la Ligue des droits de l’homme avaient demandé au Conseil d’État l’annulation de ce décret par la voie d’un recours formé au mois de mars 2020.

Statuant au contentieux, la Haute juridiction constate que le texte ne comporte aucune indication sur la nature ou l’objet des transferts de données collectées via GendNotes qui pourraient être réalisés vers d’autres fichiers, ni sur leurs conditions d’exploitation dans ces fichiers. En conséquence, le Conseil d’État juge que la finalité du traitement GendNotes n’est pas « déterminée, explicite et légitime » comme l’exige pourtant la loi « Informatique et libertés » du 6 janvier 1978. De sorte qu’il identifie un risque substantiel de détournement de finalité. Par conséquent, il annule la possibilité de transférer les données de GendNotes vers d’autres fichiers.

En revanche, le Conseil d’État a refusé d’annuler la partie du décret qui permet la collecte de données sensibles. Ces dispositions permettent aux gendarmes d’enregistrer dans la zone de commentaire libre de GendNotes des données « relatives à la prétendue origine raciale ou ethnique, aux opinions politiques, philosophiques ou religieuses, à l’appartenance syndicale, à la santé ou à la vie sexuelle ou l’orientation sexuelle » à condition qu’elles soient « strictement nécessaires ». Les associations saisissantes craignaient la mise en place d’un fichage massif des minorités. La juridiction a pourtant estimé que le dispositif présentait, sur ce point, des garanties suffisantes et que les finalités poursuivies par celui-ci ainsi que ses conditions de mise en œuvre étaient conformes à la loi.

Le juge administratif s’est néanmoins attaché à rappeler expressément les conditions de légalité de la collecte de ces données sensibles. D’une part, ces données ne peuvent être collectées qu’en cas de « nécessité absolue », cette condition devant être appréciée, « au regard des seules nécessités de l’intervention au cours de laquelle elles sont collectées, notamment pour la compréhension d’un fait ou la qualification ultérieure d’une infraction ». D’autre part, a été soulignée l’impossibilité d’utiliser les données collectées dans ce cadre comme une base d’entrée pour quelque recherche que ce soit.