Environnement, eau et déchet
le 05/06/2025

Animaux nuisibles : annulation de l’inscription de plusieurs espèces animales

CE, 13 mai 2025, n° 480617

À la suite de recours de plusieurs associations de protection de l’environnement, le Conseil d’Etat a annulé partiellement l’arrêté du 3 août 2023 du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires en tant qu’il classe certaines espèces comme espèces susceptibles d’occasionner des dégâts (ESOD) dans plusieurs départements.

Lorsqu’une espèce est inscrite sur la liste des ESOD, l’article R. 427-8 du Code de l’environnement (C. env.) prévoit qu’elle peut être détruite par le propriétaire, le possesseur ou le fermier des territoires sur lesquels elle se trouve.

Cette inscription est décidée par le ministre chargé de la Chasse en vertu de l’article R. 427-6 du C. env. Au niveau local, en vertu du I. 2° de cet article, le ministre fixe, pour une durée de trois ans, une liste de ces espèces pour chaque département sur proposition du préfet et après avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage.

Ce classement doit être justifié par l’un des motifs énumérés à l’article R. 427-6 du C. env., à savoir :

« 1° Dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ;

2° Pour assurer la protection de la flore et de la faune ;

3° Pour prévenir des dommages importants aux activités agricoles, forestières et aquacoles ;

4° Pour prévenir les dommages importants à d’autres formes de propriété. »

En l’espèce, la ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a fixé, pour trois ans, une liste des ESOD dans certains départements par un arrêté du 3 août 2023.

Plusieurs associations ont introduit différentes requêtes en annulation contre cet arrêté devant le Conseil d’Etat.

Le Conseil d’Etat a d’abord rappelé qu’il existe deux conditions alternatives justifiant l’inscription d’une espèce :

  • Soit lorsque cette espèce est répandue de façon significative dans le département (à priori à partir de 500 spécimens) et que, compte tenu des caractéristiques géographiques, économiques et humaines de celui-ci, sa présence est susceptible de porter atteinte aux intérêts protégés ;
  • Soit lorsqu’il est établi qu’elle est à l’origine d’atteintes significatives aux intérêts protégés (à priori lorsque les dommages excèdent au moins 10.000 euros).

Afin de déterminer si le classement des espèces était justifié, la haute juridiction a procédé à un contrôle in concreto de la situation de chaque espèce, au niveau de chaque département.

Au nom du principe de prévention posé par l’article L. 110-1 du Code de l’environnement, le Conseil d’Etat a jugé que le ministre devait se fonder sur les données pertinentes dans chaque département afin de fixer la liste des ESOD et notamment sur les services écosystémiques que les espèces peuvent rendre.

Au-delà du cadre juridique national, le Conseil d’Etat a appliqué deux directives européennes de protection de la faune sauvage.

La directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages qui impose notamment que les prélèvements de spécimens intégrés en annexe soient compatibles avec leur maintien dans un état de conservation favorable.

La directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages qui prévoit, elle, la réalisation d’une étude de l’existence d’autres solutions satisfaisantes à la destruction d’une espèce d’oiseaux sauvages avant toute destruction.

C’est ainsi que pour chaque département, le Conseil d’Etat a notamment analysé le montant exact des dégâts occasionnés par chaque espèce en cause mais aussi le nombre de spécimens effectivement présents :

  • Pour la martre, le classement est annulé dans tous les départements faute de données actualisées sur son état de conservation, en violation de la directive Habitats de 1992 ;
  • Pour la fouine dans trois départements, le corbeaux freux dans deux départements, la corneille noire dans six départements, la pie bavarde dans sept départements, l’étourneau sansonnet dans trois départements, le geai des chênes dans deux départements, le classement est annulé faute de preuve de leur présence ou de dégâts significatifs ;
  • Pour le renard, inscrit comme ESOD dans de nombreux départements, seuls les classements dans trois départements, particulièrement touchés par la présence des campagnols et en raison du rôle régulateur du renard, ont été annulés.

La juridiction s’est également prononcée sur les modalités de destruction de cette espèce. Dans onze départements, les préfets n’ont pas proposé que le renard puisse être détruit par déterrage et le ministre n’a pas apporté d’éléments de nature à établir que cette modalité de destruction serait nécessaire à la bonne régulation de l’espèce dans ces départements. Ainsi, le juge a annulé l’inscription du renard sur onze listes départementales au titre qu’elles n’ont pas précisé que le renard ne peut être détruit qu’à tir ou par piégeage.

Par cet arrêt, le Conseil d’Etat affirme ainsi que la destruction d’espèces, même classées comme ESOD, ne peut être autorisée sans une justification rigoureuse, localisée et documentée exigée par les normes nationales mais aussi européennes.