le 18/04/2019

Annulation par le Conseil d’Etat d’une concession d’aménagement entièrement exécutée pour les vices entachant sa validité

CE, 15 mars 2019, Société anonyme gardéenne d’économie mixte, req. n° 413584

Par une décision en date du 15 mars dernier, le Conseil d’Etat a annulé rétroactivement une concession d’aménagement, arrivée à son terme, en raison des vices ayant entachés gravement sa validité.

En août 2011, la Commune de Saint-Tropez a conclu avec la société Kaufman & Broad Provence une concession d’aménagement portant sur la restructuration urbaine de trois secteurs de son centre-ville. Candidate évincée à la procédure de passation, la Société anonyme gardéenne d’économie mixte (SAGEM) a tenté d’obtenir l’annulation du contrat, en première instance puis en appel, par un recours en plein contentieux[1].

Après avoir cassé un premier arrêt d’appel puis renvoyé l’affaire, le Conseil d’Etat a été saisi, de nouveau, d’un pourvoi en cassation en novembre 2017, alors que la concession d’aménagement avait pris fin en août 2017, les travaux étant d’ores et déjà achevés.

Dans la décision commentée, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt rendu par la Cour et les motifs de la cassation sont particulièrement sévères. En effet, le Conseil d’Etat a jugé que :« la cour administrative d’appel de Lyon, qui était pourtant saisie d’argumentations développées des parties sur ce point, s’est bornée à faire état, en des termes hypothétiques et imprécis, des conséquences inextricables d’une éventuelle annulation et de la complexité de l’ensemble des montages juridiques et financiers qui pourraient pour certains être remis en cause par une telle mesure. Elle n’a ce faisant pas mis le juge de cassation à même de procéder à un contrôle de qualification juridique sur son appréciation des conséquences à tirer sur le contrat des irrégularités constatées et a, ainsi, insuffisamment motivé sa décision ».

Puis, statuant sur cette affaire, le Conseil d’Etat a annulé la concession d’aménagement pour les trois vices ayant « affectés gravement la légalité du choix du concessionnaire » et tirés de la méconnaissance des règles de publicité et de mise en concurrence.

Tout d’abord, le Conseil d’Etat a jugé que la Commune a méconnu l’article R. 300-8 du Code de l’urbanisme et son règlement de consultation en examinant l’offre de l’attributaire en l’absence de documents probants sur sa capacité financière à exécuter le contrat, en ce que la société s’est fondée sur les capacités de sa maison-mère sans pouvoir justifier que cette dernière avait mis ses capacités et garanties à sa disposition.

Ensuite, la société attributaire était accompagné, lors des négociations, du cabinet d’architecture qui avait établi les dossiers de permis de construire sur lesquels les offres devaient être construites, ce que la Commune n’avait pas pu ignorer. A cet égard, relevant la « volonté de la personne publique de favoriser un candidat », le Conseil d’Etat a jugé que la Commune avait méconnu le principe d’égalité entre les candidats.

Enfin, le Conseil d’Etat a estimé que des modifications intervenues au stade de la signature du contrat (dont le nombre de logements sociaux, la densité retenue et le nombre de places de parking) avaient altéré « substantiellement l’économie du projet mis à la concurrence » en violation des règles de mise en concurrence et de publicité.

Constatant la particulière gravité des vices entachant la validité de la concession et l’absence de régularisation possible, le Conseil d’Etat a estimé que l’annulation rétroactive du contrat ne porte pas une atteinte excessive à l’intérêt général.

En effet, le Conseil d’Etat a noté que la résiliation de cette convention n’implique pas l’annulation de baux emphytéotiques conclus entre la commune et l’aménageur ou celle d’actes de droit privés conclus par l’aménageur avec la commune ou avec des tiers.

Dans la décision commentée, le Conseil d’Etat rappelle néanmoins aux parties la nécessité de « réexaminer l’exécution financière de la concession d’aménagement annulée sur le terrain quasi-contractuel de l’enrichissement sans cause ainsi que, le cas échéant, sur le terrain de la faute », ainsi que la restitution par l’ancien concessionnaire des biens n’ayant pas été cédés à des tiers.

Reste donc, pour les parties, à organiser les conséquences de cette annulation.

[1] Dans les conditions de la jurisprudence de l’Assemblée du Conseil d’Etat du 16 juillet 2007, Société Tropic Travaux Signalisation, n° 291545.